escargots de cimetière -( RC )

On ne pourra jamais dire
si les morts se souviennent
de leur existence .
Maintenant, à l’ombre des cyprès
ils peuvent simplement
parier sur les escargots
qui se promènent sur leur tombe,
savoir qui franchira le premier
l’enclos, dès la première pluie
pour longer le mur de l’église,
mais il est peu probable
qu’ils pénètrent à l’intérieur :
l’odeur d’encens ne les attire pas;
l’eau bénite a le goût des cierges.
Ils préfèrent les morts aux vivants,
ceux-là ne risquent pas
de les écraser
avec leurs gros sabots….
Paul Vincensini – Des paniers pour les sourds
Peinture: JF Millet : paysans bêchant
L’âcre odeur de sueur
Qui monte de la terre
A dissipé l’encens
Et ronge les suaires
Les mains durcies fermées par le labeur
Et les mains sans limites
S’effilochant en rêves
Se cherchent et se crispent
Dans la même douleur.
« Des paniers pour les sourds », 1953.
L’aspra adori di sudori
Chì cresci di a tarra
Hà alluntanatu l’incensu
È runzicheghja i fossi
È i mani induriti è senza fini
Chì si starpiddani in sonnia
Circhendusi stantarati
In un stessu dulori
Soleils des gongs – ( RC )

photo: commémoration de l’anniversaire du Bouddha – Indonésie
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Le frisson, soudain prend de l’amplitude,
Le soleil des gongs, s’élargit .
Proche. On pourrait presque le palper.
Ses rayons fusent dans l’espace
Et se posent sur les ors des Bouddhas.
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Le temple est sérénité…
Même l’encens est immobile .
Il plane, comme brume d’automne,
Sur l’assemblée agenouillée,
Qui médite …. – orange .
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RC- juin 2015
Adonis – la plume du corbeau
LA PLUME DU CORBEAU
1.
Je viens sans fleurs et sans champs
Je viens sans saisons
Rien ne m’appartient dans le sable
dans les vents
dans la splendeur du matin
qu’un sang jeune courant avec le ciel
La terre sur mon front prophétique
est vol d’oiseau sans fin
Je viens sans saisons
sans fleurs, sans champs
Une source de poussière jaillit dans mon sang
et je vis dans mes yeux
je me nourris de mes yeux
Je vis, menant mon existence
dans l’attente d’un navire qui enlacerait l’univers
plongerait jusqu’aux tréfonds
comme un rêve
ou dans l’incertitude
comme s’il partait pour ne jamais revenir
2.
Dans le cancer du silence, dans l’encerclement
j’écris mes poèmes sur l’argile
avec la plume du corbeau
Je le sais: pas de clarté sur mes paupières
plus rien que la sagesse de la poussière
Je m’assieds au café avec le jour
avec le bois de la chaise
et les mégots jetés
Je m’assieds dans l’attente
d’une rencontre oubliée
3.
Je veux m’agenouiller
Je veux prier le hibou aux ailes brisées
les braises, les vents
Je veux prier l’astre dérouté dans le ciel
la mort, la peste
Je veux brûler dans l’encens
mes jours blancs et mes chants
mes cahiers, l’encre et l’encrier
Je veux prier n’importe quelle chose
ignorante de la prière
4.
Beyrouth n’est pas apparue sur mon chemin
Beyrouth n’a pas fleuri – voyez mes champs
Beyrouth n’a pas donné de fruits
Et voici un printemps de sauterelles
et de sable sur mes labours
Je suis seul, sans fleurs et sans saisons
seul avec les fruits
Du coucher du soleil jusqu’à son lever
je traverse Beyrouth sans la voir
J’habite Beyrouth mais je ne la vois pas
L’amour les fruits et moi
nous partons en compagnie du jour
Nous partons pour un autre horizon
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traduit de l’arabe ( auteur libanais ) – par Anne Wade Minkowski
Chants de Mihyar le Damascène Sindbad
La Bibliothèque arabe 1983
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