Joan Margarit – je ne referme pas la porte
peinture: Philip Guston
J’entends frapper à la porte et je vais ouvrir,
mais il n’y a personne.
Je pense à ceux que j’aime et qui ne reviendront pas.
Je ne referme pas. Je souhaite la bienvenue.
La main sur le cadre, j’attends.
La vie s’est appuyée sur la douleur
comme les maisons sur leurs fondations.
Et je sais pour qui je m’attarde,
pour qui je laisse une lumière accueillante
dans la rue déserte.
La plage était déserte et dormait sous juillet – ( RC )
peinture: Nicolas de Stael – paysage au bord de la mer – 1954
–
C’est une journée qui s’étire
Et un temps d’été qui colle à la peau.
Le soleil cuisant va presque jusqu’à épaissir
le sillage lointain des bateaux.
–
Bien sûr, la mer proche, et ses vaguelettes .
Peu de vent, et elle, quasi étale,
Mille petits reflets nous guettent ,
Perlés sur l’écume, et le littoral.
–
En attendant que la journée bascule
Nous l’avons ressentie presque palpable
Avec la fatigue, que les heures accumulent,
Et avons écrit nos noms sur le sable .
–
Le ciel resté incolore a chaviré,
Comme sous l’effet d’un mauvais présage.
Une nuée d’oiseaux a tout déchiré ,
Ou était-ce une bourrasque qui a emporté les pages ?
–
Tu es partie te baigner nue,
Suivre le chemin secret de l’eau,
… mais tu n’es pas revenue…
Le son de mes appels, seulement, en échos ….
–
La marée , dans son avancée,
S’est faite complice,
Nos noms, ont été effacés,
Maintenant, la plage est lisse …
–
Je suis resté l’âme vide et endeuillée,
La nuit de la perte , s’est étalée, lourde , inerte.
Je me suis remémoré la Fanette …
> La plage était déserte et dormait sous juillet *
–
RC – juin 2015
* ( il est fait référence évidemment à la chanson de J Brel » La Fanette « )
Cesare Pavese – travailller fatigue
Travailler fatigue
Traverser une rue pour s’enfuir de chez soi
seul un enfant le fait, mais cet homme qui erre,
tout le jour, par les rues, ce n’est plus un enfant
et il ne s’enfuit pas de chez lui.
En été, il y a certains après-midi
où les places elles-mêmes sont vides, offertes
au soleil qui est près du déclin, et cet homme qui vient
le long d’une avenue aux arbres inutiles, s’arrête.
Est-ce la peine d’être seul pour être toujours plus seul ?
On a beau y errer, les places et les rues
sont désertes. Il faudrait arrêter une femme,
lui parler, la convaincre de vivre tous les deux.
Autrement, on se parle tout seul. C’est pour ça que parfois
Il y a des ivrognes nocturnes qui viennent vous aborder
et vous racontent les projets de toute une existence.
Ce n’est sans doute pas en attendant sur la place déserte
qu’on rencontre quelqu’un, mais si on erre dans les rues,
on s’arrête parfois. S’ils étaient deux,
et même pour marcher dans les rues, le foyer serait là
où serait cette femme et ça vaudrait la peine.
La place dans la nuit redevient déserte
et cet homme qui passe ne voit pas les maisons
entre les lumières inutiles, il ne lève pas les yeux :
il sent seulement le pavé qu’ont posé d’autres hommes
aux mains dures et calleuses comme les siennes.
Ce n’est pas juste de rester sur la place déserte.
Il y a certainement dans la rue une femme
Qui, si on l’en priait, donnerait volontiers un foyer.
Lavorare stanca
Traversare una strada per scappare di casa
Io fa solo un ragazzo, ma quest’uomo che gira
tutto il giorno le strade, non è piú ragazzo
e non scappa di casa.
Ci sono d’estate
pomeriggi che fino le piazze son vuote, distese
sotto il sole che sta per calare, e quest’uomo, che giunge
per un viale d’inutili piante, si ferma.
Val la pena esser solo, per essere sempre piú solo ?
Solamente girarle, le piazze e le strade
sono vuote. Bisogna fermare une donna
e parlarle e deciderla a vivere insieme.
Altrimenti, uno parla da solo. È per questo che a volte
c’è lo sbronzo notturno che attacca discorsi
e racconta i progetti di tutta la vita.
Non è certo attendendo nella piazza deserta
che s’incontra qualcuno, ma chi gira le strade
si sofferma ogni tanto. Se fossero in due,
anche andando per strada, la casa sarebbe
dove c’è quella donna e varrebbe la pena.
Nella notte la piazza ritorna deserta
e quest’uomo, che passa, non vede le case
tra le inutili luci, non leva piú gli occhi :
sente solo il selciato, che han fatto altri uomini
dalle mani indurite, come sono le sue.
Non è giusto restare sulla piazza deserta,
Ci sarà certamente quella donna per strada
che, pregata, vorrebbe dar mano alla casa.