Anne Salager – Le grand sommeil

Des roches liquéfiées balbutient
pour elle d’anciens mythes grecs
pour son troisième œil de sphinx
&
Elle vient d’épouser les dernières
lueurs du couchant où s’affirme
la brève embellie des passages
&
La voilà nue seins d’hirondelles
au naturel de sa pâleur
Je sens qu’elle va s’endormir…
Ahmed Abd al-Mu’ti Hegazi – Commentaire d’un spectacle naturel
Un soleil s’écroule à l’horizon d’hiver
Rouge
Nuages de métal
D’où fusent des bouquets en feu
Je suis un petit paysan
Que maltraite la nuit
Notre charrette avale le fil d’asphalte
Vertical du village à la ville
Alors que je voudrais
Me jeter
Sur l’herbe mouillée.
Un soleil s’écroule à l’horizon d’hiver
Palais magique
Portière de lumière
Ouvrant à un temps légende
Paume teintée de henné
Le Paon surgit dans les Gémeaux
Queue arc-en-ciel déployée.
Jadis il y avait Dieu
Qui m’apparaissait au couchant
Comme un jardinier
Marchant à l’horizon rosé
Aspergeant un monde de jade.,,
Image exemplaire…
Mais l’enfant peintre
A été broyé par le temps,
Ahmed Abd al-Mu’ti Hegazi
Rabindranath Tagore – Au petit matin
photo Nicolas Grandmangin
Au petit matin on murmura que nous allions partir en barque, toi seulement et moi,
et qu’aucune âme au monde ne saurait jamais rien de notre pèlerinage nous menant éternellement vers un autre nulle part.
Sur cet océan sans rivages, devant ton sourire attentif, silencieux, mes chants s’amplifieraient en mélodies, libres comme les vagues, libres de la servitude des mots.
Le temps n ’est-il pas venu ? Qu ’il y a-t-il encore à faire ?
Vois, le soir est descendu sur la plage et dans la lumière faiblissante les oiseaux de mer regagnent leurs nids.
Qui sait quand, les amarres rompues, la barque, telle la dernière lueur du couchant, s’évanouira dans la nuit ?
Kiril Kadiski – le couchant dégouline sur la vitre humide
–
Il ne pleut plus et l’après-midi est tiède.
Les mouches s’animent après l’apathie de leur sieste.
Dehors, le couchant rouge dégouline
sur la vitre humide et elles le sucent. Déjà vide,
la boule de verre qui roule à l’horizon jette ses reflets dorés.
Encore un jour de passé. Mais qui s’en est aperçu ?
Les arbres balancent leurs branches dans l’ombre bleue.
Derrière, les toits éclairés ressemblent
à des flammes attisées par le vent. Ton cœur brûle.
Où aller ? C’est le soir…
Errant sans but
tu épies les jeunes femmes et tu vois que chaque soupirail
les attend dans le noir et leur met des chaussettes jaunes.
Les voitures tournent
un nouveau film sur le mur du coin ; n’est-ce pas un nouveau
Fellini ? Ou bien est-ce toujours le même réalisme
absurde autour de toi… Dans l’allée obscure
un vrai pauvre est assis et comment peux-tu savoir
si son pantalon est déchiré aux genoux
ou si ce sont les pièces de ses mains alourdies…
Le ciel brille sombrement. Tu vois une époque ancienne :
porte cloutée, trouée par des flèches enflammées,
enfoncée et jetée sur le ciel.
Par là les siècles sont entrés
dans nos jours… Quelque chose de miraculeux au loin :
la lune pourpre frissonne et court à travers des nuages déchirés,
mais de ses branches sèches un peuplier l’attrape –
coquelicot déchiqueté qui flamboie
au milieu du blé par une chaleur sombre et immobile…
Silence partout. Enfin tu vas rentrer.
Pendant longtemps tu resteras éveillé, les paupières lourdes.
Dehors, le couchant dégouline sur la vitre humide. Déjà vide,
la boule de verre qui roule à l’horizon jette ses reflets dorés.
Encore un jour de passé. Mais qui s’en est aperçu ?
Kiril Kadiski
–
Kiril Kadiski – Par là les siècles sont entrés dans nos jours.
Peinture: Emil Nolde
Par là les siècles sont entrés
dans nos jours… Quelque chose de miraculeux au loin :
la lune pourpre frissonne et court à travers des nuages déchirés,
mais de ses branches sèches un peuplier l’attrape –
coquelicot déchiqueté qui flamboie
au milieu du blé par une chaleur sombre et immobile…
Silence partout. Enfin tu vas rentrer.
Pendant longtemps tu resteras éveillé, les paupières lourdes.
Dehors, le couchant dégouline sur la vitre humide. Déjà vide,
la boule de verre qui roule à l’horizon jette ses reflets dorés.
Encore un jour de passé. Mais qui s’en est aperçu ?
Kiril Kadiski