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Jacques Audiberti – Rien ne sera de ce qui fut


Lamelles d'un H+®b+®lome +á centre sombre (), Champignon, Monthodon, France 2008.jpg

 

Prison Au clair soleil…
Un coup pour a. Deux coups pour b.

Le monde bouge. Il va tomber.

Trois coups pour c. Quatre pour d.

C’est le moment de regarder. Cinq coups pour é.

Six coups pour f. Il n’a plus d’âme. A-t-il un chef?
G, coups sept. Hache huit. 1 neuf.
Comment faire un monde plus neuf?
Dix coups pour j, plus un pour k.
L’existence nous convoqua.
Taciturne à force de cris,
la jupe grosse de conscrits,
elle nous apprend tour à tour
l’ombre claire, le sombre jour,
l’enfer béni, le ciel puni,
tout le fini de l’infini,
douze pour 1 et treize pour
ème, les griffons de l’amour,
n, o, p, q, quatre, cinq, six
et sept, le poison. Le tennis
mais, aussi, la peur de périr
qui nourrit l’honneur de souffrir.
R dix-huit. S dix-neuf.
Elle s’en va. Tu te sens veuf.
Vingt coups pour t, plus un pour u.
A mesure qu’elle décrut,
le souffle approcha notre main.
Aujourd’hui s’appelle demain.
Vingt-deux et trois pour les deux v.
Que voulons-nous? Nous élever.
Quatre et cinq pour l’x et l’i grec.
Mais le bourreau ne vienne avec.
Pour la lettre z un seul coup.
Le prisonnier se met debout.
Car le terme ouvre le début
Rien ne sera de ce qui fut.
Jacques AUDIBERTI « Des tonnes de semence » (N.R.F.)


Une force brute, contre l’esprit – (RC )


 

Livres détruits par l’armée russe: université de Grozny, Tchétchénie

C’est un endroit immense
Il s’offre à un ballet ,
Où de nombreux camions déversent  leur contenu  .
Ils forment des tas indistincts,
Et sont relayés par des pelles mécaniques,
 –
Des espèces de chasse neige,
Ne chassant aucune neige ….
 ( On remarque pourtant, une dominante claire )
Répartissant  les amas  
Dans des tranchées, des couloirs
 –
Où des tapis roulants 
S’activent en ronronnant,
Emportant leur butin, au sein d’un tunnel,
Où des coups sourds résonnent,
Et comme des bruits de cisailles,
Démultipliés.
 –
On n’y voit personne.
( en tout cas,  pas  d’humain).
Tout semble dirigé par une organisation anonyme ,
Chargée d’éliminer ce qui encombre ,
Ce qui dérange,
 
Le moyen par lequel les hommes s’expriment.
….        ( S’exprimaient ).
 –
C’est une mémoire  que l’on pilonne.
Des bibliothèques entières,
Des ouvrages même pas ouverts,
Que l’on pousse lentement,
Vers la machine à déchiqueter.
 –
S’activant sans état d’âme
Des rouages, des courroies,
Une armée de couperets …
Comment pourraient-elles 
Ne serait-ce que sentir, regarder ?
 –
Les machines n’ont pas appris à lire .
Elles obéissent à des signaux,
Mais n’accèdent pas à la signification.
Etant elles-même, matière,
Elles broient de  la matière.
C’est une force brute,   contre l’esprit  .
RC – septembre  2014

Claude Roy — Va et vient


Va-et-vient

à Jacques Roubaud

 

 

les combles du Villaret - photo perso

 

 

J’entends en moi ouvrir fermer claquer des portes

des bruits de pas dans un escalier parler à voix basse

dans un corridor quelqu’un tousse puis étouffe sa toux

quelqu’un vient hésite s’arrête fait demi-tour un long silence

 

On entend seulement une tuyauterie se plaindre

Puis de nouveau des pas

On approche

Il y a quelqu’un derrière la porte

Quelqu’un retient son souffle puis respire à nouveau

J’entends de l’autre côté craquer le plancher

On frappe enfin

Deux coups très nets

Je vais ouvrir

Ce n’est que moi

Une fois encore quitte pour la peur ou la déception

 

J’attendais donc quelqu’un Que je n’attendais pas ?

 

 

peinture: J Ch Boquet - intérieur ( le deuil) Musée des Bx Arts Rouen

peinture exposée au musée Zadkine ( Paris)