Une expérience de physique – ( RC )
peinture: James Ensor: autoportrait aux masques
Si je me rappelle mes cours de physique,
ce seraient de ces forces opposées,
qui s’affrontent comme des pensées contraires.
L’expérience renouvelée du couple de torsion
engendre le mouvement inverse
dès lors que les contraintes se relâchent.
Si l’art est sujet à ces contraintes,
que deviendrait-il si celles-ci disparaissent ?
Les paysages tourmentés reviendraient-ils au calme,
Van Gogh ou Ensor, échangerait-ils leur style
pour des autoportraits
qui pactisent avec ceux de Rembrandt ?
Leur visage, dans la réalité qu’ils traversent
est-il parcouru par le temps
qui leur impose leur marque ,
comme la tension d’une corde
trop serrée laissant son empreinte
en creux, dans la peau ?
Relâchons la tension, annulons ces forces …
le visage représenté deviendrait-il aussi lisse qu’un masque neutre,
n’ayant rien à confier à notre propre regard ?
masque traditionnel mexicain: photo Bruno Grandjean
Le ruban noir – ( RC )

J’ai vu cette main en gros plan,
posée sur un membre,
ou un corps souple .
Peut-être était-ce celui d’un autre
plutôt que celui de la personne
à qui appartient la main.
Rien ne l’indique .
Ou peut-être une petite différence
de pigmentation de la peau :
Les doigts sont face à nous .
La main repose, légère,
abandonnée.
Lassitude, tendresse ?
Elle s’enfonce apparemment
dans la peau, souple, accueillante.
Mais les ombres sont pourtant assez marquées :
elles tirent sur le mauve.
Ce qui surprend ,
c’est aussi l’ombre portée du bras
sur l’arrière plan,
placé précisément sur l’axe diagonal du tableau ;
comme si celui-ci était plaqué
sur la surface d’un mur,
donc n’ayant pas l’espace nécessaire
pour qu’il puisse se poser
sans faire une contorsion.
C’est une main féminine,
et le torse, horizontal,
si ç’en est un,
montre un petit grain de beauté
au niveau du pouce :
cela fait un ensemble empreint de douceur,
mais l’arrangement de l’ensemble
ne semble pas tout à fait naturel :
la position rappelle un peu
celle de la main de l’Olympia, de Manet.
Le titre attire notre attention
sur un ruban noir étroit,
noué au niveau du poignet.
C’est un détail,
qui réhausse le côté un peu blafard de la chair;
et on se demande s’il y a un sens particulier,
donné par sa présence:
s’il était placé plus haut,
ou ailleurs,
plus épais, d’une teinte différente.
Si le nœud n’était pas si apparent…,
et s’il n’y avait rien du tout,
seulement son empreinte ?
Comme un ruban du même type
est aussi présent dans l’Olympia,
mais autour du cou, et noir également
c’est une similitude,
comme l’oblique du bras,
qui n’est peut-être pas fortuite ,
et on s’attendrait sur d’autres toiles,
à des rapprochements similaires…
–
Sois partout où je ne suis pas – ( RC )

Sois partout,
où je ne suis pas :
j’aime l’embrasement
des anges dans le bleu,
quand la nuit s’éteint
et que le jour pointe…
Comme si, derrière tes yeux,
je devinais ces matins,
où la pluie tombe, continue.
Ce sont des fléchettes
qui se plantent dans le sol,
et hachent ce qu’il reste de blanc.
La neige se dissout
en pâte molle.
L’épaisseur blanche se rétrécit,
telle une peau de chagrin
et on voit à travers les herbes
qui réapparaissent, têtues .
Derrière tes yeux,
les saisons s’apprivoisent.
- J’ai beau essayer,
je ne verrai jamais
ce que tu vois, ni le jour,
ni la nuit qui se morcelle…
Un magicien ne pourrait
échanger nos regards,
et dans l’aube aucune empreinte
de morsure ne demeure:
l’air ne garde pas trace
de ce que tu as vu.
Parme Ceriset – me fondre au temps

Et je me fondrai au vent des hauts plateaux,
à l’odeur de calcaire, empreinte métallique
des rêves d’insouciance évadés dans l’or bleu
du temps qui s’évapore.
Je me fondrai à l’eau des ruisseaux de jouvence
où les âmes galets des humains disparus
roulent sous les flots calmes des vies en partance,
je me fondrai à Tout ce qui bruisse dans l’ombre,
à tout ce qui renaît aux lueurs de l’Aube
et je serai rosée sur les feuilles de joie
et je serai l’eau vive en ton cœur de vivant.
Textes extraits du recueil « Femme d’eau et d’étoiles » de Parme Ceriset (éditions Bleu d’encre, préface Patrick Devaux) paru à l’automne 2021.
Houle et boucles, gestes liquides – ( RC )

Houles et boucles,
une main emportée par les flots
tenant un pinceau :
un ressac ,
un lavis d’encre de chine …
un geste liquide
laisse son empreinte légère
sur le papier.

