Pour combattre les mauvaises odeurs – ( RC )
Ventile les mauvaises odeurs ! ,
l’orgue est enrhumé,
la brume a envahi l’église
par le vitrail brisé
un jour, par une pierre.
On ne sait d’où vient cette colère…
un saint de plâtre
a perdu un bras
et rejoint les deux charognes
sur les allées.
Dieu a refusé
d’accepter les infidèles,
( ils n’avaient pas cotisé assez
pour une place au ciel ) .
Alors , ceux qui prient
contournent les cadavres,
que la lumière accable,
ventilent les mauvaises odeurs:
-
A-t-on prévu assez de cierges parfumés ?
RC
Guy Goffette – Dimanche
La cloche du beurrier ancien dans le soleil d’octobre est une église oubliée sur la table des hommes
Elle rassemble autour d’elle les miettes éclatantes du cœur qui a vécu son heure de gloire dans le partage et l’apaisement des cris pépites qu’une main sèmera sur le gazon
bleu pour les oiseaux les insectes les dieux invisibles qui portent la lumière au creux des arbres immobiles et dans l’espace ouvert la nuit entre nos songes
Le vitrail rouge – ( RC )
Vitrail: Marc Chagall
Il y a un mur, entre moi et la lumière.
Ce mur a beau être de verre,
à chaque fois, il s’obscurcit,
au sang des cœurs trahis.
C’est une fontaine vermeille.
Elle joue avec le soleil,
mais les oiseaux sont englués
à travers le vitrail ensanglanté .
C’est une lave de couleur ,
qui traduit la douleur,
contrepoint de surfaces grises ,
qui , peu à peu envahit l’église .
Un amour sans fin était promis ;
il faut croire qu’il a péri .
Il se suffira pas de quelques prières,
pour le revoir de sitôt sur la terre .
–
RC – nov 2016
( en rapport avec le texte de Mokhtar El Amraoui, visible sur son blog )
Octavio Paz – Pierre de Soleil
–
–
Pierre de
Soleil
un saule de cristal, un peuplier d’eau sombre,
un haut jet d’eau que le vent arque,
un arbre bien planté mais dansant,
un cheminement de rivière qui s’incurve,
avance, recule, fait un détour
et arrive toujours:
un cheminement calme
d’étoile ou de printemps sans hâte,
une eau aux paupières fermées
qui jaillit toute la nuit en prophéties,
unanime présence en houle,
vague après vague jusqu’à tout recouvrir,
verte souveraineté sans crépuscule
comme l’éblouissement des ailes
quand elles s’ouvrent dans le milieu du ciel,
un cheminement entre les épaisseurs
des jours futurs et du funeste
éclat du malheur comme un oiseau
pétrifiant la forêt par son chant
et les félicités imminentes
entre les branches qui s’évanouissent,
heures de lumière que grignotent déjà les oiseaux,
présages qui s’échappent de la main,
une présence comme un chant soudain,
comme le vent chantant dans l’incendie,
un regard qui retient en suspend
le monde avec ses mers et ses montagnes,
corps de lumière filtré par une agate,
jambes de lumière, ventre de lumière, baies,
roche solaire, corps couleur de nuage,
couleur du jour rapide qui bondit,
l’heure scintille et prend corps,
le monde, oui, il est visible par ton corps,
il est transparent grâce à ta transparence,
je vais entre des galeries de sons,
je flue entre les présences résonnantes,
je vais au travers les transparences comme un aveugle,
un reflet m’efface, je nais dans un autre,
ô forêt de piliers enchantés,
sous les arcs de la lumière je pénètre
les couloirs d’un automne diaphane,
je vais au travers ton corps comme par le monde,
ton ventre est une place ensoleillée,
tes seins sont deux églises où l’on célèbre
le sang et ses mystères parallèles,
mes regards te couvrent comme du lierre,
tu es une ville que la mer assiège,
une muraille que la lumière divise
en deux moitiés de couleur pêche,
un lieu de sel, de roches et d’oiseaux
sous la loi du midi ébahi,
vêtue par la couleur de mes désirs
comme ma pensée tu vas nue,
je vais au travers tes yeux comme par l’eau,
les tigres boivent le rêve de ces yeux,
le colibri se brûle dans ces flammes,
je vais au travers ton front comme par la lune,
