voir l'art autrement – en relation avec les textes

Articles tagués “cristaux

Pierre Lieutaghi – Lumière close ( part 1 )


Lucia, c’est la meilleure façon de m’adresser à vous d’aussi loin. Prenez le comme une lettre parlante. Il y aura beaucoup de blancs parce que je devrai souvent revenir en arrière. À la fin, je ne me réécouterai pas, sinon je n’en aurai jamais fini. Quand j’écrivais, rappelez vous comme c’était plein de ratures. Si vous pouviez entrer dans cette pièce, ce serait sûrement plus simple, je vous dirais de toucher le morceau de géode sur le piano.

Vous verrez, quand on passe l’ongle sur les cristaux, il suffit d’un rien, c’est un piano très sensible. Et puis ces pierres creuses ont une certaine parenté avec le cœur. J’en finirai jamais avec l’imagerie facile.

On a dû vous dire, c’est encore une histoire avec ses cristaux, il ne l’a pas volé, qu’est-ce qu’il avait à faire dans ce pays, dans ces recherches de quoi, est-ce qu’il n’avait pas mieux à vivre ici, c’est un suicidaire, et estera, mais nul ne sait vraiment ce qui s’est passé. Et moi, j’en suis à me demander aussi ce que je sais, est-ce que je pourrai le rassembler, et le raconter, ça m’oblige à commencer loin, parce que la fin, je sais au moins qu’elle vient clore une attente très ancienne.


Pierre Lieutaghi – lumière close ( extrait 1 )



Lucia, c’est la meilleure façon de m’adresser à vous d’aussi loin. Prenez-le comme une lettre parlante. Il y aura beaucoup de blancs parce que je devrai souvent revenir en arrière. À la fin, je ne me réécouterai pas, sinon je n’en aurai jamais fini. Quand j’écrivais, rappelez-vous comme c’était plein de ratures. Si vous pouviez entrer dans cette pièce, ce serait sûrement plus simple, je vous dirais de toucher le morceau de géode sur le piano.

Vous verrez, quand on passe l’ongle sur les cristaux, il suffit d’un rien, c’est un piano très sensible. Et puis ces pierres creuses ont une certaine parenté avec le cœur. J’en finirai jamais avec l’imagerie facile.

On a dû vous dire, c’est encore une histoire avec ses cristaux, il ne l’a pas volé, qu’est-ce qu’il avait à faire dans ce pays, dans ces recherches de quoi, est-ce qu’il n’avait pas mieux à vivre ici, c’est un suicidaire, et restera, mais nul ne sait vraiment ce qui s’est passé. Et moi, j’en suis à me demander aussi ce que je sais, est-ce que je pourrai le rassembler, et le raconter, ça m’oblige à commencer loin, parce que la fin, je sais au moins qu’elle vient clore une attente très ancienne.





Dégradé

Étude de la lumière, des couleurs et des formes. Création en studio à l’aide de lentilles endommagées acquises au fil des ans. Chaque estampe est disponible au format 18 x 24 po sur papier longue conservation.


Luis Cardoza Y Aragon – Cité natale


CITE NATALE ( Guatemala-la-Vieille )

Le grincement d’un grillon ouvre une porte

sur un ciel de conte de fées.

Tu surgis, les chemins creusent ton lit, navigable Solitude.

Le temps n’existe pas; être… Tout est déjà !

Jours d’un autre monde. Ciel sans rêve : paupières

Nuits comme d’obscurs bâillements, immobiles…

au centre de toutes les heures, indélébiles, infinies, et mûres.

Toi, malhabile, sur un trapèze

accroché à un jour et à une nuit

très hauts, profonds et sans maître,

te balançant largement, lentement,

ruminant tes monologues de fumée.

Car tu n’es que l’écho

de ton ombre sans corps,

écho de lumière, ombre de voix, très loin.

Quand atteindras-tu la surface

de la terre, du ciel ou de la mer,

depuis cette route où tu vas, nocturne,

vers le soleil de limbes innocents

qui t’attend, mais oublié déjà,

debout, endormi comme un phare,

en quelle péninsule d’ombre ?

Distance parallèle au regard :

rafales d’infini, ailes coupées,

coups de vent dans les rues.

