Un effet d’hiver – ( RC )

photo Caroline D – tempête douce
C’est sans doute un effet d’hiver.
Les lèvres sont fermées.
Ne m’en veux pas de t’avoir jeté la pierre…
Le livre a les pages raides,
les corneilles ont laissé leur empreinte noire
sur un ciel gris au-dessus de nous.
Qu’est devenu ton sourire ?
maintiendra-t-il aussi les lèvres fermées
comme au moment de ton départ:
j’irai le découper dans le papier
pour le coller sur la photo floue
que tu trouvais laide.
Ce n’est rien qu’un détour d’écriture
qui cachera un peu ma blessure…
Mireille Podchlebnik – Passante

peinture : Markus Lupertz musée d’art moderne de Paris
Je ne suis que passante
La passante du rêve
La passante d’un soir
La passante du désespoir
Sur la feuille volante
J’existe et je n’existe pas
L’écriture s’efface sans laisser de traces
Comme un écho à travers le temps
Illusion
Je partirai un jour à pas de loup sur le chemin.
—————
( texte de 2008 extrait de la revue « Comme en >Poésie »
Retirer son nez de la rose – ( RC )

Celui qui plonge son nez dans une rose
ne s’attend pas à ce qu’elle se referme sur lui.
Quand je me mets à la peinture,
il en est un peu ainsi:
je n’ose les couleurs franches
que pour précipiter les autres
à leur rencontre .
Il m’est difficile de laisser les choses en l’état.
Car tout semble s’organiser
en combat de brosses
et caresses de pinceaux .
Chaque geste veut donner de la voix,
mais conserver son quant à soi,
sa part d’élégance,
son enclos préservé,
même s’il s’aventure
dans une lourdeur faussement maladroite.
En fait j’assiste au lever d’un jour,
qui a sa part d’ombre,
et ne me lâche plus d’un pouce.
On se demande encore
s’il me reste quelque choix conscient,
car même si c’est par mon intermédiaire,
il semble que la main ne fait qu’obéir
à la montée naturelle des formes
et des contrastes.
Que proposer alors ?
Un dilemme entre le flou et le net,
l’affirmatif et l’hésitant,
la réserve ou la superposition ?
La décision est délicate,
elle ne dépend pas de ma seule volonté,
car les éléments ont leur vie propre,
et se laissent difficilement convaincre….
Le seul moment crucial arrive
à l’instant où tout semble en suspension.
L’équilibre est précaire,
il menace à tout instant de se rompre,
et comme dans l’écriture,
je dois faire attention aux parenthèses,
aux répétitions, et à la ponctuation…
C’est le moment de retirer son nez de la rose…
J’en conserve le parfum…
De gros traits noirs au feutre gras – ( RC )

Voyage au bord de l’écriture,
barre ce qui ne convient pas
au déroulement de l’histoire
de gros traits noirs
au feutre gras !
Exerce ton droit à la censure
tu répandras d’autres taches
héritées d’un autre âge
( quand la parole fâche ) :
C’est juste du maquillage,
une action anodine
qui s’exerce sans recours :
tu changes le discours
en paroles anonymes
( personne ne t’accusera d’un crime,
ne te traînera devant les tribunaux,
pour avoir coupé tant de mots )….!
à partir de « panique » ( poème express n°842 de Lucien Suel )
Alejandro Oliveros – Table de travail