Mouvement perpétuel – ( RC )
image: Thibault Balahy
La mort est toujours là
et m’accompagne,
sans que j’y prête attention.
Je la fais voyager avec moi,
regarder par mes yeux.
Elle ne vient pas vers moi,
c’est moi qui vais vers elle.
Je me dilue dans mon propre reflet
et finis par m’y perdre.
N’allez pas m’y chercher.
Dans le ciel gris
un oiseau en a remplacé un autre.
Rien ne les différencie.
Deux gouttes d’eau dans l’air,
qui a fléchi.
Celui qui est tombé
pour ne plus se relever,
a rejoint les bois couchés,
et la boue à côté des marais,
– empreinte éphémère -.
C’est un mouvement perpétuel
à la mort , à la vie.
L’un passe d’un état à un autre.
Un arbre se déracine
sous la poussée du vent.
Une pousse impatiente prend sa place
hâtive de connaître elle aussi la pluie,
les saisons et la solitude des soirs:
tout se côtoie sans que l’on puisse
séparer la vie de son reflet inversé .
inspiration: les carnets de Gabrielle Segal
Comme se consument les heures – ( RC )
peinture: Paul Klee
—
S’il faut laisser passer les heures ;
ce sont des images fugitives,
elles se consument, comme du papier qui brûle,
et il n’en reste rien.
Même pas un peu de cendre.
Alors, justement , où est l’empreinte,
d’où peut naître la future lumière ?
Il faut que je la creuse,
que j’y dépose des paroles,
que je sème quelque chose
pour marquer ce qui passerait
pour un désert :
fertiliser le temps
d’un poème, avant que le jour ne s’éteigne .
Certains diront que je n’ai pas vécu pour rien.
–
RC avr 2017
Thomas Duranteau – Ruine
( extrait du recueil Gastrolithes)
–
Ruine posée au bord des routes
pour dire l’absence
photo laissée à la poussière
Serrer trop fort
l’ombre d’une empreinte
Confrontés à la matière, même… – ( RC )

photo Martin Pierre – falaises du Vercors
Confronté à la matière même,
il y a toujours cette opposition,
ce défi qu’elle nous propose,
en particulier quand les dimensions font,
qu’il s’agit d’un obstacle.
Comment traverser l’obstacle,
comment s’y appuyer,
le palper, en jouer , comment en tirer parti,
pour essayer de surpasser ses propres limites
( les nôtres et les siennes ).
Mais la matière est.
Elle s’impose.
Elle n’est jamais vaincue,
De par sa continuité, son existence,
de son inertie même.
Qui , des navigateurs, se sont risqués sur la mer ,
en tablant sur des vents calmes,
des oracles favorables,
n’ont pas oublié les dangers qu’elle recèle,
et leur sillage n’a pas laissé d’empreinte .
Quand je vois le trapèze hautain de la montagne,
sa face bleutée parcourue d’ombres,
striée de troncs d’arbres,
la pente est toujours là . Elle s’oppose de le même façon,
même si je l’ai franchie hier .
Quand j’établis un itinéraire sur la carte,
je sais que des détours s’imposent,
qu’il me faudra contourner les précipices,
et emprunter obligatoirement, les quelques ponts
jetés au-dessus de la rivière.
Supposons que je doive franchir un désert,
c’est toute une stratégie à mettre en place,
pour qu’on puisse s’assurer de subsister
matériellement, pas seulement question climat,
mais en anticipant sur l’imprévisible…
Quelles que soient les heures et moments,
ce qui a été hier, est encore là aujourd’hui.
Ce n’est pas une vue de l’esprit,
Et justement, par son essence même,
la matière impose sa masse par rapport à l’abstraction.
C’est un corps, un vrai corps,…. sur lequel on habite.
Il se manifeste de toutes façons,
Même de la façon la moins perceptible
Comme s’il déguisait, selon les circonstances,
Sa façon d’être…
Il affirme obstinément sa présence.
Ce corps est matière, et se rappelle à nous.
C’est en quelque sorte une partie de notre existence .
–
RC- juin 2015
( texte né de la confrontation avec des écrits de Claude Dourguin, dont voici deux courts extraits ).
—
Les pins reviennent, clairsemés, avec leurs branches irrégulières, mal fournies, leur port un peu bancal qui
témoigne assez de ce qu’ils endurent. Nul tragique, pourtant, ne marque le paysage, entre conte et épopée
plutôt la singularité des lieux soumis à des lois moins communes que les nôtres, obligés à un autre ordre.
Chaque arbre tient à son pied, qui s’allonge démesurée et filiforme son ombre claire, grise sur la neige. Ces grands peuplements muets et fragiles d’ombres légères comme des esprits, le voyageur septentrional les connaît bien, une affection le lie à eux. Il traverse sans bruit leur lignes immatérielles dans le souvenir vague, qui les fait éprouver importunes, grossières, de la densité, de la fraîcheur, de l’odeur terrestre ailleurs, sur quelque planète perdue.
–
La contemplation de la montagne implique une intériorité plus grande que celle de la mer…. /…
C’est toute une trame narrative, avec ses anecdotes en sus, le passage d’un bateau de pêche, l’apparition d’une voile là-bas, le train des nuages au ciel, qui se met en place. La montagne, elle, souvent déserte, immobile ne connaît que les modifications de la lumière, beaucoup moins rapides sous les climats qui sont les siens.
De l’image, son retour permanent – ( RC )

