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Jacques Mer – L’inexorable ( extrait )


dessin Martin Beek – msée d’histoire naturelle d’ Oxford

Ô Federico
Dix mille tonnes de silence pèsent sur ta poitrine
Ta vie un désert de feu signé d’absence
Tes regards remontent les foudres à la renverse
Métropolis de songe et de sang
Regards tournant à mille tours minute
Sous le couperet de l’angoisse
Visage comme on crie au feu
Ton corps est transparent d’attente
Torrentiel tocsin de secondes
L’instant éclate soudain comme un œuf
De fous tunnels de clameurs percent ta chair
Et le ciel se lève tout droit en criant
Ton épaule par où tu t’appuyais aux autres
Fraternel
Soudain tombe de toute la hauteur des astres Le monde explose

O Federico
la tête est lourde comme un monde
Cernes des yeux défaits en des typhons d’éléments seuls
Regards à l’intérieur dévoré
ton sang comme une substance de totale douleur
ciircule à travers tes veines
Musclées encore du fou effort de vivre
Et l’horreur court tout le long de ton visage
Comme une grande phrase sans point ni virgule
Ton corps n’est plus attaché qu’à l’extrémité en feu de l’existence
Souvenirs lessive de cris nus Arrachée à l’orage muet du cœur
O Federico que tu es seul dans ta mort
Personne pour t’accompagner pinçant le cœur fou des guitares
Pas même le vent bleu musicien
O mort perdu dans des déserts de fin du monde
Mort qui erres par les territoires de l’impossible
Sous de cruels vocables de glace
Des voyelles de soleil pétrifié
Tu remontes comme un aboiement le long du temps
Les frontières chancellent se descellent
Autour de toi tu sens déjà le gouffre vertigineux de la matière

L’immense rumeur d’océan du règne minéral
Tes pensées lentes fougères arborescentes du néant
Sont prises de douceurs terribles et pures
O mort déjà engagé à mi-corps sous les arcanes de l’éternité
Visage désormais dans sa vérité première
Débarrassé de l’instant et du cri
Visage pris soudain de la folle unité de l’eau

O Federico tu ne connais plus du monde
Que les forces inversement proportionnelles
A l’illimité de ton amour

O Federico
Voyageur des espaces de la mort
Avec mille ponts coupés derrière toi
Et dérivant
L’espoir est à telle distance
Que chaque geste s’annule dans la vanité même de tout
[effort
O Federico la mort est désormais en toi
Comme une rivière qui coule sans eau un oiseau
Qui vole sans ailes
Comme un carrefour de femmes
Qui crient sans voix dans le vent
La distance devient immense entre tes yeux
Où l’on pourrait faire tourner les mondes

curieusement on ne trouve rien sur le net sur cet auteur…


Vicente Gerbasi – Espace secret


peinture – Marsden Hartley – Flaming Pool 1911

Les arbres morts à l’horizon du soir
dessinent la frontière du feu.
Il y a des distances mortelles dans les lignes de la main,
dans les veines du cœur.
Voici un fleuve obscur qui reflète les orangers,
les passagers du temps comme en un carnaval,
les serpentins qui se consument dans l’ombre,
les lierres clairs au fond
où s’illuminent les masques
et s’abolissent les visages.
L’éclair glace l’enceinte des coqs.
Je vois les espaces, rouges, bleus, lilas,
où les profils se pétrifient.


L’Ogre et l’hirondelle – (Susanne Derève)


 

Bomarzo & bird

Photomontage – René Chabrière

 

 

 

J’étais l’Ogre    j’étais l’Ogre

petite hirondelle sous les toits

et tu te ceignais de nuages

à tire d’ailes

 

 

et je chaussais mes bottes de sept lieues

pour te rejoindre

par dessus les montagnes   par-dessus les vallées

 

 

et les nuages t’emportaient

loin des montagnes et des vallées

petite hirondelle

à tire d’aile

 

 

 

 


Pas d’épaisseur, de celle des pierres – ( RC )


peop care  10-.jpg

image  – montage perso

 

Je te verrai,
Image présente,
A travers les murs,
Tournant mon regard
Vers où je te sais.

Il n’y a pas d’épaisseur,
De celles des pierres,
A jouer la distance
Avaler les espaces,
Les collines et les villes,

Redessinant tes gestes,
Comme si la barque des songes,
Ouvrait aux portes du jour,
Ta silhouette indécise
Se découpant dans la brume.

RC – juin 2014


Ouvert sur l’infini – ( RC )


Résultat de recherche d'images pour "aurore boréale"

 

C’est ouvert sur l’infini,
d’une belle transparence ;
il y a le scintillement des étoiles,
une cascade d’astres  ( ils ne tombent pas ) .
Cela ruisselle comme une eau,
à travers un ciel qui n’a pas de limite.
Le regard porte loin, et s’il le faut
on s’aide d’engins perfectionnés.
Des télescopes qui nous font découvrir,
cachés, des mondes palpitant par leurs ondes,
des signaux imperceptibles,
qui font supposer que d’autres mondes
se cachent derrière .

Mais quelles que soient les inventions,
les artifices pour voir plus loin,
plus précisément,          dévoiler le secret des dieux,
on se heurte à des obstacles invisibles,
et qui pourtant n’obscurcissent pas la vue ….
car l’univers n’a pas de bornes,
et ce qui nous est donné à percevoir,
n’est qu’une infime partie ,
physiquement limité par l’étroitesse de la finitude,
qui se confronte à l’inversion des choses,
de la même façon que le concevable
s’oppose à l’inconcevable ,
à l’intérieur même de la pensée .

Et si on parle de vision,
malgré la transparence – que l’on pense acquise
l’image des astres       – que l’on croit immobiles,
et de la lumière            –  son parcours rectiligne,
le regard bute contre le ciel
quelles que soient les distances,
et de quelque façon qu’on les repousse,
qu’on les envisage,              encore :
celui-ci aspire l’âme,
et,    à défaut, devient métaphysique ,
se fondant dans le rêve de l’espace ,
que même la conscience
ne peut conquérir .

RC – août 2017

 

( une tentative  de réponse  au texte  d’ Anna Jouy )

 


Miquel Marti I Pol – Absence


( interprété librement à partir d’une  traduction bancale  du texte  original en catalan ).

