Michel Hubert – captif d’un homme
image : Gandy
10 –
Quand on sait ce qu’est la perversité
pour qui je désespère
d’une larme trop facile
sans que le corps étouffe
et se détruise dans l’horreur de mes mains
- quand on est soi-même pervers sorcier qu’une jeunesse afflige –
quand on sait à quel rôle ultime de frontaliers seront voués ses yeux à la seconde même de glisser dans la mort on applique à chaud la lumière des givres
Je pleure ?
moi le sourcier de mon visage pour tuer l’hypnose de la lampe dans ce long souterrain
( j’ai deux petites épingles de bronze une dans chaque main pas plus grosses que le plus petit des chagrins )
je me suis approché sans trembler de mes yeux
toute affiche d’un fleuve si belle
si chromatique soit-elle finira dans la nuit de l’égout
Benjamin Fondane – Villes

peinture: Wayne Thiebaud Sunset Street 1985 ( MoMa)
Villes
Le silence coula sur mes mains
c’était un orage de sable
la ville était pleine de sable
où donc étaient-ils les humains
j’avais beau courir dans le vide
suivi lentement de mes pas, le vide était plus plein
qu’une poitrine gonflée qui fait sauter les pressions,
le vide était si plein, j’avais si peur qu’il n’éclatât
que soudain j’ai pensé qu’il me fallait crier
ressusciter la vie
souhaiter le sifflet des bateaux, des sirènes d’usine
la rumeur des meetings, des fleuves de glace qui cassent
sous la poussée du printemps, les vitrines brisées des grèves générales, le bruit
strident des rémouleurs aiguisant les ciseaux, les couteaux, la criée des poissons dans les halles, les plaintes des marchands d’habits,
des rempailleurs de chaises, des pianos mécaniques et des musiques perforées.
Je vous appelais du fond terreux de mon angoisse
sonorités des étameurs, des camelots, ô chansons nasillardes
des marchandes de quatre-saisons qui font au printemps maladif
l’opération césarienne -Et peu à peu je vis céder mon insomnie
mes oreilles bourdonnaient, une sorte d’âcre paix, une paix nauséeuse,
pénétra dans mon sang avec une vieille odeur de draps
et mon sommeil ouvert comme une bouche d’égout
buvait les cantiques pieux des machines à coudre,
le ronflement régulier des tuyaux de vidanges, le souffle léger de la vie qui monte et qui grince, ô poulie !
Le bruit de plus en plus fatigué de la vie.
–
La mer ne parle plus, elle se tait. (RC)

Affiche objet d’une plainte de la région Bretagne
–
La mer ne parle plus, elle se tait.
–
Et si la mer parlait dessous son tapis d’écume et de vagues,
Au silence de la mer celle réduite au silence,
Et aux arbres qu’on élague
Encombrée de sables
Et de débris innommables
La voilà immobile, et presque entièrement recouverte
D’une épaisse confiture
De toutes ces algues vertes
Et d’un semis d’ordures
D’où s’échappent gaz, par bulles
Autour des rochers las
Qu’une lasse marée dissimule
Dernier geste de décence
D’une eau qui n’a pas d’age
Mais qui sent l’essence
A travers les coquillages
Désertés des mollusques
Que goudrons écrasent
Et collent même, jusque
Au cœur de la vase .
Si la mer parlait dessous son tapis d’écume
Qu’elle ôtait son bâillon
Et qu’avec les vents revenus, elle s’enrhume
Elle chasserait ces haillons
D’un seul coup de tempête
Son parfum de dégoût
De fracas et de pertes
Rejetant les égouts
Bien loin sur la terre
Ces rejets de l’ingrate
De toxique amère
Saturés de nitrate.
Retraits d’hier en dignité
C’est d’un autre visage de Bretagne
Tournant dos à la fatalité
Qui ferait, que la nature gagne,
Que la mer épaisse revienne en liquide
Que l’on puisse, voir le sable
Au travers d’une écume limpide
Et d’un pays respectable…
–
RC 11 juin 2012
–
voir notamment ce site avec ces affiches choc, qui dénoncent l’hypocrisie ambiante.
et pour avoir une idée du problème, plusieurs sites en parlent, mais les mesures concrètes se font attendre…, en effet il y aurait une collusion entre les autorités et les sociétés financières qui possèdent une partie des élevages intensifs bretons … ceci expliquant en grande partie cette inertie, pour un problème connu depuis longtemps.
–