Nathalie Bachand – la table de cuisine

On est assise à la table de la cuisine, la nuit.
On observe des roches blanches. Il y a le thé et le napperon vert-de-gris.
Le thé dans la théière métallique et dans la tasse blanche.
Le napperon sur la table rectangulaire bois de pin et le cahier sur le napperon.
Le stylo à encre noire. On ne va pas écrire.
On a bu le thé et enlevé le napperon. Puis ses vêtements.
C’est le corps chaud qu’on s’est étendue sur le dos, nue, en étoile.
Le cœur en mouvance dans le corps immobile.
On a imaginé les étoiles par-delà le plafond, le stuc en donnait presque l’illusion.
Ce n’était pas spécialement singulier.
Simplement une façon comme une autre de se détacher de soi.
Coucher le corps plutôt que l’écriture, suspendue hors de soi pour un temps.
On a tenu deux roches: une dans chaque main, bras ballants dans le vide, les mains tournées vers la nuit.
Le corps étendu en étoile sur la table, un million de minuscules stucs de plâtre dans les yeux, deux roches froides et blanches dans les mains.
Une parfaite impossibilité d’écrire dans cette immobilité minérale et son cœur, d’un rouge éclatant dans la blancheur de cette cuisine devenue l’antichambre de soi-même.
Les roches sont devenues tièdes au creux des mains.
On aurait dit deux cœurs ossifiés: tout le corps comme un os.
On est longuement restée ainsi.
Et puis, les bras engourdis, on a légèrement retourné les mains vers le bas.
On a lâché les roches sous la table.
C’est dans le vide quelles sont tombées.
origine du texte revue québécoise « Jet d’encre n°9 »
Nathalie Bachand est diplômée en pratique des arts à l’université de Québec Montréal et s’intéresse à la relation entre l’art et l’écrit.
Jean-Claude Pinson – Saison des civelles
( extrait de son ouvrage » J’habite ici )
Tard un soir que nous traversions la Loire à Nantes
nous fascina le spectacle de dizaines de bateaux
qui allaient et venaient entre les ponts semblant fouiller les eaux avec leurs projecteurs
on était en mars et c’était comme si dans ce remuement nocturne le printemps
bientôt à naître avait
eu un cœur et qu’il battait au rythme étouffé
des diesels nous avions laissé la voiture sur la berge pour marcher
et mieux respirer l’odeur de la marée
montante, celle qui pousse les civelles
dans les eaux de l’estuaire
Le long du quai il y avait aussi des pêcheurs à pied ceux-là; ils trempaient des tamis
dans les remous
du mascaret avec des gestes graves d’orpailleurs nous nous étions approchés: au fond des épuisettes ce qu’ils remontaient ressemblait à du verre en
fusion ou plutôt à des spermatozoïdes vibrionnant désormais en vain et nous avions parlé aux enfants
d’une odyssée commencée là où dort dans les grands fonds l’Atlantide engloutie
du moins c’est la légende, avions-nous ajouté en remontant dans la voiture
je songeai à me servir de cet exemple dans un cours sur la nature et la finalité
je poserais la question de savoir s’il y a un sens à dire qu’une intention quelconque a présidé au long voyage des civelles comme si quelque main anonyme et connaissant les cartes marines les avait guidées jour après jour depuis qu’elles sont confiées aux bras infatigables du courant et en quel sens leur transhumance témoigne pour la force d’une mémoire, d’une lumière d’avant les hommes- droit d’aînesse que d’ailleurs il leur faut payer au prix fort
Ainsi je fais moins fi des variations du temps,sèche avec le vent d’est, revis lorsqu’une dépression approche son haleine, humecte l’horizon d’un front bas de nuages
alors le corps est comme une maison où des chambranles gonflent où des parquets respirent les lèvres colmatent leurs fissures prêtes pour la pluie ou plutôt le crachin qui est comme les postillons d’une grande parole le regard intérieur s’assouplit tandis qu’à l’horizon le bocage lève comme un gâteau on dirait même que les viscères sont prêts (pourtant les miens sont franchement athées)
à écouter la pluie et son crépi jeté évanescent sur les fenêtres comme une aria céleste
mais c’est évidemment trop dire
Au printemps j’ai des chemins creux qui poussent dans la tête, des envies de campagne
rarement je passe à l’acte je me complais plutôt à choyer la mémoire d’un jour à l’île aux Moines où nous avons marché entre deux fanfares d’aubépines (la métaphore tant pis trahit la paix du lieu)
le vert d’une île en face faisait comme un motif mit la très grande assiette de la mer
Pourquoi étions-nous si sereins?