Dillon Samuelson              quatre voyages   01.jpg

peinture: Dillon Samuelson

Il y a toujours quelque chose,
un souffle, une parole, un mot
qui remplit le manque de toi ;
c’est cette armure qui me protège
du cauchemar de la colère et de la tristesse.

Après, tu deviens présente
dans chaque vers écrit,
et quand je les redis , solitaire,
il n’y a pas de distance entre ton corps et le mien,
unis toujours davantage dans le poème .


Robert Creeley – Distance


protect our children....jpg

photo: Tamsin

 

Distance

 

1

Comme j’avais
mal, de toi,
voyant la

lumière là, cette
forme qu’elle
fait.

Les corps
tombent, sont
tombés, ouverts.

Cette forme, n’est-ce pas,
est celle que
tu veux, chaleur

comme soleil
sur toi.
Mais quoi

est-ce toi, où,
se demandait-on, je
je me demandais

 

toujours. La
pensée même,
poussée, de forme

à peine naissante,
rien
sinon

en hésitant
d’un regard
après une image

de clarté
dans la poussière sur
une distance imprécise,

qui projette
un radiateur en
arêtes, brille,

la longueur longue
de la femme, le mouvement
de l’

enfant, sur elle,
leurs jambes
perçues derrière.

 

 

2

Les yeux,
les jours et
la photographie des formes,

les yeux
vides, mains
chères. Nous

marchons,
j’ai
le visage couvert

de poils
et d’âge, des
cheveux gris

puis blancs
de chaque côté
des joues. Descendre

de la
voiture au milieu
de tout ce monde,

où es
tu, suis-je heureux,
cette voiture est-elle

 

à moi. Une autre
vie vient à
la présence,

ici, tu
passes, à côté
de moi, abandonné, ma

propre chaleur
réprimée,
descendre

une voiture, les eaux
avançant, un
endroit comme

de grands
seins, le chaud et
l’humide qui progressent

s’éveillant
jusqu’au bord
du silence.

3
Se dégager de comme en amour, ou

amitié de
rencontre, « Heureux de vous

rencontrer — » Ces
rencontres, c’est
rencontrer

la rencontre (contre)
l’un et l’autre
le manque

de bien-être, le mal
aise du
cœur en

formes
particulières, s’éveille
contre un corps

comme une main enfoncée
entre les jambes
longues. Ce n’est

que la forme,
« Je ne connais pas
ton visage

mais ce qui pousse là,
les cheveux, malgré la fêlure,
la fente,

entre nous, je
connais,
c’est à moi — »

Qu’est-ce qu’ils m’ont fait,
qui sont-ils venant
vers moi

sur leurs pieds qui savent,
avec telle substance
de formes,

écartant la chair,
je rentre
chez moi,

avec mon rêve d’elle.

 

Robert Creeley

Traduit de l’américain par ]ean Daive


Recomposer avec les souvenirs – ( RC )


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                           peinture: V Van Gogh:  branches  d’amandiers en fleurs  à St Rémy

 

Sous le ciel épais et gris,
Il y a les images que l’on fabrique,
En jouant sur un fil
Qui vibre de façon à repeindre
dans sa tête,
Un bleu du midi,
Et les fleurs d’amandier,
Comme celles du tableau de Van Gogh.

Loin du ressac
et des rancoeurs,
J’ai composé avec les souvenirs,
ce qu’il reste de notre amour,
J’ai oublié les larmes distillées,
pour l’eau de fleur d’oranger,
le venin de la distance,
pour une pensée , que je te dédie…

RC – janv 2016


Reina Maria Rodriguez – L’île violette


vue  bord fra  arch -0481.JPG

VIOLET ISLAND

…j’ai connu un certain homme, un homme étrange.
il gardait jour et nuit la lumière de son phare
un phare ordinaire qui n’indiquait pas grand-chose,
un petit phare pour embarcations de fortune
et peuples obscurs de pêcheurs, là, sur son île,
il échangeait avec son phare les sensations
attendant jour et nuit cette autre lumière
qui ne surveille la persécution d’aucun objet,
cette autre lumière réflexive, parcourant vers l’intérieur
la distance entre le port sûr de l’endroit
et l’œil qui voit revenir, d’en haut et transparente,
l’illusion provisoire qui s’éternise :
cette courbe de l’être tendue tout contre le phare
sans précaution ni limite, pour être ou avoir
ce qu’imparfaitement nous sommes, rien d’autre
que rêver ce qu’il veut bien rêver et être où il est
au-dessus des eaux tranquilles et éteindre tout dans le tableau
d’un jour et redevenir nouveau au petit matin
près du petit phare perdu d’Aspinwoll
sans même imaginer qu’il pourrait exister le moindre désir
ne serait-ce que celui de désirer la petite lumière qui tombe,
avec la nuit,
sur les eaux tranquilles et les sons déjà morts
de ces vagues, de jouir et souffrir, un refuge sincère.
Comme le gardien du phare d’Aspinwoll, seul sur son phare,
je me suis endormie malgré la lumière intense qui tombe
et se détache au-dessus du temps, malgré la pluie
frappant le miroir des poissons blancs,
malgré cette lumière spéciale qu’était son âme,
je me suis endormie entre le port et la lumière,
sans comprendre : je voulais, je voulais seulement
un peu plus de temps pour recommencer à apprendre,
pas sur le ressac de la commisération
où les désespérés attachent leurs mâts;
pas l’authentique bonheur de vivre sans savoir,
sans se rendre compte; pas la lumière provisoire qui s’éternise
et feint d’être
ce que nous serons
ni la peur de posséder la réalité opaque, immanente,
je ne voulais la vie qu’à cause du plaisir de mourir,
sur les eaux tranquilles,
en compagnie des poissons blancs, et j’attendais impatiente
qu’arrive encore la répétition de mon inconscient
afin que quelqu’un y trouve l’intouché, l’autre voix,
pas de cet être intermédiaire, un corps
pour mesurer les criques basses : un corps pour le viol
d’un moi impraticable :
je me suis endormie, inconséquente, dans l’imagination
de cet être différent dans la distance, suffisamment avancée
pour avoir ma propre illumination à Aspinwoll, mais
fracassée et obscurcie, comme le gardien du phare
au-dessus des eaux tranquilles
de ce qu’imparfaitement nous sommes, dans la petitesse
d’un phare qui n’indiquait pas grand-chose,
à travers la pluie chaude
et réelle de l’impossible.