Table de travail Au petit matin, avant que les coqs ne se perdent dans le ciel, j’écris sur tes jambes et restent au sol mes plumes et mes livres. Voici ma table de travail : ici j’écris de mes doigts contes et poèmes sur les feuilles de ton corps. Dans une maison lointaine sont restés tous mes livres et mes papiers, les éditions de Catulle et d’Horace et le théâtre complet de Shakespeare. Loin de mes cahiers, seul me reste le papier de ta peau, en ce si petit matin où les murs sont aveugles.
Mesa de trabajo En las horas más pequeñas, antes que los gallos se pierdan en el cielo, escribo entre tus piernas, donde quedaron mis plumas y libros en el suelo. Es mi mesa de trabajo, aqui escribo con mis dedos los cuentos y poemas en las hojas de tu cuerpo. En una casa lejana han quedado todos mis libros y papeles, las ediciones de Catulo y Horacio y el teatro entero de Shakespeare. Lejos de mi cuadernos, solo me queda el papel de tus pieles, en estas horas mas pequeñas, cuando son ciegas las paredes.
Le Royaume perdu
Editions CONFERENCE
Sans noms – ( RC ) – d’après Paul Celan
dessin: Zoran Music
Ils veulent effacer nos noms
comme nos corps,
anonymes et juste identifiables
grâce à un matricule,
en apposant des scellés
dans le non-dit,
sur les lèvres éteintes
de l’histoire, la rendant muette,
aussi innommable que nous .
Or ce n’est pas notre fin,
qui s’écrit, taciturne
mais le commencement
d’une écriture,
même si nos noms
ne nous sont rendus,
qu’avec des caractères
inscrits par milliers
dans des plaques de mémoire.
–
RC – mars 2020
—
d’après le texte de Paul Celan, évoquant la Shoah ( dans Zeigehöft, )
Das Nichts, um unsrer
Namen willen
—-sie sammeln uns ein—-,
siegelt,
das Ende glaubt uns
den Anfang,
vor den uns
umschweigenden
Meistern,
im Ungescheidnen, bezeugt sich
die klamme
Helle.
–
dans son allocution de réception du prix de la ville de Brême, en 1958, Paul Celan déclare :
Accessible, proche et non perdue, au milieu de tant de pertes, il ne restait qu’une chose : la langue. Elle, la langue, restait non perdue. Oui, malgré tout. Mais il lui fallut alors traverser ses propres absences de réponse, traverser l’horreur des voix qui se sont tues, traverser les mille ténèbres du discours porteur de mort. Elle traversa et ne trouva pas de mots pour ce qui était arrivé. Mais elle traversa cet événement et put remonter au jour “enrichie” de tout cela. C’est dans cette langue que, au cours de ces années-là et de celles qui suivirent, j’ai essayé d’écrire des poèmes afin de parler, de m’orienter, afin de savoir où j’étais et où cela m’entraînait, afin de me donner un projet de réalité
Julian Tuwim – Les joncs

La menthe parfumait l’eau des étangs,
Et les joncs dodelinaient leur chanson ;
L’aube rosissait, l’eau se fit vent,
Le vent berça la menthe et les joncs.
Comment savoir alors que ces herbes
Se feraient poèmes au gré des ans,
Et que de très loin je hurlerais le nom des simples,
Au lieu de me coucher parmi les fleurs simplement ?
Comment deviner la future douleur
D’arracher les mots au monde vivant,
Comment savoir qu’à se pencher sur l’eau, sur les fleurs
On se faisait souffrir des années durant ?
Je savais seulement que les joncs
Cachaient des fibres fines et légères,
De quoi tresser un filet fluet et long,
Un filet pour ne rien faire…
Dieu immense de mes années d’enfant,
Dieu très bon de mes aurores claires,
Jamais plus donc il n’y aura d’étang,
Ni de menthe dans la lumière ?
Je suis donc condamné sans rémission
A quêter des mots désespérants ?
Et les joncs, les simples joncs de ma chanson,
Jamais je ne les verrai simplement ?
Traduction Jacques Burko
Pour tous les hommes de la terre
Orphée
La Différence
Jean GENET – Poèmes retrouvés

Safet Zec, Les mains sur le visage
Dans l’antre de mon œil nichent les araignées
Un pâtre se désole à ma porte et des cris
S’élèvent de la feuille angoissée où j’écris
Car mes mains sont enfin de mes larmes baignées.
Le condamné à mort et autres poèmes
nrf
Poésie/Gallimard
Danielle Legros Georges – Pleasant street , printemps

