Le cheminement du poème – (Susanne Derève)
Photographie : Philippe Pache
On ne maîtrise pas plus le mot que le soleil
Sans doute peut-on imprimer au vers
un long balancement
comme on doserait l’avancée de l’ombre sur la toile
en la dissimulant d’un linge ou d’un feuillage
– un arbre clair celant l’ombre –
La naissance du mot échappe :
comme le suivant échappera et l’image
qu’il fera naître dans l’image,
celle où chemine obscurément
le poème
Ce n’est pas lui que j’invente
mais lui qui me révèle dans le temps
que j’écris,
sonnant la litanie des heures,
épousant la marche des nuits
lui qui mûrit puis se détache
– comme on dirait d’un fruit –
un jour parmi les autres
où il pose sa marque
… et me trahit
Rabindranath Tagore – au coeur de la création
–
Tu es venu un moment auprès de moi, et tu m’as ému par le grand mystère de la femme,
qui palpite au coeur de la création.
C’est elle toujours qui retourne à Dieu le flot de sa douceur;
elle est la beauté toujours fraîche, la jeunesse dans la nature;
elle danse dans les huiles de l’eau, elle chante dans la lumière du matin;
en vagues bondissantes elle apaise la soif de la terre; en elle éclate l’Éternel,
jaillissant en une joie qui ne peut se contraindre plus longtemps et s’épand
dans la douleur de l’amour.
LVI.
( extrait de la « Corbeille de fruits » )
Henri Rode – Le monstre
LE MONSTRE (fragment)
« Je vois le monstre de préférence (et c’est toujours ici de préférence qu’il s’agit) dans l’objet, le légume, le résidu dont on a su d’abord tirer usage, le fruit pressuré et la montre écrasée, pour les rejeter ensuite dans un coin où l’objet, le fruit, la montre, etc., poursuivent leur existence inutilisable.
Prenons ce tas de pelures d’oignons roux laissé au milieu du fenil apparemment oublié de Dieu et des hommes, une humble toison à peine dorée d’un rayon et qui ne donne au préalable aucune impression de protestation ni même d’existence, qu’un distrait pourrait fouler aux pieds, une araignée traverser sans risque, un balai balayer sans remords. Je songe : trop facile de te passer de toi pour expliquer. Et c’est pourquoi je repasse. Je ne veux pas donner dans le panneau.
C’est au contraire avec un grand souci de sympathie que je me penche sur le tas de pelures. Je les fouille, les sens, des monceaux de vers doivent les travailler mais ici mon observation est courte. Je pourrais expliquer la larve plus l’éclosion sans aboutir à aucune satisfaction personnelle. Chercher une ressemblance n’est jamais le fait du hasard mais d’un besoin intérieur, d’un rassurement dirai-je.
Pour me rassurer quant à la destination de ces pelures prêtes à se dissoudre en poussière, il me faut une expérience neuve et définir pourquoi, pourquoi ? Chaque fois que je passais près du tas et quel que fût mon état d’absence une tristesse incompréhensible me prenait, pourquoi tout déchet, tout objet délaissé dans un coin ne me semblait jamais tout à fait fini ni inutile, et pourquoi en fin de compte mon utilité au jour ne me paraissait ni plus certaine ni plus étonnante que celle du moindre objet, pour peu que je descende aux sources de la création. »
Henri RODE in « Cahiers du Sud » n° 293 (1949)
La chaise rouge – ( RC )
peinture: Mark ROTHKO : 1957
Dans l’image a surgi
Le grain, la palpitation
L’émotion rougie
Presque la déflagration
D’ une barre courbe
Un signe du sombre
De puissance encombre
C’est ce rouge fourbe
Il n’est ni sang ni cerise
Se détache lumière
En donnant à sa guise
Forme à la matière
Un éclair de couleur
Traverse ma page
Un éclair de douleur
De la photo, l’otage.
Aux accents de lave
Des blancs et bleutés
Opposés, ameutés
Les autres sont esclaves
dec 2011 RC
photo: Chris Jones
Et avec les « commentaires »…
Lutte contre le chaos ( RC )
–
Par le plus grand des hasards, tu es là,
A lire cet aujourd’hui,
Et si ta vision illumine l’instant,
Cet instant fragile,
De deux étincelles,
Ayant pu n’être ( naître ) ailleurs…
Deux espèces d’espaces
Ils se croisent,
Avant que l’ombre,
Ne boive la mienne,
Ou rejoigne les millénaires d’ombres,
Des couches de fatigue,
L’enchevêtrement, en tout sens, des pensées,
En épaisses strates,
L’humus
Peut-être , dont s’extirpe la plante,
Si les conditions le permettent,
Et que se multiplient branches et feuilles,
Comme les phrases portent leurs mots,
Buvant à leur tour la lumière,
Si la création lutte contre le chaos.
–
– RC – 9 août 2013
–
Claude Debussy – Voir le jour se lever

dessin perso ——-d’après une oeuvre de Meister von Stierentz : Musée d’Art de Bâle – Suisse mars 2013
–
Une citation paradoxale, pour quelqu’un d’aussi fin musicalement que Claude Debussy:
« Voir le jour se lever est plus utile que d’entendre la Symphonie pastorale. «
Mais ( outre la notion d »utilité », qui pourrait se discuter, et savoir qu’est-ce que l’auteur entendait par là ) … le fait de ressentir des émotions dans le monde « en direct », sans être lié au monde de la création, et notamment du domaine auquel on appartient…
– peut-être aussi parce que l’oeuvre citée fait partie d’une culture « classique », donc, du passé…
jour
–
Colonnes de mémoire ( RC)
–
Bien au delà de la corde
Ce morceau d’arc de terre
Qui tend la distance
Et nos différences,
J’ai perçu l’inversion du monde
Comme si la tête en bas
Mes pieds étaient collés
Sur le socle du ciel.