comme le nuage au travers ta pensée,
je vais au travers ton ventre comme par tes rêves,
ta jupe de maïs ondule et chante,
ta jupe de cristal, ta jupe d’eau,
tes lèvres, tes cheveux, tes yeux,
toute la nuit tu es pluie, tout le jour
tu ouvres ma poitrine avec tes doigts d’eau,
tu fermes mes yeux avec ta bouche d’eau,
sur mes os tu es pluie, dans ma poitrine
un arbre liquide creuse des racines d’eau,
je vais au travers tes formes comme par un fleuve,
je vais au travers ton corps comme par une forêt,
comme par un sentier dans la montagne
qui se termine en un abîme abrupt
je vais au travers tes pensées effilées
et à la sortie de ton front blanc
mon ombre précipitée se brise,
je recueille mes fragments un à un
et je poursuis sans corps, je cherche à tâtons,
couloirs sans fin de la mémoire,
portes ouvertes vers un salon vide
où pourrissent tous les étés,
les bijoux de la soif brillent tout au fond,
visage évanoui dès que je me le remémore,
main qui s’effrite si je la touche,
cheveux d’araignées en tulmute
sur des sourires d’il y a tant d’années,
à la sortie de mon front je cherche,
je cherche sans trouver, je cherche un instant,
un visage d’éclair et d’orage
courant entre les arbres nocturnes,
visage de pluie dans un jardin d’obscurités,
eau tenace qui flue à mon côté,
je cherche sans trouver, j’écris en tête à tête
il n’y a personne, tombe le jour, tombe l’année,
je tombe dans l’instant, je tombe au fond,
invisible chemin sur des miroirs
qui répètent mon image brisée,
je marche depuis des jours, instants cheminés,
je marche sur les pensées de mon ombre,
je marche sur mon ombre en quête d’un instant,
je cherche une date vive comme l’oiseau,
je cherche le soleil dès cinq heures du soir
tempéré par les murs de brique rouge:
l’heure mûrissait ses grappes
quand elle s’ouvrait sortaient les jeunes filles
de son entraille rosée et elles s’éparpillaient
parmi les cours dallées du collège,
haute comme l’automne elle cheminait
enveloppée par la lumière sous l’arcade
et l’espace en l’entourant l’habillait
d’une peau plus dorée et transparente,
tigre couleur de lumière, cerf brun
dans les environs de la nuit,
j’ai entrevu une jeune fille penchée
sur les balcons verts de la pluie,
adolescent visage innombrable,
j’ai oublié ton nom, Mélusine,
Laure, Isabelle, Perséphone, Marie,
tu as tous les visages et aucun,
tu es toutes les heures et aucune,
tu ressembles à l’arbre et au nuage,
tu es tous les oiseaux et un astre,
tu ressembles au tranchant de l’épée
et à la coupe de sang du bourreau,
lierre qui avance, enveloppe et déracine
l’âme et la divise d’elle-même,
écriture de feu sur le jade,
crevasse dans la roche, reine des serpents,
colonne de vapeur, source dans le roc,
cirque lunaire, pic des aigles,
grain d’anis, épine minuscule
et mortelle qui donne des peines immortelles,
bergère des vallées sous-marines
et gardienne de la vallée des morts,
liane qui pend au bord du précipice,
plante grimpante, plante vénéneuse,
fleur de résurrection, raisin de vie,
dame de la flûte et de l’éclair,
terrasse du jasmin, sel dans la plaie,
bouquet de roses pour le fusillé,
neige en août, lune de l’échafaud,
écriture de la mer sur le basalte,
écriture du vent dans le désert,
testament du soleil, grenade, épi,
visage en flammes, visage dévoré,
adolescent visage persécuté
années fantômes, jours circulaires
qui donnent dans la même cour, sur le même mur,
l’instant brûle et ils sont un seul visage
les successifs visages de la flamme,
tous les noms sont un seul nom,
tous les visages sont un seul visage,
tous les siècles sont un seul instant
et pour des siècles et des siècles
une paire d’yeux ferme le passage au futur,
il n’y a rien face à moi, rien qu’un instant
racheté cette nuit, contre un rêve
d’union d’images rêvées,
durement sculpté contre le rêve,