Etait-ce au bout du chemin la certitude que serait une plage où ramasser des coquillages?
Ce matin j’ai senti un avant-goût d’été
il suffisait que soit ouverte une fenêtre de cuisine que s’en échappent des bruits légers de vaisselle qu’on range fugitivement faisant tinter comme des sous du nouvel an
les beaux jours à venir et que sur le rebord fume la tache rose des langoustines
dans un grand plat qu’on avait mises à refroidir
…
Mike Stern – la marche du danseur
spectacle de Lucinda Childs
La marche du danseur
J’adore voir un danseur marcher
sur une surface ordinaire
hors scène et hors service
Gracieux même quand il pousse un caddy
le corps spontanément
devient si détendu si léger
que la pesante loi de gravité
semble n’être qu’une rumeur
La terre tourne sous les pieds du danseur
La lune et autres satellites
ajustent leurs orbites
Tout cherche sa place de nuit
Le danseur, de retour chez lui,
coupe des tomates en tranches et fait frire des oignons
debout dans la cuisine
comme un héron faisant une pause entre le rivage
et le soleil couchant.
Alain Giorgetti – pourquoi il marche

un des textes d’ Alain Giorgetti visible sur son site tumblr …
Est-ce qu’on a le droit de demander à quelqu’un pourquoi il marche de la façon dont il marche… Est-ce qu’on demande à quelqu’un pourquoi il respire comme il respire, pourquoi il a ce grain de voix, cette odeur corporelle, pourquoi il dort sur le côté, pourquoi il crie quand il jouit ou pourquoi il ne prend jamais de sucre dans son café… Mais alors, pourquoi donc demander toujours à celui qui écrit peu ou prou, pourquoi il écrit comme il le fait ? Est-ce que ça ne suffit pas, que ce soit là, parce que ça devait sortir et surtout parce que ça devait sortir comme ça ? N’y a-t-il pas que cela qui compte en fait, en réalité et en définitive…
Parce que, dis-donc ! tu ne la trouves pas un peu compliquée toi, la Vie, des fois… Et ta vie-même, la tienne-là ! celle qui s’écrit sous tes yeux sans s’écrire ! est-elle vraiment si simple, ta vie… Ne se nourrit-elle pas de traces confuses, de paillettes morbides, d’illusions kaléidoscopiques et d’ombres et de lumières… Est-ce que tu as déjà regardé de près une feuille de papier, une tache d’encre, un mille-feuille, un marc de café, un morceau de sucre ou la lampe de ta cuisine…
A chaque fois que l’on me parle d’un écrivain tellement si « super » ou « génial » en la raison de sa simplicité, de son accessibilité ou de son art supposé de la belle communication (spécialité du journaliste-culture estampillé France Inter par exemple)… A chaque fois oui ! un malaise insidieux s’empare de moi, dont l’essence m’entre dans l’oreille comme le poison de Hamlet et je ne cherche plus dès lors qu’à m’enfuir au loin, tel un daim au devant des bulldozers autoroutiers… Sans rien demander.
Ah ! que la vie est quotidienne.
Langston Hugues – Weary Blues poems

photo: auteur non identifié le bluesman T Bone Walker
Et loin dans la nuit, il chantonnait cet air.
Les étoiles sont parties , et ainsi fit la lune.
Le chanteur a arrêté de jouer et est allé dormir
Pendant que le Weary Blues lui fait écho dans sa tête.
