Ilarie Voronca – les mains vides

Tes émissaires se tiennent sur notre seuil
« Que chacun apporte ce qu’il a de meilleur », disent-ils
Les riches ont entassé leurs joyaux, leurs étoffes,
Chargés de bagues leurs doigts ont plus d’éclat que leurs yeux,
Le parler des monnaies a couvert celui de leur mémoire
Ils n’entendent pas la marche des hommes de l’avenir
Mais nous
Nous avançons les mains vides, le regard serein.
Une fois encore nous sommes les méprisés, les humbles.
Eux, ils ont rempli les vaisseaux. Ils marchent
A la tête d’armées glorieuses. Ils appellent
Du fond des temps leurs moissons, leurs troupeaux,
Nul trophée n’est oublié et sur leur front
Le songe de leur force élève une couronne
Mais nous
Nous avançons les mains vides, le regard serein.
Nous avons vu l’inoubliable étoile,
La fanfare altière des forêts dans l’orage
Le soleil dans les arbres comme en le bois d’un cerf,
Les océans traçaient autour leur cercle de feu
Chaque chose murmurait « rappelle-toi bien »
Il fallait garder l’image non pas la chose
Et nous
Nous avançons les mains vides, le regard serein.
Eux, ils apportent ce qu’ils ont pris, mais non
La flamme sans parure en l’urne de leur âme,
Toujours le contenant, jamais le contenu,
La pierre mais non pas sa voix muette,
L’oiseau mais non la fumée de son vol,
Le métal non l’éclat dans les roues de l’aube
Mais nous
Nous avançons les mains vides, le regard serein.
Notre part a été la part du faible.
Non pas demander, mais se donner tout entier,
Nous distribuant dans l’univers pour mieux ensuite
Le recevoir en nous. O ! Mers, montagnes, astres,
Nous n’avons retenu que vos reflets,
Du riche bétail dans les étables nous avons préféré le souffle,
Et nous
Nous avançons les mains vides, le regard serein.
Nous venons les mains vides, le regard serein
Car les noms sont en nous. Tes émissaires sauront les lire
Les autres entassent tout ce dont ils nous ont dépouillés
Et le monde purifié dans le feu de leur envie
Nous protège et nous accueille. Les autres s’écroulent
Sous le fardeau des triomphes et des parures
Mais nous
Nous avançons les mains vides, le regard serein.
Claude-Michel Cluny – Parlements

Ils se tiennent parfois dans des trous, qui ressemblent aux citernes des morts de Mycènes.
Mais ils ne portent pas nos beaux masques d’or, ils ne sont pas là pour l’éternité.
Pour l’Ossolète l’âge n’est qu’un déclin, la mort une voirie, jamais ils n’ont embaumé, empaqueté de monarque.
On ne sait même s’ils ont des rois.
Est-ce du pouvoir qu’ils bavardent au fond d’un trou, sans couronne, sans gardes?
La pourtant un murmure infuse, qui fait qu’on devine des Parlements de sous-sol, où se psalmodient peut-être des lois qu’on ne connaîtra pas.
Les Ossoletes non plus : après trois pas, le moment qui s’achève tombe dam une urne sans fond, un passé sans âge.
Les basses fosses où ils s’entassent et, qui sait? légifèrent, ne sont guère que des sacs à linge profonds et bêtes comme un suffrage universel. Les dieux font-ils collection de ces secrets perdus ?
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Comme j’aurais aimé l’écrire -( Par l’entremise de V Hugo ) – ( RC )
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texte proposé – à partir de quelqu’un qui a dit – à propos des vers de Hugo ci après
» comme j’aurais aimé l’écrire »:
Ecoute l’arbre et la feuille
La nature est une voix
Qui parle à qui se recueille
Et qui chante dans les bois
Victor Hugo
———————-
( Comme j’aurais aimé l’écrire…
Et faire aussi beau
Qu’un texte de Hugo…. )
—
Si tel est ton désir,
pour faire un recueil,
prélève donc une feuille
Tresse une couronne
des ors de l’automne,
Chante d’une voix pure,
et conduis l’écriture…
– Elle viendra à toi
suggérant à travers bois
le récit qui allume
le parcours des plumes
au travers des roseaux
Et le chant des oiseaux
grandira, se fera lecture
à travers ta nature…
RC – 15 janvier 2013
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Edith Södergran – grimace d’artiste
provenance « la pierre et le sel »
Grimace d’artiste
Je n’ai rien d’autre que mon mantelet brillant,
Ma rouge hardiesse.
Ma rouge hardiesse sort à l’aventure
Dans un pays sordide.
Je n’ai rien d’autre que ma lyre sous le bras,
Les rudes accords de ma lyre ;
Ma rude lyre sonne pour bêtes et gens
sur le grand chemin.
Je n’ai rien d’autre que ma couronne altière,
Ma fierté croissante.
Ma fierté croissante prend la lyre sous son bras
Et tire sa révérence.
(1917)
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In Poèmescomplets,Lalyredeseptembre,© Pierre Jean Oswald, 1973, traduits par Régis Boyer