arraché au rien de cette nuit,
à bout de bras, soulevé lettre à lettre,
tandis que le temps se jette dehors
et il cogne aux portes de mon âme
ce monde avec son horaire sanguinaire,
un instant, un instant seulement tandis que les villes,
les noms, les saveurs, le vécu,
s’effritent sur mon front aveugle,
tandis que la pesanteur de la nuit
humilie ma pensée et mon squelette,
et mon sang circule plus lentement
et mes dents se gâtent et mes yeux
s’embrument et les jours et les ans
accumulent leurs horreurs vides,
tandis que le temps ferme son éventail
et qu’il n’y a rien derrière ses images
l’instant s’abîme et surnage,
entouré de mort, menacé
par la nuit et son lugubre bâillement,
menacé par le brouhaha
de la mort vivace et masquée
l’instant s’abîme et se pénètre,
comme un poing qui se serre, comme un fruit
qui mûrit vers l’intérieur de lui-même
et lui-même se boit et se répand
l’instant translucide se ferme
et mûrit vers l’intérieur, pousse en racines,
croit à l’intérieur de moi, m’occupe entièrement,
son feuillage délirant m’expulse,
mes pensées seulement sont ses oiseaux,
son mercure circule par mes veines,
arbre mental, fruits saveur de temps,
ô vie à vivre et déjà vécue,
temps qui revient en une marée
et se retire sans tourner le visage,
ce qui s’est passé n’est pas mais commence à être
et silencieusement se jette
en un autre instant qui s’évanouit:
face au soir de salpêtre et de pierre
armée de couteaux invisibles
d’une rouge écriture indéchiffrable
tu écris sur ma peau et ces plaies
comme un vêtement de flammes me recouvrent,
je brûle sans me consumer, je cherche l’eau
et dans tes yeux il n’y a pas d’eau, ils sont de pierre,
et tes seins, ton ventre, tes hanches
sont de pierre, ta bouche a un goût de poussière,
ta bouche a un goût de temps empoisonné,
ton corps a un goût de puits condamné,
passage de miroirs que répètent
les yeux de l’assoiffé, passage
qui revient toujours à son point de départ,
et tu me conduis, aveugle, par la main
à travers ces galeries obstinées
jusqu’au centre du cercle et tu surgis
comme un éclat qui se fige en hache,
comme une lumière écorchée, fascinante
comme l’échafaud du condamné,
flexible comme le fouet et svelte
comme l’arme soeur de la lune,
et tes paroles tranchantes creusent
ma poitrine et me dépeuplent et me vident,
un à un, tu arraches mes souvenirs,
j’ai oublié mon nom, mes amis
grondent parmi les porcs ou pourrissent
mangés par le soleil dans un fossé,
il n’y a rien en moi qu’une large plaie,
un creux que jamais personne ne fouille,
présent sans fenêtres, pensée
qui revient, se répète, se reflète
et se perd dans sa propre transparence,
conscience transpercée par un oeil
qui se regarde se regarder jusqu’à se noyer
de clarté:
moi j’ai vu ton atroce écaille,
Mélusine, briller, verdâtre, à l’aube,
tu dormais enroulée dans les draps
et au réveil tu as crié comme un oiseau
et tu es tombée sans fin, cassée et blanche,
rien n’est resté de toi, rien que ton cri
et à la fin des siècles je me découvre
avec de la toux et une mauvaise vue, mélangeant
de vieilles photos:
il n’y a personne, tu n’es personne,
une montagne de cendres et un balai,
un couteau ébréché et un plumeau,
une peau pendue à quelques os,
une grappe déjà sèche, un trou noir
et dans le fond du trou les deux yeux
d’une enfant noyée d’il y a mille ans,
regards enterrés dans un puits,
regards qui nous voient depuis le début des temps,
regard enfant de la mère vieille
qui voit dans le fils grand un père jeune,
regard mère de la fille solitaire
qui voit dans le père grand un fils enfant,
regards qui nous regardent depuis le fond
de la vie et sont les pièges de la mort
– où est l’envers: tomber dans ces yeux
est-ce revenir à la vie véritable?
tomber, revenir, me rêver et que me rêvent
d’autres yeux futurs, une autre vie,
d’autres nuages, mourir d’une autre mort!