Jean Messagier – L’amour chez les noisettes
Avec le printemps sur mon dos, autour de mon cou,
avec l’horloge tournée vers l’avant, s’ouvrant
doucement, sur un paysage de ciel voilé,
Dans l’envol du crépuscule, cornouiller, fleur
Tanguant dangereusement, l’éclat de chair
D’ une jambe marchant sur le trottoir,
Dans la fougère, la roche verte, l’herbe, l’arbre, un mot de plus
Et je nage dans un jardin. Et maintenant :
Vert-de-gris. Le voilà. Que dire, que dire
Sinon donne-moi le monde. Merveille aussi. Pousse-moi
A écrire un vers, pousse-moi à m’aligner avec ce qu’il y a
Autour de moi, hors de cette page. Abandonne l’espace
Entre ci et là. Là.
Poèmes choisis
rumeurs Novembre 2018
Ed La rumeur libre
Pierre Garnier – Jean-Louis Rambour – Ce monde qui était deux
peinture Duncan Grant – Still life with omega paper flowers
Chacun portait sa croix, laissait sa croix,
la table était couverte de fenêtres qui donnaient
sur d’autres parties du monde –
l’idée que se faisait du monde l’escargot
n’était pas la même que celle d’une huître
« autant de coquilles, autant de monde », pensait l’enfant.
nous, les enfants de la guerre, quand nous
écrivions un poème
c’était avec le compas,
nous enfoncions la pointe sèche dans la chair,
et la mine douce, dont nous pouvions effacer le
trait,
faisait la carte du ciel où elle ne marquait que
les étoiles
nous, les enfants de la guerre, nous avons vécu
en papillons
pour échapper aux bombes le mieux était encore
d’être papillon,
et nous laissions notre écriture en grandes
taches blanches sur les feuilles
notre écriture était de nature
celle du poème
qui est vague feuille fleur grenouille,
notre écriture se déposait :
écailles des ailes de papillon et pollen
quand nous écrivions le poème sur une feuille,
ce que nous marquions c’étaient nos doigts,
notre main, notre poing,
c’était ce point acéré, dur, aigu, percé
qui marquait le centre du monde
nous, les enfants de la guerre, avons échangé
l’homme et sa mort
contre la vie des moules et des huîtres
et nous sommes restés dans la mer
notre écriture, ce fut longtemps de la craie sur les doigts.
texte paru aux éditions des vanneaux
Ahmed Kalouaz – sur le livre de la mer
peinture Richard Diebenkorn – Ocean Park 1984
Sur le livre de la mer
il y a des surprises
sorties de la beauté des verbes.
Il y a
l’écriture du toucher,
la consonne de langue,
l’encrier de salive
où les plumes sont d’oie.
Il y a
l’écriture des corps
faite de mots nouveaux,
des langues de voyelle
pour des lettres
qui ne partent jamais.
Herberto Helder – De Mundo 02
peinture: Evert Lundquist – nat morte 1950
Une cuillère débordante d’huile d’olive
une main tremble à passer
le fil qui partage le monde :
cuillères de feu :
leur reflet calcine paupières et pupilles
– cuillères rasant les braises en équilibre
sous les abîmes d’atomes
des jours.
Parce qu’il doit mourir
dans le sommeil tombe l’eau froide, et elle bout,
dans le sommeil l’eau devient calcaire et froide
ah cette brusque montée de fièvre,
les images insensées.
Le pelage noir des mères suinte sur ce visage d’enfant
qui se détourne.
Seul lui peut ainsi se détourner si longtemps
en dormant,
enfant qui s’étire
Cherchez-moi un nom pour la mémoire
une harmonie sonore
que l’on puisse écrire sans se dévoiler
un nom pour mourir.
Parce que l’enfant traverse tout
et va se heurter au centre même
de lui-même.
…et puis plus aucun n’ose parler, et
chaque chose devient acte
au-dessus de chaque chose, et tout ce
qui est visible bouscule un territoire invisible.
Rendu à la vie – et par cette parole minimale
apparaît alors un presque rien
qui arraché de la feuille et à
l’écriture maladroite semble
la surface imposante de Dieu, c’est ainsi
que tu es rendu à la vie, toi
qui juste un moment avant étais mort.
Une île d’écriture – ( RC )
Il y a bien un moment, où le bateau,
à force de dériver, accoste à une île.
Je suis d’abord méfiant, puis y risque quelques pas,
on ne sait quel sera l’accueil.
> Je laisse passer du temps.
On apprivoise l’île et ses occupants,
animaux, végétaux et humains
( s’il y en a ).
Inversement l’île apprivoise,
on dirait qu’elle veut m’inclure dans elle,
faire connaître ses humeurs,
à travers ses mangroves, ses lianes,
ses singes et insectes .
Les fruits exotiques sont mon apéro,
et j’ai trouvé un abri
pour les jours de pluie.
Bientôt je vais me greffer aux arbres,
je serai leurs racines,
et une extension de feuillage,
comme si avant j’étais une chose morte,
et qu’alors j’eusse renoncé à l’inutile.
C’est ainsi que j’ai abordé l’île d’écriture,
porté par les alizés,
et maintenant je fleuris d’encre .
–
RC – oct 2017
Raymond Queneau – Quand les poètes s’ennuient

