Christophe Condello – du tsar et du caviar

Un tsar se sustente
de caviar
recueilli en mer Caspienne
repu par une chorégraphie
de vagues pleines d’écume
et d’étoiles de fer
la paix elle
a le nez cassé
Pablo Neruda – Ode à la mer

Ici dans l’île
la mer
et quelle étendue!
sort hors de soi
à chaque instant,
en disant oui, en disant non,
non et non et non,
en disant oui, en bleu,
en écume, en galop,
en disant non, et non.
Elle ne peut rester tranquille,
je me nomme la mer, répète-t-elle
en frappant une pierre
sans arriver à la convaincre,
alors
avec sept langues vertes
de sept chiens verts,
de sept tigres verts,
de sept mers vertes,
elle la parcourt, l’embrasse,
l’humidifie
et elle se frappe la poitrine
en répétant son nom.
ô mer, ainsi te nommes-tu.
ô camarade océan,
ne perds ni temps ni eau,
ne t’agite pas autant,
aide-nous,
nous sommes
les petits pêcheurs,
les hommes du bord,
nous avons froid et faim
tu es notre ennemie,
ne frappe pas aussi fort,
ne crie pas de la sorte,
ouvre ta caisse verte
et laisse dans toutes nos mains
ton cadeau d’argent:
le poisson de chaque jour.
Ici dans chaque maison
on le veut
et même s’il est en argent,
en cristal ou en lune,
il est né pour les pauvres
cuisines de la terre.
Ne le garde pas,
avare,
roulant le froid comme
un éclair mouillé
sous tes vagues.
Viens, maintenant,
ouvre-toi
et laisse-le
près de nos mains,
aide-nous, océan,
père vert et profond,
à finir un jour
la pauvreté terrestre.
Laisse-nous
récolter l’infinie
plantation de tes vies,
tes blés et tes raisins,
tes boeufs, tes métaux,
la splendeur mouillée
et le fruit submergé.
Père océan, nous savons
comment tu t’appelles,
toutes les mouettes distribuent
ton nom dans les sables:
mais sois sage,
n’agite pas ta crinière,
ne menace personne,
ne brise pas contre le ciel
ta belle denture,
oublie pour un moment
les glorieuses histoires,
donne à chaque homme,
à chaque femme
et à chaque enfant,
un poisson grand ou petit
chaque jour.
Sors dans toutes les rues
du monde
distribuer le poisson
et alors
crie,
crie
pour que tous les pauvres
qui travaillent t’entendent
et disent
en regardant au fond
de la mine:
«Voilà la vieille mer
qui distribue du poisson».
Et ils retourneront en bas,
aux ténèbres,
en souriant, et dans les rues
et les bois
les hommes souriront
et la terre
avec un sourire marin.
Mais
si tu ne le veux pas,
si tu n’en as pas envie,
attends,
attends-nous,
nous réfléchirons,
nous allons en premier lieu
arranger les affaires
humaines,
les plus grandes d’abord,
et les autres après,
et alors,
en entrant en toi,
nous couperons les vagues
avec un couteau de feu,
sur un cheval électrique
nous sauterons sur l’écume,
en chantant
nous nous enfoncerons
jusqu’à atteindre le fond
de tes entrailles,
un fil atomique
conservera ta ceinture,
nous planterons
dans ton jardin profond
des plantes
de ciment et d’acier,
nous te ligoterons
les pieds et les mains,
les hommes sur ta peau
se promèneront en crachant
en prenant tes bouquets,
en construisant des harnais,
en te montant et en te domptant,
en te dominant l’âme.
Mais cela arrivera lorsque
nous les hommes
réglerons
notre problème,
le grand,
le grand problème.
Nous résoudrons tout
petit à petit:
nous t’obligerons, mer,
nous t’obligerons, terre,
à faire des miracles,
parce qu’en nous,
dans la lutte,
il y a le poisson, il y a le pain,
il y a le miracle.
Traduit par Ricard Ripoll i Villanueva
Orhan Veli – En mal de mer

Des bateaux traversent mes rêves
Par-dessus les toits, bateaux pavoisés ;
Moi le malheureux,
Moi en mal de mer depuis des années,
Je regarde, regarde et pleure.
