Else Lasker-Schüler – Écoute
peinture : Constant Detré : Kiki de Montparnasse ( années 20 )
Écoute
je vole dans les nuits
les roses de ta bouche,
afin qu’aucune femelle ne puisse y boire.
Celle qui t’enlace
me dépouille de mes frissons,
ceux que j’avais peint sur tes membres.
je suis la bordure de route
qui t’effleure,
te jette à terre.
Sens-tu ma vie autour
partout
comme un bord lointain ?
Else Lasker-Schüler – ma chanson d’amour –
–
ma chanson d’amour
comme une fontaine céleste
bruit mon sang,
toujours de toi, toujours de moi.
dansent mes rêves dénudés et en quête;
enfants somnambules,
doucement dans les recoins obscurs.
O, tes lèvres sont du miel…
l’odeur enivrante de tes lèvres…
et d’ombelles bleues t’entourant d’argent
tu souris…toi, toi.
toujours le ruissellement qui serpente
sur ma peau
sur les épaules s’en va-
j’épie…
comme une fontaine céleste
bruit mon sang,
–
Else Lasker- Schüler – Fin du monde

peinture: William Blake : le cercle de la luxure ( amants damnés) Francesca Da-Rimini et Paolo Malatesta, d’après la Divine Comédie de Dante
Il est des larmes dans le monde
Comme si le bon dieu était mort
Et l’ombre de plomb qui tombe
Pèse du poids du tombeau.
Viens, cachons-nous plus près…
La vie gît dans tous les coeurs
Comme en des cercueils.
O! Embrassons-nous profondément.
Au monde frappe une nostalgie
Dont il nous faudra mourir.
(Weltende, 1917)
–
Else Lasker-Schüler – Toi seul
TOI SEUL
Dans sa ceinture de nuages, Le ciel porte le croissant de lune.
Sous l’image en faucille , Je veux reposer dans ta main.
Toujours il me faut suivre la tempête, Je suis mer sans rivage.
Mais depuis que tu quêtes mes coquillages Mon coeur scintille.
Il repose tout au fond de moi, Ensorcelé.
Peut-être mon amour est-il le monde
Il bat
Et ne cherche que toi seul –
Comment donc t’appeler ,
NUR DICH
Der Himmel trägt im Wolkengürtel Den gebogenen Mond.
Unter dem Sichelbild Will ich in deiner Hand ruhn.
Immer muss ich wie der Sturm will, Bin ein Meer ohne Strand.
Aber seit du meine Muscheln suchst, Leuchtet mein Herz.
Das liegt auf meinem Grund Verzaubert.
Vielleicht ist mein Herz die Welt,
Pocht –
Und sucht nur noch dich –
Wie soll ich dich rufen ?
–
Else Lasker-Schüler – SECRÈTEMENT, à la nuit
Avec la présente, je continue la publication des poèmes de cette auteure, réunis dans la plaquette qui porte justement ce nom » SECRÈTEMENT, à la nuit »..paru auxéditions « Héros-Limite »
—
pour rappel mes précédentes publications sont:
Else Lasker-Schüler – Arrivée
SECRÈTEMENT, à la nuit
Je t’ai choisi ‘ Parmi tous les astres.
Et je veille – fleur aux aguets Dans le feuillage susurrant.
‘
Nos lèvres s’apprêtent à préparer le miel Nos nuits chatoyantes sont écloses.
Les cieux de mon coeur s’embrasent À l’éclat radieux de ton corps –
Tous mes rêves irradient de ton Or, Je t’ai choisi parmi tous les astres.
———–
HEIMLICH ZUR NACHT
Ich habe dich gewählt Unter allen Sternen.
Und bin wach – eine lauschende Blume Im summenden Laub.
Unsere Lippen wollen Honig bereiten Unsere schimmernden Nächte sind aufgeblüht.
An dem seligen Glanz deines Leibes Zündet mein Herz seine Himmel an —
Alle meine Träume hängen an deinem Golde, Ich habe dich gewählt unter allen Sternen.
1907
et comme je l’ai fait par deux fois déjà, en écho avec les créations du peintre Andrew Wyeth.., magnifique utilisateur de la lumière…
A noter au passage que ces reproductions sont « rares » – à savoir que c’est scanné d’un livre acheté aux USA, et difficilement trouvable en Europe.
–
Else Lasker-Schüler – Arrivée
ARRIVÉE
Je suis parvenue au but de mon coeur. Aucun rayon n’ira plus loin.
Derrière moi, je laisse le monde
Et les astres – oiseaux dorés – qui prennent leur envol.
La tour de lune hisse l’obscurité
… Oh, cette tendre mélodie qui doucement
me hante… Mes épaules se soulèvent, coupoles hautaines.
ANKUNFT
Ich bin am Ziel meines Herzens angelangt.
Weiterführt kein Strahl.
Hinter mir lass ich die Welt,
Fliegen die Sterne auf: Goldene Vögel.
Hisst der Mondturm die Dunkelheit –
…O, wie mich leise eine süße Weise betönt…
Aber meine Schultern heben sich, hochmütige Kuppeln.
Else Lasker Schüler – MÉLODIE – (1902)
MÉLODIE
Tes yeux se posent dans mes yeux
Jamais ma vie n’a eu si forte attache
Jamais n’a-t-elle été autant ancrée en toi
Éperdument ancrée.
À l’ombre de tes rêves, la nuit venue,
Mon cœur d’anémone s’abreuve de vent,
Et je traverse, florissante, les jardins
De ta paisible solitude.
—–
MELODIE
Deine Augen legen sich in meine Augen
Und nie war mein Leben so in Banden Nie hat es so tief in dir gestanden, So wehrlos tief.
Und unter deinen schattigen Träumen
Trinkt mein Anemonenherz den Wind zur Nachtzeit, Und ich wandle blühend durch die Gärten Deiner stillen Einsamkeit.
1902
Else Lasker-Schüler : – LE CHANT DE MA VIE
LE CHANT DE MA VIE
Vois mon visage arpenté… Plus bas se penchent les étoiles. Vois mon visage arpenté.
Tous mes chemins fleuris Conduisent à des eaux sombres, Fratrie en discorde mortelle.
Les étoiles se sont faites vieillardes… Vois mon visage arpenté.
—
DAS LIED MEINES LEBENS
Sieh in mein verwundertes Gesicht… Tiefer beugen sich die Sterne. Sieh in mein verwundertes Gesicht.
Alle meine Blumenwege Führen auf dunkle Gewässer, Geschwister, die sich tödlich stritten.
Greise sind die Sterne geworden… Sieh in mein verwundertes Gesicht.
Else Lasker Schüler – Au prince Tristan (1912)
AU PRINCE TRISTAN
Sur ton âme bleue Les astres se posent pour la nuit.
Il convient de te parier tout bas, Oh toi, mon temple, Mes prières te font peur;
Par ma danse sacrée, Mes perles se ravivent.
Ce n’est ni le jour ni l’astre,
Le monde,je ne le connais plus,
Hormis toi – tout est ciel.
—
AN DEN PRINZEN TRISTAN
Au/deiner blauen Seele Setzen sich die Sterne zur Nacht.
Man muss leise mit dir sein,
0, du mein Tempel,
Meine Gebete erschrecken dich;
Meine Perlen werden wach Von meinem heiligen Tanz.
Es ist nicht Tag und nicht Stern, Ich kenne die Welt nicht mehr, Nur dich – alles ist Himmel.
1912