Espace idéal espace du désir qui au-delà de l’assouvissement demeure pur désir c’est-à-dire volonté des étoiles
Jubilation de la graine sur le point de germer Ascèse des voyages dans l’énergie à l’état brut L’esprit et le cœur pris dans les glaces enfin tressaillent de concert
Voici alors le prince ni ours ni dieu qui saura éveiller la belle au plomb dormant
Car notre mercure est terre humide et torride le verger notre corps et notre corps un cosmos .
Ta forme est un éclair qui laisse les bras vides,
Ton sourire est l’instant que l’on ne peut saisir…
Tu fuis, lorsque l’appel de mes lèvres avides
T’implore, ô mon Désir !
Plus froide que l’Espoir, ta caresse est cruelle
Passe comme un parfum et meurt comme un reflet.
Ah ! l’éternelle faim et soif éternelle
Et l’éternel regret !
Tu frôles sans étreindre, ainsi que la Chimère
Vers qui tendent toujours les vœux inapaisés…
Rien ne vaut ce tourment ni cette extase amère
De tes rares baisers !
Pourquoi m’arrêterais-je, pourquoi? Les oiseaux sont partis en quête d’une direction bleue L’horizon est vertical L’horizon est vertical, le mouvement une fontaine Et dans les limites de la vision Les planètes tournoient lumineuses Dans les hauteurs la terre accède à la répétition Et des puits d’air Se transforment en tunnels de liaison. Le jour est une étendue, Qui ne peut être contenue Dans l’imagination du vers qui ronge un journal
Pourquoi m’arrêterais-je? Le mystère traverse les vaisseaux de la vie
L’atmosphère matricielle de la lune, Sa qualité, tuera les cellules pourries Et dans l’espace alchimique après le lever du soleil Seule la voix Sera absorbée par les particules du temps Pourquoi m’arrêterais-je? Que peut être le marécage, sinon le lieu de pondaison des insectes de pourriture Les pensées de la morgue sont écrites par les cadavres gonflés L’homme faux dans la noirceur A dissimulé sa virilité défaillante Et les cafards…ah Quand les cafards parlent! Pourquoi m’arrêterais-je? Tout le labeur des lettres de plomb est inutile, Tout le labeur des lettres de plomb, Ne sauvera pas une pensée mesquine Je suis de la lignée des arbres Respirer l’air stagnant m’ennuie Un oiseau mort m’a conseillé de garder en mémoire le vol La finalité de toutes les forces est de s’unir, de s’unir, À l’origine du soleil Et de se déverser dans l’esprit de la lumière Il est naturel que les moulins à vent pourrissent Pourquoi m’arrêterais-je? Je tiens l’épi vert du blé sous mon sein La voix, la voix, seulement la voix La voix du désir de l’eau de couler La voix de l’écoulement de la lumière sur la féminité de la terre La voix de la formation d’un embryon de sens Et l’expression de la mémoire commune de l’amour La voix, la voix, la voix, il n’y a que la voix qui reste Au pays des lilliputiens, Les repères de la mesure d’un voyage ne quittent pas l’orbite du zéro Pourquoi m’arrêterais-je? J’obéis aux quatre éléments Rédiger les lois de mon cœur, N’est pas l’affaire du gouvernement des aveugles local Qu’ai-je à faire avec le long hurlement de sauvagerie? De l’organe sexuel animal Qu’ai-je à faire avec le frémissement des vers dans le vide de la viande? C’est la lignée du sang des fleurs qui m’a engagée à vivre La race du sang des fleurs savez-vous?
Par les cheveux de l’âme, il la tenait pendant qu’elle agitait en elle-même de vains projets de résistance, qu’elle se débattait en vains mouvements, en vains retours, en vains délacements, glissant malgré elle, glissant déjà presque tout entière suspendue, sans appui, au-dessus de la fosse du désir partagé.
C’était un amour étrange, j’étais comme une partie de tous ces hommes sans que jamais je ne les eusse vus en rêve. Ils étaient présents, lors même que m’endormait le murmure rocailleux du temps. J’éprouvais un bonheur sans poids, qui menait je ne sais où. Il ne s’arrêtait que lorsque des arbres ou des nuages lui faisaient obstacle. Il semait des mots à tous vents, toutes les lettres folâtraient de par le jardin. Et aujourd’hui je ressens plus fortement l’hiver du jour que le poids de la terre entière. Il m’ôte le sens de toute chose, en aplatit les raisons sur l’étendue intemporelle de son propre cercle. Les lettres, désormais, décrochent mes yeux, me trouent le corps. Ah ! douleur de mes yeux, eux qui autrefois étaient si savants. Me torture aussi le désir qui ruisselait sur moi, maternellement, comme une pluie.
