Un corps incarcéré – ( RC )
Et si le corps a son enveloppe,
détaché de la terre,
sans les racines d’un arbre,
pour y puiser l’eau et le feu,
circule à mon insu,
la sève du sang,
le tout en circuit fermé,
mais pas si loin du ciel,
respiré en parcelles,
où pleure la terre brûlée,
le caprice des nuages
et les eaux des anges.
Il y a des cascades,
des venins, des ombrages,
des artères qui se crispent,
des veines qui se lâchent,
et sous l’apparente liberté
d’agir et de penser,
un corps incarcéré.
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RC – août 2017
C’est pour celà que tu l’as reconnue – ( RC )
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Que se passe-t-il, une fois retraversé le temps ?
Ou plutôt que le temps nous ait retraversé.
Tu as enfoui dans ta mémoire un évènement
vécu dans ta jeunesse… oh, rien de spectaculaire :
une impression, un bruit, une odeur , une image.
Et tout cela s’est transformé en une petite boule invisible,
une graine, comme il doit y en avoir tant d’autres.
Puis un jour tu es revenu au même endroit,
et ces impressions, ces odeurs, identiques
sont venues te traverser, comme si tu étais passé
de l’autre côté d’une surface, qui serait venue
s’interposer, entre ce que tu étais
et ce que tu es aujourd’hui.
Tu saisis une limite mystérieuse,
qui n’a pas de consistance,
encore moins que celle du tain d’une glace
où tu sembles regarder un autre toi-même
avec lequel tu serais prêt à dialoguer.
Bien entendu, d’autres morceaux d’existence ,
d’autres graines seraient prêtes à éclore,
si les circonstances s’y prêtent…
en fait il suffirait de plonger au plus profond de soi,
que l’espace qui nous en sépare se dissolve .
Çà peut arriver. C’est une sorte de réminiscence,
qui franchit des limites mystérieuses.
Mais plus encore, quand ces impressions,
une fois exprimées, sont aussi partagées par d’autres .
comme si elles n’avaient plus d’hier ni demeure ,
comme si on passait en-dehors de notre enveloppe,
à travers soi, pour rejoindre l’autre personne :
elle a peut-être vécu sur un rythme aux phases identiques
quelque part, elle s’est égarée dans les mêmes labyrinthes.
C’est pour celà que tu l’as reconnue.
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RC – avr 2017
Je viens de changer de planète – ( RC )
Ça commence à l’ombre,
C’est un halètement que j’entends.
La croisée du destin me porte à explorer les choses.
Il n’y a pas d’ouverture visible.
Mais il faut chercher; il faut pousser,
engager sa tête dans un couloir.
Le mouvement est irrévocable.
Peut-être pressé d’arriver quelque part,
en tout cas pressé, par l’enveloppe souple,
qui se tend, un corps avide de délivrance.
Ou bien est-ce moi qui l’appelle ?
On ne sait pas où on va, ce qui nous attend.
Mais je pressens que c’est le moment.
Jusqu’à ce que je perçoive le jour.
Une petite ouverture au bout d’un tunnel.
Et puis çà y est .. je suis dehors.
On ne s’en est même pas aperçu.
Juste saisi par le froid, et une lumière aveuglante.
Les poumons se gonflent malgré eux,
à la façon d’un airbag brutal.
Et c’est un choc.
Et c’est un cri, qui me propulse dans la vie,
sans transition.
Je viens de changer de planète .
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RC – janv 2016
Quatre ans déjà – ( RC )
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Et toi, saupoudrée d’encre, ta page, celle qui m’est destinée,
suivant des parallèles, avec ces boucles calligraphiées,
parfois un peu tremblantes….. je pensais aussi aux temps,
où il fallait nourrir la plume métallique,
d’encre violette – ( elle y laissait aussi des reflets mordorés) .
Le fil des récits de ta vie là bas, accompagné de minuscules éclaboussures
– la résistance du fil du papier –
sous la lumière vacillante du chandelier, arabesques s’envolant,
se liant en fantaisie. Tu y joins un pétale de rose.
L’écriture appliquée, court ainsi sur plusieurs feuillets, régulière,
et les mots sur la page, posés sans effort,
….ce qu’il faut en quelque temps pour te dire, fluide et posée.
Et si la place vient à manquer, resserrer les lettres,
introduire une remarque entre les lignes,
qui parfois s’échappe en travers, ou bien donne dans l’angle droit,
sur la marge.
Ces paroles, à défaut de les entendre, nourries du geste souple de ta main,
conservées telles quelles, dans ta missive,
pliée en trois dans une enveloppe, couleur saumon,
ouverte par sécurité, dit-on.
Et les premiers mots de notre fils, les boucles hésitantes des mots gravitant
entre la rigidité des lignes grises , accompagnant le dessin d’un bonhomme tétard,…
çà doit être moi…
il y a écrit « Papa »… premiers mots à franchir les murs de la prison.
Quatre ans déjà.
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RC- 12 septembre 2013
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Légèreté du corps-lumière ( RC )
Une brise soudaine le poussait , léger, oh, si léger,
contre le banc, au pied de la buvette.
Il était cette enveloppe, qu’habite la lumière.
Une lumière que personne ne voit , même pas lui,
Mais qui n’a pas de secret, et donnait la couleur de son regard.
Un regard d’ombre, qui ne connaît du corps, que la pensée fugitive
D’une apparition d’années.
Ces années qui même en accumulées n’ont pas serti leur poids à l’épaisseur des jours. Il est, l’âme légère et le corps absent.
Et la brise le portait, un peu plus loin, avec la poussière.., quand le corps n’existe plus , à proprement parler : léger, léger.
RC – 19 juin 2012
voir aussi dans une interprétation très proche chez « traces du souffle »