(poème  extrait d’une  anthologie  de la poésie  sud-américaine)


On ne peut se saisir de l’horizon ( RC )


Djuno Tomsni - jus de citron.jpg

 

Bien sûr, on ne peut se saisir  de l ‘horizon,
Et si quelqu’un le peut,
ce n’est pas notre affaire.
Plutôt que  convoquer Dieu,
Ce sont des mille feux de l’astre,ses rayons,
prodiguant leur lumière,

Ils se posent, si légers,
Que , même l’atmosphère les tolère
Et s’en émeut,
Jusqu’à les prolonger,
Comme  en une  serre
Et en devient bleue.

La planète poursuit sa route,
Se montre  sous ses meilleurs  atours :
Les îles et les continents,
Une terrestre  croûte,
Parsemée, tout autour
De mers  et d’ océans….

Il est vrai que la distance
enjolive les choses,
et que , sur place, demeurent,
beaucoup de différences…
Il y a des vallées  moroses,
où des lacs se meurent.

Des forêts  profondes,
perdues dans l’humidité
Des déserts de pierres
A l’autre bout du monde,
Dont l’aridité
Ignore  le moelleux de la terre.

Eparpillés à la surface,
Les pays ne reçoivent pas le soleil
De la même façon,
Si les nuages  s’amassent,
Dans leur zone de ciel,
Et leur procurent frissons.

C’est une  sorte  d’injustice,
diraient  les grincheux
mais il s’en faut faire  raison,
( Tout n’étant pas lisse,
On peut émigrer  sous  d’autres  cieux,
Pour autre  acclimatation….)

Pour ceux  que  ça  agace,
Si le chaud  s’éternise,
Et toujours, choque
On peut retrouver la glace,
Ou patiner sur la banquise,
Là où vivent les phoques.

Le soleil n’en a cure
Il distribue beaucoup,
Même par dessus les nuages
A travers  l’azur,
( et même par-dessous),
il y a de l’éclairage .

Et en cas de pluie,
Ça va pas changer la face du monde…
Ni la chute brutale de cet orage,
On n’va pas s’enfoncer d’un coup dans la nuit,
Vu qu’avec la surface ronde,
On garde  toujours un peu d’courage..

Il suffit que la planète,
Se tourne du bon côté,
Et présente son côté face,
Pour un demi-jour de fête,
C’est quand même  générosité,
Avant qu’on ne passe

Au lendemain.
Une nouvelle  révolution,
Qui encore  s’invite,
Suivant le destin,
Du jour,           l’éclosion,
En suivant son orbite .

Excusez  du peu
De ce que capte la terre.
Le reste s’évanouit dans l’espace.
Notre étoile  fait ce qu’elle peut,
De son explosion nucléaire,
Jamais elle ne se lasse.

Supposons, qu’un jour tenu en laisse,
Se perturbent les réactions
Le procédé  s’inverse,
Et voilà le retour d’une  couche épaisse,
Que l’on appelle  glaciation
Les rayons  rétrécissent  et se dispersent

Comme  l’ont vécu les dinosaures,
Trop habitués à se dorer la pilule,
A piller  et à tuer .
Ce changement leur  a causé du tort,
Car privés de canicule,
Ils n’ont pu s’habituer…

Nous  voilà dans l’utopique,
Mais si cette  période
pas si lointaine,
oubliait le réchauffement climatique,
Il faudrait, à cette  nouvelle mode,
Se couvrir d’habits de laine.

De peaux de bêtes,
De la plus grande élégance,
de bonnets de fourrure :
– Les voyages  en jets,
On s’en balance,
Car les temps  sont durs…

Et puis  ce serait partout pareil,
Une planète blanche  et morne
Qui sommeille et patiente….
Rien de nouveau sous le soleil,
Dit-on— le sol uniforme
Décomptant des années  lentes….

Ah ça —        c’est  l’égalité…
Plus de « quand-même », et se « si ».
pour tout le monde un bol d’air pur
( et de la même  qualité) :
Ça c’est la démocratie…
Plus de privilégiés sur la côte d’Azur

Si ça peut  vous  rassurer,
On a l’temps de voir venir,
Nous n’en sommes pas encore là…
Vous avez encore quelques étés,
Et un peu d’avenir,
Pour repenser à tout ça…

RC –  oct 2015


Quelque part où les lignes courent, s’enfuient – ( RC )


 

 

 

graphique: Richard Diebenkorn: sans titre 1993

graphique ( gravure  ? ):       Richard Diebenkorn:           sans titre 1993

 

 

 

 

 

 

 

–Quelque part où les lignes courent, sur le corps de la terre.

Certaines s’enfoncent ,s’enfuient

rebondissent sur les accidents du terrain,,

la chevelure obscure des bois denses.

 

Sans couleur pour l’instant, peut-être suspendue dans un gel provisoire,.

A chaque instant, celle-ci peut occuper les lieux,

Inonder la surface, comme le ferait le rideau du soleil naissant,

ou, à l’inverse, celui de la nuit .

 

Mais bien avant,           les collines se propulsent vers l’avant,

ou plutôt        les ombres,      se liguant contre le jour,

émergeant de la brume, comme              engluées

dans une couche épaisse de peinture.

 

Je perds alors la notion de distance,               divisée

par les silhouettes des poteaux électriques,    leurs fils dansant,

l’étagement des haies,       les champs s’empilant,            verticaux..

Tout est rythmé de signes qui n’ont pas d’autre signification qu’eux-même.

 

Même la route sur laquelle je m’appuie

se met à tanguer en virages     derrière un rocher 

Peut-être disparaît-elle               à jamais

Comme ce trait interrompu sur la toile.

 

L’équivalent d’une          stridence,

d’un appel qui ne trouve pas d’écho

émis par un chant d’oiseau,

bientôt bu par le silence .

RC – oct 2015

 

 

 


Semis de pierres à Carnac – ( RC )


A Carnac, on a planté des petites pierres,
pour retenir les rayons  de lune.