Je me souviens de mon premier regard sur le monde
A travers la coquille d’une moule :
Le vert de l’eau, le bleu du ciel,
Le plus moucheté des éperlans…
De la blessure ouverte sur une huître
S’écoule mon sang encore salé
.
Nous étions partis comme des fous,
Au large, vers l’écume toute blanche !
L’écume n’a pas le cœur méchant,
L’écume ressemble aux lèvres ;
Faire l’amour avec l’écume
N’est pas un péché pour l’homme.
Des bateaux traversent mes rêves
Par-dessus les toits, bateaux pavoisés ;
Moi le malheureux,
Moi en mal de mer depuis des années.
d’autres écrits de ce poète turc sont visibles ici entre autres
Louis GUILLAUME – L’étoile

.
Tu es celle qui tremble et celle qui demeure.
Ta voix pleure et pourtant ta voix chante.
Tu es la pierre tendre où vient mourir la peur.
Une joie flotte.
J’écoute un sillage de notes .
Dans tes cheveux s’allume une étoile d’écume.
Grave
tu suivais des yeux les épaves
et tu tendais vers moi des mains de sauvetage.
.
Poèmes choisis
ROUGERIE
Candice Nguyen – la nourriture des méduses

Ces mots prisonniers des rochers et l’eau qui bat entre, inlassablement.
C’est une lumière noire qui décline sur la peau de visages rougis par le froid et les sourires piqués par les sels sont laissés là en feu sur la route des marées. Ils flotteront dans le bleu de l’obscurité toute la nuit et disparaîtront dès les premières agitations au matin. C’est la Baltique, en octobre, une nuit, c’est un silence lourd cassé par le ronronnement des machines et le reflux des méduses qui capturent en leur ombrelle toute la lumière des étoiles dont elles se repaissent avides, exclusives, affamées, en ces heures creuses du monde. Elles ne partagent pas. Elles conservent jalousement le trésor précieux et dans une lenteur agressive et gracieuse, elles attendent la mort pour renaître. Les méduses se reproduisent lors de leur mort. Coefficients, force des vents et l’écume blanche qui dégouline alors de nos corps mouillés, souillés, à bout, c’est dans la vase maintenant que nos lèvres se débattent et nos langues abandonnées au vide et l’absence de sens fouillent et triturent la nourriture des méduses en espérant y retrouver leur jeunesse et les balbutiements des premiers instants, des premiers jours – les premiers mots, inlassablement.
José Carreira Andrade – Biographie à l’usage des oiseaux
peinture-collage issue du site Wallhere
La rose se mourait au siècle où je naquis,
et la machine avait chassé trop tôt les anges.
Quito voyait passer la dernière diligence
parmi les arbres qui couraient en lignes droites,
les clôtures et les maisons des nouvelles paroisses,
au seuil des champs
où de lentes vaches ruminaient le silence
et le vent éperonnait ses plus légers chevaux.
Vêtue du couchant, ma mère gardait
au fond d’une guitare sa jeunesse
et parfois le soir la montrait à ses fils,
l’entourant de musique, de lumière, de paroles.
J’aimais l’hydrographie de la pluie,
les puces jaunes du pommier
et les crapauds agitant deux ou trois fois
leur lourd grelot de bois.
La grande voile de l’air sans cesse se mouvait.
La Cordillère était du ciel la vaste plage.
La tempête venait et quand battait le tambour,
ses régiments mouillés chargeaient ;
alors le soleil, de ses patrouilles d’or,
ramenait sur les champs une paix transparente.
Je voyais les hommes baiser l’orge sur la terre,
des cavaliers s’engloutir dans le ciel,
et descendre à la côte aux parfums de mangos
les lourds wagons des mugissants troupeaux.
La vallée était là avec ses grandes fermes
où le matin laissait couler le chant des coqs
et onduler à l’ouest une moisson de cannes
ainsi qu’une bannière pacifique;
le cacao gardait dans un étui sa secrète fortune,
l’ananas revêtait sa cuirasse odorante
et la banane nue, une robe de soie.
