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Métaphore d’un confinement – ( RC )


projet « Forest City » Malaisie

Le temps languit, étiré
en toute liberté,
croit-on…

Il n’y a pas de barreaux à nos fenêtres,
le cœur profane de la ville
est encore vide
et la pensée ne s’encombre plus
d’une pluie battante

les voix du monde
se sont arrêtées
sur une muraille de verre
car même l’orage est confiné
derrière une grande barrière :

il ne reste plus qu’à compter les jours,
détacher les brins de laine
pris dans la peine et les barbelés
de nos chemins.

Eux s’en vont bien quelque part,
retrouver les sommets,
les cheveux des fougères :

( peut-être qu’ailleurs coulent les rivières,

comme se rassemblent les larmes
d’une multitude de ruisseaux
à la suite d’un crime métaphorique )
emportant avec lui l’espoir
et les désirs avec le temps.

Le temps est toujours innocent.
Il ne connaît pas l’enfermement,
les murs de l’appartement.
Puisque tu es immobilisé…

tu peux toujours sortir de ta tanière
par la voie de l’imaginaire…


Nelly Sachs – Tant de graines aux racines de lumière


the Prophet Elijah Пророк Илия
Icône
Ascension enflammée d’Élie avec une vie (XVIIe siècle) (collection privée)

Tant de graines aux racines de lumière
qui arrachent aux tombes leur secret
et le confient au vent
pour parsemer d’énigmes en langues de feu les chevelures
des prophètes,
et apparaissent dans le bûcher blanc du mourir
avec tous les aveuglements de la vérité
quand le corps près de là repose
avec l’ultime souffle dans les airs
et ce bruit de chaînes dans le retour
et l’enfermement de fer dans la solitude
et tous ces yeux perdus dans le noir —

-extrait de Enigmes ardentes ( recueil re-publié chez Verdier sous le titre « Partage-toi, nuit )


Magnolias – (Susanne Derève)


John La Farge - fleur de magnolia

John Lafarge – Magnolia 

Arbres grêlés  de l’hiver qui griffez l’horizon

de vos bras nus

Les magnolias fleurissent déjà

étoiles roses     étoiles claires

et les mouettes décrivent de grandes arabesques blanches

au-dessus des toits    épousant le vent d’une aile légère

Qui voudrait  croire que c’est aujourd’hui

le printemps ?

Les rues déroulent leur ruban de silence jusqu’à la mer

et la mer elle-même est silence

Les fenêtres sont closes   la ville muette

les parcs  les jardins   déserts

scilles, jonquilles, violettes

furtivement écloses

et leur parfum vivace

enfoui dans le lit des sous-bois

Tu tentes bien d’en ranimer l’émoi

mais son souvenir te trahit

il s’évanouit et se dérobe

comme un voile trop fin

une image tremblée qui file entre les doigts

Alors, tu restes assis vainement  à rêver

de chemins creux

du vert acide des futaies

Tu voudrais éprouver encore le fourmillement

de la marche, l’élan que tu imprimais à ton pas,

le chant des cailloux sous tes pieds

tu te souviens     et tu voudrais   et tu oublies :

tu ne peux pas.

 


Sur une photographie de Dora Maar – Man Ray – 1936 ( RC )


 

Sur une photographie  de Dora Maar - Man Ray   - 1936  ( RC )

 

Les mains  posées sur le mur,

aplaties , blanches, sous leur poussée,

et même transparent, invisible obstacle,

celui-ci porte aussi leur ombre.

Elles  se mêlent, d’un défi obscur

à la promesse du vivant.

Le visage voisine son négatif,

à la façon d’un masque.

Lui aussi regarde un au-delà

caché  derrière nous.

Des fentes le parcourent.

Ou bien        est-ce inscrit dans notre oeil?

Ainsi ce serait ce poids de ciment,

griffé par les années,

supportant son être et l’enfermement

en empreintes négatives.

 

 

RC –  janv  2016

 


Armando Valladeres – cavernes de silence


Faisant  suite à ma publication:  « à l’ombre »,

j’ai trouvé un nouveau texte  du poète cubain Armando Valladares, qui va dans ce sens, et qu’on peut  lire  ici…

– j’ai fait une  légère modification (  à la fin) sur la traduction proposée..  voir

Armando Valladares.Poeta cubano. « Cavernas del silencio »1983

Tu dis être libre
-je ne sais pas si tu y crois
mais au moins le dis-tu.-
La liberté n’est pas espace
où l’on peut marcher
pas même un lit
où coucher à deux.
Tu dis être libre
et tu n’as pas de mots
car tu ne fais que répéter
-bouche fermée-
ceux qui te sont donnés.
La liberté n’est pas un pain
-parfois sur la table-
ni un peu de bière
ou de quoi fumer un peu.
La liberté c’est faire ceci :
écrire ce que tu penses
hurler ce que tu détestes
même si tu dois le payer
par des années de torture
même si tu meurs de l’enfermement
dans cette solitude.