sculpture: La Dame d’ Elche, Huerto del Cura, Elche, Espagne
–
Ce texte est une variation » réponse », sur celui de Jean Malrieu ( qui suit )
–
—
D’avril à novembre,
De Novembre à avril,
Je tisse à l’endroit, à l’envers,
Des mailles pour que je contourne l’hiver .
J’écris toujours, à la lumière de tes feux :
Et ceux-ci sont un don.
Une présence faisant s’ouvrir mes yeux,
Même aveuglé par la pluie fine des jours .
Ceux ci passent et, même changeants,
Sont un retour permanent .
Et si les sillons du temps,
Laissent leur empreinte sur ma peau…
Ton image est un miroir,
Suspendu quelque part,
Impalpable et lisse,
Au delà du tain .
Chaque chose est nouvelle,
Et toi, vivante, au défilé des heures.
–
RC – nov 2014
—
.
Je suis devant toi comme un enfant,
plein de pluie et de ravage,
ai cour d’un automne de silence
comme au centre d’une place assiégée
par l’herbe brûlée.
Je t’écris pour alléger le temps.
Cette page que je griffonne est un miroir.
D’elle va surgir un destin inattendu.
Car ma lutte contre le temps est ancienne.
J’écris toujours la même chose :
elle est nouvelle.
Que je lise à l’envers, à l’endroit,
l’inquiétude est éclairée
Je n’y peux rien.
Les années passent, me révèlent.
Mon visage s’affirme sous la pluie fine des jours
qui vient vers nous sur ses milliers, de pas agiles.
J’écris pour être avec toi
dans la paille douce et chaude de la vie.
Jean Malrieu
Patrick Ourednik – extrait de » Instant propice 1855
–
Oui, un matin nous avons compris que les gens se mordent, se dévorent, se haïssent, pour toute éternité.
Ne soyons pas des hommes, nous dîmes-nous, soyons des arbres, soyons l’ombre des branches, soyons des empreintes au sol.
Soyons nus, fondons le royaume des nus, soyons transparents et sans peur.
Patrick Ourednik
—
Instant propice 1855 est paru au éditions Allia 2006
Du corps j’ai perdu l’empreinte – ( RC )

photo: Ivar Ivrig
–
Des brûlures noires,
Aux paroles tendues
Se consument encore
Dans un Styx immobile
Quand la pensée se fige,
Etranger à son propre corps,
Un pays natal, où s’oxyde
Une eau au goût,
Qu’on ne reconnaît plus .
Ou seulement le goût
De la cendre,
A regarder s’éloigner,
Toujours davantage,
La rive, les champs.
Ils ne sont plus que surfaces ocres,
Et les arbres une masse sombre,
Un crépuscule du désir,
Et les braises éteintes ;
( du corps j’ai perdu l’empreinte ) .
On y distingue même plus,
Les fleurs piétinées,
Le tout sera bientôt,
Recouvert par un rideau de fumée…
–
RC – 28 novembre 2013
–
Fernando Pessoa – Plutôt le vol de l’oiseau
–
Plutôt le vol de l’oiseau qui passe sans laisser de trace,
que le passage de l’animal, dont l’empreinte reste sur le sol.
L’oiseau passe et oublie, et c’est ainsi qu’il en doit être.
L’animal, là où il a cessé d’être et qui, partant, ne sert à rien,
montre qu’il y fut naguère, ce qui ne sert à rien non plus.
Le souvenir est une trahison envers la Nature,
parce que la Nature d’hier n’est pas la Nature.
Ce qui fut n’est rien, et se souvenir c’est ne pas voir.
Passe, oiseau, passe, et apprends-moi à passer !
–
Fernando Pessoa, Je ne suis personne, C. Bourgeois Editeur, 1994,p. 148
En savoir plus sur http://www.paperblog.fr/1472971/plutot-le-vol-de-l-oiseau/#gfQC0XshTft21B9h.99
–
Projections – ( RC )