Il dormit comme un roc ou un homme qui est mort .
(ma traduction diffère sensiblement de celle fournie avec le poème entier en dessous)
And far into the night he crooned that tune.
The stars went out and so did the moon.
The singer stopped playing and went to bed
While the Weary Blues echoed through his head.
He slept like a rock or a man that’s dead…
—
( Le haut-parleur de « The Weary Blues » de Langston Hughes décrit une soirée à écouter un musicien de blues à Harlem.
Avec sa diction, sa répétition de lignes et sa prise en compte des paroles de blues, le poème évoque le ton lugubre et le tempo de la musique blues et donne aux lecteurs une appréciation de l’état d’esprit du musicien de blues dans le poème.)
–Langston Hughes, a laissé une œuvre abondante de poète, de nouvelliste, de dramaturge et d’essayiste. Les poèmes qui suivent sont extraits de son premier recueil paru en 1925, « The Weary Blues ».
d’autres poèmes de Langston Hugues:
LE NÈGRE PARLE DES FLEUVES
J’ai connu des fleuves
J’ai connu des fleuves anciens comme le monde et plus vieux
que le flux du sang humain dans les veines humaines.Mon âme est devenue aussi profonde que les fleuves.
Je me suis baigné dans l’Euphrate quand les aubes étaient neuves.
J’ai bâti ma hutte près du Congo et il a bercé mon sommeil.
J’ai contemplé le Nil et au-dessus j’ai construit les pyramides.
J’ai entendu le chant du Mississipi quand Abe Lincoln descendit
à la Nouvelle-Orléans, et j’ai vu ses nappes boueuses transfigurées
en or au soleil couchant.J’ai connu des fleuves :
Fleuves anciens et ténébreux.Mon âme est devenue aussi profonde que les fleuves.
(paru dans la revue « Crisis » en 1921)
–
I’ve known rivers:
I’ve known rivers ancient as the world and older than the flow of human blood in human veins.
My soul has grown deep like the rivers.
I bathed in the Euphrates when dawns were young.
I built my hut near the Congo and it lulled me to sleep.
I looked upon the Nile and raised the pyramids above it.
I heard the singing of the Mississippi when Abe Lincoln went down to New Orleans, and I’ve seen its muddy bosom turn all golden in the sunset.
I’ve known rivers:
Ancient, dusky rivers.
My soul has grown deep like the rivers.
MOI AUSSI
Moi aussi, je chante l’Amérique.
Je suis le frère à la peau sombre.
Ils m’envoient manger à la cuisine
Quand il vient du monde.
Mais je ris,
Et mange bien,
Et prends des forces.Demain
Je me mettrai à table
Quand il viendra du monde
Personne n’osera
Me dire
Alors
« Mange à la cuisine ».De plus, ils verront comme je suis beau
Et ils auront honte, –Moi aussi, je suis l’Amérique.
—–
I, Too
I, too, sing America.
I am the darker brother.
They send me to eat in the kitchen
When company comes,
But I laugh,
And eat well,
And grow strong.Tomorrow,
I’ll be at the table
When company comes.
Nobody’ll dare
Say to me,
« Eat in the kitchen, »
Then.Besides,
They’ll see how beautiful I am
And be ashamed–I, too, am America.
LE BLUES DU DÉSESPOIR
[THE WEARY BLUES]
Fredonnant un air syncopé et nonchalant,
Balançant d’avant en arrière avec son chant moelleux,
J’écoutais un Nègre jouer.
En descendant la Lenox Avenue l’autre nuit
A la lueur pâle et maussade d’une vieille lampe à gaz
Il se balançait indolent…
Il se balançait indolent…
Pour jouer cet air, ce Blues du Désespoir.
Avec ses mains d’ébène sur chaque touche d’ivoire
Il amenait son pauvre piano à pleurer sa mélodie.
O Blues !
Se balançant sur son tabouret bancal
Il jouait cet air triste et rugueux comme un fou,
Tendre Blues !