Tout est passé déjà en houles successives,
comme les chiffres vains d’une légère écume.
Les années vont sans hâte confondant leurs lichens;
le souvenir n’est plus qu’un nénuphar
qui montre entre deux eaux son visage de noyé.
La guitare est solitaire cercueil de chansons
et le coq blessé à la tête longtemps se lamente.
Tous les anges terrestres ont émigré,
jusqu’à l’ange brun du cacao.
JORGE CARRERA Traduit par Edmond Vandercammen
Toi qui vins de bien loin – ( RC )
Toi qui vins de bien loin,
le vent derrière ton dos,
et les gestes d’écume,
as-tu marché sur l’eau,
les pas aussitôt effacés par les vagues
ou es-tu née d’une conque,
comme la Vénus de Sandro,
célébrant la venue du printemps ?
Enveloppée de ciel,
les nuées en robe vaporeuse
en as-tu repoussé les limites,
replié les courbes de l’espace ,
fait de la mer ton berceau ?
Toi qui vient de si loin
et qu’on n’attendait plus…
–
RC – juill 2018
Benjamin Fondane – là nous voyageons ensemble .
––
Je ne suis pas le pilote
de ce bateau que les aubes ont lavé à grande eau –
et les soirs. Je n’ai pas
le droit de commander aux houles
ni mettre de côté
un peu d’écume pour mes vieux jours. Toutes ces autres
écumes, les mouettes,
obéissent à d’autres regards. Je n’ai pas,
voyageur toléré sur le pont, en partage
avec vous, que le droit d’être jeté dessus
le bord, à l’achevé du cycle. De ce droit
ce n’est pas mon dessein d’user. Je vous respecte
marins et vous pilote,
je vous serre la main, commandant. Sur ce pont
vous êtes tous chez vous. Oui, mais moi-même
je ne suis pas d’ici
et me laisse laver par les aubes. Je triche.
Je ne partage pas votre vie. Ma sueur
ne se joint pas à votre travail. Mon visage
est loin. Oui, mais le soir
sous la lampe j’exprime le jus de la journée
sous mon pressoir. Le temps est fini. On commence
un autre voyage. Mais là
nous voyageons ensemble
dans un poème dont je suis le pilote
en un temps, en un temps où il n’y a pas de temps.
Gaspar Jaén i Urban – A l’amour actuel
photo perso … tirage argentique 1988
A l’amour actuel
De Del temps present /Du livre Du temps présent (Edicions Bromera, Alzira)
à J.V.P.
Je voudrais tant que tu sois tous ceux
Pour qui j’ai écrit une fois un poème,
Avoir vu avec toi des villes du Nord de l’Italie,
Des hivers, des automnes de l’Europe centrale,
Et lors des nuits rougies au feu, d’aube et de jasmin,
Avoir traversé avec toi d’anciennes routes
De palmes près de la mer,
D’oranges et de cyprès sur les lèvres.
Je voudrais tant que ce présent que tu es,
Plaisant et aimable aujourd’hui,
Vienne de très loin,
De ces années sans toi qui nous laissaient sur la peau
Des nuits d’écume et des étoiles,
Un perpétuel désir qui ne cessait jamais,
Une première jeunesse qui n’était pas consciente
D’être elle-même.
Mais je sais combien est inutile le désir qui m’habite
Dans cette nuit de pluie et de printemps
Qui fuira comme les autres.
D’autres amours étaient là, avant toi,
Et ont occupé la place que nous occupons maintenant,
Ainsi que nos pensées, nos bras,
Et notre bref présent.
Nous le savons sans le dire.
Nous n’avons besoin ni de faits ni de témoins.
–
Com voldria que fosses tots aquells
pels qui alguna vegada he escrit algun poema,
haver mirat amb tu ciutats del nord d’Itàlia,
hiverns, tardors a l’Europa central,
i, en nits de foc roent, d’albada i gessamí,
haver creuat amb tu antigues carreteres
amb palmes vora mar,
taronges i xiprers a frec de llavis.
Com voldria que el present que tu ets,
plaent i amable ara,
vingués de molt lluny,
d’uns altres anys sens tu que a la pell ens deixaven
nits d’escuma i estels,
un perpetu desig que no finia mai,
una joventut primera que no era conscient
de ser ella mateixa.
