Une expérience de physique – ( RC )
peinture: James Ensor: autoportrait aux masques
Si je me rappelle mes cours de physique,
ce seraient de ces forces opposées,
qui s’affrontent comme des pensées contraires.
L’expérience renouvelée du couple de torsion
engendre le mouvement inverse
dès lors que les contraintes se relâchent.
Si l’art est sujet à ces contraintes,
que deviendrait-il si celles-ci disparaissent ?
Les paysages tourmentés reviendraient-ils au calme,
Van Gogh ou Ensor, échangerait-ils leur style
pour des autoportraits
qui pactisent avec ceux de Rembrandt ?
Leur visage, dans la réalité qu’ils traversent
est-il parcouru par le temps
qui leur impose leur marque ,
comme la tension d’une corde
trop serrée laissant son empreinte
en creux, dans la peau ?
Relâchons la tension, annulons ces forces …
le visage représenté deviendrait-il aussi lisse qu’un masque neutre,
n’ayant rien à confier à notre propre regard ?
masque traditionnel mexicain: photo Bruno Grandjean
Le platane dans la cour – ( RC )
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Je me souviens de l’arbre
dans la cour de récréation ;
c’était un de ces platanes
dont on rognait les grosses branches.
Au roulement des nuages d’automne,
le platane abandonnait ses feuilles
avec des nuances , où il restait
du vert et du jaune , parmi la rouille .
A sa base, une rondelle de béton
comportait un multitude de stries en creux
où les enfants se groupaient
pour jouer aux billes
avec le but d’en faire le tour
le plus rapidement,
tout en évitant les creux.
Je me souviens y avoir joué aussi,
les doigts tachés d’encre violette.
C’était celle qu’on utilisait encore
dans ces récipients en porcelaine blanche
incrustés à droite dans le trou du bureau .
Je me souviens…
( comme dirait Pérec )
aussi , de l’odeur âcre des feuilles,
que l’agent d’entretien faisait brûler,
odeur qui marquait définitivement
la fin de l’été.
Guy Goffette – dans ce petit creux d’ombre et d’oubli

Et tu finis par ranger le livre, là-haut,
à sa place exacte, ce petit creux d’ombre et d’oubli
comme le coin de terre qui te revient.
Tu reviens toi aussi
à ta place, devant la fenêtre, la table,
ce carré de neige que nul encore n’a forcé
et qui va dans tous les sens comme ta vie
parmi les mots, les morts.
Tu sais bien qu’aucun signe ne guérit de l’absence,
pas plus que le merle en tombant ne renverse
l’axe de la terre, mais tu persiste, ô scribe,
à soudoyer les anges :
un peu d’or dans la boue, dites, que la nuit reste ouverte.
extrait de « La Vie Promise, » 1991
Quine Chevalier – ensorcelées sous le soleil
Ensorcelées sous le soleil
les ombres sont féroces
l’aube sans voix décline ses miroirs
et le vent dans tout ça
qui palabre
violente.
Ensemble nous marchons
dans nos creux
soulevant
l’herbe des secrets
que nous buvons le soir
dans la lampe qui brûle.
Quel hameau a quitté
l’enfant de nos désirs
sur quel arbre d’oubli
a-t-il planté ses rêves ?
La main n’est plus qu’un nid
l’ombre se repose
les yeux ardent la plaine
où passe le gerfaut.
Être et arbre – ( RC )
Tu voles de branche en branche,
Dans ton mouvement, secouant la rosée,
Accrochée sur les feuilles.
Je veux te rejoindre.
Tu n’es pas si loin .
Je fais quelques pas dans le jardin .
Je suis sous l’arbre où tu t’es assise.
Celui-ci est couvert de mousse.
Je m’appuie dessus, et ma main s’enfonce,
Elle disparaît.
Le tronc m’appelle ainsi.
Mon bras suit la main.
Plus loin.
Comme si une porte s’ouvrait.
Jusqu’alors dérobée au regard humain.
J’y entre tout entier.
La porte se referme,
Je n’y vois plus rien.
Juste quelques rais de lumière
Passant dans les fentes du bois.
Il se passe quelques heures,
Il y fait humide et chaud.
J’y suis bien.
Je n’entends plus ta voix.
J’ai dû tomber dans un profond sommeil.
Je me réveille.
Je veux bouger.
Ce n’est pas la peine …
Toute une série de fibres m’enserre,
Me relie à l’intérieur.
De mon corps des excroissances
Venues des épaules, de mes doigts,
Font corps avec le creux que j’habite.
Mes cheveux se sont fondus
Dans une écorce intérieure moelleuse.
Je ne cherche pas à me débattre,
A retourner d’où je viens.
D’abord je ne le pourrais pas.
Je m’habitue à d’autres sens,
D’autres sensations,
Et celle toute particulière,
Du sang, remplacé peu à peu
Par la sève, qui me traverse.
Elle monte en moi,
Par les racines,
Que j’arrive à situer…
Mieux… à sentir
Une sève légèrement amère et sucrée,
Fluide, très fluide…
D’instinct je sais la distribuer,
Identifier les branches,
Le poids du feuillage,
Et d’où vient le vent.
Tu es assise assez loin du sol.
Tu as ta place favorite.
De temps en temps tu t’envoles,
Mais reviens me rendre visite.
Tu sais que mes mains sont larges,
Et que je t’attends.
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RC – oct 2014
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Fleurs d’air et d’eau. Brisures passagères ( RC )
Et la masse lentement glisse, Retenue par la terre, Canalisée par le creux des roches, La coulée tranquille du fleuve, Reflétant les moustiques, Coléoptères haineux, Hélicoptères, brisant le ciel De leurs pales, momentanément, La fleur de l'air se referme immédiatement, Dès qu'ils s'éloignent, Comme l'eau du fleuve, justement, Le lancer d'une pierre , Après le choc, l'avalant Inexorablement, Brisure momentanée d'une quiétude - Qui prend tout son temps. > De son éternité liquide, et renouvelée. - RC -2 octobre 2013
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* l’expression « fleur de l’air » est de René Char ( de la « parole en archipel » ):
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Parfum & image – (RC )
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Virevolte au travers de la chambre,
Une senteur, habillant ta présence,
Qui n’est plus qu’un petit creux,
Sur l’oreiller, et parmi les draps
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-Un peu froissés., il y a un ou deux,
Fils d’or – tes cheveux…
Tu n’es plus là, et même,
Si lentement, le parfum, se dissipe…
–
De l’absence il n’est plus distance-
Quand les nuits persistent,
A remplir d’ivresse, ton image.
Elle envahit tout l’espace,
–
Sans rumeur ni tapage,
Et revient , équilibriste
Sur la pointe des pieds,
En attendant, ton retour.
–
RC – 17 septembre 2013
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Esther Tellermann – pour sérier l’absence
Je le fis
neige hospitalière
craquelures
jardins lavés
d’Europe
reste d’un chant ancien.
Je le fis
association de l’air
sillon qui n’ensevelit
dépose dans sa force.
Là j’ai croisé
Les eaux musicales.
Brumes enveloppaient nos promenades
Nous étions
rameurs nous
promenions l’archet
sur les mondes creux
devenus plus légers
nous maintenions le rêve
nous nous fîmes
pluie
pour sérier l’absence.
–
Esther Tellermann
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Le ciel est tout autour ( RC )