Jailli de l’âme d’un Noir
O Blues !D’une voix profonde au timbre mélancolique
J’écoutais ce Nègre chanter, ce vieux piano pleurer –
« J’n’ai personne en ce monde,
J’n’ai personne à part moi.
J’veux en finir avec les soucis
J’veux mettre mes tracas au rancart. »
Tamp, tamp, tamp ; faisait son pied sur le plancher.
Il joua quelques accords et continua de chanter –
« J’ai le Blues du Désespoir
Rien ne peut me satisfaire.
J’n’aurai plus de joie
Et je voudrais être mort. »
Et tard dans la nuit il fredonnait cet air.
Les étoiles disparurent et la lune à son tour.
Le chanteur s’arrêta de jouer et rentra dormir
Tandis que dans sa tête le Blues du Désespoir résonnait.
Il dormit comme un roc ou comme un homme qui serait mort.
———————–
Droning a drowsy syncopated tune,Rocking back and forth to a mellow croon,I heard a Negro play.Down on Lenox Avenue the other nightBy the pale dull pallor of an old gas lightHe did a lazy sway . . .He did a lazy sway . . .To the tune o’ those Weary Blues.With his ebony hands on each ivory keyHe made that poor piano moan with melody.O Blues!Swaying to and fro on his rickety stool He played that sad raggy tune like a musical fool.Sweet Blues!Coming from a black man’s soul.O Blues! In a deep song voice with a melancholy tone I heard that Negro sing, that old piano moan—« Ain’t got nobody in all this world,Ain’t got nobody but ma self.I’s gwine to quit ma frownin’And put ma troubles on the shelf. »Thump, thump, thump, went his foot on the floor.He played a few chords then he sang some more— « I got the Weary BluesAnd I can’t be satisfied. Got the Weary BluesAnd can’t be satisfied— I ain’t happy no mo’And I wish that I had died. » And far into the night he crooned that tune.The stars went out and so did the moon.The singer stopped playing and went to bedWhile the Weary Blues echoed through his head.He slept like a rock or a man that’s dead. –
NÈGRE
Je suis un Nègre :
Noir comme la nuit est noire,
Noir comme les profondeurs de mon Afrique.J’ai été un esclave :
César m’a dit de tenir ses escaliers propres.
J’ai ciré les bottes de Washington.J’ai été ouvrier :
Sous ma main les pyramides se sont dressées.
J’ai fait le mortier du Woolworth Building.J’ai été un chanteur :
Tout au long du chemin de l’Afrique à la Géorgie
J’ai porté mes chants de tristesse.
J’ai créé le ragtime.Je suis un Nègre :
Les Belges m’ont coupé les mains au Congo.
On me lynche toujours au Mississipi.Je suis un Nègre :
Noir comme la nuit est noire
Noir comme les profondeurs de mon Afrique.
—
I am a Negro:
Black as the night is black,
Black like the depths of my Africa.I’ve been a slave:
Caesar told me to keep his door-steps clean.
I brushed the boots of Washington.I’ve been a worker:
Under my hand the pyramids arose.
I made mortar for the Woolworth Building.I’ve been a singer:
All the way from Africa to Georgia
I carried my sorrow songs.
I made ragtime.I’ve been a victim:
The Belgians cut off my hands in the Congo.
They lynch me still in Mississippi.I am a Negro:
Black as the night is black,
Black like the depths of my Africa.
—
et toujours sur Langston Hugues, voir ma parution » fresque sur Lennox Avenue«
–
–
.
Ivresse et « cuisine » avec JoBougon (RC)
Ivresse ( texte original à partir duquel les autres sont en « écho » )
19 juin 2011 par jobougon
Ces douleurs que le monde méprise
Nous freinent telles les douleurs exquises
Qu’il conviendrait très chère marquise
De transformer en friandises
A faire dégeler les banquises
En vivant nos passions torrides
S’il advenait qu’à tout hasard
On apprenne à faire don de l’art
De s’abandonner en amour
Sans plus de peur ni de détour.