Mes sé com és d’inútil el desig que m’habita
en una nit de pluja i primavera
que haurà de passar com totes.
Altres amors t’han precedit
i han ocupat el lloc que ocupem ara nosaltres,
els nostres pensaments, els nostres braços,
el nostre breu present.
Ho sabem sense dir-ho.
No cal tenir dades ni testimonis.
La plage était déserte et dormait sous juillet – ( RC )
peinture: Nicolas de Stael – paysage au bord de la mer – 1954
–
C’est une journée qui s’étire
Et un temps d’été qui colle à la peau.
Le soleil cuisant va presque jusqu’à épaissir
le sillage lointain des bateaux.
–
Bien sûr, la mer proche, et ses vaguelettes .
Peu de vent, et elle, quasi étale,
Mille petits reflets nous guettent ,
Perlés sur l’écume, et le littoral.
–
En attendant que la journée bascule
Nous l’avons ressentie presque palpable
Avec la fatigue, que les heures accumulent,
Et avons écrit nos noms sur le sable .
–
Le ciel resté incolore a chaviré,
Comme sous l’effet d’un mauvais présage.
Une nuée d’oiseaux a tout déchiré ,
Ou était-ce une bourrasque qui a emporté les pages ?
–
Tu es partie te baigner nue,
Suivre le chemin secret de l’eau,
… mais tu n’es pas revenue…
Le son de mes appels, seulement, en échos ….
–
La marée , dans son avancée,
S’est faite complice,
Nos noms, ont été effacés,
Maintenant, la plage est lisse …
–
Je suis resté l’âme vide et endeuillée,
La nuit de la perte , s’est étalée, lourde , inerte.
Je me suis remémoré la Fanette …
> La plage était déserte et dormait sous juillet *
–
RC – juin 2015
* ( il est fait référence évidemment à la chanson de J Brel » La Fanette « )
Andrée Chédid – Minéral Minimal – Galet
GALET
Le moins
Le peu
Le bref
L’exigu
Prennent corps
En ce galet
Dépourvu de veines
Et de détours,
Dont l’opacité
S’oppose
Aux transparences
De l’océan,
Dont la cohésion
Défie
La sinueuse écume.
–
Andrée CHEDID
une rivière qui palpite et respire – ( RC )
–
Il y a des creux dans l’eau.
Des collines s’y précipitent et tourbillonnent .
Avec des feuilles et des brindilles arrachées,
Un peu plus en amont.
Toujours au même endroit, bordés d’écume .
On suppose que leur contour, mal défini ,
Correspond, plus bas, à des rochers cachés,
Entre lesquels rôdent des truites .
Le chemin de l’eau se poursuit ainsi,
En plages profondes, où les saules se regardent,
Offertes à la caresse du vent,
Confondant les reflets et le frissonnement du jour .
–
C’est une chanson d’un jour de printemps,
Au murmure liquide, qui a oublié,
La furie des eaux boueuses,
Où des troncs furent emportés :
L’enchevêtrement inextricable de végétaux,
Parfois suspendus à grandes hauteurs,
Comme des vêtements de misère,
Habillant encore des branches.
La rivière palpite, s’enfle ou se dégonfle,
Au gré du menu des saisons,
Ainsi le corps vivant, qui respire
Pouvant rugir ou se taire.
–
L’été de sécheresse, la réduisant
A quelques bras maigres,
Serpentant entre les pierres,
Comme si on en voyait le squelette.
L’étendue du minéral , mis à nu
Et le volume des blocs empilés,
Laisse présager la puissance du courant,
Un instant suspendu, à titre provisoire .
Car au loin fleurissent des cumulus,
Qui pourraient bien, s’ils se déversent,
Donner au cours , un tout autre aspect,
Et marquer la fin du sursis.