dessin: Carl Mehrbach / drawing_No1-1977.jpg
On peut toujours faire appel aux interprètes,
Pour savourer la couleur des mots,
Rendre la douceur des peaux,
Et dire la pesanteur des jours,
En plaçant une feuille de papier,
Entre ce qu’on perçoit du monde,
Et son espace , rouillé des couleurs
Qui se mélangent hors de notre atteinte.
Mais se traduisent néanmoins,
Par ce que j’y projette …
Une empreinte dont l’obscurité,
Accompagne notre marche.
Des pas lourds, et ,à tout âge
On peut me suivre à la trace,
Les pistes s’emmêlent, se contredisent…
Je me perds souvent dans la forêt des songes.
C’est sans doute justement,
Parce qu’il y a cette feuille,
Sur laquelle la joie cotôie la tristesse,
Et les écritures s’y recouvrent.
–
RC- Janvier 2014
Traces frottées ( RC )
( Traces frottées , sont en rapport avec l’art de Larry Rivers )
—
L’arc même
Des traces frottées
L’ombre d’un regard
Evoqué,
L’empreinte passagère
Mine de plomb.
Il y a ce souvenir
Des tableaux des musées,
Et les peintres qui déposent,
Disposent , de la mémoire
Les maîtres hollandais se retrouvent
Sur les boîtes à cigares,
Comme Olympia
Alanguie
Surprise peut-être,
Avec sa servante noire,
Et un chat
Qui passait par là…
Ou Washington
Extrait de l’histoire – la grande –
Juxtaposé aussi
Aux portraits de modèles anonymes
Et leur présence,
En traces frottées…
RC- 10 novembre 2012
–
Je viens aussi de publier, sur Larry Rivers, cité ici, cet article dans « art-encore »
peinture-volume: Larry Rivers: I LIKE OLYMPIA IN BLACK FACE, 1970.
–
François Cheng – Suivre l’empreinte de l’oiseau
Mais l’oiseau point d’empreinte
Ne laisse. Son empreinte est
Son vol même. Nulle trace
Autre que l’instant-lieu,
Joie du pur avènement :
Lieu deux ailes qui s’ouvrent.
Instant un coeur qui bat.
Dans mes bras (RC)
Dans mes bras
Cachée au creux de mon ombre
Blottie sur mon épaule
Pleurant comme un saule
Tu es venue briser le sombre
Epouser de mon épaule, le creux
Piquer ton front à ma barbe naissante
Offrir ton dos à mes mains apaisantes
Je t’ai séchée de mon mieux
J’ai bu le vin clair de tes yeux
Tes sanglots étaient bleus
Ma langue salée, de tes soupirs
Le goût d’amers souvenirs
Egarée dans le labyrinthe
Tournant dans les couloirs noirs
A la recherche de l’espoir
Tu m’as laissé ton empreinte.
Le regard battant, et ses cils
Tu m’as pris par la main et dit
Que c’était loin le paradis
Mais je t’ai donné le fil
D’Ariane peut être, qui t’a permis
De retrouver le chemin de lumière
Sans plus regarder derrière
En me disant.(cher marquis…), mon ami…
Je ne sais s’il faut lier
çà à la descente
En trop forte pente
De vos escaliers
Ou s’ il fallait monter chercher
Dans la forêt sombre votre source claire
Par un jour d’orage, parsemé d’éclairs
Mais j’ai pris tes larmes, pour les sécher
Doucement est arrivée l’embellie
De tes beaux poèmes, c’était une bulle
Dont facilement, suis devenu l’émule
En rebondissant dans les éclaircies
Je sais tout ce que l’esprit recueille
Tout ce que le corps exige, et gémit
Aussi , tu es devenue complice à vie
Et mes bras, toujours, t’accueillent