– cette nuit me suffit, et cet instant
qui n’en finit pas de s’ouvrir et de me révéler
où j’étais, qui je fus, comment tu t’appelles,
comment moi je m’appelle:
pouvais-je bâtir des plans
pour l’été -et tous les étés-
à Christopher Street, il y a dix ans,
avec Phyllis qui avait deux fossettes,
où les moineaux buvaient la lumière?,
sur la place de la Réforme Carmen me disait-elle
« l’air ne pèse rien, ici c’est toujours octobre »
ou l’aurait-elle dit à l’autre que j’ai perdu
ou l’aurais-je inventé et personne ne me l’a dit?,
aurais-je marché dans la nuit d’Oaxaca,
immense et vert foncé comme un arbre,
parlant seul comme le vent fou
et en arrivant à ma chambre -toujours une chambre-
les miroirs ne m’auraient-ils pas reconnu?
depuis l’hôtel Vernet nous avons vu l’aube
danser avec les châtaigners -« il est déjà très tard »
disais-tu en te peignant et moi, aurais-je vu
des taches sur le mur sans rien dire?,
sommes-nous montés ensemble à la tour, avons-nous vu
tomber le soir depuis le récif?,
avons-nous mangé des raisins à Bidart?, avons-nous acheté
des gardénias à Perote?,
noms, places,
rues après rues, visages, marchés, rues,
gares, un parc de stationnement, chambres seules,
taches sur le mur, quelqu’un qui se peigne,
quelqu’un qui chante à mes côtés, quelqu’un qui s’habille,
chambres, endroits, rues, noms, chambres,
Madrid, 1937,
Promesses des couleurs ( RC)
Peinture Fr Kupka – étude pour une fugue à deux couleurs ( disques de Newton ) 1911 –
–
Promesse de la profondeur des cieux,
J’ai dans les mains un bleu profond,
Qui, au parcours des étoiles, serait plafond
Ou bien , dans le soir du désert, …. un feu
–
Aux alentours, pas une âme qui vive,
Juste sur les pierres, des lézards,
Statues à l’oeil qui brille, sous le bleu Hoggar,
Un point de lumière entre deux rives…
–
Promesse de la profondeur des eaux,
– Couleurs des antipodes,
J’ai dans les mains un vert émeraude,
Balancé, roulis des bateaux.
–
Aux alentours, bercé de vagues légères,
Evoluant vers un milieu plus stable,
Les tortues, se dirigent vers le sable,
Quand émergent au loin, les terres.
–
Promesses de l’agriculture,
Dans les plaines immenses,
Le printemps, est tout en nuances,
Et prépare l’été des blés mûrs
–
Aux alentours, la floraison des fruitiers
Cache presque entièrement les terres brunes,
Il y aura cette année beaucoup de prunes,
Pour les piller, les oiseaux ne se feront pas prier…
–
Promesse de la caresse de l’été,
Le jaune de Naples, s’étend sur les plages,
En quittant la chaise longue, je nage,
Aussi dans la lumière, reflétée.
–
Aux alentours, l’horizon s’effile,
Les bateaux des pêcheurs, sont peints en rouge,
On les voit au loin lentement, qui bougent,
Carmins, et vermillons. – ils passent, entre les îles.
–
Promesse d’un jour limpide,
Je traverse une place des odeurs,
C’est le marché aux fleurs,
Ignorant les teintes insipides,
–
Aux alentours, des légumes candides,
Ajustés en grand nombre,
Célèbrent les verts des concombres,
Et les citrons aux jaunes acides.
–
Promesse du parcours des anges,
Les crayons des vitraux se dégrisent,
Au sol dallé, ou sur les piliers de l’église,
En associant bleus outremers, et oranges.
–
Aux alentours, dorures et peintures blanches,
Baroque et rococo, multiplient les ors,
Où papillonnent moulures et décors,
Pour la messe des couleurs, c’est aussi dimanche.
–
Anges ou démons si la lumière s’éteint
( …..on ne parlera pas du noir,
C’est , à ce qu’on dit, pour le purgatoire, )
– Méfions nous des « on dit », sur la toile il n’y aurait plus rien…
–
J’ignore ces êtres pourvus d’ailettes,
Porteurs d’auréoles ou de maléfice,
Jouant des feux d’enfer ou d’artifice
Comme je préfère sortir et peintures et palette .