Haut zénith parvenant de l’autre côté

en criant : « Oui » dans les paratonnerres.

Nadir, tourbillon de routes nocturnes,

porte voix de tombe hurlant : « Non ».

Toi, au milieu, comme une marguerite

de « jamais plus », perdue en tes oracles.

Tu clignotes parfois : jours, nuits…

Tu t’oublies… Soudain, cinq,

vingt jours ensemble, comme un éboulement ;

trois, quatre nuits télescopées

avec une étrange violence obscure.

Un songe de méduses et de cristaux

de part en part traversent les miroirs :

on sait de quoi sont faits

les chants des oiseaux,

ceux de l’eau, occultes et diaphanes.

On entend grandir les ongles de tes morts,

jaillir tes sources qui portent

en dansant un temps d’or sans arête

et sans valeur ;

tes jours évanouis sur des coussins

de douceur et d’ennui,

et mes cris qui brésillaient

avec une lente et croissante résonance

d’arcades et de coupoles.

Ne bouge pas, le vent pleurerait.

Ne respire pas, ton équilibre

d’arentelle se briserait

Ainsi, telle qu’en mon souvenir,

qui te reconnaîtrait ?

Ange des orties et des lys,

ne bouge pas, car je t’aime ainsi :

lunaire, mentale, intacte,

égale à toi-même en ma mémoire,

plus que toi-même.

Demeure dure, exacte et taciturne,

avec mon enfance de platine et de brouillard,

sur ta clairière de terre éboulée…

LUIS CARDOZA Y ARAGON. (Fragments) Version de F. Verhesen.

L C Y A: né au Guatemala en 1902.

El Sonâmbulo – Pequena Sinfoma del Nuevo Mundo – Poesia (1948).


Gaston Miron – Une fin comme une autre


image  Alfred Kubin  - vers l'inconnu

image               Alfred Kubin –               vers l’inconnu

(ou une mort en poésie)

 Si tu savais comme je lutte de tout mon souffle
 contre la malédiction de bâtiments qui craquent
 telles ces forces de naufrage qui me hantent
 tel ce goût de l'être à se défaire que je crache

 et quoi dire que j'endure dans toute ma charpente
 ces années vides de la chaleur d'un autre corps
 je ne pourrai pas toujours, l'air que je respire
 est trop rare sans toi, un jour je ne pourrai plus

 ce jour sera la mort d'un homme de courage inutile
 venue avec un froid dur de cristaux dans ses 
        membres
 mon amour, est-ce moi plus loin que toute la neige
 enlisé dans la faim, givré, yeux ouverts et brûlés

L’intérieur du galet – ( RC )


 

Lorsque le flot  s’épuise,
Et qu’on peut franchir de la rivière,
Son lit clair,            sans crainte d’être emporté,
Je pensais qu’il était possible, en brisant un de ces galets,

Que leur peau recouvre des entrailles,  un gemme
où se cachent cavités  et cristaux,
à la façon d’un oeuf , ou de ces  améthystes,
refermées sur leur carapace.

Une circulation mystérieuse,
un secret,         un « être abstrait ».
Doué  d’autonomie,       clos sur lui-même,
comme de ces cloportes,  et leur armure.

Mais le galet,       ne livre que le semblable.
Habité par l’inertie.
Sa nudité lisse  et ronde,   portée  sur l’extérieur,
N’est  qu’un  intérieur qui s’expose.

Un pur contenu, sans  contenant,
sinon la forme,
Celle, modelée des usures,
de sables, de glaces et  de pierres

Enfanté d’autres  roches, dévalées de l’amont,
vers de  liquides couloirs .
Des nuits épaisses,              habitées de truites
ablettes et gardons,           aux furtifs passages.

Les herbes       ne fissurent pas le jour.
Le galet prend l’apparence            de ton sein.
Il lui manque quelque part le battement du pouls.
C’est ce que trahit           son poids de matière .

J’ai cherché                au-delà du lit,
Et du brancard de boue,
Sous les joncs pensifs
De quoi  reconstituer une paire.

Mais nulle part,
Je n’ai trouvé le semblable,
Les mêmes  cristaux,          et encore moins,
–                         Le grain de ta peau.


