Appelle-moi encore – (Susanne Derève) –

Contre un tas de bois mort, brise indolente, abri silencieux, voix. Voix qui m’appelle a fait fuir le lézard et la mésange. N’épelle pas mon nom usé. La terre porte un mirage d’eaux neuves, de printemps. Des chevaux captifs renversent le fil acéré des enclos. Les drailles à l’horizon cheminent vers le ciel, et franchi le ciel vers l’échine argentée du vent, le pelage ras des Causses hérissé de lavandes, l’étrangeté des pierres dressées. Déjà, le soir s’enferre au creux des combes, l’ombre violette des futaies se déploie et s’allonge, tout ce que le jour portait de douceur et de fièvre bascule puis se fige dans le premier battement d’aile de la nuit. Appelle-moi encore, et je te rejoindrai.
A tous ces mots, leur peine, leur joie … ( RC )
image: provenance le blog du web design
A tous ces mots leur peine,
leur joie, leur vie propre,
et leur coeur battant, même
s’ils sont issus de catalogues d’objets rutilants,
d’anciens grimoires,
souvent cachés derrière des double-sens,
comme protégés par une carapace.
On peut en dénicher en haut des armoires,
dans de lourdes encyclopédies,
… parfois ils s’usent, en désuétude,
si on les prononce plus,
inarticulés.
On peut aller en chercher sous des pierres,
coincés dans des pages jaunies,
ou bien après une ascension lente,
après l’obstacle d’une pente raide,
portant leur vérité, opaques ou ayant la transparence
d’un cristal de roche ,
gagnés après de lents et patients efforts.
Ils migrent doucement selon les siècles,
les usages et les modes,
méritent une interprétation,
une traduction,
— ainsi le bétail suivant les drailles
de transhumance.
S’ils sont à priori inertes par nature,
c’est leur association,
comme l’addition de produits chimiques,
qui les rend actifs, porteurs d’émotions,
voire virulents .
Corrosifs, avec la couleur qu’on leur donne,
gonflés d’ intentions allusives ou tendres,
parfois sordides et boueux,
déclamatoires en longues suites,
officiels dans de rigides discours,
démonstrations scientifiques irréfutables.
Si les murs ont des oreilles,
dès qu’ils sont lâchés, ils peuvent,
comme le dit Hugo, semer la discorde et la haine,
comme de mauvaises graines,
trouvant toujours à s’accrocher quelque part,
crevant même le goudron épais des trottoirs.
Comme ils sont prononcés,
ajoute une saveur,
douce ou courroucée ,
sucrée ou épicée ,
empruntant la voix parlée,
l’envol de celle de l’acteur,
jusqu’au réceptacle de l’oreille,
généralement prête à les accueillir.
Plus aériens dans ce qu’on nomme poétique ,
ils se chargent d’images, et permettent à l’esprit
d’envisager des raccourcis vers l’improbable,
dansant en quelque sorte tous seuls…
libérés des contraintes d’ organisation rationnelle,
celui qui les emploie, n’en fait qu’à leur fête,
les dissout, les recompose à sa guise,
jusqu’à en multiplier les sens
dessine leur aube, leur solstice,
et les pare d’ombres,
parfois fantômatiques.
Tout le monde les utilise,
certains portent un cosmos,
une signification inconnue,
qui a été pensée par d’autres,
sans qu’on puisse en connaître l’origine exacte,
même avec le scalpel étymologique ;
> peu se révoltent .
Je les laisse courir
au gré de ma plume,
et tout le temps avec bienveillance….
on dirait même qu’ils choisissent
de s’ordonner
tous seuls, en ébullition,
association spontanée.
Peut-être qu’ils me traversent
à la façon de cellules sanguines,
alimentant les pensées,
et sachant s’en détacher,
le moment venu,
– pour fomenter un texte -,
( dont je ne suis pas sûr d’en être le seul auteur….)
–
RC – janv 2016
Sous les yeux fertiles du temps ( RC )
A tous les rivages et au murmure des vagues
Les paroles croisées, le bonheur d’une inspiration
Ainsi, le ressac régulier, et l’écume
Qui prend et donne, reprend encore
L’appel des sirènes s’est perdu dans la brume
———Personne n’en propose de traduction.
Le pays s’est usé de son voisinage,
Pour tatouer la mer de rochers,
C’est une lente métamorphose,
Qui transporte les éléments
Sous les yeux fertiles du temps
Au-delà du plein chant du soleil
Les falaises parait-il reculent
Et cèdent au liquide des arpents de prés,
Les remparts de la ville s’approchent du bord
Et seront un jour emportés,
Comme le sont les siècles
Aux haleines des brises et tempêtes.
Faute d’apprivoiser le temps
Il faut faire avec son souffle
Et le berger pousse ses troupeaux sur la plaine
Puis les plateaux, qui offrent
A toutes les transhumances, leurs drailles séculaires
D’un parcours recommencé, au cycle des saisons.
RC – 14 octobre 2012
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