–  C’était au début, quand elle  a commencé
sa course autour de la terre.  –

Maintenant les pierres ont bien grandi,
ce sont des témoins,

Ils  se sont redressés, au fil du temps,
Communiquent  avec le soleil et le vent :

Ils  racontent,      muets,        en grandes files,       alignés,
beaucoup de choses,            sur ce qu’on ne connaît pas.

Pour notre portée  d’hommes modernes,
C’est  comme un langage  des signes, venu de l’en-deçà…

La nuit venue, elles se déplacent dans leur ombre,
Et grandissent  encore un petit peu, imperceptiblement,

Le dialogue  se perpétue  avec le  sol,
Et le rayonnement  des astres .

Avec leur  station debout, on peut leur attribuer
un caractère, comme si  une présence humaine  était enfermée dedans.

Il se pourrait qu’elles  se soient  rassemblées  d’elles-même,
en vue  d’une  cérémonie à venir.

D’autres  le font de manière  étrangement proche,        dans des pays différents,
Où déjà la distance fait qu’on se demande comment  elles  font.

Peut-être que la roche en marche aurait les instincts     d’une commune famille…
c’est difficile  à dire, et personne  n’a vécu des millénaires pour affirmer le contraire.

Vu leur  silence  apparent,          juste  couronné de vent,
il faut laisser parler  les  légendes  ;          c’est un peu leur chanson.

 

RC –  juillet  2015


Digérer le désert – ( RC )


 

Afficher l'image d'origine

 

Comme ces animaux, dont l’apparence se coule dans le fond,

Tu habites le désert, et t’y confonds.

Femme des sables, tu n’espères que les courants,

Les vagues d’un océan de dunes, qui, lentement, se déplacent.

Tu te couches dans le sable, tu t’étends sur l’horizon,

dont rien n’arrête la fuite.

 

Tu regardes passer les caravanes, mesurant le temps,

dans leur progression lente.

Tes désirs sont une piste, aspirée dans un mirage .

Et cette piste, s’efface avec le vent .

Ainsi la vie s’étire, blanche, sous la lumière brûlante,

écrasant tout de son feu.

 

Et comme l’ombre est rare, juste celle de  buissons épineux,

tu attends que le jour bascule, ne souhaitant rien .

Le violet de la nuit           s’orne d’une lune interrogative .

Si tu jette des cailloux vers les étoiles,  elles te les renvoient .

 

Tu peux les maudire, elles restent indifférentes à ton sort.

Elles contemplent d’autres pays.

Ceux dont tu n’as pas l’idée, enchaînée par la distance .

 

Il ne reste que les pierres, où se concentre ta colère .

Juste le temps que tu digères le désert.

 

RC – oct 2015


Alessandra Frison – Les dernières maisons


 


Les dernières maisons ont disparu
et les barrières pressées par les minutes
rongent l’âme.
Je ne peux l’écrire
ce cœur qui s’enfonce sous terre
colore une dernière écaille de moi
dans les cheveux ou sous
la poussière du plâtre
qui est toujours écran de vie,
complète distance de qui te fleurit
de qui à la fin disparaît comme le pli
dans le livre la page blanche
ton nom.

*
Sono sparite le ultime case
e i cancelli coi minuti addosso
si mangiano l’anima.
Non lo posso scrivere
questo cuore che si interra
colora un’estrema scaglia di me
tra i capelli o sotto
la limatura del gesso
che ancora è schermo di vita,
completa distanza da chi ti infiora
da chi si perde alla fine come la piega
sul libro la pagina bianca
il tuo nome.


Javier Vicedo Alós – distances


Sculpture:   James  Galschit

Sculpture:         Jens Galschiot  – Danemark

 

Distances

Seule une distance est terrible : la distance entre deux corps. Ces quelques centimètres qui nous séparent des formes anonymes dans les rues, les magasins, les bureaux, les cafés ou notre propre lit. Si proche son pouls du mien, sa faim ancienne et mes mains de pain, et si loin cependant, quelle épaisseur de barbelés dans l’air.

Javier Vicedo Alós,  ( né en 1985 ).

 

Distancias

Sóló una distancia es terrible : la distancia entre dos cuerpos. Esos escasos centímentros que nos separan de los bultos anónimos en las calles, las tiendas, las oficinas, los cafés o nuestra propia cama. Qué cerca su pulso y el mío, su hambre antigua y mis manos de pan, y qué lejanía sin embargo, qué tupida alambrada de aire.

Traduit par Edouard Pons, Poésie/première n° 59, septembre 2014.


Sentence blanche – ( Rc )


photo: Désirée Dolron

photo: Désirée Dolron

 

 

 

Jouer de la distance, et des horizons lointains,

Une vie qui s’écoule,   confirme la sentence,

D’où,   chaque jour             s’élance,

Le goût du vain.

Puisé d’une barrique

Se maintient, par une sorte d’habitude,

Le manque ,                      et la solitude ;

Et elle,                        toujours identique,

…Me tire par la manche,

Je suis trop lourd sans doute,    rien ne l’allège,

Et suis, au long des années,      couvert de neige,

Comme tu le vois,              à ma barbe blanche…

 

 

RC –  oct 2014


Pentti Holappa – Parole de ruine


photo perso : Loropeni - Burkina Faso  -  2012

photo perso :            Loropeni – Burkina Faso – 2012

 

Parole de ruine

 


Je veux venir près de toi.
Je ne trouve vrais
ni la pierre, ni le monde ni les distances.
Le coup d’aile d’un oiseau dans le ciel de grand gel dure
aussi longtemps que la ville aux murs coulés de béton

Il m’a fallu me briser avant de perdre mes illusions
Aujourd’hui,
je suis certain que tes cellules m’entendent quand je parle
la langue aux mille sens des ruines
en moi-même, mais rien que pour toi en vérité.


Pentti Holappa

 

 


Puits de la mémoire – ( RC )


photo Dina Bova

photo Dina Bova

Voila que je me penche
Sur le bord de ce qui entaille
La mémoire.

Ici le soleil ne se reflète pas,
Car le miroir des eaux,
Est si loin de la surface,

Que même se perdent les traces,
De notre enfance, de nos premiers pas.
– L’envers de notre destin.

J’ai beau tester la distance,
En lançant quelque objet,
Le bruit de l’impact s’absente,

Comme si le temps même
Se perdait dans l’écart
Des défaites de la conscience.