dessin: Paul Gauguin (1848-1903) Madame la Mort , 1890-1891 Fusain sur papier –
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la belle aux joues lisses, a la bouche calice, qui brille de toutes ses dents… Comment oublier son oeil ardent est celle dont le regard fait que l’on s’égare , que l’on tombe sous l’empire, aiguisé de son sourire, comme un reflet de l’ âme, où s’affutent les lames, sous un masque aimable, celles d’un sabre dans un étui de velours. C’est toujours l’amour, et l’éternel désir, qui toujours attire ; l’envie de possession, les fruits de la passion, à placer dans la corbeille, aux côtés d’une bouche vermeille … Le galbe moelleux d’une poitrine, – mais les roses ont des épines, l’aventure libertine cachait ses belles canines ; c’étaient celles d’un fauve, sous une robe mauve : le baiser de la mort embrassant encorps, juste l’instant du crime, – ce moment ultime… tout en jouissant du goût du sang : un très court avenir confié à une vampire
…j’ai connu un certain homme, un homme étrange. il gardait jour et nuit la lumière de son phare un phare ordinaire qui n’indiquait pas grand-chose, un petit phare pour embarcations de fortune et peuples obscurs de pêcheurs, là, sur son île, il échangeait avec son phare les sensations attendant jour et nuit cette autre lumière qui ne surveille la persécution d’aucun objet, cette autre lumière réflexive, parcourant vers l’intérieur la distance entre le port sûr de l’endroit et l’œil qui voit revenir, d’en haut et transparente, l’illusion provisoire qui s’éternise : cette courbe de l’être tendue tout contre le phare sans précaution ni limite, pour être ou avoir ce qu’imparfaitement nous sommes, rien d’autre que rêver ce qu’il veut bien rêver et être où il est au-dessus des eaux tranquilles et éteindre tout dans le tableau d’un jour et redevenir nouveau au petit matin près du petit phare perdu d’Aspinwoll sans même imaginer qu’il pourrait exister le moindre désir ne serait-ce que celui de désirer la petite lumière qui tombe, avec la nuit, sur les eaux tranquilles et les sons déjà morts de ces vagues, de jouir et souffrir, un refuge sincère. Comme le gardien du phare d’Aspinwoll, seul sur son phare, je me suis endormie malgré la lumière intense qui tombe et se détache au-dessus du temps, malgré la pluie frappant le miroir des poissons blancs, malgré cette lumière spéciale qu’était son âme, je me suis endormie entre le port et la lumière, sans comprendre : je voulais, je voulais seulement un peu plus de temps pour recommencer à apprendre, pas sur le ressac de la commisération où les désespérés attachent leurs mâts; pas l’authentique bonheur de vivre sans savoir, sans se rendre compte; pas la lumière provisoire qui s’éternise et feint d’être ce que nous serons ni la peur de posséder la réalité opaque, immanente, je ne voulais la vie qu’à cause du plaisir de mourir, sur les eaux tranquilles, en compagnie des poissons blancs, et j’attendais impatiente qu’arrive encore la répétition de mon inconscient afin que quelqu’un y trouve l’intouché, l’autre voix, pas de cet être intermédiaire, un corps pour mesurer les criques basses : un corps pour le viol d’un moi impraticable : je me suis endormie, inconséquente, dans l’imagination de cet être différent dans la distance, suffisamment avancée pour avoir ma propre illumination à Aspinwoll, mais fracassée et obscurcie, comme le gardien du phare au-dessus des eaux tranquilles de ce qu’imparfaitement nous sommes, dans la petitesse d’un phare qui n’indiquait pas grand-chose, à travers la pluie chaude et réelle de l’impossible.
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(poème extrait d’une anthologie de la poésie sud-américaine)
Comment ne pas aimer tes yeux Et leur reflet étincelant, Quand tu les lèves, malicieux, Et traces un cercle miroitant Tel un éclair venu des cieux…
Mais il est d’autres souvenirs, Encore plus beaux : des yeux lassés. Des baisers fous, l’âme en délire. Et à travers les cils baissés La flamme confuse du désir.
——— Dans tous mes livres il est question d’écrivain, d’écriture, de mots (de maux ?).
Le premier n’était qu’une tentative de trouver les mots, ceux que j’avais perdus.
D’ailleurs, ça s’appelait Faille… composé de centaines de « on », propos d’autres auteurs jamais atteignables, trop sacralisés (un centon).
Le texte se tenait, c’était l’histoire d’un homme qui avait tout perdu et se retrouve une nuit dans un hôtel, il n’a plus de travail, il fuit l’annonce à sa femme. Il part.