–
RC – mai 2015
– photo : Stephen Penland
Vois le navire, il s’enlise – (RC )
–
Tanguent les beaux navires …
La mer n’est pas fidèle
Soudainement froncée de sels,
– L’horizon y chavire,
Au milieu de montagnes d’écume,
Vois le navire, il s’enlise,
Et des vagues subit l’emprise
Perdu sous le tissu des brumes…
– Sous la tempête inhumaine,
Que deviennent les ailes des bateaux,
Et qu’il pleut à seaux,
Quand les océans se déchaînent ?
Partis, fiers matelots
Maintenant , marins épuisés,
Mats et coques brisés,
Et les voiles en lambeaux…
Sombres les espoirs,
Autres qu’une dérive,
Et sans autre perspective
— Que la mer à boire…
Sous des paquets d’eau,
D’émeraude profonde,
Il y a dessous , tout un monde,
… Une foule aux yeux clos,
Des poissons des abysses,
Aux promesses de naufrages
Se fraient un passage,
Remontant des précipices.
Nourris de l’imagination,
De l’esprit du dessinateur,
Voila , de toutes les peurs,
Le réel, dépassant la fiction.
Les calamars géants,
Au regard incrédule,
Déploient leurs tentacules,
Sous un ciel phosphorescent,
Avides d’un prochain repas,
Sous la colère des éléments,
Les monstres attendent patiemment
Du frêle navire, le trépas….
….
Lorsque la tempête retombe,
Flottent encore quelques débris,
Il n’y a plus d’elle , qu’une mer assombrie,
De tout son poids de masse profonde.
—
RC – février 2014
Monique Mbeka Phoba- Rivages – Yemadja
Yemadja
Peut-être baisser les armes
Et nous rendre la mer…
La mer et ses gestes chauds
L’écharpe de ses vagues au cou
La mer et sa complainte débordante
Autour du ventre
La mer et son grain de sable
Et son perpétuel questionnement d’écume
La mer et sa grotte de suppositions
Dans son alambic verdâtre
La mer et son goût d’écume et de vent
Dans lequel on n’est plus rien
La mer et son tambour battant de gouttelettes
Sur le rivage qui n’en peut mais
La mer et son adieu chuchoté de coquillage
A la voix de Yemadja –
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Monique Mbeka Phoba est une auteure congolaise.
–
Vois comme le soir s’éteint – ( RC )
–
Regarde, la lumière orange,
Se coucher sur le lac,
Que les rides d’une brise, dérangent,
Ou cette feuille tombée sur la flaque…
–
Regarde comme les pierres s’envolent,
Détachées du filet
Elles ne sont plus attachées au sol,
Que par leur reflet.
–
Regarde, comme il rebondit,
Le petit soleil tenace
Bientôt englouti
Dans les eaux lasses
–
Regarde, comme les nuages filent,
Et moussent une écume d’or,
Au dessus des îles,
En géantes fleurs.
–
Vois comme le soir s’éteint,
Il se dissout sans bruit,
Pour préparer demain.
De l’autre côté , c’est bientôt la nuit.
–
RC – 26 septembre 2013
–
La mer, que l’on voit danser ( RC )

peinture : Georgia O’Keefe
–
La mer, que l’on voit danser
Et se jeter sur les rochers, encore
Et encore, comme des chiens voraces
Sur ce qu’il reste de terre
A dissoudre et avaler, en taisant le temps
– Qui s’étire, à faire des demains,
Les ressacs violacés
De profondeurs de nacre,
Les chevelures d’algues affolées
Au milieu de l’écume.
–
Le sable fauve, participe à ce destin..
Et on ne sait, s’il appartient encore
A la terre, ou au liquide
Ou l’écume du temps, portée des courants
Et des vents, jaloux des éléments ;
Il se tisse en cordons blonds,
S’accroche en dunes, aux reliefs,
Reliant , le temps d’une marée,
Les cachant,
Au gré de ses sanglots,
Tout un monde, …. loin de la surface.
–
Ce large, – si large
….. Qu’embrassent les courants
A l’écart des légèretés d’atmosphères
Où même la lumière se fait discrète,
Au sein de l’épaisseur secrète
Que parcourent rarement les hommes,
Cuirassés de combinaisons et scaphandriers
Où évoluent des bancs de poissons chatoyants
Aux détours de plages et rochers, ……… posés là
Sur le fond, – …..et les épaves aussi,
– Sentinelles inutiles d’une autre époque.