Me penchant au-dessus
De ce puits de mémoire,
Que rien n’éclaire,

Et dont je ne peux percevoir que la nuit,
…..         Aux rives de l’oubli,
Elle prend possession      de tout .

– Il faut que j’invente le jour,       et
La matière dont je serai fait,     peut-être

Demain.

RC-  8 novembre 2013

avec une citation qui rejoint le sens du texte ci-dessus;

« Ce n’est pas tout de naître, il faut encore naître une seconde fois à soi-même et au monde »——— Le ravissement :  in Le cantique des cantiques


Exils – ( RC )


dessin : PinguinFreak ( deviantart)

Exils

C’est par centaines, que je peux nommer
Montagnes,  plaines, fleuves et déserts
Qui se sont succédé, remplacés
Au long de ma longue marche,            l’exil,
La route qui m’éloigne de mon enfance
Mais dont jamais la pensée ne s’efface.

Mes pieds foulent une terre autre
Et ma tête un vent qui n’a de commun qu’être vent
Comme la langue des peuples que je ne comprends pas
Que je ne comprends plus
Est-ce que les kilomètres, la distance accumulée
Font que je transporte un mur avec moi ?

Il a fallu que je parte
Que j’arrache mes racines
Pour espérer vivre en dehors de la guerre
De la peur et de la famine,
Vers ces lointains,                           si loins
Qu’il serait d’un oubli facile
Mon beau pays d’exil…

Je ne l’ai pas renié
Mais il me renierait
Si je pouvais un jour
De nouveau ressentir la rencontre
De mon soleil se heurtant aux toits  ,

de mon village d’enfance
Dont j’emporte les images,
– Seulement les images – ,   au fond
De ma mémoire .


Je suis celui qui a fui,
Pour un monde facile
Je suis celui qui a trahi
Ma langue, mes origines
Ma vie, même ,
Et mon pays
Où jamais, je ne retournerai


RC   – 19 juin 2012

Une réalité hélas  d’actualité –  décrite sans complaisance, par exemple  dans le livre  de Laurent Gaudé   « Eldorado »   ( Actes/sud )


Amin Khan – Inédit Passager


photo reportage  -  auteur non identifié -  Brésil

photo reportage        – auteur non identifié        – Brésil

 

Un des textes  que  l’on peut  trouver  dans  marsa-Algérie-Littérature…

 

publié dans Algérie Littérature/ Action. N°69 – 70

 

 

Or solitude
rêvée de mon quartier
de l’ombre derrière les persiennes rouges
la cour vide des cris
au fond assise la femme à demi-nue
à la peau de son ventre laiteux
rêvé de leur vie à eux
et à l’amour et au désir indistincts
dans la distance d’aujourd’hui

Villes quittées à l’aube dans la crainte
et l’amour de Dieu
vallées de pierres froides et nues
femmes de brume dévastée
enfants seuls de la vraie solitude
ombres compagnes de l’illusion
et ce doute comme une braise
au fond de soi

C’est un soir infirme dont le bleu n’est pas d’ici
bleu turquoise sombre de l’oubli
né du désert qui brûle le jour
des rêves enfuis
c’est à celui de mon coeur qu’il retourne
avant la nuit

Sens-tu
le frisson des racines
ce tatouage en ton sein volubile
la terre de ton sang
le pelage du jour qui s’ébroue
et l’eau de tes rêves pure
et l’ombre familière naître sur le mur
de ta demeure que la nuit abandonne
aux chiens qui aboient au lointain
aux oiseaux excités à l’odeur du café
à l’odeur du pain et aussitôt
à l’appel du chemin de l’exil

Je demande pardon
dans la prière
dans le labour
pour ces crimes de silence
pour la chance
et l’amour
que je n’ai pas mérités
je demande pardon
sans espoir
car le temps est passé
et du pardon
et de l’espoir

O toi ami
de retour dans la tendresse obscure de l’exil
je te salue incarnation seul
parmi les ombres à la chair arrachée
par les crocs du piège du temps inutile

Contre les murailles rouges
l’ombre trop proche du jacaranda
la rumeur du peuple
inaudible
au bord du fleuve
de jeunes vieillards fument
retournent les pêcheurs
au coeur ouvert de la ville
où les passantes
ont le regard noir
un dernier regard
noir pour le jour fragile

Le voyage comprend la mort et la naissance
je sens le parfum du temps qui coule dans mes veines
la pâleur de ton visage est de chaque instant
je rêve de nos mains nouées dans l’asthme du matin
grâce à Dieu les heures du voyage sont précises
je range mes pensées il n’y en a aucune
mon destin est écrit d’une encre noire et brute
j’ai perdu l’usage des mots du poème
inutile et vivace blessure

Souvent je me demande ce qui se passe ici
dans le désordre de mon coeur
où les temps se mélangent
dans un langage étrange
que je ne comprends plus
alors dans cette idiotie
je me demande encore
qui je suis

Je sens que tu t’éloignes
sans un mot sans un geste
sans morgue ni soupir
sans même te souvenir
toi ombre précise parfum
condensation du vide
animal de lumière
trop sombre tentative

C’est ce que je sculpte dans l’obscur
ce travail et ce corps
que je sépare pour un temps
tel le rêve qui se dénoue
de l’illusion

O comme elle me manque
cette ville blanche et bleue
au soleil des étés
où l’amour est rêche
comme un feu amer
où les femmes ont des yeux
d’une lumière qui fait mal
et des corps pleins midis de secrets
et des voix dont les accords font vibrer
la chair comme un sabre heureux de tant de fécondité
O comme elle me manque
celle qui ne savait pas attendre
celle qui ignorait la rumeur
et insouciante et grave et tendre
se lavait après l’amour
dans la pluie
1
Luths et mandolines
O ces mains fiévreuses qui tissent étrangères
douleurs proches et la saveur lointaine
à moi seul au coeur de l’absence en feu
ici je rêve d’arcades douces et de regards sombres
par-dessus la fontaine aux pierres lisses
ocres vertes roses et bleues de cette ombre
qui vient seule de tes yeux
notes mesquines
elles se consument du désir de ta voix
sur la peau blanche de l’instant silencieux

Ce que tu tiens et refuses
au seuil turquoise des escales
entre la lumière et l’ombre
des chambres vides et nues
où personne ne compte plus
la lenteur du voyage
de ceux qui n’ont plus
de visage ni de nom
sache que cela
et cela seulement
est ce qui me revient du partage