Et j’avais à mon appui
D’immémoriales légendes
Des arbres sacrés
Dont les racines buvaient
Le ciel, et supportaient
Le monde de leurs pattes épaisses
Que le poids des siècles
Avaient plissé de mémoire
Enfouissant en profondeur
Au cœur de la sève fibreuse
Le passé douloureux d’une
Afrique à l’avenir incertain.
–
R Ch 09-01-2012
–
sur les créations artistiques – en tout cas mon rapport avec l’art africain, consulter également voir aussi http://ecritscris.wordpress.com/2012/01/09/lart-africain-au-burkina-faso/
http://ecritscris.wordpress.com/2011/11/05/r-lart-africain-01-lhumanite-commence-par-le-nombril/
http://ecritscris.wordpress.com/2011/11/05/r-et-lart-africain-02-eklablog/
http://ecritscris.wordpress.com/2011/11/05/r-et-lart-africain-03-la-terre-cuite-du-ghana/
http://ecritscris.wordpress.com/2011/11/05/r-et-lart-africain-04-le-cavalier-et-la-figure-assisedogon/
http://ecritscris.wordpress.com/2011/11/05/r-et-lart-africain-05/
http://ecritscris.wordpress.com/2011/11/05/71/
http://ecritscris.wordpress.com/2011/11/05/r-et-lart-africain-07-croquis-musee-des-arts-premiers/
Ernest Bloch -Le regard de nos masques
samedi 26 novembre 2011, Monique éditait ce bel article que je reprends à mon compte, et associé au « Perfect day » de Lou Reed ( désolé, Monique, tes images de bois ne « passent pas », avec Overblog… je vais donc tricher un peu… )
peinture; aquarelle perso, sur un masque féminin, ethnie Dan ( Côte d’Ivoire)
Le regard de nos masques
» Les Noirs ont gardé jusqu’à aujourd’hui des dieux de vie sculptés en respectant le bois, ils firent ainsi passer la sève dans des manches d’outils, des armes, les poutres des maisons, les trônes, les idoles. Leur volonté de magie, leur désir de se métamorphoser, de pénétrer dans les sphères supérieures de la création produisent avant tout le masque qui élève surnaturellement au rang d’animal ancêtre de la tribu, de totem et de tabou organiquement abstraits ; notre visage futur s’y annonce, mais le Christ n’éclaire pas encore ; il n’y a que le rougeoyant démon de la vie, mais celui-ci règne de manière inconditionnelle dans ses naissances oniriques, dans ces sombres systèmes plastiques de la fécondité et de la puissance » . Ernst Bloch
Il m’est essentiel que le regard de l’autre tente de pénétrer jusqu’à mon âme.
et que je lui rende ce regard!
Tout existe le temps d’un regard. Regard sur une fleur éphèmère,regard sur le fond d’un tiroir, oublié – retrouvé.
Regard pour une pierre d’un cimetière oublié, regard sur un silex soulevé d’une terre anté préhistorique.
Regard sur un enfant , force de vie. Regard toujours plus loin. Le regard abolit la distance.
Il plonge dans l’essence des choses ..antédiluvien.
- peinture; aquarelle perso, sur un masque féminin, ethnie Dan ( Côte d’Ivoire)
le rouge est la couleur de l’ensanglantement…
» debout il y a trop de bruit
à l’usine des dentelles…
Alors je m’asseois »
Là, sur la chaise rouge…
Des bises Ren
12/19/2011 à 12 h 55 min Modifier
On peut avoir cette interprétation, moi, je la vois distincte ds autres couleurs, justement parce qu’elle est chaude
oui, et le sang, c’est chaud…et c’est la vie…j’ai toujours été impressionnée de celui qui coule en chacun de nous, mais dans le bon sens, je dirai…je n’aime pas le voir couler, parcequ’en génèral c’est » mauvais » signe, mais j’aime imaginer chaque humain comme un arbre empli de cet ensanglantement qui pulse et pulse encore..c’est ça qui m’est passée dans la tête avec la chaise rouge…et m’asseoir sur une chaise rouge, ça équivaudrait à m’ésseoir dans la vie…
Sourires…
En réponse à ce que tu viens de poster, un sourire avec de la lumière à l’intérieur..oh; oui, je vois ça parfois autour de moi, c’est absolument cadeau des sourires pareils…
12/19/2011 à 14 h 42 min Modifier
En fait j’ai écrit ça l’autre jour en pensant à une photographie que j’ai faite ( une diapo) sur laquelle j’aimerais bien remettre la « main ».. j’avais mesuré l’intensité de la couleur avec une cellule faite pour çà, et effectivement le rouge était « criant » de vérité…
quant au sourire de E De Andrade, l’allusion sexuelle est criante aussi, j’avais même dans un de mes textes écrit quelque chose d’approchant avec un sourire « vertical »… il faudrait que je le retouve…. j’ai déjà idée où il peut être…
12/19/2011 à 15 h 09 min Modifier
2 choses:
« Le rouge est la lumière dans le temps. »
Rupprecht GEIGER
et http://corpsetame.over-blog.com/article-1112-ceux-qui-restent-43321780.html
pour un travail d’ Elke KRYSTUFEK