La porte étroite – ( RC )
Tu ne regarderas plus sur mon épaule :
trop de larmes ont dévalé les pentes :
mon existence a suivi une courbe lente,
trop d’eau a coulé sous le saule.
J’ai refermé sur moi la porte étroite :
il n’y a plus de place à la lumière ;
ni aux infimes grains de poussière :
je sens déjà l’usure du temps avec ses grosses pattes.
Ma respiration se voile en suspends,
léger sursis à ma lourde peine,
au souffle ténu d’une légère haleine,
avant que se glace mon sang.
–
RC – août 2020
Colette Seghers – Ne me cherche jamais

Ne me cherche jamais
Tu me cherchais?
Ne me cherche jamais, je suis là,
embrassée du cœur aux chevilles
dans tes mains d’homme et ta mémoire.
Et nouée comme une pièce d’or
dans le trésor confidentiel de ta vie,
brigandée dans l’envers du temps…
Ne me cherche jamais,
je suis là,
la nuit peut bien sécher ses grands
trains d’herbes fauves et lancer
sur ses rails le convoi des saisons,
elle peut bien passer de l’une à l’autre
sur ses passerelles d’orages
ou le ventre sans ciel des froids,
elle peut bien apporter ce qu’elle voudra,
ce qu’elle pourra,
sa rançon de fatigue ou sa ruée de rêves,
je suis où tu voulais que j’aille.
Ne me cherche jamais,
Nous allons là où ceux qui s’aiment
vont ensemble, épaule contre épaule,
dans le vent des solstices…
Garous Abdolmalekian – Anonyme

Garous Abdolmalekian – Anonyme

Marcel Olscamp – Amants perdus
Amants perdus
Ils vont
marchant contre leur cœur
cherchant l’épaule
qui reprendra leur main
Ils veulent
serrer contre leur corps
la paume d’une étoile
le rouge de la nuit
Mais il faut
écraser nos regards
sous l’ongle de la lune
sous l’ombre de leur lit
Marcel Olscamp, Les grands dimanches
Dimitri T Analis – L’île, le réveil
L’île, le réveil
Tu t’éveilles, et ce lieu se répète
Dans la faille de sa nudité
Un nœud d’or, éblouissant, intact
Annonce un midi recommencé.
Tu t’éveilles, et ce même lieu fixe
Son regard sur ton épaule nomade
Tu comprends mieux, tu caresses
L’été d’une main encore tiède.
Instant sans date, tu as quitté l’île de l’oubli
Et calciné tu navigues dans le corps de l’amour
En laissant un creux grand comme un navire
Qui brûle l’horizon à la montée du jour.
Colette Fournier – Je te regarde
peinture: P Bonnard Coin de salle à manger au Cannet, 1932 ( détail) Musée d’Orsay
–
Georges Séféris – Santorin 01

Dessin: Gregorio Prieto
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Nous nous sommes retrouvés nus sur la pierre ponce
regardant les îles nées des flots,
regardant les îles rouges s’abîmer
dans leur sommeil, dans notre sommeil.
Nous nous sommes retrouvés nus, ici, inclinant
la balance vers l’injustice.
–
Talon de la vigueur, vouloir sans faille, amour lucide,
desseins qui mûrissent au soleil de midi,
voie du destin au bruit de la jeune paume frappant l’épaule ;
en ce pays qui s’est brisé, qui ne résiste plus,
en ce pays qui jadis fut le nôtre,
rouille et cendre, les îles s’engloutissent.
–
René-Guy Cadou – Lettre à des amis perdus
sculpture : Ossip Zadkine
–
Chaque jour je vous ai écrit
Je vous ai fait porter mes pages
Par des ramiers par des enfants
Mais aucun d’eux n’est revenu
Je continue à vous écrire
Tout le mois d’août s’est bien passé
Malgré les obus et les roses
Et j’ai traduit diverses choses
En langue bleue que vous savez
Maintenant j’ai peur de l’automne
Et des soirées d’hiver sans vous
Viendrez-vous pas au rendez-vous
Que cet ami perdu vous donne
En son pays du temps des loups
Venez donc car je vous appelle
Avec tous les mots d’autrefois
Sous mon épaule il fait bien froid
Et j’ai des trous noirs dans les ailes
RENÉ-GUY CADOU
Ahmed Mehaoudi – Dire aux choses qui passent
–
te seras dans ses bras
tant de berceuses moisies
mais qu’hiver ou automne
essuient les larmes c’était jadis
que tu pleurais
jadis quand c’était de belles défaites de coeur
tu seras dans ses bras
ce que ne dit plus le temps
ni de ces rouges maisons où sifflait le merle
ni encore le blanc rossignol
levé tôt à vous chanter la complainte
ce rien dans ses bras
à poser la tête sur l’épaule qui veille
ces yeux noirs de soupirs
dans ses bras
à écouter la joie de l’aube blanchir le jour
et toi partir avant…
—
A M
–
Hélène Lanscotte – portraits sauvages ( extrait )