-
Ainsi par quelques détours
Et revenu à l’Amour,
Chère Marquise
tu m’a conquise
gilles/lepoete71 -
le 19 juin 2011 à 23:48 |
Ainsi va notre amour
Redessinant les contours
De nos deux vies réunies
Pour être plus épanouis.Jobougon/lapoétesse13
Avec mille bisous -
le 20 juin 2011 à 00:18 |
Souffrez, chère marquise,
Qu’à ces mots, à mon oreille si tendres
Je sorte du congélateur aux douces bises
La crème fouettée, qu’il fallait se prendre
Afin d’orner, du four extrait, torride
Ce gâteau aux saveurs exquisesQui n’attend que votre bouche avide
Abandonnant sans peur ni timide
Son fondant d’arômes liquides
Pour ne laisser plus aucune miette
Sur votre délicate assietteSans détour , ni peur
Je vous donnerai de tête
Les secrets de ma recette
Deux cent cinquante grammes de beurre
De la tendresse ,de la bonne humeur…
Et à vos joues émues, un peu de couleur ! -
Ah cher marquis c’est étourdie
Par toutes ces jolies sucreries
Qui sentent bon les joies refleuries
Que vous me voyez alanguie
Vous m’avez tant fait rire ce soir
La poésie est une victoire
Et c’est renversée comme la crème
Que sur mes joues monte l’érythème
D’une ivresse où votre tendresse
N’a d’égale que vos douces caresses. -
Ainsi , je suis fort aise que ce dessert
de suite après le camembert
vous tirez, Marquise, une caresse
des ces mots renversés, une prouesse,Il convient maintenant de savourer
ce que vie peut nous donneraussi je propose une fine liqueur
Que nous boirons en coeurAutant faire de l’ivresse
Une divine messe ! -
Votre messe cher marquis adoré
N’a vraiment plus rien du curé
Vous savez combien j’aime pourtant
A rester un tant soit peu décent
Mais puisque vous relevez le jeu
Je vais donc me servir de ce feu
Pour allumer dans la cuisine
Sous ma petite recette coquine
Et aller réchauffer l’humour
Avec plein d’autres calembours. -
Et bien, Marquise, en cuisine coquine,
Je ne doute qu’elle sera fine,
Et de l’humour à petit feu
De l’amour toujours ce sera jeuIl faut céans laisser de coté,
Il est vrai, notre brave curé
N’aurait cure (et) de propos polissons
De ses ouailles, surtout en juponsCeci non plus, sans invoquer diable
Ou, si c’est vous , Marquise, si aimable
Aux saveurs et propos de miel
On a évoqué le septième cielA partager en deux , je dirai cieux
Que votre recette est bonne ( grands Dieux) ! -
Existe-t-il au autre destin, pour les passions torrides qui se vivraient sur des banquises, que celui de tomber à l’eau ?
-
Espérons que la glace tienne suffisamment longtemps pour qu’elles meurent de leur belle mort.
-
Je commanderai café liegeois
Pour le siroter avec toi
S’il reste suffisamment de place
Pour tenir à deux sur la glace. -
Le tout est bien glissant
Et le café sur ma chemise
En traces, n’est pas de mise
Sur un blanc très salissantC’est la faute au vin de messe
Dont j’ai rempli de calice
Marquise aurait appelé la police
Si elle n’avait, en grande prêtresseEffleuré le bonheur
D’une badine farouche
Qui à tous les coups fait mouche
—
un p’tit verre de liqueur ? -
Ce cher marquis
Il dit liqueur
Mais mon honneur
Me commande de faire à son heure
Mieux que le café en couleurPuisqu’ une tache qui serait brune
Sur sa poitrine moi je l’assume
Je roulerais jusqu’à sa plume
La dite messe d’une douce écume
C’est la glace qui fond je l’assure
Et puisque cette prune est mûre
Ne reculez pas d’aventure
Devant la pâte et la levure
Entrons direct dans la cuisine
De cette jolie diablesse divine
Qui a le palais si sublime.