J’aime la chair de ce pays
où les chemins ne s’ouvrent qu’à peine
j’aime les oliviers tenaces sentinelles
et soudain l’aveu de la pluie
sur la poussière âcre des orangers
j’aime contre le ciel
les murailles épaisses roses parfumées
qui retiennent le temps précieux
j’aime les yeux noirs des femmes
sans âge à l’instant
où ils se ferment sur le deuil silencieux

Je redoute le voyage
cette lumière à peine rouge
rose du désir de la terre inconnue
je ressens le passage
brutal d’un état à un autre
cette corde de chanvre à mon corps nu
je revois le paysage
ces maisons en flammes parmi les oliviers
et la trace de tes pas et leurs bruits
je reconnais cette image
de l’amour dans la lenteur de la nuit
mais ton visage je ne m’en souviens plus

Pères morts terres calcinées
tu caresses la mâchoire du temps enragé
il y a un cercle de rouille et d’ocre
sur le mur de la maison abandonnée
des perles de sueur à ton front
dans ton regard une lueur comme de feu
peau contre peau sang mêlé
O comme j’aime ton ventre de mère
et ta langue acérée
et nos dents vives dans la morsure
et cette peine à la longue exprimée

O cette douleur étrange
qui me fait mourir sans rien
celle-là qui me désire
est encore si loin

C’était si bon de marcher dans les ruines
dans le bruit à peine des oliviers
et l’odeur de la mer
et prendre ta main pour la première fois
à toi fille de Cléopâtre Séléné
et d’un homme d’ici
c’était si bon de marcher dans le soir
parmi les pierres et les broussailles
un de ces soirs-là avant l’exil

O toi
sois douce à connaître
pour celui qui vient à toi
avec ce coeur qui brûle

O comme elle me manque
cette femme de cette race qui retient
dans les peines du silence
face au mur de pierres chaudes
où l’ombre ne tient pas
elle a tissé de ses mains
la couverture de ce sang-là
à l’heure du danger elle m’a parlé
des morceaux de soleil atroce
dans le corps de sa voix
elle m’a aussi laissé partir
dans le manque de mon pas
elle m’a aimé elle de cet amour-là

Je roulais un matin vers le petit aéroport de Bône
un de ces matins clairs où il fait un peu chaud
et la poussière est douce
où les enfants poussent des carrioles et crient
des mots détachés de cet air de triomphe
calme comme s’ils étaient des prophètes
la tête contre la vitre comme si j’étais mort
en passant sous la basilique j’ai entendu ta voix
chaude et claire et incompréhensible
qui faisait son passage
dans l’espace je crois de mon rêve endormi

O sang de l’esprit
je te bois à la source de la souffrance
comme l’animal obscur nourri
de la sève de fleurs éblouies
comme le coeur vieilli
du pêcheur près de sa barque
O amour comme
n’importe quel homme en sursis

O ma faiblesse
rivière profonde et calme
cours savant des anciennes larmes
O lumière de mon sang
O tendre douleur
O substance de mes heures

Elles ont sculpté le vent du voyage
et tracé des signes au soleil
elles ont reçu la pluie du naufrage
et baigné dans le parfum de l’exil
elles ont tenu des promesses sans âge
et fouillé le silence des entrailles
elles ont aimé l’être de passage
et ont pour lui la douceur du deuil

Je pense bien à toi
homme sans chemin
coeur douloureux
on a bien quelques images de toi
des rapports de police
quelques coupures de journaux
des photos circonstancielles
mais c’est difficile de trouver mon vieux
dans le fouillis de la mémoire
le fil de ton existence
alors que veux-tu
on n’y peut rien
salut ami
adieu

O saints fugitifs
O soldats misérables
j’ai ramassé le sable de vos pas
et les feuilles d’un carnet jauni
où il y avait une écriture fine
et des traces de larmes

Par quel miracle finira l’exil
quelle main étrange prendra ta main
quelle voix obscure te dira le chemin
quelle douleur encore faudra-t-il

O toi qui m’abandonnes
la seringue du vide à mon bras
l’encre du regard à mes doigts
les larmes de l’ignorance à mes yeux
et en moi le parfum de toi délicieux
il n’y a rien
rien dans cette vie que je veux

Je t’ai longtemps attendue
le coeur silencieux
des heures longues sous les arcades
qui retiennent ceux
qui aussi rêvaient de partir
je t’ai longtemps aimée
le coeur sombre
des jours et de longues nuits
sans connaître la fin
de la douleur de partir

Qui va calmer la rumeur de ta rue
qui va passer en silence la porte en fer bleue
qui va secouer de sa main l’ombre du chèvrefeuille
qui va m’éteindre le feu de tes gestes
qui va lécher la sueur de ta peau comme le soleil
qui va me faire oublier l’odeur de ton lit
où nous avons dormi si peu

O comme j’aime la fleur hystérique de ton âme
cette immensité libre et stérile où meurt le soleil
cette plaine tant pillée à la poussière si douce
où les naseaux frémissent et les passions s’éteignent
elle m’emprisonne toujours lente et tyrannique
et donne à respirer jusqu’au fond de l’ivresse
sa peau brûlante et sa sueur salée
profonde chair de l’illusion aux longues lueurs pleines
qui me retient jusqu’à l’instant qui précède l’instant

C’est lorsque je te surprends
prompte dans l’ombre
genoux de faiblesse
oeil de miel sombre
lèvres de tendresse
que je touche ma récompense
ce ciel noir soyeux immense
où seuls le vertige et la vérité
dansent

Donne-moi l’abri
où le temps se meurt
et la lumière neuve
d’après tes pluies
et le son de ta voix
le vent dans les branches
de l’amandier gris
qui rêve dans l’absence

O cheval perdu
dans la plaine du désir
O âme sombre
à l’heure de partir

O comme j’aime ton ventre
lourd et tes seins de feu
et cette cicatrice profonde
au-dessus de tes yeux
et ces mains qui dédaignent
ces matins lumineux
O Alger pleine de l’ardeur
du désir silencieux

Je ne sais pas ce que tu fais de ta vie
dans ce jour infini où la lumière n’a aucune réponse
42
où la peur augmente et le désir luit
je ne sais pas si tu sais qui je suis
avec ces armes à mon coté endormies
et ce rêve obscur qui me hante encore dans la nuit