création Fr Robert
Mes doigts jouent avec une petite pierre. Je lui dis que, quand j’en trouverai une qui lui ressemble, je la glisserai dans ma poche. Son rire fait plusieurs fois le tour d’elle-même avant qu’elle ne parvienne à dire qu’elle n’est pas une pierre, qu’elle ne veut pas que je la prenne dans mes mains, ni être dans mes poches. Et moi qui en ai toujours, des rêches et des coupantes qui entaillent la peau en laissant des cicatrices, je lui dis que je saurai laquelle elle sera ; peut-être même que je les réunirai toutes dans une poche tandis qu’elle sera seule dans l’autre. Mais si jamais elle me fait du mal, je la lancerai droit vers le ciel.
Elle me répond que je vais devenir tout tordu et qu’un jour ma poche percera.
Cela m’est bien égal d’être tordu à cause d’elle ; si c’est ça penser très fort à quelqu’un, être plus lourd d’une épaule et plus léger du cœur.
Extrait de « Portraits sauvages »
–
Blanche ( revue petite )
–
J’ai vécu, Blanche, dans la fascination
des choses simples
(dans le transport
des nuages et des feuilles,
de. Peau repliée, sur l’amande de la
soif.)
J’ai mesuré le néant
dans l’absence
où l’ombre devient chair.
Tout ce temps dans mon dos
me pousse vers demain,
ma tête bleuie
sur l’épaule du jour.
–
—
Charles Dantzig – encyclopédie capricieuse du tout et du rien ( extrait)
Photo Marc Baptiste (détail)
–
Je lis à bord d’un avion d’Air France me transportant à Biarritz, et j’ai à mon côté, occupant le tiers de ma vision droite, un bras qui m’intéresse plus que mes remarques. Bras adolescent, nu depuis l’épaule ronde. La peau est brunie par le soleil, d’une teinte cuivrée. Fine, sans un grain de beauté, une verrue, une cicatrice. Il faut qu’un dieu se soit mêlé de la dérouler en la lissant sur la chair. Afin de l’humaniser, d’éviter qu’elle ne se fasse marbre, il l’a parsemée d’un duvet blond. Après la dépression de l’épaule, la truite du biceps frémit : tout mol qu’il semble, il a sa fierté. De temps à autre, la tête lui appartenant remue un rideau de cheveux à la façon d’un setter. Ils sont mi-longs, lourds comme s’ils avaient été mouillés, châtains. Le prodige de ce corps est le bras. Le dieu qui l’a moulé a pu avoir la cruauté d’atrophier l’autre, car les dieux sont si méchants qu’ils rendent impossible toute perfection dans l’homme.
Ils envient sa grandeur, qui est dans son imperfection
In « Encyclopédie capricieuse du tout et du rien »
–
ce lien conduit à une page d’Arte TV, dans lequel un fil mène à une interview de Ch Dantzig
d’autre part on trouve cet extrait dans le blog d’Oceania55, comportant des écrits bien sympathiques.
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Viviane Ciampi – Dans le silence
Auteure présentée par Nathalie Riera, avec traduction, de l’italien., de Raymond Farina .., dans © Les Carnets d’eucharis.. –
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Dans le silence
une main se pose sur notre épaule
à moins qu’il ne s’agisse
d’une erreur de perception.
Inutile de se tourner pour voir
le soleil nous aveugle.
La blancheur des marbres nous étourdit.
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Nel silenzio
Una mano si posa sulla spalla
o forse trattasi
d’un errore di percezione.