–
Que diriez-vous d’être au régime ? -
Car ce sera si j’ai bien compris
En cette saison un clafoutils
Je serais prêt à en faire pari
Et vous avez tous les outilsEt par vos dons, Marquise,
Dans la farine, vos doigts
Et la juste cuisson requise,
Ce sera un plat de choixAu régime me souhaitez vous?
Cruelle, cette préparation exquise
Au moelleux si doux
Pour moi, n’était pas de mise ?Ce n’est pourtant pas l’embonpoint
Que vous montrez de vos doigts blancs
Ce qui tend ainsi mon pourpoint
N’est pas un songe gourmand( réservé aux amants ?)
-
A brûle-pourpoint je vous réponds
Que le régime de ma cuisine
Est réservée à ceux intimes
Qui ont su faire fondre les pontsMais marquis vous qui vivez loin
Saurez-vous rejoindre ces matins
Où le clafoutis dégusté
Nous aurons les noyaux crachésCroyez bien très cher samouraï
Qu’avec toutes ces victuailles
Vous soyez bénis par les « Dieux »
Je le ressort toujours un peuAimant à toujours concocter
Des plats de chambre* à plaisanter
En toute sorte de saisons
Et toute sorte de positions…(réservé aux aimants)
-
Si c’est donc là, le régime
D’un sourire en coin
Ce n’était pas l’embonpoint
Dans vos propos légitimesJe partage à distance
Les prunes que mon jardin
M’offrent dans ma main
Noyaux exceptés, de préférenceChère Marquise,j’imagine votre geste
Clafoutis dégusté, rejoindre le matin
Plats de chambre en un tournemain
(tours de mains), pour les propos lestesEt plaisanter de concert,sur la cuisine
La façon et la cuisson
En toutes positions
Il est dit , »de parties fines »Je vous crois sur parole,
A faire fondre les ponts, votre visage
S’illuminera – selon l’usage
Comme celui d’une sainte, sous l’auréolePour cela, puisque nous parlions d’ivresse
Boissons dégustées et plats partagés
Seront goûtés comme il se doit, et mangés
Bien épicées, de caresses et tendresses. -
Marquis je chambre et j’aime chambrer
Et de parties fines je connais
Ce que vous voudrez bien montrer
Si c’est l’embonpoint qui vous siedNos complicités culinaires
Seront rejointe volontiers
Par d’autres jeux bien plus sucrés
Qui ne sortent pas du frigidaireSachez donc que mars et vénus
Sous la couette ont des imprévus
Qu’il convient aussi de dompter
Pour que le partage soit entierSi vous touchez à l’émotion
Il viendra alors des frissons
Evitons l’écueil du rendement
Qui paralyse et glace le sangPour que les visages s’illuminent
Vous oserez ces jeux sublimes
Qui ne demandent aucun effort
Et nous mettrons tous deux d’accordA venir lâcher nos défenses
Il nous faudra toute la patience
Et la vulnérabilité
Nécessaire à la volupté. -
Rassurez vous Madame
Point d’embonpoint n’ai
Bien que je sois gourmet
Et même, ce ne serait pas drameVoulez vous avec biscuit ,volupté
partager ? Je connais des boudoirs
Qu’il faudrait savoir
Tremper dans votre théMars et Vénus
en planètes associées
sans atmosphère viciée
sont les bienvenusLoin de moi les rendements
D’une cuisine rapide
Aux plats insipides
Je vous prendrai doucementPar la taille
pour accompagner les jeux sucrés
ceux de votre spécialité
les aventures de la failleQue je rempliai de grains
Dorés de raisins
Pour mieux savourer
Les fruits de vos bontés -
Vous êtes mon empereur
J’ai fait salon dans mon boudoir
En tendre faim de recevoir
Cet embonpoint que n’avait pas
Marquis et son doux chocolatDe thés parfumés au jasmin
Vous avez trouvé le chemin
Je n’en dirai pas davantage
Sur la profondeur de l’ouvrageCar sans être béni oui-oui
Marquis vous avez bien admis
