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Thomas Pontillo – carnets pour habiter le jour – écrire


Pourquoi écrivons-nous? Question qui nous laisse au bord de la route. Pour habiter, peut-être. Oui, pour habiter le rapport aux autres, à nous, au monde. Enfin, écrire pour avoir confiance.

Ou peut-être écrivons-nous car la langue commune est desséchée. Commune et courante. Que faire avec ces pauvres mots du quotidien? Nous ne pouvons pas respirer. Elle n’a pas d’autre horizon qu’elle-même. Or, nous désirons tant les horizons.

En réalité, c’est le malaise qui nous pousse à écrire. Malaise indéterminé. Quel désir nous brûle, nous porte au-delà de nous-même? Pourquoi l’écriture, aussi, est une demeure précaire?


Sous les étoiles liquides – ( RC )


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En ton palais fluide,
ta robe de moire
s’orne d’ocelles:
que forment , au fond du lac ,
les ombres frêles des poissons.

Le chemin qui mène à ta demeure
serpente au gré des courants :
c’est un sentier changeant ,
bien oublieux
d’une terre qui se meurt.

De mornes rayons de lune
caressent en nuances de bleu
le balcon de ta nuit étoilée :
éclats de rires diffus
des losanges de ta fenêtre.

Verras-tu mon visage
se penchant sur l’eau ,
à contre-jour
à travers ces vitraux
dont tu ignores les contours ?

Pleureras-tu des larmes de sel
– giboulées légères ;
toi, mortelle emmurée
dans ce temple maudit
au lointain de ton continent englouti ?


Un sphinx contre une intrusion – ( RC )


Viendras-tu risquer quelques pas sur le fond sableux,
sous un lourd scaphandre, chercher les traces d’une épave endormie ,
jouir des reflets changeants des poissons aux milles couleurs,
des dentelles de coraux , et du mouvement lointain des vagues,
qui filtrent la lumière venue de haut ?

Mais c’est un monde qui nous est étranger, même s’il est proche.
Des animaux aux formes curieuses se dissimulent sous les rochers,
ils gardent un domaine, dont on ne sait s’il y a une entrée,
et où elle peut nous conduire .


Avant d’aller plus avant, il faudrait cependant répondre à plusieurs questions,
un peu comme les candidats à un emploi, qui doivent, en outre afficher leurs motivations.

J’imagine un jour être face à face avec un poulpe,
agitant de multiples bras, peut-être en guise de bienvenue.

Mais personne, à ma connaissance, n’est un nouvel Oedipe et le poulpe, – en Sphinx des eaux- , barre le passage .
S’exprimer dans un langage qu’il puisse comprendre, présente déjà une certaine difficulté ,
bien que sa tête volumineuse semble contenir ce qui doit être un cerveau, vraisemblablement doté de capacités dont on n’a pas idée.

Deux yeux sévères nous fixent, et dans chacune des tentacules,
les ventouses rieuses montrent des signes d’impatience .
Il semble s’étonner de notre intrusion, contemple notre rigide apparence,
inversement proportionnelle à sa souplesse .


Il nous parle peut-être, mais nous n’entendons pas .
S’offusquant de notre esprit obtus, il nous fait comprendre que le royaume des mers est sa demeure.
Il nous entoure de ses bras élastiques , sans agressivité, et nous ramène à la surface, dans le monde du dessus, que nous n’aurions jamais dû quitter.


Gabrielle Althen – le sourire antérieur


 

 

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photo-montage  RC

 
Je voudrais le mot blanc d’un ciel absent
qui laissât trace de demeure.
Un mot qui fût le lit du jour et parvînt
à la fête unanime du vent.

Croisement de chances et de campagne,
bourdonnement des boucles de ta tête, rosaces,
rosaces en partance et applaudissement
sous le pic impavide du gris de l’horizon,
des mains battraient dans l’herbe
parmi les arbres et la faux des grands jours,
et la vertu émancipée roulerait jusques aux franges du moment.

Foules prolixes et ciselées, royaume retourné,
jeunesse sous l’or gris et pivot d’une aisance somptueuse,
— aucun diamant n’est autre
que la possession nue de l’esprit sur le langage.


Thomas Pontillo – Pourquoi l’écriture, aussi, est une demeure précaire?


bertrand môgendre -.jpg

photo Bertrand Môgendre

 

 

En réalité, c’est le malaise qui nous pousse à écrire.

Malaise indéterminé.

Quel désir nous brûle, nous porte au-delà de nous-même?

Pourquoi l’écriture, aussi, est une demeure précaire?

