voir l'art autrement – en relation avec les textes

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Roland Reutenauer – Ratissant tous les soirs son intime lopin


photo Philippe Jacquot

Un jour on voyagera dans l’herbe
autour de chapelles totalement historiques
écoutant des chorals de Bach des choses
vivifiantes
indéchiffré le monde sera il aura plu acidement
dans les philosophies théologies cosmogonies
les poètes auront sucé la pulpe des mots
savouré les pépins amers
on aura dit je reviens à la surface
et j’y reste

 
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On peut s’asseoir sur l’idée qu’on se fait de soi-même
et s’y trouver mieux que sur un coussin agrandir au mur
l’œil mélancolique et laiteux du moineau de mars
on peut regarder les poèmes comme autant de minutes
chauffées à blanc de la prose quotidienne galettes de magnésium
sirop du dasein
se redire que la poésie a bouclé son temps
que son temps viendra qu’elle se nourrit de doutes
que la meilleure façon de tourner en rond
c’est encore de danser on peut se lever sortir
en une longue dérive en ville se rejoindre peu à peu
jusqu’aux abords flous de la ville où l’air vient mourir et renaître
expulsé d’un immense sac en plastique bleu
on peut se taire

décembre 1983 – mai 1987


Edouard J Maunick – dérive des îles


peinture Fiodor Sacharow

… j’ai vécu avant moi
dans des îles sans nom
quelque part sur la mer
avant qu’elles se sabordent
en pleine terre
de toi j’ai suivi leur dérive
en chantant des soleils
sonores et bleus d’iris
mémoire mon beau jardin
ma désobéissance


Dérive – Susanne Derève


BONNARD CAMPAGNE

  Pierre Bonnard – Le Cannet

 

 

Rouge bruyère du désir

Bleu pers des mers errantes

Sur  le vert profond des rivières

glisse ma  barque lente entre tes bras noués  

barque légère

 

Est-ce cette dérive qu’on nomme  bonheur

une fenêtre ouverte    un lit défait

 

quand la course des  heures

n’est plus un temps qui fuit  un futur

imparfait  un canevas qu’on file et défile

à regrets  mais une tendre ivresse  

qui rachète l’absence

 

Alors j’habille l’aube avec les ors du soir,

ceux que tu chantes, que j’imagine de très loin

tirés par l’aile rase d’un oiseau de nuit

 

avant que ne s’abîme l’horizon dans la lueur

du premier phare ou dans un fin rideau de pluie

 

cette pluie souviens-toi

elle ruisselait ardente sur Paris 

et nous nous ruisselions de vie

 

 

 

 


Homme qui chavires – (Susanne Derève)


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  Alberto Giacometti – L’homme qui chavire

 

Homme qui chavires
as-tu rompu l’amarre et laissé ta barque s’enfuir   
coulé tes désirs dans le bronze
foulé ce que la vie mendiait de patiente douceur  
et tu les mots  comme on renonce 
 
Homme qui supplies 
je n’ai plus de rêves à t’offrir
de bateau en partance
que l’étreinte de l’eau et les linges nus
de l’absence

Je n’ai plus que des nuits d’hiver
à brûler   des cheminées de cendre
plus d’aubes à partager
rien que des friches  des quais de gare
sans train à prendre

Homme qui supplies  
quand le vertige nous saisit à l’instant 
où ton bras retombe 
faut-il encore que tout s’effondre
que le bronze retourne à l’amas de poussière
où se réduit le monde

 


Sous le masque du clown – ( RC )


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Sous le masque du clown,
le sourire élargi,
la bouche énorme pâteuse,
imagine celui          crispé
de l’homme politique.

Il cache         sous l’aspect jovial,
le puits sans fond d’un cynisme,
la pratique de la surenchère,
une pantomine de clins d’oeils
vers l’extrème droite

avec ce qui paraîtrait de l’humour  ;
–  mais à y regarder de plus près,
une fois la couche de maquillage fendillée,
toutes les manigances
de l’arriviste sans scrupules :

prêt à tout pour attirer à lui les suffrages,
acheter les consciences ,
s’attirer les faveurs
des multinationales,
placer de serviles exécutants

Se donner en spectacle,
Nicolas le petit,
faux jeune en jogging,
confondant politique
et couvertures « people »

porté par le consensus mou ,
main dans la main
avec les puissants,
trinquant avec eux sur les yachts,
— pendant que la pays part à la dérive.

 

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On peut  aussi se référer à ce beau texte d’Henri Michaux

 


Fabrice Farre – Padre


dessin perso. Reprise à la plume et encre de chine ( portrait de mon père )

dessin perso. Reprise à la plume et encre de chine            portrait de mon père )

 

 

 

Padre

 

Les vitres sont bien celles qui nous
séparent du monde. De ce côté
tu meurs. De l’autre, serai-je assez vivant
pour parvenir à accepter une telle dérive des êtres
l’absence aux rives du détroit
que ne relie aucun bateau même imaginé.

 


L’onde portée en soi ( RC )


 

 

Onde capitaine
Navire sans attaches,
Hollandais volant,

Fol éclat de rien,
Sous l’obscurité liquide
Orage de fond de miel,

Du vin dans mes veines,
Je dérive entre îles,
A l’exercice  du réveil,

Abordant une terre,
Amère de vérité,
Les voiles en lambeaux,

 

C’est un adieu au rêve…
J’étais porté par les songes
Et j’écrivais sur le sable,

Egaré,      enfui dans des inconnus,
Et le ressac emportant mes phrases,

Effacée,               ma mémoire,
Les pieds revenus sur la terre.

RC  –   27 mai 2013