Franck Smith – noir solstice

je ne comprends pas
pourquoi toujours l’inquiétude doit être profonde
le ciel bleu la mer épaisse et profonde
le souvenir épais et bleu chaude
la chaleur de l’été solide
l’ennui ne comprends pas printanier
et bleu le bouquet comme noir
le soleil noir mouillé de noir
et c’en est fait du ciel pourquoi
radicalement noir comme celui
et c’en fut fait du ciel le noir dans la bouche
je ne comprends pas pourquoi
après le noir le blanc toujours
ensuite non ne comprends pas
tu comprends toi pourquoi
et où et de quoi as-tu peur dans le noir
quelle est la longueur dis cette peur rayonnante
sa lenteur
son caprice
dans le noir qu’elle est
radicalement
puisqu’il n’existe pas
le nom du jour n’existe pas
c’est noir quand le jour
n’est plus
non je ne sais pas
écoute un nom contient
le noir un noir un autre noir
au même endroit
c’est comme
le vent c’est comme
l’électricité
c’est comme la mer après
dont tu ne comprends pas
l’équilibre
la force non
et nous ne savons pas
plus de même
au même endroit
de cette peur
entre le vent
radicalement faible
de tout entier
et dérisoire
c’est comme la proie
la tache
noire aux sombres soucis
et tu te tais
et c’en fut fait du ciel
III
noir
c’est un peu d’orange pourtant
une branche ou deux qui font éclater les valises
je partirai passerai par l’usure du monde
je vais partir c’est sûr puisque
je te le dis dans le noir
te le dis dans la plus éculée des disparitions
avec à coté de moi quelques mots quelques oublis
une misère sans importance des baleines bleues
au ventre je te chercherai au coeur net
de ce que je refuse à côté si proche
la rivière du désordre dérisoire et vraie
te dira une absence
IV
je vais partir c’est sûr les mots
arrangeront un visage aimé
aux contours à peine dégrossis
je n’aurai aucun retour aucune peine à me perdre
V
quel noir est-ce qu’on voudrait tenir
pour endurer un silence moins inquiet
un sourire dénué du feuillage
des signes
quelque chose mauvais encore
et tenir têtes et gestes
je vais partir dans ce noir
que tu ne sais pas
donner
ni répondre
en cette seule et petite
fréquentation du mal
le mal-dit le mal-compris
autant de mensonges
ni personne
VI
les pas seront ceux du bleu effrayant et fatigué du malheur mal guéri
après l’autre après les autres feront-ils offrande ‘ c’est toujours
un peu non un peu seulement sauf que non c’est pas pareil à des patiences difficiles
VII
je ne sais pas pourquoi le ciel
je ne sais pas pourquoi le ciel la nuit
je ne sais pas pourquoi tant le ciel si l’obscurité
tant la nuit tant va le ciel
ne sais pas jamais
tant d’obscurité que si la nuit
alors qu’au ciel
et au-delà
bien au-delà
l’épaisseur des herbes-où nous courons
dans le ciel
, VIII
pour aller où je sais que j’aime ça se traverse longtemps aussi longtemps que l’eau
chaque force chaque éclipse » et rien pour dénombrer le temps
L’inspire se dévide ( RC )
l’inspire se dévide, et il pense danse
– des graffitis sur le mur ,
essuie, il faudrait une gomme
– en attendant,
– ou un peu de toile émeri,
pour revenir au vert d’eau,
qui surmonte les carreaux.
Et chacun, passe , et y ajoute ses mots,
ce sont des obscènes
qu’on ne trouve pas en poèmes.
Ou bien la calligraphie grasse
des feutres, ceux qui arrivent à dégouliner,
– et s’obstinent, entre la chasse,
et la cuvette , dont l’abattant pend.
Le bonheur des mouches, qui se mirent
dans les lignes d’eau,
jointoyure incertaine au creux des carreaux,
que le sol a recueilli,
– restes de rouleaux roses.