–
– RC – 19 septembre 2013
–

photo perso: Hyeres, Collegiale St Paul, couleurs de vitrail au sol + ombre d’ Arthémisia – 2011
–
texte auquel je pourrais adjoindre celui-ci ( d’abord dans sa langue originale, le corse):
François Viangalli : Densité brève
U culore nasce incù u lume :
ch’ellu si cambii u lume,
s’alteranu i culori.
Postu chì ùn ci sὸ paesi
chì t’abbianu listesa polvera.
Ùn si pὸ parte da qualsiasi locu
senza mutà se stessu,
corpu è anima :
facenu l’ochji l’esiliu primu.
La couleur naît de la lumière :
que la lumière change,
les couleurs s’altèrent.
Comme il n’est de pays
qui soient jumeaux,
qui portent la même poussière.
On ne peut quitter un lieu,
sans se changer soi-même,
corps et âme :
c’est le regard qui crée
le premier exil.
–
Sotìris Pastàkas- Moi qui n’ai pas chanté
MOI QUI N’AI PAS CHANTÉ, PAR SOTÌRIS PASTÀKAS.
texte visible, avec beaucoup d’autres sur le site « dormira jamais »
Moi qui n’ai pas chanté
le rouge profond de la rose,
qui n’ai pas chanté
le sanglot qui a
la profondeur d’un sourire
le profil de trois-quart,
le coin caché
dans mon esprit,
les taches rouges
sur le drap de la mer
quand un vent bref soulève
une à une les rides
de mon cerveau
une à une mes propres
pertes – rideau
qui rougit
juste avant de prendre feu.
La lumière visible.
Les sens, cinq.
Les cent-cinq
habitants d’Iraklia.
Les onze mètres de la coque.
Les bières non comptées.
Les campari comptés
dans leurs reflets.
Une valise, un chapeau
et un divorce.
Encore un campari, s’il vous plait.
Un divorce
et des milliers de parapluies.
Portez-moi d’autres campari.
Je veux voir croître
ma part de martyre
autant que croît votre
plaisir ordonné.
Donnez-moi une grosse orange rouge.
Ne chante plus, tu as chanté
autant qu’il t’a été donné. Chante
les enfants qui chantent encore
à dix heures du soir, on entend
seulement leur voix
dans la cour de l’église,
dans la Semaine Sainte et encore au-delà
des hurlements de chiens errants.
Ils n’ont pas encore fini
de jouer, moi si
j’ai fini, mais pourquoi eux ne jouent-ils pas avec moi.
Un à un j’appelle les enfants
par leur prénom,
Ilìas, Aléxis, Kostì, Éghli
et pas un seul qui réponde
à ce cri. Noms sans réponse
de quelqu’un qui n’est pas devenu père.
Je n’ai pas chanté la paternité
feu d’artifice qui ne fait pas exploser
le contenu de mes couilles
la nuit, je suis un raté
quelqu’un sans munitions nuit sans feu de bengale,
feu d’artifice qui n’a pas explosé,
qui n’a pas enflammé l’obscurité,
simple lanterne rouge.
Je n’ai pas chanté le guide
je n’ai guidé personne en aucun lieu:
psychiatre raté alcoolique,
j’ai seulement suivi les étincelles
de feu qu’émettaient par les yeux
amies et amis – obligation
suprême, même si je ne l’ai pas chantée,
la vie, de la respecter
de la suivre,
de la dépasser,
de la laisser courir derrière moi,
de la laisser courir devant moi.
Elle n’a pas de lanternes la vie
elles tombent dans le plus profond abime
ceux qui en suivent les pas.
Je n’ai pas chanté les feux,
de la lanterne au phare
j’ai changé mes lumières
et même ainsi je ne vois pas mes amis
je ne vois personne:
anorexie, alcool, et insomnie.
Je vois seulement des cauchemars
devant moi: je prévois
et je ne voudrais pas ce don,
j’ai eu peur et j’ai essayé de l’étouffer,
je devine chacune de mes futures
pertes personnelles,
aucune marche en arrière dans la vie.
Il ne m’a pas été donné de chanter
la peur, ni la sortie
de la crise, je n’ai jamais écrit
qu’il était rouge ce bref vent
qui sculptait les rides
sur le drap de la mer.
