Les artichauds ne poussent pas dans les dunes Sainte-Marguerite – ( RC )

Trois épaisseurs de ciel
un petit coucher de soleil,
et voila que mon ombre s’allonge
sur un paysage de dunes
avec les herbes échevelées,
qui ne m’ont pas reconnu.
> Elles s’organisent à mon insu
– fantasque labyrinthe –
pour me barrer le chemin .
… Un crépuscule à dentelle dorée
leur permet de changer de teinte,
l’obscurité se prolonge
je ne retrouve plus mes empreintes…
Un nuage en a profité
pour lâcher une petite ondée
qui se transforme en pluie.
Mais – j’entrevois la sortie
entre deux rochers:
- la prochaine fois
je me contenterai du poids
de mes pensées,
je resterai au chaud,
sans courir le risque d’une bronchite.
Ou bien j’irai photographier , au mieux
des champs d’artichauds !
( mais je ne crois pas qu’il y en ait
qui poussent au milieu
des dunes Sainte Marguerite…)
Le sable des étés – (Susanne Derève) –

Plage Sainte-Marguerite (Finistère)
Serre-moi fort entre tes bras,
j’oublierai les marques du temps :
celles qu’il laisse au coin des lèvres,
et puis celles invisibles qu’on cultive en secret.
Est-ce ainsi qu’on devient, un très vieux sablier
qui voit filer entre les doigts son rêve usé,
fragile cerf-volant de papier qui s’abat sur la plage,
et le ciel verse les images du passé.
J’ai trop voulu étreindre,
tenir entre mes mains le sable des étés,
la mer se retirait si loin
– ce n’était qu’une buée légère au fond des yeux,
un scintillement bref, un regret –
Nos jours s’abandonnaient au souffle vaporeux
des grèves , puis nous rendions la plage aux nuits
et la mer insatiable y érodait sans trêve
les dunes arasées.
N’en reste que l’écume, un peu de bois flotté.
Le ciel se ressoude, la mémoire s’en va … – ( RC )

Allons nous asseoir sur les dunes,
de là, nous verrons en rêve
se lever les rideaux de brume
déchirer des morceaux de ciel;
il y aura peut-être les colombes,
qui survoleront les palais,
pour se réfugier dans les tilleuls,
ou bien ce sera le soir,
à l’heure où le soleil tire sa révérence.
Rappelle-toi de ces oiseaux
courant, sautillant sur la plage,
ignorant les hommes
le vent, les herbes sauvages.
( Nous aurons contourné
ce bunker renversé,
qui lentement s’enfonce
dans le passé ),
comme ce château de sable…
Y aura-t-il des lendemains
à l’histoire enchantée
où tout passé s’efface ?
Le ciel se reforme,
se ressoude, la mémoire s’en va :
la ville ne laissera pas de trace.
Seuls, quelques gravats
seront poussés par le ressac
et la marée .
Nicolas Jaen – l’ange frappera

Au teint de vieux noir et blanc.
( Oui j’ai de la chapelle de l’hôpital des poussières d’hosties encore dans la gorge.)
On lavera au sang. On ouvrira nos écorchures.
On se baignera en nous.
Et l’ange frappera. Par sa nervosité.
Son œil boira les couleurs.
À peine recommencées. Esquives.
Et coups bas. Oui, la folie reprisée.
D’avoir à consumer d’êtres l’urne, lente, fourragée, d’éternité.
(Oui j’étais la pierre la dune le sable le soleil)
un poisson au-dessus des dunes – ( RC )

Je me roule dans les mains de lune
glisse dans l’océan des rêves
je suis un poisson qui s’envole
au-dessus des dunes.
Ta poitrine de sirène
blanche et ta chevelure brune
sont celles d’une reine
au regard limpide.
Je vais planer, planer encore,
puis je retomberai
dans l’étendue liquide
l’instant d’une petite mort.
Ton corps d’or,
en devenir
connaît les sentiers secrets
des ressacs du désir.
Tu sais que l’on se noie
dans le plaisir,
mais je survivrai,
rien que pour toi.
RC – août 2021
Chemins dérobés- ( Susanne Derève)