Que loin d’être une sauterie
Pour jeter d’en haut l’ennemi
C’est de boudeuse dont il s’agit
D’envers ou d’endroit je l’oubliePour nul naufrage il faut courage
Vous avez relevé le défi
A travers les mailles du corsage
Vous êtes allé sans faire un pliDe cette bonté partagée
Comment faire pour vous remercier
Si ce n’est en vous laissant faire
Dans l’entrée vos douces affairesEt de portail en cheminée
Comment aurais-je pu deviner
Dans quelles sortes de mondes enchantés
Vous alliez là me projeterNos ravissements planétaires
Viendraient comme un grand souffle d’air
Aérer le feu des idées
Bien mieux qu’un âtre ordinaire
A me pulser sur vos avés
Sans jamais être offenséeLes miroirs en lie de folie
C’est d’une bouteille dont il s’agit
Un de vos crus millésimés
Dont seul vous avez le secret
C’est ainsi qu’il fallait traiter
Les fruits de vos raisins dorésQuand par la taille vous m’avez prise
De bonheur suis restée éprise
Vos failles sont pleines de surprises
Que sans vous n’aurais pas apprisesSans chercher aucune petite bête
Mon araignée fût stupéfaite
De se trouver au cœur d’une fête
Dans l’imprévu de vos fenêtresMarquis de boudoirs en salons
Vous avez œuvré pour de bon
A faire le tour de ma question
Réservée à mon grand champion
J’avoue que c’est votre nez rond
Impérial qui eut le pompon. -
C’est ainsi, grande duchesse
Que par la luxure de vos tresses
Nous montons en grade
Sans que rien de dégrade
De complicité, nos relations
Boudeuse, Bougon, c’est votre appréciation
Du courage certain, dont il est question
Pour les douces affaires
Au ventre salutaireJ’ouvrirai mon pourpoint
Pour, de vous, prendre soin
En crus millésimés
J’oserai vous limer
Et duchesse , à vous presser
En surprises caressées
Votre araignée maligne
Saura se montrer digne
D’une visite ino-pinée
D’une seringue d’élixir
Qui vous fera rougir
Sitôt ino-culée.Que j’aime votre entaille !
Pour la visite, on n’y voit goutte
Mais c’est sans doute
La profondeur de la faille
Afin d’en avoir le cœur net
J’écarterai les pétales
Avec ma langue frontale
D’une pichenetteD’une fontaine jaillissante
Je récupérerai les raisins aplatis
Par mon grand appétit
De passion fouissante
Et du jus de fruits
Extraite de votre puits
Une bouteille tiède
D’un puissant remède
Pour le festin galant
Des nouveaux amants -
Lampe frontale
Dans les escaliers de mes nuits
Qui donne accès au fond du puits
J’ai trouvé cet équipement
Pour visiter l’appartementQui serait témoin de l’épreuve
A laquelle les yeux qui s’abreuvent
Permettrait de naître à soi-même
Sans que la détresse nous promèneNée de notre conversation
La lampe frontale fait allusion
A d’autres lieux bien plus intimes
Qui ne sombrent pas dans l’abîmeMais bien qui donneraient le frisson
A l’épervier et au faucon
Qui réunissent de toute façon
La gaité de tous les pinsonsJ’ai opté pour la guérison
Sans effort et dans l’abandon
J’y retrouve ici le pardon
De toutes mes erreurs d’illusionsLa lampe frontale n’est pas fatale
Mais bien guérisseuse en crotale
Lorsque celui-ci n’a pas mal
De ma dévoreuse mygale. -
Et apparemment, peut-on visiter cet appartement ? – décemment
Il y a des coussins de velours, et des canapés profonds – frissons
Les erreurs d’illusions, sont-elles des illusions d’erreur? – barrissons
Et la guérison, – comme la tête de loup…
chasserait de l’obscurité, les remous, les doutes et fantômetsDéjà faute d’oiseaux nocturnes ( enfin ceux que tu as cités), – publicité – Chouette et hibou feront à défaut du ménage, bon ménage
