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La figure de proue , interroge les siècles – ( RC )


 

montage perso

montage perso mars 2014–

 

 

 

Quelque part dans le manteau d’eau
Se rencontrent des formes,
– elles n’ont rien de géométriques –
Assouplies aux contacts des courants,
Elles glissent, parfois l’une à côté de l’autre,
Se regardent avec curiosité,
Des cousins lointains,
Dont on aurait oublié la langue…

Et puis ces hommes carapaces,
Se risquant à quitter la terre ferme,
Et reliés d’un tuyau à l’atmosphère
Du sable meuble sous les semelles de plomb,
Communiquant par signes,
Intrus en scaphandriers,
Frôlés par des raies manta,
Aux lentes évolutions sombres.

Les rubans d’algues pendantes,
Les lumières feutrées d’un soleil
Remué de vagues, – plus haut –
Les bancs de poissons argentés,
Jouent, furtifs ,
Dans le gîte de l’épave         d’un voyage arrêté
Dans le silence liquide,
Il y a trois cent années.

Les humains d’aujourd’hui, inspectent sans scrupule,
Le vieux navire , de coquillages incrustés ,
Et ces longues années ,  au sens propre ,                écoulées,
Eléments étrangers, venus crever la surface lisse
Du secret des eaux… réunis…un peu comme la rencontre ,
Sur la table de dissection – de Lautréamont
D’une machine à coudre et d’un parapuie.

Le regard vide de la figure de proue , interroge les siècles.

_

RC –  février  2014


Apnée des attentes – (RC )


 

photo: Andreas Franke

Je ne vois plus qu’un vert uniforme

Ces créatures éloignées du soleil

Suspendues, sans d’autre lumière halo,

Que celle qu’elles émettent,

Les danseurs de l’immobile,

                                      Ludions

Portant leurs ampoules vacillantes,

Quelque part au-dessus,

Si aucune brillance,

Ne vient indiquer,

L’extrémité close,

Le mur de verre,

Tout un monde flottant,

Apnée des attentes,

Caresse molle des algues,

Et peu à peu s’incrustent,

Au bastingage métallique,

Ancre, cordage enroulés,

              L’épopée coquillages

D’embuscade sédimentaire.

Elle vient sceller le destin,

Quand se referme le piège,

–   Silence liquide.

Du gîte de l’épave,

Déposée de biais,

        Sur le sable trouble,

S’échappent encore des bulles,

Qui vont suivre, verticales

L’histoire de l’air,

Pesant de son couvercle,

>       D’atmosphères,

Loin ,      bien loin, au-dessus.

RC – 15 septembre 2013


Edmond Jabès – Chanson de l’étranger


art: dessin:          K Malevitch

Je suis à la recherche
d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.

A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps?

Saison des mille naufrages,
la mer cesse d’être la mer,
devenue l’eau glacée des tombes.

Mais, plus loin, qui sait plus loin ?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.

Arrachez la soif au grain de sel
qu’aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d’être, comme moi, de nulle part.

I’am looking to
a man I’m not familiar with,
which was never as my own
since I’m looking for him.

Does he have my eyes, my hands
and all these thoughts like mine
to the wrecks of this time?

Season of thousand shipwrecks,
the sea ceases to be the sea,
become iced water of the tombs.

But, further, who knows further?
A young girl sings , going backwards
on the trees  ,and reigns in the night ,
shepherdess among the sheep.

Tear thirst from the grain of salt
That not any drink will quench.
A world corrodes with the stones,
to be, like me, out of nowhere.

Edmond Jabès