Jacques Audiberti – Rien ne sera de ce qui fut
Prison Au clair soleil…
Un coup pour a. Deux coups pour b.
Le monde bouge. Il va tomber.
Trois coups pour c. Quatre pour d.
C’est le moment de regarder. Cinq coups pour é.
Six coups pour f. Il n’a plus d’âme. A-t-il un chef?
G, coups sept. Hache huit. 1 neuf.
Comment faire un monde plus neuf?
Dix coups pour j, plus un pour k.
L’existence nous convoqua.
Taciturne à force de cris,
la jupe grosse de conscrits,
elle nous apprend tour à tour
l’ombre claire, le sombre jour,
l’enfer béni, le ciel puni,
tout le fini de l’infini,
douze pour 1 et treize pour
ème, les griffons de l’amour,
n, o, p, q, quatre, cinq, six
et sept, le poison. Le tennis
mais, aussi, la peur de périr
qui nourrit l’honneur de souffrir.
R dix-huit. S dix-neuf.
Elle s’en va. Tu te sens veuf.
Vingt coups pour t, plus un pour u.
A mesure qu’elle décrut,
le souffle approcha notre main.
Aujourd’hui s’appelle demain.
Vingt-deux et trois pour les deux v.
Que voulons-nous? Nous élever.
Quatre et cinq pour l’x et l’i grec.
Mais le bourreau ne vienne avec.
Pour la lettre z un seul coup.
Le prisonnier se met debout.
Car le terme ouvre le début
Rien ne sera de ce qui fut.
Jacques AUDIBERTI « Des tonnes de semence » (N.R.F.)
Une force brute, contre l’esprit – (RC )

Livres détruits par l’armée russe: université de Grozny, Tchétchénie
Claude Roy — Va et vient
Va-et-vient
à Jacques Roubaud
J’entends en moi ouvrir fermer claquer des portes
des bruits de pas dans un escalier parler à voix basse
dans un corridor quelqu’un tousse puis étouffe sa toux
quelqu’un vient hésite s’arrête fait demi-tour un long silence
On entend seulement une tuyauterie se plaindre
Puis de nouveau des pas
On approche
Il y a quelqu’un derrière la porte
Quelqu’un retient son souffle puis respire à nouveau
J’entends de l’autre côté craquer le plancher
On frappe enfin
Deux coups très nets
Je vais ouvrir
Ce n’est que moi
Une fois encore quitte pour la peur ou la déception
J’attendais donc quelqu’un Que je n’attendais pas ?