Je n’ai jamais dit qu’elle était rouge
ma bouche insatiable
quand elle se posait sur sa bouche rouge.
Je n’ai pas dit qu’elles étaient rouges
les mains qui enlaçaient
son corps – je ne les ai jamais chantées.
Je n’ai jamais chanté
ses mains rouges, ses lèvres
rouges, les menstruations
qui lui coulaient de la chatte,
les stop qui s’allumaient
ici et là sur son corps ,
je n’ai pas chanté
son herpès puerpéral.
Je n’ai jamais chanté les interdits.
Seulement ceux que j’ai encaissés.
J’ai chanté mon sanglot
qui avait la profondeur d’un sourire.
J’ai chanté la joie inattendue
qui cache profondément en elle
une couleur rouge et sauvage,
le sang que j’ai craché
le plus loin possible
pour voir d’où souffle
le vent pour définir
la direction
ma prochaine destination.
Je n’ai pas écrit sur la joie.
À la fin, on ne m’a pas donné
le rouge profond de la rose
parce que je voulais devenir rose
et je ne vous l’ai pas confessé,
j’ai seulement colorer de rouge les oeufs
pour me foutre de vous. J’émettais
des cris rouges. Je buvais
des flammes rouges. Je m’habillais
de l’habit rouge du clown
pour m’amuser, pour enflammer
ma vie blafarde, RH
incertain comme mon groupe:
zéro avec un signe négatif.
Lignes blanches, lignes rouges
à la fin, pas même mon sang
vous ne pourrez m’offrir
en cas de besoin, sachez
que je serai expéditif pour vous souhaiter bonne nuit.
Les enfants n’ont pas fini
encore de jouer,
nuit rouge d’avril
qu’il finisse ici, pour moi
le poème.
Traduction Olivier Favier.
Poème extrait de Bafouiller la vie (2012), recueil inédit.
—
Auteur grec, —————–et le même texte, traduit en italien…
il profondo rosso della rosa,
che non ho cantato
il singhiozzo che ha
la profondità di un sorriso
il profilo di tre quarti,
l’angolo nascosto
nella mia mente,
le macchie rosse
sul lenzuolo del mare
quando un breve vento solleva
una a una le rughe
del mio cervello
una a una le mie proprie
perdite – tenda
che arrosisce
l’istante prima di prender fuoco.
La luce visibile.
I sensi, cinque.
I centocinque
abitanti di Iràklia.
Gli undici metri dello scafo.
Le birre non contate.
I campari contati
nei loro riflessi.
Una valigia, un cappello
e un divorzio.
Ancora un campari, per favore.
Un divorzio
e migliaia di ombrelli.
Portatemi altri campari.
Voglio veder crescere
la mia parte di martirio
tanto quanto cresce il vostro
ordinato piacere.
Datemi una grossa arancia rossa.
Non cantare più, hai cantato
quanto ti è stato dato. Canta
i bambini che ancora giocano
alle dieci di sera, si sente
solo la loro voce
nel cortile della chiesa,
nella Settimana Santa e ancora oltre
i latrati dei cani randagi.
Non hanno ancora finito
di giocare, io sì
ho finito, ma perché loro non giocano con me.
Uno a uno chiamo i bambini
per nome,
Ilìas, Aléxis, Kostì, Éghli
e nemmeno uno che risponda
al grido. Nomi senza risposta
di uno che non è diventato padre.
Non ho cantato la paternità
fuoco d’artificio che non fa scoppiare
il contenuto dei miei coglioni
di notte, sono un mancato
uno senza munizioni notte senza bengala,
fuoco d’artificio che non è scoppiato,
che non ha infiammato l’oscurità,
semplice fanalino rosso.
Non ho cantato la guida,
non ho guidato nessuno in nessun luogo:
psichiatra mancato alcolista,
ho solo seguito le scintille
di fuoco che emettevano dagli occhi
amiche e amici – obbligo
supremo, anche se non l’ho cantata,
la vita, di rispettarla
di seguirla,
di sorpassarla,
di lasciarla correre dietro a me,
di lasciarla correre davanti a me.
Non ne ha di fanali la vita
cadono nel più profondo abisso
quelli che ne seguono i passi.
Non ho cantato i fanali,
dal fanalino al faro
ho cambiato le mie luci
e anche così non vedo i miei amici
non vedo nessuno:
anoressia, alcol, e insonnia.
