Elle fonce
Bernat Manciet – dans la bruine de l’étang

Différents de ceux-là qui dans le Purgatoire s’étant reconnus
s’écartèrent et s’en allèrent tête basse
nous nous sommes étreints dans la bruine de l’Etang
qui nous inonde jusqu’aux os du charme bruissant
Car nous venons d’une brume de froid sans pareil
notre commun lignage de peine et d’ahan
ces aïeux de lande et de mer de mouette et de corbeau
qui trimèrent toussèrent et nulle grâce n’a ruisselé
par les hasards du mauvais temps par toutes les marées
par l’errance des Guerres d’Ecosse à Romagne en poussière lumineuse
ils ont déjà tressé notre destin
et de leur lointain ils nous regardent complices curieux
si nous saurons nous aimer sur les abîmes salés
et de leur dieu d’embruns sur la chevelure décoiffée
extrait de Sonnets
Je me rappelle des brumes du nord – ( RC )

Je me rappelle des vents du Nord,
de la sueur des hommes,
des landes de Bretagne
de la brume
cernant les arbres de partout ,
des légendes
au pays de Brocéliande
du cri des hiboux
et des bateaux fantômes
échoués sur la grève
parmi les méduses.
Je me rappelle des cartes postales
couleur sépia,
et de ces dames
à haute coiffe
des temps anciens
qui gardaient aux creux de leurs mains
quelques brins de genêts
ou de bruyère,
pour des marins revenus
le regard un peu
noyé d’embruns….
Un pont sur les rêves – ( RC )

C’est une voie étroite
qui s’élance
au milieu des flots.
Juste quelques récifs
battus par les embruns
la maintiennent .
Pour prolonger le jour,
sous le ciel étoilé,
il me faudra quelques signes,
ceux du zodiaque peut-être,
un horizon bleuté
pour me rapprocher des îles.
Je jetterai un pont,
quelques lignes sur les rêves,
transformerai le calvaire
en phare de lumière,
très loin d’ici
prêt à immobiliser les vagues.
Est-ce un morceau d’infini
ce ciel qui m’attend
décollé de la mer ?
emportant mon ombre portée
prête à se déchirer
sur les rochers.
Un havre de pierre se détache ,
vacille dans la tempête ,
mais avant qu’il ne sombre
il faut que je dessine
une rue sur l’océan
qui tiendra juste
en équilibre dans l’image
avant que je n’aborde
dans la réalité,
comme le château de sable
qu’efface,inlassablement,
la marée .
Face aux dentelles de Montmirail ( RC )
—
Quelque part,
adossé au corps de pierre,
La pente offrait
juste un répit,
un souffle,
avant de reprendre,
plus drue,
Plein sud,là où la terre n’a pas accès.
Seuls les arbres
accrochés, on ne sait comment,
dans une anfractuosité,
Têtus.
C’est une muraille qui se dresse
Une construction gigantesque de clair,
poussée sur un bleu
sans faille, où elle s’appuie .
Je la devine
plus que je ne la vois,
– lui tournant le dos –
mais elle répercute
Comme un miroir
La chaleur et les embruns solaires.
Embruns étirés de senteurs âpres
de romarins et de buis.
Je suis assis
devant une parenthèse
— aride
d’éboulis grisâtres .
On se demande
ce qui retient
ces roches déchiquetées, mâchées…
de dévaler plus bas :
Juste comme si la montagne
s’ était débarrassée,
en s’élevant,
d’éléments superflus.
A la manière d’un serpent
abandonnant sa mue:
une enveloppe
devenue inutile.
C’est un jour
où le mistral se repose :
En automne,
on n’entend plus les cigales
Mais le murmure de la vallée lointaine ;
peut-être un ruisseau,
Le léger bruissement des feuillages ,
les traits espacés du vol de rares oiseaux.
Au fond, le soleil caresse
des rangées de vignes
soigneusement peignées,
virant sur les jaunes, les orangés.
Peu de champ libre,
avant qu’une nouvelle vague minérale,
s’élève, accélère son mouvement,
jusqu’à ce que chênes et pins abandonnent.
Au pied d’une grande couronne de pierres,
sentinelles verticales,
à la façon de supports de dolmens,
dont il manquerait la table…
Forteresse censée surveiller
une mer disparue,
oublieuse,
bue, par le basculement des choses
inscrit dans la roche,
et ainsi de suite jusqu’aux îles
de la Méditerranée attendant un signal
pour se dresser à leur tour .
–
RC – oct 2015
voir aussi https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2016/03/20/quelques-pas-vers-les-dentelles-1-rc/
Etienne de l’Abbaye – A l’avant de sa colère
sculpture: J Pierre Baldini
–
A l’avant de sa colère
E de l’Abbaye propose beaucoup de ses créations sur son site « carburatrices »
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la diagonale du sud – (RC )

installation: James Turrell
–
L’attente, sous le carré du ciel
Faisait glisser des hordes d’images, de nuages
Qui peut-être iront rejoindre
Les lointains qu’attendait aussi ton pays
C’est une main qui tâtonne
Les colonnes solitaires
Les arbres et moignons de pierre
L’univers emmêlé , des pentes du Larzac
Puis les vallées riantes et ordonnées
Et les étoiles allongées des villes,
Et les stries des vignes étagées
Se freinant dans l’espace soluble
Des poteaux alignés des parcs salés ,
Alors que veillent toujours sur leur colline
Les gardiens de l’éternité, qui capteront
– ils en ont le temps-
Les fureurs , ou chuchotements du vent
Et tu seras là, à traduire des embruns
La langue-distance du paysage
Le corps perdu de la parole-voyage.
RC- 2008

Rabah Belamri – Cette nuit
1
cette nuit
la mer manque de tendresse
horizon de roches
afflux de rouille dans les membres
le pêcheur s’épuise à capter son visage
si près de l’abîme
2
les terrasses du sommeil basculent
l’écume se fait banquise
je reviens néanmoins contre ta hanche
dénudé par la rumeur de l’aube
3
même le ciel des prophètes prend feu
à ta crinière
ô Boraq de désir
tes ailes bleuies d’audace
inversent l’oeil de la mort
4
ce matin
l’île penche sous son poids de lumière
une fillette court sur la dalle des prières
je reçois les embruns de son rire
Rabah BELAMRI