Alberto Giacometti
Quand les poètes s’ennuient
Quand les poètes s’ennuient alors il leur ar-
Rive de prendre une plume et d’écrire un po-
Ème on comprend dans ces conditions que ça bar-
Be un peu quelque fois la poésie la po-
Ésie
Ousqu’est mon registre à poèmes
Ousqu’est mon registre à poèmes
moi qui voulais…
pas de papier pas de plume
plus de poème
me voici en face de rien
de rien du tout
du néant
ah que je me sens métaphysique
sans feu ni chandelle
pour la poétique
Un train qui siffle dans la nuit

Georgia O’Keeffe. Train at Night in the Desert. (1916)
Un train qui siffle dans la nuit
C’est un sujet de poésie
Un train qui siffle en Bohême
C’est là le sujet d’un poème
Un train qui siffle mélod’
Ieusement c’est pour une ode
Un train qui siffle conme un sansonnet
C’est bien un sujet de sonnet
Et un train qui siffle comme un hérisson
Ça fait tout un poème épique
Seul un train sifflant dans la nuit
Fait un sujet de poésie
Revenue – ( RC )
Au delà,
des rues du carrefour,
des voitures immobiles,
et des arbres qui attendent.
un banc
au milieu d’une place,
peut-être un jardin,
qu’on ne distingue pas bien:
il y a un mur
aux écritures blanches.
puis une lumière dorée
comme si on voyait au travers
alors, laissant tomber les pinceaux ,
j’irai dessiner sur la muraille une porte ,
je l’ouvrirai sans bruit
et saurai que tu es revenue…
–
RC – fev 2018
Yves Heurté – Magdala 1
peinture: Eugène Delacroix: Marie-Madeleine au pied de la croix
1
Je n’ai pas su garder ma vigne
pour le profane.
A tes mains j’ai donné
le nœud de ma ceinture
et dans tes yeux se dénouait
toute écriture de ma chair.
Vérité nue comme la femme
il faut qu’amour t’incarne
avant le chant grégorien .
Rues d’anciens habitants – ( RC )
On se demandera quelle carte consulter,
ou plutôt, à quelle époque,
et si on peut retourner dans la géographie intime
des rues de la ville .
Il y a d’anciennes inscriptions,
qui cohabitent avec les plaques émaillées
et qui disent d’anciens lieux,
des noms qui n’évoquent pas ceux d’hommes célèbres,
mais l’activité pratiquée, ou ce qui marquait
visuellement l’endroit .
La ville est un continent , dont une part est englouutie
dans les épaisseurs de l’histoire .
On peut revoir des cartes anciennes ,
l’écriture penchée, et appliquée pour les noms,
toucher les vieux papiers ,
ignorant l’aspect plastifié d’aujourd’hui
mais rien ne vaut autant,
que pénétrer plus avant dans son ventre,
là où il serait impossible de se repérer ,
dans le sous-sol , où l’ombre règne.
Ce sont des gouffres qui ont englouti les rues,
dirait-on,
un double du quadrillage aérien,
qui court, à la manière d’une autre ville,
cachée dessous, à l’instar d’un arbre,
où les racines se développent dans l’ombre,
comme les branches, dans l’air.
Ou bien la partie cachée de l’iceberg ,
dévoilant , pour qui en a entrepris l’exploration,
la face inconnue des choses.
Une partie ignorée, et qui peut le demeurer :
tout un dédale de souterrains se développe,
juste sous nos pieds .
Il y a des artères principales ,
des croisements , bifurcations ,
impasses, et cavités,
qu’on prendrait presque pour des boutiques,
( comme celles situées au-dessus de la surface ),
des chapelles, le tout rempli jusqu’à ras-bord,
des ossements d’anciens habitants.
L’imagination aidant, les catacombes
sont le continent du sous-sol .
Il revit peut-être avec ses spectres:
les squelettes se réveillent, et se promènent :
Ils n’ont pas besoin de leurs yeux défunts,
de toute façon inutiles dans l’obscurité totale .
Mais pour ceux qui n’y voient pas ,
on a privilégié le sens du toucher,
et c’est peut-être pour cela , que le nom des rues
reste indiqué, à chaque carrefour,
Avec ces lettres profondément creusées dans la pierre .
–
RC – dec 2017
Dilution – ( RC )
peinture: Helen Frankenthaler
Ici l’ailleurs peut se diluer .
Les couleurs sont pâles :
Les idées ont pris de l’embonpoint .
