Les doigts marchent au ralenti sur une plage – ( RC )
Les doigts marchent au ralenti sur une plage,
elle est déserte, et j’assemble les mots en vrac.
Ici, il n’y a pas de ressac,
mais l’univers encore vierge d’une page.
Mes doigts tiennent fermement un crayon ,
( on voit que blanchissent les phalanges,
quand je pars à la poursuite de l’ange ),
et de l’ astre j’accroche ses rayons .
Comment fixer ce qui est invisible ?
par le moyen d’une voix clandestine,
( le bout du crayon suivant la mine ) ,
cette voix , alors, me devient audible ,
il faut juste qu’elle me traverse,
portée par des ondes, en-dedans :
c’est peut-être juste le vent
ou une soudaine averse :
( je ne saurai la décrire,
ni, ce qui la déclenche ):
les pensées ne sont pas étanches,
quand je me mets à écrire.
–
RC – nov 2016
Henry Miller – Vin
C’est un vin qui glisse comme du verre fondu,
et qui coule dans les veines comme un feu fluide, lourd et rouge,
dilatant le coeur et l’esprit. On se sent à la fois lourd et léger ;
leste comme l’antilope et pourtant incapable de bouger.
La langue rompt les amarres, le palais s’épaissit agréablement,
les mains décrivent des gestes larges et lâches, de ceux qu’on aimerait tirer
d’un crayon gras et tendre. On aimerait peindre tout à la sanguine ou au rouge pompéien,
avec de grandes éclaboussures de fusain et de noir de fumée.
Les objets s’élargissent et se brouillent, les couleurs sont plus vraies et plus vives,
comme pour le myope quand il ôte ses verres.
Mais par-dessus tout, c’est un vin qui réchauffe le cœur.
Henry MILLER « Le Colosse de Maroussi » (Ed. du Chêne, 1948)
Guillermo Carnero – Crayon du temps
source ICDesign
Mais pourquoi n’usez-vous pas d’un moyen plus fort,
Pour mener guerre au temps, ce tyran sanguinaire,
Et vous fortifier jusqu’en votre déclin
D’un plus fécond secours que mes vers inféconds ?
Vous voici au zenith de vos heures heureuses,
Et les vierges jardins, incultivés, ne manquant pas,
Dont la vertu voudrait tant porter vos vivantes fleurs,
Mieux qu’un portrait de vous, fait à votre image.
Ce trait de l’existence, ainsi tiendrait en vie,
Ce qu’un crayon du temps ou ma plume écolière
Ne savent maintenir de vous sous les regards humains :
La beauté du dedans, et celle du dehors.
Vous donner hors de vous à jamais vous conserve ;
Portraituré par votre exquis talent, vous aurez vie.
Naître le paysage ( RC )
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De pas en pas, je t’assure,
Naît le paysage,
Où se bousculent les pierres,
Sur la page.
Juste des traits qui s’aventurent
Quand la main voyage,
Et qu’elle invite la lumière,
Ou l’orage,
Il faut suivre lignes et hachures,
Elles disent ressac, et plage,
Landes et bruyères,
Et marécages…
Le dessin, l’épure,
S’élance au passage,
Traverse la rivière,
Avec pour tout bagage,
Le crayon dans la main.
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RC – 25 août 2013
–
En pensant, comme le montre le dessin qui l’accompagne, aux créations de Jacques Hemery,
voir aussi son compte rendu d’expo » Le jardin propice «
.
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L’inspire se dévide ( RC )
l’inspire se dévide, et il pense danse
– des graffitis sur le mur ,
essuie, il faudrait une gomme
– en attendant,
– ou un peu de toile émeri,
pour revenir au vert d’eau,
qui surmonte les carreaux.
Et chacun, passe , et y ajoute ses mots,
ce sont des obscènes
qu’on ne trouve pas en poèmes.
Ou bien la calligraphie grasse
des feutres, ceux qui arrivent à dégouliner,
– et s’obstinent, entre la chasse,
et la cuvette , dont l’abattant pend.
Le bonheur des mouches, qui se mirent
dans les lignes d’eau,
jointoyure incertaine au creux des carreaux,
que le sol a recueilli,
– restes de rouleaux roses.
Voila de nouveaux parchemins , pour donner
libre-cours – aux talents d’écriture,
quel dommage de négliger ainsi , – qui cristallise
l’avancée de l’esprit !!. –
Mais c’est faute au confort, ce papier rose
qui s’enfonce,
sous la pointe revêche du stylo,
ou même la mine de plomb – crayon.