–
RC 23 avril 2013
Le bruit dans mes tempes ( RC )

peinture: Odilon Redon. Le coquillage
–
Le bruit et le sang
Pénètrent dans mes tempes,
Et l’âme éclatée,
Tourbillonne sur elle-même,
Prisonnière de mon Je,
Tête et corps assemblés,
En bonne logique,
Et pourtant séparés.
Ce n’est pas par la distance,
Mais la terre qui parle
A travers nous,
De l’antre et de l’arche.
L’oeil du silence
Et pourtant le bruit
Des désirs qui se heurtent
Aux mémoires sensibles.
L’océan des plaines douces
Aux tensions secrètes,
Le ventre coquille,
Qui boit mes émotions.
Et comme les silex
Qui se heurtent
Les bouquets d’étincelles,
-nous engendrons nos ciels –
Dans un voyage
Aux lointains d’écume
Où il n’est pas besoin de paroles,
Pour s’entendre en échos….
–
RC – 4 mars 2013
Sabine Sicaud – jours de fièvre
Ce que je veux ? Une carafe d’eau glacée.
Rien de plus. Nuit et jour, cette eau, dans ma pensée,
Ruisselle doucement comme d’une fontaine.
Elle est blanche, elle est bleue à force d’être fraîche.
Elle vient de la source ou d’une cruche pleine.
Elle a cet argent flou qui duvête les pêches
Et l’étincellement d’un cristal à facettes.
Elle est de givre fin, de brouillard, de rosée,
Jaillit de chaque vasque en gerbes irisées,
Glisse de chaque branche en rondes gouttelettes.
Au coeur de la carafe, elle rit. Elle perle
Sur son ventre poli, comme une sueur gaie.
En mille petits flots, pour rien, elle déferle,
Ou n’est qu’un point comme un brillant dans une haie.
Elle danse au plafond, se complaît dans la glace,
Frappe aux carreaux avec la pluie. Ah ! ces cascades…
C’est le Niagara, vert bleu, vert Nil, vert jade,
C’est l’eau miraculeuse en un fleuve de grâce ;
Toute l’eau des névés, des lacs, des mers nordiques,
Toute l’eau du Rocher de Moïse, l’eau pure
D’une oasis perdue au centre de l’Afrique ;
Toute l’eau qui mugit, toute l’eau qui murmure,
Toute l’eau, toute l’eau du ciel et de la terre,
Toute l’eau concentrée au creux glacé d’un verre !
Je ne demande rien qu’un verre d’eau glacée…
Vous ne voyez donc pas mes doigts brûlants de fièvre,
Mes doigts tendus vers l’eau qui fuit ? Mes pauvres lèvres
Sèches comme une plante à la tige cassée ?
La soif qui me torture est celle des grands sables
Où galope toujours le simoun. Je ne pense
Qu’à ce filet d’eau merveilleuse, intarissable,
Où des poissons heureux circulent. Transparence,
Fraîcheur… Est-il rien d’autre au monde que j’implore ?
Alcarazas, alcarazas… un café maure
Et, dans la torpeur bleue où des buveurs s’attardent,
Un verre débordant parmi les autres verres,
Un verre sans couleurs subtiles qui le fardent,
Mais rempli de cette eau si froide, nette, claire…
Ah ! prenez pour cette eau ce qui me reste à vivre,
Mais laissez-la couler en moi, larmes de givre,
Don de l’hiver à ce brasier qui me consume.
Vous souvient-il de ces bruits clairs, dans de l’écume,
Au bord d’un gave fou ? J’ai soif de tous les gaves.
Les sabots des mulets, vous souvient-il, s’y lavent,
Les pieds du chemineau s’y délassent. Dieu juste,
Ne puis-je boire au moins comme le pré, l’arbuste,
Le chien de la montagne au fil de l’eau qui court ?
Cette eau… Cette eau qui m’échappe toujours,
Qui, nuit et jour, obsède ma pensée…
Ne m’accorderez-vous deux gouttes d’eau glacée ?
–
Dis-moi, de l’existence … ( RC )
Dis moi, de l’existence, la réalité.