Vedo unicamente incubi
davanti a me: prevedo
e non vorrei questo dono,
ho avuto paura e ho provato a soffocarlo,
indovino di ogni mia personale
perdita futura,
nessuna marcia indietro nella vita.
Non mi è stato dato di cantare
la paura, né l’uscita
dalla crisi, non ho mai scritto
che era rosso quel breve vento
che scolpiva le rughe
sul lenzuolo del mare.
Non ho mai detto che era rossa
la mia bocca insaziabile
quando si posava sulla sua bocca rossa.
Non ho mai detto che erano rosse
le mani che abbracciavano
il suo corpo – non le ho mai cantate.
Non ho mai cantato
le sue mani rosse, le sue labbra
rosse, le mestruazioni
che le colavano dalla fica,
gli stop che s’accendevano
qua e là sul suo corpo,
non ho cantato
il suo herpes porpora.
Non ho mai cantato i divieti.
Solo quelli che ho incassato.
Ho cantato il mio singhiozzo
che aveva la profondità d’un sorriso.
Ho cantato la gioia inaspettata
che profondamente nasconde in lei
un colore rosso e selvaggio,
il sangue che ho sputato
più lontano che potevo
per vedere da dove soffia
il vento per definire
la direzione
la mia prossima destinazione.
Non ho scritto della gioia.
Alla fine, non mi è stato dato
il profondo rosso della rosa
perché volevo diventare rosa
e non ve l’ho confessato,
ho solo colorato di rosso le uova
per sfottervi. Emettevo
grida rosse. Bevevo
fiamme rosse. Mi vestivo
col vestito rosso da clown
per divertirvi, per infiammare
la mia vita scialba, RH
incerto come il mio gruppo:
zero con un segno negativo.
Righe bianche, righe rosse
alla fine, neanche il mio sangue
mi potrete offrire
in caso di bisogno, sappiate
che sarò sbrigativo nel darvi la buonanotte.
I bambini non hanno finito
ancora di giocare,
notte rossa d’aprile
che finisca qui, per me
la poesia.
Traduzione di Massimiliano Damaggio.
Da Inciampare nella gioia (2012)
–
Gustave Courbet – Celui-là n’a jamais appartenu
celui-là n’a jamais appartenu
Par cgat
Quand je serai mort, il faudra qu’on dise de moi : celui-là n’a jamais appartenu à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie, surtout à aucun régime si ce n’est le régime de la liberté.
« Lettre ouverte de Gustave Courbet refusant la Légion d’honneur » (Le Siècle, 1870)
–
François Piel – Notre peur

art: Miquel Barcelo – peinture « négative »avec eau de javel- chapelle du Mejean Arles 2012
NOTRE PEUR
Notre peur
ne porte pas de chemise de nuit n’a pas des yeux de chouette ne soulève pas de couvercle n’éteint pas de bougie
n’a pas non plus visage de mort
notre peur
c’est trouver dans une poche
un papier
«avertir Wojcik
dans la rue Longue c’est brûlé»
notre peur
ne s’envole pas sur les ailes des vents ne niche pas dans la tour de l’église elle est terre à terre
elle a la forme d’un baluchon hâtivement noué avec des vêtements chauds de maigres provisions et des armes
notre peur
n’a pas visage de mort les morts pour nous sont doux nous les portons sur nos épaules dormons sous la même couverture leur fermons les yeux arrangeons la bouche choisissons un endroit sec et les enterrons ni trop profondément ni trop superficiellement
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François Piel (1961)
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Colette Fournier – transfuge
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Entre dérobade et vertiges
La cambrure de ton âme ressemble
A s’y méprendre à ces nefs d’église
Que la foi a désertées…
Paysage rongé de ronciers et aride
Où nulle eau ne serpente
Où nulle joie ne se créée…
J’en connais de ces vaisseaux amers
Qu’une houle bascule
En roulis de bitume
Et qui ne veulent plus même
Etre sauvés !
Et frotter leurs cœurs vides
A l’aumône du temps
Battant à pleine pompe
L’heure de tous les vents !
Crois bien que ma lanterne
Se brise plus qu’à son tour
Sur des récifs étranges
Aux étranges contours
Mais je les veux mouvants
Malléables et tordus
A l’aune de mes désirs
Trempés d’encre et perdus
S’ils ne s’écrivent pas…..
