photo RC – proche du phare de l’île vierge Finistère nord
Tout à l’heure je serai sur la pointe friable, au bout du bout de la côte. Je regarderai l’Océan déraciner des arbres de sable, des arbres centenaires, qui depuis des centaines se déracinent plusieurs fois par seconde, avec toujours des yeux pour l’aventure.
Tout à l’heure j’aurai fini de traverser le marais, j’en aurai fini avec cette route qui va s’en aller, qui se traîne et crache des ombres aux tournants.
Tout à l’heure je serai à cet endroit de la côte d’où les vagues, entre elles, paraissent un attelage de bœufs, et je regarderai les bêtes toutes d’écume, labourer les sables éteints.
Tout à l’heure il sera tard. Les mouettes mangeront les dernières minutes agitées dans le soleil et le cri de la terre que le jour quitte, s’élèvera de toutes les issues, comme une clameur de fête.
Tout à l’heure, arrivé à cette place haute, en surplomb de l’océan, je regarderai rentrer les bateaux fatigués, comme des chiens qui ont couru le vent. Je regarderai le vent traverser l’air, les cheveux et les doigts de pieds déjà plein de sel.
Et lorsque les rocs irascibles se mettront à chanter, lorsque les arbres se prendront pour les phoques et se mettront à marcher droit de côté,
j’y serai, debout,les yeux ouvert à l’étranger. J’y serai sur l’aile friable, à la pointe de la pointe, au dernier caillou de la côte, que l’ombre de l’oiseau peut, à elle seule, recouvrir.
peinture: aquarelle d’ Emile Nolde: demi-lune au- dessus de l’eau-
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C’est penché par-dessus la barque, Que je lance la nasse des idées. Peut-être qu’un poisson me regarde, Et souhaiterait lire, Dans mon image, Dressée, De l’autre ôté de la surface.
Quelles seraient mes intentions… ? De la soif et des rêves, De faire que la pêche soit abondante Certains diraient, miraculeuse … Quantité de mots s’ordonneraient, Certains mats, d’autres brillants, Et porteurs des sons,
Ceux que l’on n’entend pas, Si on ne franchit pas la surface, Pour aller les chercher, Au delà du fluide murmure de l’eau Et de son propre reflet… Un rideau mouvant, déformé Par le soupir des vagues.
Elles ont leur propre langage, Il me faut parmi elles, L’interpréter, pour aller Chercher mon propre récit, Remonter le filet, Me rapprocher de la côte … Je m’en étais éloigné.