Inutile voltarsi a guardare
Il sole acceca.
Il biancore dei marmi stordisce.
–
Ahmed Mehaoudi – dire aux choses qui passent
te seras dans ses bras
tant de berceuses moisies
mais qu’hiver ou automne
essuient les larmes c’était jadis
que tu pleurais
jadis quand c’était de belles défaites de coeur
tu seras dans ses bras
ce que ne dis plus le temps
ni de ces rouges maisons où sifflait le merle
ni encore le blanc rossignol
levé tôt à vous chanter la complainte
ce rien dans ses bras
à poser la tête sur l’épaule qui veille
ces yeux noirs de soupirs
dans ses bras
à écouter la joie de l’aube blanchir le jour
et toi partir avant…
–
« L’encre versée sur les amours – (RC)
–
L’encre versée sur les amours, – on sait à quel point on s’attache….
Peu disent , des amants, que cela fait tache…
Et puis de cette encre, de ces plaisirs, et cris
On peut en retrouver la trace, les écrits..
On dit bien que si les paroles s’envolent, les écrits restent
Ils sont alors moins volatils et impriment nos gestes
Aussi… à faire venir cette encre par litres
Et à réécrire l’histoire, c’est par chapitres
Qu’on la parcourt en toute saison
Et qu’on emménage en tous horizons
Au creux de son épaule, à l’image de ton visage
Aux sensations de ses mains, c’est déjà un voyage
Qu’un printemps fait éclore par dessus les frontières
Aussi bien aujourd’hui , qu’on écrira l’hier
Du visible, en sensible, encres sympathiques
Je dessine, -mots et images- un portrait magnifique..
RC
5 avril 2012
–
— petit commentaire perso: — » au creux de ton épaule, pour ligne d’horizon » , est extrait du texte d’une superbe chanson interprétée par Catherine leForestier » au pays de ton corps »
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Ce à quoi répondit Manouchka…
Manouchka
5 avril 2012 at 17 h 01 min
Une Larme versée,
Coule sur ton cou d’Ocre,
Comme une Huile parfumée,
Sur nos Vies médiocres…
Par delà la Lumière,…
… suite visible dans les commentaires à « Messager de l’art »
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Accompagnement pictural: Andrew Wyeth, peintre américain au style réaliste très particulier,
qui est un des grands maîtres de l’aquarelle, dont je montre deux exemplaires, extraits du
livre « la Suite Helga » ( toute une série étant consacrée à sa compagne, Helga ), au physique un peu « rude »
mais par rapport à laquelle, le peintre arrive vraiment à nous transmettre une sensualité impressionnante..
d’autres accompagnements dans mes posts précédents montrant d’autres oeuvres de la suite Helga …., par exemple trois posts avec des textes de l’écrivaine Else Lasker-Schüler..., ou bien ici
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Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 01
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à Yvonne
–
ni la neige
ni les planètes captives de ta voix
n’apaisent mes syllabes
j’habite dans le miroir et j’appelle
toute ombre qui bouge sous la paupière
pas à pas
le muscle à sa brûlure
j’avance
dans le silence du jour
la main sur ton épaule
une source
une croix
la prière au bord de l’abîme
midi au cœur
J’avance
Sur la trace du poème
–Mains juxtaposées –extrait du livre « si lointains, si proches »
Les Fromentières, 9 janvier 1984