RC  – nov 2014


Oiseau mécanique – ( RC )


 


On dit que tu as tout ce que tu veux
Et un oiseau mécanique merveilleux,
Aux ailes incrustées d’émeraude,
Chante à la place d’un vrai.

Ton oiseau est de couleur verte,
Il est au centre de tes richesses,
Tu ne regardes qu’elles;
Et ne me vois pas.

Tu es fasciné par son chant
Par les reflets des cristaux,
Toutes ces choses précieuses,
Dont l’abondance te cache l’univers.

> Le monde tel qu’il est
Est bien loin de toi;
Tu ne m’entends pas,
Mais seulement le chant de cet oiseau.

Dès que tu ouvres la boîte,
Inscrustée d’ivoire et de nacres
Que tu tournes la clef,
Attendant son tour de piste .

Mais un jour le ressort casse,
La belle mécanique se dérègle,
Le précieux automate reste figé,
Désormais inutile et grotesque.

Tu découvres soudain,
Qu’un vrai rossignol,
Se balance sur une branche,
Face à ta fenêtre.

Libre d’aller et venir,
Il attendait ton réveil,
Et que ton regard se pose sur la nature,
Où les ors et vermeils ne sont pas nécessaires.

On dit que tu as tout ce que tu veux,
Mais les biens matériels ,
Finissent par te masquer la vie.
Ouvre donc la fenêtre.

Il y a un ailleurs,
Qui s’étend loin autour
De ton château.
Tu m’y verras peut-être, maintenant.

Il suffit d’ouvrir ses yeux,
Et ses oreilles, aux rossignols,
Un coeur ouvert aussi
Au reste du monde.

– Librement inspiré du conte  » le rossignol et l’empereur » ( Andersen),
et de la chanson des « Fab Four »:  » And your bird can sing ».

 

 

RC- mai  2014

 


Facettes – ( RC )


photo: montage perso

photo:       montage perso

Dans les rêves pleins,

Que tu as peints,

Il y a concentré,

Tout ce qu’on peut trouver

Il faudrait des années

Lumières- et étincelles,

Pour en comprendre une parcelle.

Alors pour en discerner,

Ne serait-ce qu’un peu,

A la lumière de midi,

Sitôt suspendue, la pluie,

C’est encore un autre jeu

Une fabrique d’irréel,

Les gouttelettes des jets d’eaux,

Luisant de leurs cristaux,

En formant l’arc-en ciel.

Si tu joins la neige à l’été,

La luge à dos de chameaux,

Tu parles aussi aux oiseaux ,

Et des planètes lointaines visitées,

En laissant de nouvelles adresses   ,

Parlant un langage savant,

Juste compris du vent,

Et de grandes prêtresses,

Déroulés comme des pellicules,

Des films de Méliès,

Aux images enchanteresses,

Où de nouvelles formules,

Permettent aux libellules,

Des voyages d’insouciance,

Quand tu transmets l’essence

De parcours majuscules.

Les fruits les plus goûteux,

Sont dans ton esprit,

Et , comme tu les écris,

Concentrés et juteux.

Aux commissures des chemins,

Il faudrait être dans ta tête,

Parcourir les facettes,

Ou à défaut, te prendre la main.

RC  – janvier 2014

extraits de Méliès « Le voyage dans la lune »


Lost ( RC )


Il n’ y avait plus de train,
Pour aller plus loin,
alors, je suis  resté,
Parachuté ici,
Où tout y est miséreux,
Usé par le temps, crasseux,
écrasé des indifférences,

C’est  comme enfiler des vêtements,
Qui ne sont pas siens,
Avec  des plis irréversibles,
Des taches incrustées,
Et des mailles qui se lâchent…
Et emprunter une voie qu’on a jamais remarquée,
Une voie de garage, au sens propre.

Des odeurs tenaces de vieilles huiles,
Des odeurs  étrangères,
Insérées  dans les tôles bariolées du port,
Menant vers  le plus inconnu encore,
A la lumière éteinte  et des plages noires,
Au delà d’un horizon ourlé de gris,
Scandé d’échardes de grues rouillées.

Il y avait cet attroupement,
Et à voix basse, ce cercle de gens,
Aux bleus délavés,
Comme leurs yeux, noyés,
Dans les vapeurs de vodka,
Autour du corps défait d’un marin,
–   Le sel faisait des cristaux sur sa peau.