Voila de nouveaux parchemins , pour donner
libre-cours – aux talents d’écriture,
quel dommage de négliger ainsi , – qui cristallise
l’avancée de l’esprit !!. –
Mais c’est faute au confort, ce papier rose
qui s’enfonce,
sous la pointe revêche du stylo,
ou même la mine de plomb – crayon.
Il semaillerait des mots,
l’inspiration du moment,
un moment bien choisi,
au regard du bruit de la rue,
– drôle d’endroit pour régler sa montre –
derrière la porte épaisse , – bois, qui arrive à mi-tête,
targette branlante,
la place , déserte à cette heure
pourtant, oui, il reste encore
les trognons des choux-fleurs
et des morceaux d’orange moisis , – après le marché
et des cagettes enchevêtrées,
– la balayeuse ne va pas tarder à passer
dans les guenilles de la ville- ,
et les mots en cascade qui dérapent,
comme pas permis, – se dilapident les pensées,
les pleins et délirés ——- que tout rentre
dans l’ordre lorsque qu’il sort ! -se trouver
quelque chose à dire,
pour coller l’avalanche cataplasme d’écriture,
il te faut ce beau papier,
— mais où sont-ils, justement
ces mots qui te venaient en flammes ?
–
RC avril 2013
–
La plume vagabonde ( 2 ) – ( RC )
J’ai récupéré un morceau de papier
qui m’attendait là, où on n’attend plus
qu’un remous originel,
… et parfois longtemps,
qu’il fleurisse
… Mais en quelle saison était-ce déjà ?
Le don de la lumière
la couleur qui s’annule, en flocons,
autant les mots s’enchevêtrent,
et disputent à la nuit,
leur encre sympathique …
Il fallait contourner un rocher solitaire,
déplacer en un mouvement circulaire
ces graviers en nappes, étendus
à l’ombre des bambous,
agités par un souffle,
qui me fit d’écriture,
détachés du sol,
l’encre mouvante des nuages
d’étourneaux,
délivrés du souvenir de l’été.
Etant , des deux
( rocher et papier,
son ombre et l’esprit
en cavalcade ) – pris au geste,
le râteau ordonne les mots
comme ils viennent,
ou la brosse d’encre
effleurant la surface des choses, —-
———–Il n’y avait pas de choix possible,
plus d’envers et d’endroit
sur la feuille aérée prenant son envol,
au jardin de la plume …
Le texte s’est fait sensation,
et l’émotion image
Avec ( ou malgré) moi.
RC – 11 novembre 2012
la « plume vagabonde », a fait l’objet d’un « premier épisode », publié ici
…
Si l’envers était endroit ( RC )

aquatic world ou Russell Blackwood
Si l’envers était endroit
Et le sommeil liquide, le reflet du monde, et celui des plus proches, les sombres forêts moussues, en sentinelles.
Et les algues, au milieu de la matière glauque d’un en-dessus de ciel…
La mémoire porterait le souvenir d’un monde terrestre,
Quelque part, comme en réminiscences.
Plus de pesanteur terrestre pour ta chevelure, que seuls les courants mouleraient de leurs doigts.
Plus de pesanteur pour ta robe, en cloche comme une méduse habitée de toi.
Plus de distance de paroles, même la bouche ouverte, où viendrait parfois s’interposer, l’ombre d’une carpe.
L’ange de l’étang ne montrera pas ses larmes, puisque mêlées aux ondulations des tiges têtues des nénufars.aux parapluies étalés au regard d’un autre monde, collé à la lumière.
Seules les grenouilles en traduiraient l’existence, et , dans leur prophétie, nous diraient les sources, et les orages.
Silence cependant des eaux étales, juste piquetées, en surface, de temps en temps par des points de pluie, ces seules notes de musique d’un piano mouvant, accompagné d’éclairs furtifs…
Et nous serions dressés, à l’horizontale, ou tête bêche,
-peu importe – , à la pliure du monde, la vie traversière….
RC – 23 juin 2012
–