On est seul dans la défaite
seul dans la fuite éperdue
seul dans la courbure du soleil
seul dans la douleur
seul dans les pas
du chemin perdu

Le temps te prend
la vérité te fore
la beauté t’épuise
et chacun te laisse
à l’autre dévastée

Tous mes mots
ils ne veulent rien dire
ils ne sont que des larmes
que je peux retenir

Je hais cette langue
qui n’est pas mienne
et je suis dans son jeu
égaré
je dis le désir et la peine
avec ses mots
elle a fait de moi
un bègue
un poète absurde
un dériveur un étranger

C’est une trace
de sang noirci
la trace
d’un seul instant
la trace d’un homme
qui s’en est allé
loin d’ici

C’est là que je pense à toi
quand le ciel soudain s’obscurcit
et qu’elle lève les yeux vers lui
c’est là que je pense à toi
O toi aux yeux pleins de larmes
d’une autre vie

O figure obscure
force du minerai en sangs
matière même de ce rêve
et de sa douleur sans trêve
parfois vêtue de ce drap
de turquoise et d’ocre
parfois présente
dans la lumière nue
invisible dans la peine
muette dans le travail
du désir absolu
O toi vers qui je vais
où es-tu ?

Toi qui pardonnes
les existences gâchées
j’accepte de tout coeur
que tu ne puisses pardonner
j’ai perdu j’ai perdu
ce que tu m’as donné

Salut à toi
homme parmi les autres
ombre parmi les ombres
avec le sang de ton âme infecté
passant dans la foule
marin dans la houle
brindille dans l’incendie
de la vaste plaine du pays dévasté

Salut à toi
ami au coeur pur
en cette heure si près
de la déchirure
j’ai trop peu d’espoir
pour ce qui advient
et je me souviens
qu’à l’instant où le coeur s’alarme
il faut déjà partir
salut à toi seul
dans cette lumière
qui maintient mon dos contre le mur

J’ai connu l’amour d’abord
l’amour et le danger
et puis la solitude
alors j’ai désiré
la mort pour la quiétude
du coeur tourmenté
j’ignorais le chemin
encore à faire
avec ma douleur d’étranger

Il n’y a pas de place pour toi ici
avec tes pur-sang
tes femmes de haut lignage
tes empires désertiques
où l’horizon et l’armoise
s’unissent pour l’ivresse
pas de place pour tes crimes
tes couteaux initiatiques
les soupirs de tes victimes
tes rançons disparates
et la fièvre du soir
lorsque la lune descend

O douceur de la porte fermée
sur la chambre nue
de la prophétie
O douce douleur des signes
qui reprennent leurs sens
O douleur du coeur abandonné
dans le labeur féroce
de l’oubli

C’est un jour de défaite
un jour comme les autres
un jour d’exil
dans la foule des jours exilés
un jour qui meurt dans la même courbure
que les autres jours
un jour maudit
en bloc
avec les autres jours
un jour banal
plein
de clémence et d’amour
Cette chienne de terreur
qui mordille la chair de mon coeur

elle a le poil humide et l’oeil jaune
et ce feu du désir en elle
qui nous consume dans la haine
du sang partagé

Je suis à cette heure de ma vie
où la mort je voudrais qu’elle soit mienne
elle parmi les belles de la tribu obscure
qu’elle me choisisse et vienne
et pose sa main sur mon épaule éclairée
par un peu de cette lumière humaine

O cher amour
mon seul espoir
est que ton coeur se souvienne

Amin K

On peut aussi trouver certains  de ses poèmes  dans  « la pierre et le sel »


Aux rêves, il n’est plus d’absence ( RC )


peinture:     Mark Rothko

peinture: Mark Rothko

Le matin tire sur la corde des rêves ;

                                A la lumière naissante,

Le papier             absorbe l’encre,

Comme la mer vient lécher la grève.

Si,                  absente en ton sommeil,

                   Tu voyages dans le noir,

Et s’il n’est de mémoire,

                Que le vent des soleils,

Au-delà des montagnes…,

                          Il n’est plus d’absence,

Je comble le vide de la distance

                Comme je t’accompagne,

                                  Ame consolatrice

                        A la longue nuit

               Que tu traduis

Sans artifices.

Il reste             le silence boréal

Et       de tes rêves côtoyés,

Le regard déployé

      Et la pluie des étoiles…

RC – 21 août 2013

photo J F Peyron -  Arménie

photo J F Peyron – Arménie


Une barque sur l’océan, que j’habite au reflet des étoiles (RC )


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Une barque                    sur l’océan,
Que j’habite au reflet des étoiles,
Bercées               par les heures diluées,
Lorsqu’ aucun vent ne gonfle les voiles.

L’avenir serait en ces îles
Posées sur la brume,   dos d’espadon
Qu’un parcours immobile
Détache de l’horizon.

Orphelines d’une terre noire,
Ayant perdu sa mémoire,
Ou peut-être encore si loin,
Qu’on en oublie ses jardins.

Tant de liquide, au gré de l’immense
Si je fais du sur-place
Amplifie,      de conscience,      ta distance
L’esprit noyé,                   de trop d’espace,

Le baiser des pensées s’accompagne,
Des hasards        de l’existence,
Quand         jamais ne s’éloigne,
L’ombre                  de ta présence.


RC  – 5 août 2013


Château les rêves , alphabets de pierre ( RC )


Résultat de recherche d'images pour "st julien du tournel"

photo:  St Julien du Tournel  –  au pied  du mont Lozère

 

Un château de rêve

Suspendu dans la brume

Navigue lentement

Lourd volatile au milieu des aigles

Alphabet de pierres

Assoiffées de l’onde

Les cristaux du poème.

Les peintures de Magritte

Chimériques

Echappées des rocs

Issues de l’esprit

Comme vagabondent

De l’âme et du monde

Mots en fantaisie.

Château des esprits

Vaisseau des écrits

Traversent les obstacles

Annulent les distances

Comme les ailes frôlent

De leurs plumes,            paroles,

Et les tours rondes   des songes.

peinture: René Magritte: le château des Pyrénnées

peinture: René Magritte: le château des Pyrénnées

Comment créer vraiment

Ce qui n’est pas encore

Et lui donner corps ?