.
Qu’advient-il à prendre les chemins dérobés
du poème ?
Un égarement sans doute, une fugue entre les mains
ardentes du pianiste – l’ivoire sous les doigts – ,
une eau qui se referme,
un pas foulant le sable des étés
Semelles d’or que révèle la fuite
je ne retiens de l’absence
qu’une empreinte à demi effacée , tienne ,
qu’arase le vent des dunes,
le vent qui me jette en pâture ses averses de sel,
ses grumeaux d’écume ,
et les mots du poème qu’effaceront les brumes
Jean-Pierre Paulhac – Une voix
Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir
J’entends
Des rires de palmiers qui se tordent de musique
Des pas de danse qu’invente une plage espiègle
Des chants qui montent sur des braseros ivres
Des crustacés qui crépitent leur saveur pimentée
Ici
C’est le silence gris des bétons déprimés
C’est la glace qui saisit tous les masques
C’est un jadis souriant embrumé d’ombre
C’est l’ennui qui ne sait que recommencer
J’entends
Des guitares rastas aux cris de parfum hâlé
Des bras nus de désir qui dégrafent la lune
Des hanches insatiables que dessoudent la salsa
Des nuits secrètes aux folles sueurs de soufre
Ici
C’est le mutisme morne des grimaces polies
C’est la morgue soyeuse des cravates policées
C’est la cadrature étroite des cercles vicieux
Qui soumet à ses ordres la horde quadrillée
J’entends
Mes souvenirs marins d’aurores océanes
Mes remords nomades de dunes vives
Ma mémoire exilée qui déborde en vain
De tant d’hivers que la chaleur a bafoués
Ici
Le temps se tait s’étire et se désespère
Le temps n’est plus une chimère bleue
Le temps se meurt de mourir de rien
Et chaque ride compte un bonheur perdu
J’entends
Un rêve qui papillonne son corail osé
Un rêve qui murmure un refrain salé
Un rêve qui soupire son souffle de sable
Sur l’éternel instant d’un été sans fin
Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir
Désintégration – un chant dans les hautes terres de Mongolie – ( RC )
Le soir devient un fait établi,
et s’étale, presque fluide,
sur les hautes plaines de Mongolie.
On perçoit dans la langueur des ombres,
un chant étrange, comme si les pierres,
en tapis, étaient le fruit de paroles sèches,
une métaphore du désert chantant :
le reste de l’explosion des roches,
répandu dans le désert de Gobi,
l’esprit des dunes,
une désintégration,
à échelle minuscule,
un fractionnement ( en tous petit morceaux ) ,
qui s’assemblent au gré du vent,
avec une fluidité lente .
> On n’en cerne pas les formes,
car les dunes se déplacent
et ondulent, dans le silence,
( ou presque, )
puisque ce chant ténu,
serait celui ,
produit par la friction
de quantités de grains de sable,
auquel l’horizon répond,
en un bourdonnement continu
qui semble de loin,
horizontal, justement,
mais recule,
de même que les distances
alors que l’on s’avance .
Les ondes s’étirant,
tant dans l’espace aérien , qu’au sol,
arrivant à fusionner.
–
RC – juill 2017
–
basé sur la musique de Tristan Murail » désintégration »,
composée précisément par rapport au désert de Gobi .
Eugenio de Andrade – le poids de l’ombre III
photo Raphael Milani
.
Le poids de l’ombre III.
.
.
.
C’était septembre
ou bien tout autre mois
propice à de petites cruautés :
Que veux-tu encore ?
Le souffle des dunes sur la bouche ?
La lumière presque nue ?
Faire du corps entier
un lieu en marge de l’hiver ?
–
Estonie 2013
.
Eugenio de Andrade – La pupille nue
poterie perse: 3000 av JC
La lumière est toujours la même, toujours :
Furtive au flanc des chèvres,
Cruelle dans la couronne des chardons,
Frémissant dans l’herbe
Rasante de ton corps et dans les dunes,
Toujours la même, la pupille nue.
Eugenio de Andrade – poids de l’ombre ( 2 )
..
Jeune est la main sur le papier
ou sur la terre !
Jeune et patiente : quand elle écrit
et quand au soleil
elle se transforme en caresse.
Le poids de l’ombre III.
.
.
.
C’était septembre
ou bien tout autre mois
propice à de petites cruautés :
Que veux-tu encore ?
Le souffle des dunes sur la bouche ?
La lumière presque nue ?
Faire du corps entier
un lieu en marge de l’hiver ?
—
Le poids de l’ombre XXXVI.
Digérer le désert – ( RC )
Comme ces animaux, dont l’apparence se coule dans le fond,
Tu habites le désert, et t’y confonds.
Femme des sables, tu n’espères que les courants,
Les vagues d’un océan de dunes, qui, lentement, se déplacent.
Tu te couches dans le sable, tu t’étends sur l’horizon,
dont rien n’arrête la fuite.
Tu regardes passer les caravanes, mesurant le temps,
dans leur progression lente.
Tes désirs sont une piste, aspirée dans un mirage .
Et cette piste, s’efface avec le vent .
Ainsi la vie s’étire, blanche, sous la lumière brûlante,
écrasant tout de son feu.
Et comme l’ombre est rare, juste celle de buissons épineux,
tu attends que le jour bascule, ne souhaitant rien .
Le violet de la nuit s’orne d’une lune interrogative .
Si tu jette des cailloux vers les étoiles, elles te les renvoient .
Tu peux les maudire, elles restent indifférentes à ton sort.
Elles contemplent d’autres pays.
Ceux dont tu n’as pas l’idée, enchaînée par la distance .
Il ne reste que les pierres, où se concentre ta colère .
Juste le temps que tu digères le désert.
RC – oct 2015
Colette Peignot (Laure ) – d’où viens-tu ?

