Plus fine que la dentelle des cathédrales – (Susanne Derève )

photo RC
Tout près si près
plus proche que le silence
plus pure que la fine dentelle
des cathédrales
plus chatoyante que le jade ,
l’aigue-marine,
palpite dans un souffle ,
juste au dessus de l’eau ,
une aile immense
de libellule…
Patricia Fort – Dans ma valise
peinture David Lisboa » boîte en valise »
Dans ma valise il y a…
Vos prénoms et le mien
Qui se tiennent par la main
Nos nuits de bohémiens
Des contes et fleurettes
Des rires sous couette
Des sax et des rôles
Bad pas t’es pas drôle
Des boucles bleues
Des cernes sous les yeux
Nicolaï qui s’enjaille
Et nos voix qui s’éraillent
Une écharpe de ciel
Qui me sied à merveille
Des clés de portail
Ma mémoire qui défaille
L’or des blés
La blancheur de l’été
Une corde de guitare
Mais non il n’est pas tard
Le grenier de la France
Et celui de mon enfance
Une madeleine et un marcel
Des souvenirs en dentelle
Un décapsuleur
Des biscuits et du beurre
Une espadrille orpheline
Nos doutes en sourdine
Cinq chemins au levant
Le soleil au couchant
Un sentier pour nos pas
Avec des pierres çà et là
Valentino et des abeilles
Nos bouches groseille
Nos cœurs à l’unisson
Des rimes , des chansons
Une petite fille oubliée
En jupe plissée
Queue de cheval
Des amours qui se font la malle.
Dans ma valise bien rangée
Un voyage immobile
Une parenthèse, une île
Vos vies là, devant
La mienne qui attend. »
© Patricia Fort. – Artenay 17 juillet 2013.
Grande sonate ( RC )
–
Au secret, imprimé de signes, sur la partition,
S’arrangent triolets, triples-croches et soupirs,
Complotant sur les portées…
Pour jaillir,
Sous les doigts du pianiste,
L’haleine des accords sauvages,
Martelés de la gauche
Tempérant la dentelle d’un thème
–
L’épopée fraîche,
Scintillante cascade,
Passant, fluide, d’une main à l’autre,
Se poursuivent sans relâche,
Semblant inventer l’instant d’après,
Comme aussi, à l’intérieur,
Les ondes visibles, les petits marteaux
de feutre qui ondulent,
–
Ainsi le vent dans les blés
Devient palpable,
La musique ici, on la voit
Elle s’échappe,
D’un grand piano noir,
A l’arrondi d’une oreille,
Son couvercle est ouvert
L’intérieur est de feu,
–
Vers la flamme,
Ses cordes frémissent.
Se succèdent les mesures,
Les tempos se détendent ,
puis accélèrent,
Comme s’ouvrent les bras du pianiste,
Et survolent le clavier.
– Deux ailes d’un oiseau de proie -,
–
Puis se referment sur les touches d’ivoire,
Les notes s’envolent, se pressent et se cabrent,
Les cheveux saccadés au même rythme,
Balayant presque le pupitre…
Crescendo, lumières croisées sur nos folies,
Puis ombres de détente et retour du thème,
Indiquant , ré majeur,
La fin du premier mouvement.
–
La caresse dansée, au royaume sonore *
De la sonate.
–
* » Vers la Flamme », et « Caresse dansée », sont le nom de pièces pour piano d’ Alexandre Scriabine
RC – 9 septembre 2013
–
Marseille, crépuscule ( RC )

photo: Fréderic Barrial
–
L’or n’est plus dans les banques,
Il s’étale sur les façades .
Le vent souffle par saccades ;
Il dévale de l’Ouest vers les calanques.
Dans la journée, les rocs jouent du blanc,
Mais se fatiguent de la pose
En tournant sur le rose
Au cours d’un parcours lent.
La mer est un miroir,
Les maisons se ceignent
Des paillettes du soir,
Avant que la cité ne s’éteigne .
C’est un moment éphémère,
Qui colore les quartiers et les farde
De brillance et de mystère
Jusqu’à Notre Dame de la Garde…
Les îles aux bords froncés,
sont une dentelle de vermeil,
Des rochers, comme des coques enfoncées,
Prêtes pour un nouveau sommeil.
Avec l’attente des pins et des cigales ,
Lorsque s’en va le soleil …
——— La main de la nuit s’étale,
Sur la ville de Marseille.
–
RC – 8 novembre 2012
–
—
L’armoire, porteuse d’histoires (RC)
La vieille armoire, celle qui prend feu
A abrité longtemps des piles de draps
Des trousseaux inutilisés, mangés par les rats
Autres générations , autres enjeux
Tante Ernestine est morte
Un jour d’hiver fardé
Auprès de son feu, attardée
Un jour , a cédé sa porte
Et les piles des habits d’antan
Les parures et les dentelles
Napperons de belle vaisselle
N’ont pas attendu les petits enfants
Partis ailleurs émigrer
Se chercher, loin du bercail
Une raison de vivre, un travail,
Evidemment de leur plein gré
La maison d’Ernestine est vide
Personne n’est revenu au village
Lui rendre un dernier hommage
Aux maisons barricadées, arides
Il a fallu extraire les meubles pesants
Du pays de la famine
Rongés par la vermine
La vie d’antan, du modèle paysan
Le feu qui maintenant
Dévore le bois craquant du sapin
Se nourrit des volutes du destin
De l’exil, des déserrements
Alors que, patient témoin gris
L’olivier au feuillage argenté
Décrit le temps des ancêtres arrêté
Sans s’en montrer davantage aigri.
RC
–