Corps à penser, corps à rire,

Coeur à corps et à cris…

Même si c’est murmures

Aux furies du vent…

Château des écrits

D’édifices fragiles,

Cristaux de papier,

Traversent aussi le temps,

Espaces et nations,

Vertiges et vestiges,

Siècles et révolutions.

Une vue de l’esprit ?

Aux déserts,      mirages,

Qui persistent     et signent

En ouvrant paupières,

Même en coeur  de nuit noire,

….Au trente-sixième dessous,

Le rêve n’est pas dissous.

RC – 29 mai 2013

L’expression  « Alphabet de pierres »  est issue  d’un des poèmes  de Henri-Etienne Dayssol, auteur  de « Voxpoesi »,- plus exactement  l’expression « alphabets des pierres », nous rappelle-t-il… et qui anime le site poétique – du même nom…


Pierres en gravité ( RC )


photomontage  Gilbert Garcin: Il faut imaginer  Sisyphe heureux

photomontage         Gilbert Garcin:          Il faut imaginer Sisyphe heureux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Revenant à mi-mesure,        porté dans les bras
Un grain                    ( de bonne moyenne,)
–                  Amené  au bord d’un gouffre,
Insondable liquide,      rempli d’un sourire vert,
Juste après un cercle d’ondes,                   roche-
Roule et puis rebondit,     tout en échos sourds,
Jusque le silence aspire , du bruit ,  la distance.

<      Ou bien s’imaginer,
A une  échelle         beaucoup plus  réduite,
Ce qu’il faut d’efforts, pour déplacer un peu
Un grain de sable,      presqu’à notre taille,
Appuyé contre l’épaule,  de sa rudesse blonde,
Roc lisse d’un nouveau Sisyphe.
Appelé  à re-dévaler la pente.

Aux grains silencieux  de sable,
Qui s’écoulent  entre mes mains,
L’échappement, la chute, et la perte,
Car toujours                 ils se ruent,
Vers le plus bas,
Même s’il en reste  quelques uns,
Qui sont collés aux  doigts.

Et                s’il est question de gravité,
Et que nous naissions petits cailloux
Gravillons en bord de  route,
Ou pierres d’aquarium….
Etant donnés: le poids et la chute des corps…
<               Et pour terminer ce texte,
………………..           quelle en serait sa chute ?

RC – 23 mai 2013


Mario Luzi – à l’image de l’homme ( extrait )


sculpture: visage dans une plaquette - pierre   art punique

sculpture:                 visage dans une plaquette – pierre                   art punique

 

 

 

 

Trop différente de nous. Trop

hors de portée de l’appel

ou du signal de retour.

Anéantie même

douceur et tourment

du souvenir et de la différence.

 

D’au-delà de toute mesure

humaine il nous regarde,

cet âge qui fut souverain,

pétrifié par sa distance

soustrait par l’oeuvre du temps

au temps et au changement.

 

Ô ère qui es la nôtre

et qui te fossilises peu à peu,

fais-moi sortir du ventre

de ton dur monument

comme chenille, comme chrysalide dans le vent.

L’après, le plus, doit venir à l’aide.
.

 
.


Préférer les sandales aux bottes de cahoutchouc ( RC )


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-fresque  de la Villa Farnèse  – Raphaël

 

Au confort exotique,
le corps  s’étale
dans la vie locale
aux aléas climatiques…

Convoquée ,      manucure
Ne craint pas scandale
Et dessine , démarche bancale
Les pieds,       ailés      de Mercure

Trouver meilleure chausse
A son pied   servile ….
Il est toujours plus facile
De célébrer des noces

En sortant de son chapeau
Un soulier de cristal
       Plutôt que sandale
Aux temps hivernaux.

Au sortir de l’aéroport
Si tu as le pied fin,
C’est soulier de satin,
Garanti grand confort

Aux pays  du soleil
Sans être momie,      aux bandelettes
Es tu bien dans tes baskets
Les ampoules vissées aux orteils ?

Trouver chaussure à son pied,
Le grand amour  rêvé…
Cueilli au pied levé,
Des temps expatriés.

Des bottes  de sept lieues
Permettent, avec quelque  chance
De franchir grandes distances
Pour agiter,   mouchoirs des adieux.

La soif d’idéaux
Fait de toi            la reine
– Un jour couverte  d’étrennes
Portée au plus haut…

C’est oublier, que la terre  est dure,
Même de l’autre côté           – obtuse
Et que les semelles   s’usent
Avec la distance, et le pas sûr…

Il n’y a pour rêver, pas d’age…
Aux vols d’altitude
La chute peut être rude
En quittant les nuages.

Laissant de l’amour,    le mystère
J’en connais,    qui préfèrent des souliers
–        De milieux hospitaliers
Accrochés à  la terre.

Se bouchant les oreilles, Ulysse
Pour éviter ,      des sirènes, les voix
Fit ainsi son choix
–         Et sur lui, elles  glissent.

Quittant le paradisiaque,
Le voila, laissant le boubou
Pour des bottes  de cahoutchouc
Bientôt en vue d’ Ithaque …

Pénélope,….        pour l’accueillir,  est venue,
        Portant ses escarpins
        Au creux de ses mains,
Et elle,                       elle est pieds nus…

RC    – 14  janvier 2013


Alessandra Frison – Les dernières maisons


poétesse, dont un certain nombre sont visibles  dans

« une autre poésie  italienne »

peinture: C Soutine:           paysage à Céret       1920

Sono sparite le ultime case
e i cancelli coi minuti addosso
si mangiano l’anima.
Non lo posso scrivere
questo cuore che si interra
colora un’estrema scaglia di me
tra i capelli o sotto
la limatura del gesso
che ancora è schermo di vita,
completa distanza da chi ti infiora
da chi si perde alla fine come la piega
sul libro la pagina bianca
il tuo nome.

*

Les dernières maisons ont disparu
et les barrières pressées par les minutes
rongent l’âme.
Je ne peux l’écrire
ce cœur qui s’enfonce sous terre
colore une dernière écaille de moi
dans les cheveux ou sous
la poussière du plâtre
qui est toujours écran de vie,
complète distance de qui te fleurit
de qui à la fin disparaît comme le pli
dans le livre la page blanche
ton nom.