Violette Leduc – sur la neige

Le monde n’est pas étanche, et les regards peuvent se voiler.
Ce que nous voyons est fugace, et la pensée perce violemment l’inconscient conciliabule, sans tête à tête ni préambule, aussi rapide que vorace, ne s’embarrassant pas de volte face, traçant une figure au ciel bleu, qui s’efface.
Recule, je n’ai pas peur. Je vois le fil que tu empruntes.
Il est bien tendu, et il est solide.
Il s’enfonce dans cet espace que tu traces d’un doigt sur la neige.
Embrasser le monde, même à courte échelle – ( RC )
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Avec quelques idées, des pas hésitants sur la berge,
Il se hasarde sur le seuil de l’existence,
Et quelquefois trempe son corps en entier,
Ou juste un doigt, histoire de « tester ».
C’est sûr, sa vue ne porte pas loin, pas plus
que la lueur d’une lampe de poche, pointée sans grande portée.
Nous dirons que c’est la nuit, ou un soir bien avancé.
Ce n’est pas un phare, qui fend l’obscurité.
Mais plutôt une luciole .
Une pensée qui jouit de sa propre lumière .
L’étreinte de l’extérieur, est un espace .
qui semble se refermer sur lui à mesure qu’il avance .
L’arbre était immobile , sentinelle de plein vent .
Une présence, qu’il aurait pu ne pas voir ,
s’il était passé une dizaine de mètres sur le côté .
En fait, la marche porte son propre aveuglement .
Il est difficile d’embrasser le monde, même à courte échelle,
Sans se faire porter par la lumière d’un astre .
Celle d’un livre, par exemple .
Sans être universel, le regard en sera plus étendu .
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RC – nov 2014
Anna Jouy – Lève-toi
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Un texte issu de l’abondant site d‘Anna Jouy, de sa section « prosaïque« –
( une écriture très originale)
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la nuit vient de finir au siphon, je l’ai vue tournoyer comme un doigt dans l’eau, dans le sens du temps.
une lune de chrome, visière passoire, brillante, électrique, minuscule lampadaire sur les chutes de mon bain
la nuit silencieuse qui s’en va avec la clochette du chat encenser la lumière, à la fraîche
et moi dedans, corps et rêves à retenir ses fanes.
…cette aube toujours entre nous
la nuit des filles au nombril de diam’s et le reste en deuil
la nuit dont on dit tant de biens et panse tant de maux
composition de mystères, ses potions, ses homélies
la nuit qui voile la terre pour mieux ouvrir le ciel
lever la tête, tendre vers ses étoiles
oh! oui la nuit des femmes, quand tout traîne à la semelle de jour en jour
…c’est bien l’aube
je change de bain et revêts l’étole esclave des messes journalières .
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Même si tu n’es plus – ( RC )
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S’il faut voyager dans la mémoire,
Et dans les chapitres
Que je t’ai dédiés,
Je revois ton visage,
Quelque part réapparaissant
Au détour du chemin,
Et je passe le doigt sur ton sourire,
Malgré les rideaux de pluie,
Qui rebondissent sur la terre,
Et l’amollit pour mieux feuilleter,
Les pages du temps dilué,
Inondé d’émotions .
L’œil reste envoûtant ,
Le regard énigmatique ,
Imperméable
A la déroute des ans,
Partis et disséminés,
Au petit bonheur,
Mais le souvenir,
Lui, resté intact,
Retrouvé dans l’écriture fine,
Couchée dans tes lettres,
Comme l’enveloppe ouverte,
D’un poème permanent .
Même, si tu n’es plus…
( comme on dit ) .
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RC – juillet 2014
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Guy Goffette – La peau du soir
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peinture: James Rosenquist
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Tandis que saigne longuement
la paume du soir
qu’au fond des plats d’argent
se figent les sauces
une petite fille se pique d’être femme
dans la peau du miroir
lissant d’un doigt mince
sur la poitrine d’une star quadrichrome
la rose de papier qu’une mouche traverse
comme elle indifférente
aux ruines de nos jours.
G G
Le ciel s’appuie sur nos épaules ( RC )
Réponse au post de Tikopia…
Si le ciel s’appuie sur nos épaules,
Alors, les mondes lointains, nous enveloppent
Les comètes nous montrent du doigt,
Et se rient de la pesanteur qui nous confine
La poussière des étoiles nous accorde un peu
de lumière, enfin, celles qui n’ont pas choisi la voie
du noir.
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En présence de l’inconnu ( RC )
Un quart de tour de terre
Suffit à bouleverser les critères,
Mettre en présence l’inconnu
Aux enfants marchant les pieds nus,
Dans la poussière…
C’est quand même un mystère
De voir arriver par les airs
Et au-delà des mers
Tous ces gens venus d’ailleurs
Et d’un monde pensé meilleur,
Sortant de leur carrosse
Qui se reflète dans les yeux des gosses.
Ils n’en croient pas leurs yeux
Quand viennent se poser devant eux
Brillant de chromes et courbures,
De grosses voitures
Que leurs mains , osent parcourir
Les toucher du doigt, en garder souvenir
Lors d’une courte pause, regards en miroir,
Les reflets du toucher, se jouent en noir…
C’est avoir à portée de mains, le mythe
de l’occident, – que les rêves habitent…
Il y a toujours des pensées avides,
Même pour les bouteilles en plastique, vides.
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RC – 24 décembre 2012
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