On les cherche,
comme on le ferait pour la direction du vent ;
Il faut mouiller son doigt pour le savoir.
Ceux qui écrivent préfèreront l’encre :
mais le plongeant dans l’encrier ,
ils le sortiront sec .
La pâleur atteint même l’écriture .
–
RC – juill 2017
Thomas Pontillo – Pourquoi l’écriture, aussi, est une demeure précaire?
photo Bertrand Môgendre
En réalité, c’est le malaise qui nous pousse à écrire.
Malaise indéterminé.
Quel désir nous brûle, nous porte au-delà de nous-même?
Pourquoi l’écriture, aussi, est une demeure précaire?
–
extrait de »
«
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Sadegh Hedayat – je n’écris que pour mon ombre
dessins Ernest Pignon-Ernest
Je n’écris que pour mon ombre projetée par la lampe sur le mur ; il faut que je me fasse comprendre d’elle.
Echapper à son auteur – ( RC )
–photo perso – Crazannes – 17
–
La vie m’écrit demain .
Je ne saurais pas dire si c’est d’encre violette
Ni qu’elle me choisit un destin
( je n’en fais qu’à ma tête ) ! –
Je suis né par accident
Parce qu’un jour mon auteur
Qui aimait cette couleur
Fut un peu imprudent
En voulant remplir les pages
Contre l’avis du vent
Le livre s’est fermé brusquement,
– Et plutôt qu’en être otage
J’ai fui sous le canapé
En emportant quelques lettres
Que je pourrais peut-être
Utiliser sans me faire attraper.
J’ai donc dû m’aplatir
Le nez dans la poussière,
Avec tous ces caractères .
Ils m’ont aidé à grandir,
A me rendre autonome
Ce fut une aventure
De se lancer dans l’écriture,
Nom d’un petit bonhomme !
Me glisser dans un feuille,
Une autre encore et ainsi de suite
Mon récit n’a pas de limite
Jetez-y un œil ! :
J’y inscris les rires
Je m’invente des personnages
Pars pour de lointains voyages
Parcours des souvenirs
Je rencontre Prévert…
– Ah, ce qu’on a ri,
Au rayon poésie
En vidant des vers… !!
( Il faut être un peu ivre
Pour qu’au moindre prétexte
On caresse un texte ,
Qu’on écrive un livre ).
Je n’ai aucun programme ….
» Est-ce grave, docteur ? «
D’avoir échappé à son créateur
Et des brumes de son âme ?
–
RC – sept 2016
Rat de bibliothèque – ( RC )
image extrait de « Maus »
Comment souris-tu,
… – Ignorant
De toutes tes dents ?
En mangeant tout cru
Les encyclopédies :
et tout le travail de l’imprimeur
dont se repaissent les rongeurs
les entrailles alourdies …
Serais-tu, rat de bibliothèque
féru de l’écriture
au point d’en faire nourriture
comme tu le ferais avec
n’importe quelle page
déchiquetant les mots,
comme de l’âme, les maux,
– Il te serait offert comme un fromage :
C’est un repas parfait
à l’abri des reliures :
Çà c’est de la culture :
Cela vaut bien un autodafé !
–
RC – avr 2016
–
en écho à Norge:
http://nuageneuf.over-blog.com/article-norge-chere-souris-63855758.html
Une construction venue d’autre part – ( RC )
volume :Geneviève Seillé
On dirait une construction venue d’autre part.
C’est une forme étrange, où les matériaux s’assemblent,
tissés ensemble par la soie invisible d’un esprit,
repoussant les vents de sable.
On pourrait dire que c’est une tour de Babel,
toujours en cours
à la recherche d’une certaine idée de la perfection.
Je ne connais pas son architecte,
et sans doute n’y en a-t-il pas :
c’est juste une réalité, née de sa propre necessité.
Je lis, de la même façon,
les textes du poète :
tout est caché et visible en même temps:
des mots sont nés, le temps de l’écriture,
et du voyage de la pensée,
relayés par la main qui les a inscrits:
une parole en volutes
sur le papier offrant sa virginité:
Tout est visible et tout demeure secret:
fleuri de sa propre logique et croissance.
Il n’est de toute façon pas nécessaire
de comprendre comment ça tient ;
comment ça peut , par moments,
toucher les étoiles:
il n’est pas sûr
qu’on puisse retrouver la clef,
> l’auteur lui-même
ne sait pas qui la possède,
construisant de ses propres rêves
une réalité
qui lui prend la main.
–
RC – fev 2016
–