RC – 4 septembre  2013


Richesse inutile ( RC ) – ( écho à Isabelle Dalbe)


photo perso -  dolmende l'Aumède  Chanac, Lozère

photo perso – dolmen           de l’Aumède     Chanac, Lozère

Aux pays lointains,
Ceux où le soleil s’attarde,
méridiens  d’Afrique,

La Noire

Ne s’imagine
Une couverture blanche,
Que la nudité du silence,

Il recouvrirait
A ce qu’on dit
Des terres  d’abondance,

Forêts  denses,
Rivières clarté,
Mais si loin encore,

Le froid  qui recouvre,
Etendues, et convoitées
D’autant de diamants,

La  blanche

Ce qui reste de cristaux,
Qu’on ne peut emporter,
Richesse inutile.

A portée de mains,
Glacée,
La neige se fond en elle-même.

RC –  25 juillet 2013


La neige

à Laurent Albarracin

La neige noue clepsydre et giboulées.
Elle fleurit la bombe de cet écho.
Dans la nudité de la blancheur
elle existe pour le silence.

La neige continue l’objet convoité.
Elle est le temple de la grêle.
Une poupée de la rosée
à hauteur de la vive allure.

A l’enseigne de nos pas
c’est un loup d’azur.
Tout un temps bâti
pour le huitième jour.

La neige se fond dans la neige.
Mère à-pic baptisée Ẻquilibre.
S’enterre sa racine phénix.
La neige ne s’arrache pas.

I. Dalbe

 

 

également ce texte  de Sophie G Lucas,  qui dit  quelque  chose  d’approchant à ce que j’écris…

 

extrait de  « Se recoudre à la terre »

on n’en fait rien de
la neige
(toute l’épaisseur de
ce monde dans une fenêtre)
tout juste se demande-t-on
comment ce sera une fois
que tout aura fondu
si la vie sera la
même
et si c’est bien la neige
qui bloque les siens
dans le
silence

 


Paillettes de beauté ( RC )


photo: Joce V  ( voir son ensemble de photos  sur flickR)

Un peu de beauté, en grains
Paillettes  d’or  flottant un instant dans l’air
Et s’y dessine  ton sourire
En pointillés,
un lointain peut-être,
Mais un sourire,
Traversant les distances, les froidures;

Vois-tu cette beauté,
Celle  que le froid justement,
Dépose en dentelles
De givre    …  à la robe grise de l’hiver,
Et qu’un bref sourire ,
Le soleil que tu m’envoies
Font de ces paillettes d’eau, autant de diamants  ?

Un peu de beauté
Echappée au banal
Aux injures et insanités,
Et si précieuse,
Si fragile en ses cristaux
Qu’on ne peut la conserver,
Que dans son regard et son coeur…

RC          – 9 février  2013

( écrit à la suite  de la lecture  de extrait de il(e) 4, de            Agathe Elieva

 


retraits d’hier en hivers (RC)


Le manteau gelé              de la falaise d’eau
mur de pâte bleutée,                  – un rideau
aux griffes du temps, la chape appesantie
immobilise la source,  –        déjà ralentie

La lave de froid,       suspend les instants
de vie ruisselante, jusqu’aux printemps
la congèle,                 – directe assassine
en coulures blanches, jusqu’aux racines

Que même l’astre – de passage – épanoui
ne parvient pas          à les rendre à la vie
se heurte et rebondit sur les cristaux
tranchants       comme  des couteaux

Il faudrait       changer d’hémisphère
ou refaire                un tour de la terre
d’un coup de baguette  –             magie
et libérer tout à coup –           l’énergie

Laisser de côté                     le manteau de glace
Faire  que semaines                          –  se passent
que d’airs nouveaux,                     la vie se dope
qu’entre  feuilles mortes,les herbes  développent

Un timide tapis ,            duvet de bonheur
étoilé de fleurs – , mouvements,couleurs
et que reprenne      les insectes, la course
des bourgeons                        et des sources

–                     C’est bientôt  chose faite
l’hiver, en rétréci, détale sa défaite
accompagné      d’accords musicaux
du refrain     des  chants des oiseaux

inspiré  de  « sous le manteau  d’hiver »   (JoBougon)