Et durant la nuit, assis à sa table, il s’endort et rêve qu’il écrit. Le lendemain matin, le livre est là devant lui. Tout écrit. Quelle merveille !
J’ai délaissé ce texte, n’y suis pas revenue, presque deux cents pages de mots des autres, d’autres si prestigieux, mis bout à bout pour former une histoire, d’autres que jamais je n’égalerai, à quoi bon ? J’ai oublié, rangé le livre dans un tiroir.
Un jour, j’ai repris les mots, ils venaient de je ne sais où, syncopés, douloureux, longs poèmes tirés d’une âme tourmentée, cette fois c’étaient les miens…
La poésie apportant avec elle, ces minutes heureuses, brèves fuites dans le temps, j’avais ce sentiment délicieux de faire partie d’un monde que moi seule habitais, un monde que seules la musique et la présence de la nature venaient visiter.
J’ai repris l’habitude. Ecrire. Je retrouvais les mots et je revenais dans le monde, ce monde où je ne savais pas trouver ma place, dans lequel je m’agitais, tentant de défendre l’être (le mien peut-être) contre l’oppression, le carcan dans lequel il sombrait depuis la nuit des temps, aveugle et sourd aux murmures.
Les mots me revenaient, ceux de la révolte… Le stylo retrouva son désir premier. J’avais pourtant tout oublié… Et j’écrivais chaque jour des mots bruyants, tapageurs que je ne donnais à personne et dont je ne voulais pas moi même…
Je haïssais ce monde et ses mots (faut-il encore entendre maux ?) je me gonflais d’orgueil et de révolte et mes mots me heurtaient violemment, s’agrippaient sans jamais trouvés à s’accrocher ailleurs que dans ma détestation. Ca m’a pris tant de temps que j’en perdais régulièrement le goût.
Et les mots toujours venaient, insatiables, incomplets, par bouts, jetés dans des centaines de carnets… rien ne se tenait et tout faisait corps. Un corps informe, massif, désespéré, toujours plus lourd, si mal nourri, dans la rage et le silence, les mots se sont taris.
Ils étaient pauvres à nouveau, pauvre de moi, ne m’intéressaient plus. Je ne vivais pas le monde, je vivais de mots, ceux que je fabriquais, et de luttes… contre quoi ?
Contre ce que je fuyais, contre une appartenance, pour une liberté que je ne trouvais nulle part. N’étant pas de ce monde, comment pouvais-je y trouver une liberté ?
De Del temps present /Du livre Du temps présent (Edicions Bromera, Alzira)
à J.V.P.
Je voudrais tant que tu sois tous ceux
Pour qui j’ai écrit une fois un poème,
Avoir vu avec toi des villes du Nord de l’Italie,
Des hivers, des automnes de l’Europe centrale,
Et lors des nuits rougies au feu, d’aube et de jasmin,
Avoir traversé avec toi d’anciennes routes
De palmes près de la mer,
D’oranges et de cyprès sur les lèvres.
Je voudrais tant que ce présent que tu es,
Plaisant et aimable aujourd’hui,
Vienne de très loin,
De ces années sans toi qui nous laissaient sur la peau
Des nuits d’écume et des étoiles,
Un perpétuel désir qui ne cessait jamais,
Une première jeunesse qui n’était pas consciente
D’être elle-même.
Mais je sais combien est inutile le désir qui m’habite
Dans cette nuit de pluie et de printemps
Qui fuira comme les autres.
D’autres amours étaient là, avant toi,
Et ont occupé la place que nous occupons maintenant,
Ainsi que nos pensées, nos bras,
Et notre bref présent.
Nous le savons sans le dire.
Nous n’avons besoin ni de faits ni de témoins.
–
Com voldria que fosses tots aquells
pels qui alguna vegada he escrit algun poema,
haver mirat amb tu ciutats del nord d’Itàlia,
hiverns, tardors a l’Europa central,
i, en nits de foc roent, d’albada i gessamí,
haver creuat amb tu antigues carreteres
amb palmes vora mar,
taronges i xiprers a frec de llavis.
Com voldria que el present que tu ets,
plaent i amable ara,
vingués de molt lluny,
d’uns altres anys sens tu que a la pell ens deixaven
nits d’escuma i estels,
un perpetu desig que no finia mai,
una joventut primera que no era conscient
de ser ella mateixa.
Mes sé com és d’inútil el desig que m’habita
en una nit de pluja i primavera
que haurà de passar com totes.
Altres amors t’han precedit
i han ocupat el lloc que ocupem ara nosaltres,
els nostres pensaments, els nostres braços,
el nostre breu present.
Ho sabem sense dir-ho.