photo: daveb ombres d’une caravane Sahara
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Le ciel est tout autour d’eux
C’est l’effort d’ une longue marche
A travers les dunes ;
Il y a les ombres qui devancent
La caravane et le sable
Qui ondule , égal à lui-même
Et juste marqué, de grains de rochers
Echappés de montagnes.
Le ciel est tout autour d’un creux
Il se rassemble et roule
Comme s’égarent les pistes
Désignées par les anges
En chemins des possibles
Que le soleil ardent
Apprécié des serpents
Efface en poussières…
Le ciel est tout autour d’un bleu
Si évanescent , mais dense
Qu’accrochent , peut-être
Le mirage d’une étendue d’eau
Là bas, si loin…
Dans nos pas de fourmi,
Une oasis, une illusion
Qui vient , puis s’efface
Le ciel est tout autour d’un feu
– Il s’est coulé dans le noir
Quelques flammes et du bois sec
Les nomades lui font cercle
Le désert est affable
Tout est silence, et les outres circulent,
Les chameaux, à genoux,
Soupirent, au chemin de demain.
RC – 19 septembre 2012
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Matités et brillances ( Rodin) – (RC)
Le regard parcourt matités et brillances
Qui se lovent dans les empreintes des mains
Elles ont saisi le bloc, trituré la glaise
Torsadé les corps, modèles –

Rodin: Cathedrale
En tensions musculaires, en force figée de bronze
Des pesanteurs de bures de métal
S’assourdit en creux, dérapages de lisses
La lumière joue des creux et des têtes
Mais n’arrête pas l’homme qui pense
L’homme qui marche et – dense
Car dense , le corps dressé d’un bloc
Un homme, un bloc, Balzac
Bronze, sentinelle de l’esprit
Indifférent à l’oxydation verte
Au jardin du parc, présence
Intemporelle, comme celle des mains
Les mains-cathédrale, la sculpture du vide
La césure laissée au marbre
Pour qu’en creux, la pensée respire, et soit…
Celle de Rodin, – et nous accompagne.
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RC 25 avril 2012
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The eyes runs through shine and matte effects
Which are coiled in the handprints
They seized the block, triturated clay
Twisted bodies, models –
In muscle tension, static strength of the bronze
Weight of the metal burdens
Is deafening hollow, smooth skids
Light plays between heads and hollows
But the thinking man does’nt stop
The man who walks , and – dense
Dense,because, upright body as a block
A man, a block, Balzac
Bronze sentinel of mind
Indifferent to the green oxidation
In the garden of the park, timeless presence
like the hands
Hands-cathedral, sculpture of the emptiness
The break left in the marble
For that , hollows, thought breathes, and will be…
That of Rodin – who accompanies us.