Au fond de ta grotte, en langue frontale ( et non pas lampe)
on ne pAnse pas à mal ( car honni soit qui mal y pense)…
et de mygale… les frissons, c’était les amidales – qui les donnaient– amicales
-
Aucune guérison n’est fatale
Aucune lampe frontale bacchanale
Nos oiseaux nocturnes dans la turne
Verront ainsi l’âge de saturne
Vous avez de drôles d’amygdales
Un rien peut-être archétypales
J’ai pansé qu’il valait mieux
De penser l’âme de mes bleus
J’irai ainsi faire le ménage
Dans les remous de votre cage
Des grottes en trous un peu partout
Là c’est à en devenir fou
Mais vous délivrez ce message
Ces deux là feront bon ménage
Serait-ce une illusion d’érreuse
Si cela me rendrait heureuse
Sous une toile du peintre maudit
Vous visiteriez mon taudis
Ah doux marquis vous m’ébranlez
Dans mes convictions intégrées
Des amis que dalle entre nous
Je n’en suis pas si sûre du tout
Au fond des canapés profonds
Vous auriez raison d’une raison
La mienne. -
A vous rassurer
Et puis commenter
C’est plus un oraison
Et être au diapasonA votre écoute
Parmi les doutes
Et de mon propre aveu
En panser les bleusSi je bouscule vos habitudes
C’est pour alléger votre servitude
Et si la déraison en votre maison
Devient un poisonAlors oui, pour vous ébranler
de certitude,Il vous faudra aller
Et peut-être déranger
Un esprit mélangéDe doutes et d’errances
et « casser la croûte »
Celle que l’on redoute
Qui est d’importance -
La croûte se casse en pots Félés
Ce soir le ciel n’est plus doré
C’est dans un brouhaha intense
Que j’ai donné toute mon essence
Sur le lieu de tous les secrets
Celui de mon travail de fée
Hospitalière et pas surfaite
Surfeuse de têtes dans sa défaite
Ce jour n’est pas une réussite
J’en reviens un peu déconfite
Mais n’aurai pas manque de bon sens
En pensant que c’est dans l’instance
Que les projets peuvent prendre naissance
Et si parfois les circonstances
Ne sont pas bonnes, pas d’impatience
La vie n’est pas sans nulle surprises
Suffit d’être pour ça disponibles
Et de cueillir toutes les joies
Tout en restant de bon aloi
En attendant que l’heure sonne
Pour aller réveiller la donne
Les jeux sont faits rien ne va plus
Je remballe mes espoirs déçus.
—
-
D’espoirs en succès
Je suis à vous
Et vos doigts sucés
qui me sont si doux -
J’arrose nos succès
Et je t’offre ma paix
Une fois tes plats goûtés,
Repus, on s’endormaitLa musique du hasard —- (la musique du hasard est le titre d’un livre de Paul Auster)
Ne viendra pas trop tard
Sur le piano des doigts
Quand ils courent sur moi -
Mes doigts courent comme il neige
Et sur ton piano, les plus beaux Arpèges
Courent sur ta peau quand je beige
En un somptueux florilège -
Reprenons notre dîner, après ce court entr’acte
Ce n’est pas à laisser se faner, les fleurs de septembre
Qui vivaient en juin, puis en janvier en couleur d’ambre
C’était avec l’ivresse, et repus que nous avons scellé le pacte,Dressée sur la table, en dansant tango, en femme éprise,
Comme un petit bonbon, de ceux qui nous tentent
Indolente et parfumante, goûtait bon la menthe
Sans te nommer sainte, des anges, MarquiseAdmirant les plantes, guérissant les plaintes
La voila qu’en danse, elle se dresse et ondule
Revirant l’ivresse, pécheresse funambule
De tout son sexe doux elle va, sans crainteRépondre en mélodie,l’arpège des accords
Tanguer, Tango, accélérer tempo
A se faire liquide, engloutir ma peau
Et cueillir étincelles, grande sonate du corps.