peinture – Ferdinand Hodler Dents-du-Midi- dans les nuages (Jungfrau )
D’où viens-tu avec ton cœur
déchiré aux ronces du chemin.
Les mains calleuses de casseur de pierre
et ta tête gonflée comme une
outre piquée ?
.
Nous sommes ceux qui crient dans le désert
qui hurlent à la lune.
.
Je le sens bien maintenant : « mon devoir m’est remis. » Mais
lequel exactement ?
C’est parfois si lourd et si dur que je voudrais courir dans la
Campagne.
Nager dans la rivière
oublier tout ce qui fut, oublier l’enfance sordide et timorée.
Le vendredi saint, le mercredi des cendres.
l’enfance toute endeuillée à odeur de crêpe et de naphtaline
L’adolescence hâve et tourmentée.
Les mains d’anémiée.
Oublier le sublime et l’infâme
Les gestes hiératiques
Les grimaces démoniaques.
Oublier
Tout élan falsifié
Tout espoir étouffé
Ce goût de cendre
Oublier qu’à vouloir tout
on ne peut rien
Vivre enfin
« Ni tourmentante
Ni tourmentée »
Remonter le cours des fleuves
Retrouver les sources des montagnes
les femmes les vrais hommes travailleurs
qui enfantent
moissonnant
M’étendre dans les prairies
Quitter ce climat
Ses dunes, ses landes sablonneuses, cette grisaille et
ses déserts artificiels,
Ce désespoir dont on fait vertu,
Ce désespoir qui se boit
se sirote à la terrasse des cafés
s’édite… et ne demanderait qu’à nourrir très bien son homme
Vivre enfin
Sans s’accuser
ni se justifier
Victime
ou coupable
comment dire ?
Un tremblement de terre m’a dévastée
.
On t’a mordu l’âme
Enfant !
Et ces cris et ces plaintes
Et cette faiblesse native
Oui –
Et s’ils ont vu mes larmes
Que ma tête s’enfonce
jusqu’à toucher
le bois
et la terre
LAURE (Colette Peignot)

photographie – Garry Winogrand – El Morocco, 1955
–
La joie ( Ile Eniger) – Pluie d’été ( RC )
A partir du beau texte de Ile Eniger, ( le premier), j’ai écrit le second…
La joie
–
Le pain brûlé des terres
La lumière en bras de ruisseaux
La perfusion du jour sur les heures de nuit
Les veines au cou de la montagne
Les vignes lourdes de vin vert
Le ciel marine à force de brasure
Les oursins de lavandes dans l’océan des champs
Les fenêtres ouvertes pour reprendre leur souffle
Et les rideaux fleuris
Les pas derrière la porte
La présence
La vie pleine forge
La centaine des blés pour un seul coquelicot
Le rouge du soleil en face
La joie
Légère comme une espadrille.
Copyright © Ile Eniger
–
pluie d’été
Légère comme une espadrille
Le pas suspendu
Au dessus des brumes
Elle flirte avec les dunes
Et se saisit des montagnes
Pour en faire des chapeaux
Qu’elle repose,de biais
Dans l’océan des champs
Si bien peignés de blés
Et qu’elle va visiter
Lorsque le ciel caresse le sol
Encore chaud de l’hier,
Et d’une fin d’été
Aux parfums de lavande
Et de la terre mouillée.
RC – 11 septembre 2012
en rapport avec la photographie voir aussi cet article
Copyright © R Chabriere
Eugenio de Andrade – Ni rossignol, ni alouette

peinture: Edvard Munch nuit étoilée
–
Tu appuies ton visage sur la mélancolie et tu n’entends
même pas le rossignol. Ou est-ce l’alouette ?
Tu peux à peine supporter l’air, partagé
entre la fidélité que tu dois
à la terre de ta mère et au bleu
presque blanc où l’oiseau se perd.
La musique, donnons-lui ce nom,
a toujours été ta blessure, mais aussi
au milieu des dunes ton exaltation.
N’écoute pas le rossignol. Ni l’alouette.
C’est en toi
que toute la musique est oiseau.
–

dessin perso: oiseau de îles Salomon, croquis effectué au musée des Arts Premiers – Paris – encre de chine – dec 2010