Il semaillerait des mots,
l’inspiration du moment,
un moment bien choisi,
au regard du bruit de la rue,
– drôle d’endroit pour régler sa montre –
derrière la porte épaisse , – bois, qui arrive à mi-tête,
targette branlante,
la place , déserte à cette heure
pourtant, oui, il reste encore
les trognons des choux-fleurs
et des morceaux d’orange moisis , – après le marché
et des cagettes enchevêtrées,
– la balayeuse ne va pas tarder à passer
dans les guenilles de la ville- ,
et les mots en cascade qui dérapent,
comme pas permis, – se dilapident les pensées,
les pleins et délirés ——- que tout rentre
dans l’ordre lorsque qu’il sort ! -se trouver
quelque chose à dire,
pour coller l’avalanche cataplasme d’écriture,
il te faut ce beau papier,
— mais où sont-ils, justement
ces mots qui te venaient en flammes ?
–
RC avril 2013
–
Erwin Mortier,- Temps de Pose 01
Il y a aussi les livres que je suis en train de lire…
et j’aime ( dans la surprise, et au fur à mesure que j’avance dans la lecture, distiller de petitsextraits)…
—–
TEMPS DE POSE
Contre toute raison, j’étais persuadé qu’il devait exister quelque part un monde d’images que personne n’avait jamais fixées sur la pellicule, sauf peut-être la lumière du soleil qui emportait un fragment de tout ce qu’elle balayait et l’assemblait, Dieu sait où, avec toutes ces figures sans relief qu’elle décollait patiemment des cadres, des albums ou des ténèbres de la vieille valise dans laquelle je conservais mes photos les plus précieuses.
J’attendis qu’il fasse presque nuit avant de prendre la valise sous le lit, d’ouvrir le couvercle et d’ajouter la lettre de ma mère au-dessus des autres.
L’éclat cuivré du soleil couchant derrière les arbres évoquait ce soir-là un immense réservoir de barrage, un au-delà de surfaces qui s’étaient reflétées par le passé, un autre monde d’un miroitement fragile, et inaccessible.
Je vois la même lumière, il y a longtemps. Dans une pièce où j’entends des pas, une porte s’ouvre en tremblant sur ses gonds et quelqu’un crie mon nom.
Je veux me lever, je n’y arrive pas. Je sens la fureur bouillonner en moi, le picotement salé des larmes dans mes yeux.
Je vois que je porte des petites chaussures bleues à lacets de cuir. Je les entends encore racler le carrelage, quand avec une rage impuissante, je shoote dans mes petites autos, mes cubes et mes crayons.
Je vois mon père me tendre les mains. J’ai gardé quelque chose de son large sourire qui donne parfois une dureté inattendue à mon visage malgré les doux traits hérités de ma mère.
Je m’accroche à ses doigts pour l’ escalader, j’ ai du mal à trouver mon équilibre et sens un frémissement dans mes mollets.
Dans une arrière-cuisine, j’entends toquer sur le couvercle d’une casserole les gouttes d’un robinet
qui fuit, et le vide de toute une maison résonner dans l’écho.
Mon père me prend dans ses bras, il fait siffler le vent dans mes boucles blondes et me lance de plus en plus haut. Ma poitrine se contracte. Je m’entends hurler, plus de peur que de rire, au moment où je quitte ses mains et ne sens plus que de l’air autour de moi.
Qu’aura-t-il crié ? « Hop là, Joris, on vole. »
Impossible à lire sur ses lèvres.
Je ne sais pas qui a pris cette photo, qui m’a définitivement laissé suspendu dans le vide au-dessus de ses doigts, comme un angelot craintif.
, de Erwin Mortier, est publié aux éditions fayard (2002)
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Image : Toño Camuñas
Comme carnet de voyage,
garder les étiquettes des derniers achats,
les papiers de bonbons,
le ticket d’autobus,
la pin-up qui trône
sur le flacon du shampooing,
les diablotins
trouvés dans une pochette surprise,
l’autre jour au luna-park,
un extrait de la pub du produit
qui affirme détruire tous les insectes.
La carte de la dame de trèfle
( ouvrant une nouvelle ère de prospérité)
Ne pas oublier la mèche de cheveux
de la serveuse, qui fut l’amante…
et la page de BD déchirée,
qui patientait au fond d’un tiroir.
Disposer le tout de façon ordonnée,
dans le sens de la lecture,
utiliser une colle efficace,
relier par des quelques tracés au crayon
soulignant les ombres.
Un commentaire n’est pas nécessaire.
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et continuer.
–
pour les images produites par Toño Camuñas, on pourra voir aussi Larry Rivers, et Mel Ramos, dans le domaine « pop-art »..
je partage et distribue
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04/10/2016 | Catégories: d'images, self creation | Tags: amante, carnet, chabriere, colle, commentaire, crayon, diablotins, insectes, luna-park, page, prospérité, pub, tiroir, trèfle, voyage | Poster un commentaire