No cal tenir dades ni testimonis.
Si rien comme autrefois ne doit plus être
si les mêmes nuages ne doivent plus revenir
si l’on se leurre en conservant un souvenir
si avec l’être humain doit vieillir le désir
tout oubli est utile et l’automne
sera un autre et long moment
couvert de jaunes et de brumes
Peut-être si chaque vert est recréé
si les rayons suggèrent des lumières nouvelles
et il m’en souvient sans peine
car c’était beau
de contempler les dessins que firent dans l’espace
toutes ces feuilles en tombant
peut-être alors sera-ce plus beau encore
qu’il y ait demain un soleil
et que je puisse le palper
Le désir de l’hiver est de glace,
comme tes lèvres en lame de rasoir
courant sur mon corps
et avec des baisers en flocons de neige
infligeant leur pouvoir.
–
trad RC
–
Winter’s lust is ice,
like your razor blade lips
coursing my body
and with snowflake-kisses
inflicting their might.
Elle est marquée de cicatrices
identitaires , d’où les contes
sont nés: une terre à la fois de
beauté et de génocide.
En fait, ni
l’histoire par l’oralité
ni l’histoire vécue
qu’elle entendit comme un
enfant de la diaspora.
Elle souffre pour
l’odeur de la terre
les textures des montagnes
les couleurs de peau
du vieux pays,
natal de sa mère.
La géographie détient
sa propre histoire –
un récit de savoir
caché dans le parfum
de boue et de ciel
du pain et les plantes
des fruits, à moitié mûrs
sur le sol arménien.
Une douleur, pour la terre
d’où on venait,
un désir plus profond qu’étant
Moins de / Plus debout
L’appel viscéral
du toucher et sentir
d’entendre la chanson
de la terre
et se lamenter.
She’s compelled with traces
of identity where the tales
were born: a land of both
beauty and genocide.
Not for facts,
the orality of story
the lived history
she heard as a
child of diaspora.
She aches for
the smell of earth
textures of mountains
colors of skin
the old country,
birthland of her mother.
Geography holds
its own story –
a narrative of knowing
hidden in the scent
of mud and sky
bread and plants
fruit, half-ripened
on Armenian soil.
An ache for land
from whence one came,
a longing deeper than
under/over standing
visceral call
to touch and feel
hear the earth’s
song and lament.
Deux extraits de l’ensemble de textes intitulé « papillon », de Malika Farah, visible dans le recueil « dans tous les sens » ed La Passe Du Vent Parution : 17/05/2001
Hissez là-haut ! Encore plus de recul !
Portées au-delà de l’ennui, sérénité et lucidité s’élèvent.
Dans ce lieu rêvé, l’âme est en sursis.
Rêve, papillon, de lumière d’étoiles.
Papillonne au-delà de la simple jungle terrienne et menaçante !
Rien autour du débordement de la vie,
Que le va et vient du vent
Portant un air de désir inassouvi,
Vole, papillon, les ailes déchirées.
Survole l’horreur,
Survit ! le mal s’enlise seul.
Sous la lumière divine, l’envol est possible.
——————–
Arbre de l’humanité, l’esprit en chacune de tes feuilles.
Quand le corps se décompose en une poussière d’ange.
Plane au-dessus des branches d’oxygène,
Pour nous pauvres mortels.
L’automne arrive au gré du vent, on vole et se régénère
En des âmes profondes !
photo Yannick LeGoff- de la collection du musée des Arts Premiers
–
Cri
–
Tes yeux bleus, à travers leurs paupières mi-closes,
Recèlent la lueur des vagues trahisons.
Le souffle violent et fourbe de ces roses
M’enivre comme un vin où dorment les poisons…
Vers l’heure où follement dansent les lucioles,
L’heure où brille à nos yeux le désir du moment,
Tu me redis en vain les flatteuses paroles…
Je te hais et je t’aime abominablement.
« Il ne disait mot
Il approchait solitaire d’un corps qui interrogeait
Ignorant que le désir est une interrogation
Dont la réponse n’existe pas,
Une feuille dont la branche n’existe pas,
Un monde dont le ciel n’existe pas.
L’angoisse se fraye un passage entre les os
Remonte par les veines
Et vient éclore dans la peau,
Jaillissement de rêves faits chair
Interrogeant à nouveau les nuages.
Un frôlement qui passe,
Un regard fugace entre les ombres,
Suffisent pour que le corps s’ouvre en deux
Avide de recevoir en lui-même
Un autre corps qui rêve ;
Demi et demi, songe et songe, chair et chair,
Egales en forme, en amour, en désir.
Même si ce n’est qu’un espoir
Car le désir est une question dont nul ne sait la réponse. »