Histoire d’habiter le gant – ( RC )

photo Romain Verger dans « Membrane »
Qui est parti ce matin,
en oubliant son gant ?
Ce n’est pas un bon plan
par ces temps frileux
de début d’hiver.
Une toute petite main
que j’ai trouvée par terre :
j’aurais pu espérer mieux
en m’en donnant la peine
( en tout cas trouver la paire ),
même si la dimension n’est pas mienne :
il serait bien difficile
que mes doigts y trouvent place
et s’y faufilent,
même si je change de cuirasse
et de taille
pour devenir reptile,
recouvert un temps
d’une peau d’écailles
( histoire d’habiter le gant ).
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Rétrécissement – ( RC )
C’est une région qui s’éloigne, se rétrécit.
Le sol a commencé par se déssécher, se fendiller,
puis des failles plus profondes se sont ouvertes,
des arbres ont basculé, créant un moment
des ponts entre les lèvres de plus en plus écartées.
Des morceaux de terre se sont séparés,
comme lorsque la banquise se libère de la tenaille du froid.
Parfois la moitié d’un immeuble se poursuit
sur l’autre rive.
Il y a eu des effondrements,
suivant la calligraphie des fissures.
et le caprice des coutures – petit à ,petit, elles lâchent ,
Les rivières se sont vidées, se perdant entre les écailles
des collines, et leurs pierres usagées.
Des groupes humains en regardent d’autres,
massés sur les berges, qui s’éloignent inexorablement.
Personne n’essaie de les rejoindre,
comme si c’était dans l’ordre des choses.
Il se peut que ce soit un voyage
qui nous emporte de l’autre côté du monde,
non pas derrière l’horizon,
mais vers une destination où tout se recompose.
Déjà la lumière vibre à travers les têtes.
Nos voix ne sont plus les mêmes.
On oublie vite le langage,
et on s’accroche à ce qu’on peut.
–
RC – mai 2016
Un mois de des cendres – ( RC )
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D’une grande étendue,
Un pays tout entier,
Recouvert de gris.
De minuscules détails ,
Si l’on maintient l’oeil immobile,
Refluent, sous toutes les mues,
Du bruit et du silence, et son poids d’ écailles .
Il y a des morts.
Des petites et des grandes,
Charriées par les matins .
Une sueur de sang,
Se décolore et va rejoindre
les fleuves. S’écoulent
Lentement.
C’est le corps desséché de l’astre,
Qui ne peut imposer le jour ,
Pesant sur le gris des draps .
L’indifférence des dieux,
Qui se détournent des champs de bataille …
Les lignes de la nuit
Se perdent dans les cendres.
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RC – oct 2014
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art minimal: Roman Opalka : ‘Detail 1965 / 1-∞’, 1965
Pinceau de la ville ( RC )
- peinture: Nicolas de Staël: toits de Paris – 1952
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Faire que le tout s’étale
à grands coups de spatule
et que la peinture s’écrase
poussant de petits monticules
La matière de surfaces agitées;
—————– la couleur décalée
sous le gris se profile le rouge,
Nicolas , et les toits de Paris
Cliquetant des éclats d’argent
lorsque filtre un pinceau de lumière
au gré du vent, sur la ville
ses écailles y brillent
une nasse fragmentée d’envers,
…. Immobile d’hivers
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RC – 24 novembre 2012
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voir aussi l’article précédent intitulé simplement Nicolas de Staël
Claude Esteban – l’ombre
L’ombre, avec ses couloirs.
Le corps, accoutumé à ses tâtonnements de bête.
Où renaître sans yeux ?
Tous les chemins sont morts.
Reste le vent qui trace et
qui traverse.
D’aussi loin que je peux, je te réponds.
Je monte jusqu’à toi, jour
neuf, sous mes écailles.
Claude Esteban
in « Conjoncture du corps et du jardin »
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