Hors de nous , pays habités,
L’écharpe de l’horizon, ceinte de brume
Continue, mer , océan, écumes
La poignée de mondes, qui restreint
Que tire d’ailes, les atteint
Et que les vies pressent
Sous le soleil ardent, paressent..
Si la sphère habitée est transparence
Où faut-il que mon regard s’élance ?
Vois -tu de l’autre côté de la terre
Les chemins et routes de poussière ?
Les grandes étendues et la course
des étoiles… disparue la Grande Ourse
L’au delà d’une vision, sans pourtant qu’elle ne se voile
Un quart de cercle, porté vers l’australe.
Vois, la planète , d’un autre costume
Autres peuples, autres coutumes
Les nôtres, en pays lointain n’ont plus cours
Aujourd’hui est un autre jour
Qu’une aube nouvelle fusionne
les espaces d’une vie, et résonne
en nous, autant les vaisseaux s’enchevêtrent
Et bat, au coeur, le sang de notre être
Il se voit circuler d’autre façon, étourdi
Sans forcer l’envers, sans interdit…
Le continent des ailleurs, ailleurs improbables,
Modèle le visage des hommes — en terre arable.
RC – 8 janvier 2013
–
Corne de brume ( RC )
–
A l’écoute indécise,
Tu entends les vagues,
En tendant l’oreille
A la conque de soleil
Et la vie s’enroule,
Se love sur elle-même,
Aux ressacs, sur les rochers,
Elle donne son écume…
Ainsi mes doigts joints
Autour de ton attente
Qui forment la coquille
Portée dans ta main.
Tu es sur le sable
Etendu sous la lune
Les algues enroulées sur tes pieds
Intensément, tu m’écoutes
En corne de brume
–
RC – 1er nov 2012
José Gorostiza – mort sans fin – extr 02

peinture: Jim Dine: sans titre (1959 ) Brooklyn Museum of Art, New York, USA
I
Rempli de moi, assiégé dans mon épiderme
par un dieu qui me noie, insaisissable,
leurré peut-être
par sa radieuse ambiance de clartés
occultant ma conscience répandue,
mes ailes brisées en esquilles d’air,
mes pas qui, maladroits, tâtonnent dans la boue;
rempli de moi, repu, je me découvre
dans l’image étonnée de l’eau
qui est et seulement cahot immarcescible,
écroulement d’anges tombés
dans le délice intégral de son poids,
qui n’a rien d’autre
que son visage en blanc
à demi enfoncé, déjà, comme un rire qui meurt,
dans le tulle fin du nuage
et dans les funestes cantiques de la mer
— arriére-goût de sel ou blanc de cumulus
plus qu’une simple hâte d’écume traquée.
Pourtant — ô paradoxe! — contrainte
par la rigueur du verre qui la clarifie,
l’eau prend forme.
Y creusant ses assises, elle construit,
assume un âge de silences amer,
un doux repos de jeune morte,
souriante, que déflore
un au-delà d’oiseaux
en débandade.
Dans le filet de cristal, mailles qui l’étranglent,
ici, comme en l’eau d’un miroir,
elle se reconnaît;
enchaînée ici, goutte à goutte,
et dans la gorge, fané, son trope d’écume,
quelle nudité d’eau la plus intense,
quelle eau plus eau
rêve en son orbe tournesol,
chantant déjà une soif de gel équitable!
Mais quel verre — aussi — plus prudent
que celui-ci qui s’arrondit
comme une étoile en grain,
que celui-ci qui, pour une héroïque promission, s’allume
comme un sein habité par le bonheur
et offre à l’eau, ponctuel,
une éclatante fleur
de transparence,
un œil fusant vers les hauteurs
et une fenêtre aux cris lumineux
sur cette liberté incandescente
qui s’épuise au-dedans de candides prisons!
José Gorostiza (Mort sans fin)
Marée noire ( RC )

photo l’Express – agence REUTERS / Mike Hutchings
Un reflet sur les flaques visqueuses
C’est le clin d’oeil d’une lumière qui s’élance
D’une lune voilée, qui va, vient et danse
Au milieu de nuées et fibres laiteuses
La mer est lourde d’un ressac hagard
Elle porte un couvercle si lourd
Qui confisque son souffle, son amour
——–Et ne nous rend pas notre regard.