 

extrait de  »

Carnet pour habiter le jour

« 


François Corvol – Nuit du Château


gravure: Odilon Redon - On the Backdrop of Our Nights

gravure:            Odilon Redon       the Backdrop of Our Nights

Un jour
que je rentrais d’une dure journée de travail
cerné par la fatigue
je posais mon nom
au pied des marches de ma demeure
surpris d’abord de se trouver là
détaché de sa rotonde
libéré de son intrinsèque cellule
surpris et tétanisé par la liberté
comme un rapace nocturne
par la lumière effarante d’une lampe-torche
il restait là hébété
quelques secondes
puis je le vis grimper
à la manière d’un lézard
prendre le mur
ce raccourci pour la faune légère
il cherchait le trou dans lequel s’engouffrer
la cavité qui le rendrait invisible
je le vis longer la ligne du plafond
arrivé au coin
une sensation d’impasse sembla
le prendre à la gorge
l’angoisse soudaine
du mur sans cavités
de la limite et de la fin
il s’agita dès lors
et traçait des cercles
comme le font tous les êtres
qui cherchent et fuient quelque chose
sans plus vraiment savoir quoi
désespéré de le voir ainsi j’ouvris la fenêtre
et m’en éloigna
pour qu’il passe sans me voir
comme aimanté par l’air de la nuit
par la possibilité de prolonger sa vie un peu plus loin
il s’en alla
il s’en alla et je refermai la fenêtre alors
derrière lui
puis je montais les marches
ôta ce qu’il me restait
de vêtements et de bruits
je me couchais
seul enfin
cherchant le sommeil
les yeux à-demi ouverts
dirigés vers quelques aspérités du plafond
j’y aperçus une araignée
elle tissait sa toile à mon zénith
je souris
et m’endormis

Thierry Metz – extraits de Terre


photo- montage Raphaëlle Colombi

 

 

 

J‘entraîne mes pas.
Dans une demeure que je n’attendais pas,
si frêle
où ma voix
comme une torche
s’éteint.
Ne s’entend plus
que sur un bûcher.

 

Mais la voix revient, chargée de foin :
Où sommes-nous ?
Quelle heure est-il ?
Il n’est que maintenant. Et c’est le livre. Et je n’ai rien trouvé d’autre. Mais je sème. Tout ce que je suis. Pour qu’il y ait un chemin au croisement de nos voix.
Je me tais.
J’écoute.
Un oiseau s’est posé sur moi.
Quelqu’un dans la haie a
ouvert un livre
                   malgré les épines

 

Thierry Metz

 

 


Permis de démolir ( RC )



Permis de démolir

En tranches d’intérieurs
L’intimité s’offre au dehors

Au soleil, à la pluie, comme décor
C’étaient des logements, des demeures

Des chambres à coucher offertes
Superposées d’étages,

Aux souvenirs de sommeil, et d’images
De la façade ouverte

Pendent des papiers peints
Que la lumière, va, déteints

Et s’en détachent bientôt, des lambeaux
Aux murs encore accrochés, les lavabos

Et au dessus l’inévitable miroir –tablette
Fantômes de vie, toilettes

S’incruste en zigzag, le fossile de l’escalier
La rampe encore fixée, entre chaque palier

Et puis au sol, parmi les gravats
Les plafonds défoncés, les poutres affaissées

S’affichent les traces d’une vie délaissée
Un chien trottine, au milieu des papiers gras

Des ballons, et jouets d’enfants abandonnés
Et de vieux objets rouillés

Offerts au vent , et à l’herbe mouillée
… En attendant,            le nouveau parking goudronné !

RC 15 avril 2012


Arthémisia…… L’image


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Je te revois encore, sur la frange de cette plage.
Je ne te connais pas.
Ma vie n’est qu’un outrage.

Tu marches lentement, poussant du pied le sable

En gerbes fleurissant des paillettes effaçables.

Je te revois encore, riant avec les mouettes,

En écartant les bras pour cueillir le vent,

Laissant sur ta peau nue courir imparfaite

La pensée d’un amour avec moi estivant.

Je te revois encore courbé vers la marre

Scrutant le coquillage, des marées, survivant,

Et cherchant à point d’heure, accroché sous le phare,

La lumière d’argent venue de mon levant.

Je te revois géant haranguant les dieux mêmes,

Tourné vers l’horizon, et vomissant  tes flancs,

Hurlant au ciel, aux flots, les mots de ton poème,

Toujours lourd et tendu…époustouflant.

Je te revois ce soir, au seuil de mon rêve.

Où seras tu demain ? Peut être encore ici ?

Tu vis et tu dessines en mon ventre un lacis

Que la mer sans détours ramène sur ma grève.

Je te revois jamais et toujours et encore,

Construisant la demeure où j’habite à plein temps,

Je cours après les jours arrogants  de la mort,

Et je cours après toi, l’image de mon néant.

 

Copyright © Arthémisia – Juin 2008

Avec : Nicolas de STAËL – Tempête