Je suis une maison
Balayée de printemps
Et qui se refuse à mourir
Tant qu’il restera
Quelque chose à faire frémir
A la pointe de mon regard
Transfuge
De toutes les mémoires…
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( visible donc sur son site colettefournier.com )
séquences d’Hitchcock ( RC )
North by NorthWest – ( La mort aux trousses )
–
Qu’une femme disparaisse
Dans un orient-express
C’est un film d’Hitchcock
Qui marque son époque
Pour un film d’espionnage
Une fois commencé le voyage
–
D’une pichenette
Je continue dans ma tête
A me balader dans la foule
Alors que se déroule,
Dans d’autres lieux
Un crime odieux
Pour la caméra , si l’histoire s’enlise
L’action poursuit dans une église,
Une femme dans le clocher
Dont l’acteur va enfin s’approcher
C’est alors le vertige
Qui toujours l’afflige
L’empêche de monter
– et de ce coup monté –
Un corps qui tombe et se casse
Un tour de passe-passe…
Où est passée la femme qu’il aime ?
Cà, c’est bien le problème…
–
Ou bien dans un autre film, une scène
– croisement de routes à l’américaine,
D’où surgit un car
Venu de nulle part
Cary Grant en descend
(un rendez-vous important)
Mais personne ne s’arrête,
A part un bus, pas une estaffette…
Seul un petit point grandit,
C’est cet avion maudit
Qui le poursuit en vain
Dans le champ voisin
Avant que ne se brise son élan
Culbute , et un accident
Au coeur de l’action,
Contre un camion…
Toujours la mort aux trousses,
Il pourrait jouer du pouce…
–
—— Alfred décide du futur
Pour de nouvelles aventures
Jusqu’aux portraits géants
De pierre, des présidents
….Et d’autres manigances
Qui font le suspense
… et toujours nous interloque
Le talent de Hitchcock…
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Affiche rouge – Vertigo ( Sueurs froides)
RC- 16 novembre 2012
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Chaudes embrassades ( RC )

photo: Alanah Collier
Aux chaudes embrassades
Les bras élastiques,
Un corps qui bat la chamade
S’enroule tout en rythme
Et puis, quand il se penche
Participe à l’écriture…
L’espace ondule des hanches,
Mots rayés et mouchetures,
Justifie, s’il le faut, la tendresse
Par une danse improvisée….
Défaite, la chevelure, retenue en tresses,
Vous pouvez vous manifester par un baiser
Au coin d’une page pliée…
Trace de rouge ,sur la joue déposée,
De l’étage, franchir le palier,
Quelques phrases bien dosées…
Finis les propos mièvres,
Tu n’as qu’à ouvrir la bouche,
Donner du corps à tes lèvres,
Un emportement farouche,
— Et s ‘il faut qu’on se grise
Laisse toi donc approcher
Suivant les préceptes de l’église,
De l’originel empêcher,
Distinguant les parties nobles et dignes,
D’autres, à faire des envieux.
En suivant les consignes
Approuvées par Dieu
Mais en revenant sur la terre,
On peut s’en remettre à Saint Fouquin,
Pour soupeser les commentaires,
– ( dont on ressort un bouquin )
…. tu peux toujours le lire …
» Peccato non Farlo » est le thème
Le conseil, serait d’agir,
Sans recourir à l’anathème,
Encourager les fidèles,
Et aussi favoriser l’éclosion….
A couronner leur zèle,
Avec bénédiction.
Il faut encourager la natalité
Si l’on reste alité
Et que les sexes se rencontrent…
– ( tu veux que je te montre ? )
Ainsi jaillissent les étincelles
Entre les amants ravis…
Seront bientôt parents
D’enfants en ribambelle
Nouveaux papas et mamans
Se transmettent le flambeau de la vie…
C’est un cadeau de prix,
Et celui-ci, selon le prêtre, en reste honnête
Au père, le fils ( et le Saint-Esprit )
… s’il faut repeupler la planète….
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RC – 6 novembre 2012
PS: Peccato non farlo se réfère à un article publié dans courrier international, que l’on peut lire à cette adresse: http://www.courrierinternational.com/article/2005/02/10/allez-et-multipliez-vous
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