C’est d’un calme, une menace immobile
Les oiseaux englués de désespoir
Ils ne verront plus l’air, en marée noire
Ce qu’on dirait – une mer d’huile –
La mer, l’amère ne se jette plus sur les rochers
Elle n’a plus d’écume, que le goudron
Au rendez-vous du sable, plus de poumons
Silences de vie ôtée, kilomètres de déchets
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RC – 27 septembre 2012
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Claude Esteban – Blanche
Art: Käthe Kollwitz auto-portrait 1903
Blanche.
Elle divise le temps
en deux
Sceptre et cilice.
L’écume ne meurt pas
lèvres ouvertes
aux lèvres.
Blanche
Emmurant l’oiseau.
Tranchant le nerf fragile des coquilles.
Sans que la voix
revienne.
Nue dans le sel.
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Talmont, sentinelle ( RC )
–
Les sculptures romanes sont en patience
Et les fleurs se redressent
Au temps suspendu …
Gris-vert de marée montante
Aux saveurs d’Atlantique
Sentinelle de Gironde
Talmont peut l’attendre,
Ce vent venu du large
Essaims de moules
Recouverts d’écume
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RC– 14 et 15 juillet 2012
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La mer ne parle plus, elle se tait. (RC)

Affiche objet d’une plainte de la région Bretagne
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La mer ne parle plus, elle se tait.
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Et si la mer parlait dessous son tapis d’écume et de vagues,
Au silence de la mer celle réduite au silence,
Et aux arbres qu’on élague
Encombrée de sables
Et de débris innommables
La voilà immobile, et presque entièrement recouverte
D’une épaisse confiture
De toutes ces algues vertes
Et d’un semis d’ordures
D’où s’échappent gaz, par bulles
Autour des rochers las
Qu’une lasse marée dissimule
Dernier geste de décence
D’une eau qui n’a pas d’age
Mais qui sent l’essence
A travers les coquillages
Désertés des mollusques
Que goudrons écrasent
Et collent même, jusque
Au cœur de la vase .
Si la mer parlait dessous son tapis d’écume
Qu’elle ôtait son bâillon
Et qu’avec les vents revenus, elle s’enrhume
Elle chasserait ces haillons
D’un seul coup de tempête
Son parfum de dégoût
De fracas et de pertes
Rejetant les égouts
Bien loin sur la terre
Ces rejets de l’ingrate
De toxique amère
Saturés de nitrate.
Retraits d’hier en dignité
C’est d’un autre visage de Bretagne
Tournant dos à la fatalité
Qui ferait, que la nature gagne,
Que la mer épaisse revienne en liquide
Que l’on puisse, voir le sable
Au travers d’une écume limpide
Et d’un pays respectable…
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RC 11 juin 2012
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voir notamment ce site avec ces affiches choc, qui dénoncent l’hypocrisie ambiante.
et pour avoir une idée du problème, plusieurs sites en parlent, mais les mesures concrètes se font attendre…, en effet il y aurait une collusion entre les autorités et les sociétés financières qui possèdent une partie des élevages intensifs bretons … ceci expliquant en grande partie cette inertie, pour un problème connu depuis longtemps.
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Fernand Verhesen – Altéré d’herbe

peinture: Nicolas de Staël
Altéré d’herbe
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Altéré d’herbe aux épargnes du large, je renais voilier sur les bords d’aucun monde.
Solitude dans le matin dortoir des immensités.
Espace où se fonde l’errance, et de quelques îles rêvées se lève un vain désir d’ambre. Lourde patience de l’eau qu’effleure une étoile de sel.
Route des eaux due aux origines, retour de ce qui fut un jour
. Toute l’ombre de la terre n’est que léger envol d’écume.
L’oreille veille solidaire d’un écho.
Seul, le silence à haute voix de la mer se mêle au passage du vent.
La nudité sans rives.
De lointains regards parcourent en moi la plus longue lumière.
Fernand VERHESEN « Franchir la nuit »
(Le Cormier)