Trop lourd, pour que je reste debout, à la surface du monde – ( RC )

gravure sur bois Lynd Ward
Le poids de ma tête est trop lourd
pour que je reste debout,
à la surface du monde.
Je le creuse avec les dents,
la face contre terre,
et il m’arrive de trouver,
quand je dévisse un membre,
mon double, sculpté dans le bois,
par ces racines revêches,
qui ont fini par absorber mon sang.
C’est ainsi que ma vue s’est brouillée,
sans doute à cause de la poussière,
qui, elle aussi encombre mon esprit.
Je ne pense qu’aux temps,
où, trop léger sans doute,
je planais à quelques mètres
au-dessus du sol.
Composé de plusieurs parties
prévues pour s’emboîter,
il a fallu les rassembler.
J’étais à la recherche de la pièce manquante,
qu’on déniche par inadvertance :
un visage à modeler,
qui, maintenant que j’y pense,
offre une certaine ressemblance
à celui qui me fait face et me regarde,
dans le dédale des racines .
Le poids de ma tête est trop lourd :
je ne peux que supposer
que trop d’années l’ont plombée :
le jour se confond avec la nuit,
et je ne peux saisir aucune de ces lueurs,
enfouies dans la terre.
Je ne peux que les imaginer…
car, si j’y voyais encore,
je verrais croître les arbres
se nourrissant de morceaux d’étoiles.
La mienne doit être quelque part,
car un jour je l’ai perdue…
L’infini ne reconnaît pas les créatures de l’esprit – ( RC )

Tout glisse entre leurs mains ouvertes,
et peut-être les transperce,
Ils sont sans doute
des créatures de l’esprit,
qui ne connaissent pas le poids des choses,
et peuvent marcher sur l’eau
sans qu’elle ne s’en aperçoive…
J’en ai vu qui ont traversé les façades,
ignorant les habitants,
mais chargés de la couleur des murs.
Les plus audacieux se sont risqués
à escalader le ciel
sur une échelle
allant vers l’infini,
mais ils ont présumé de leur force,
car l’infini ne reconnaît pas
les créatures de l’esprit.
Ils ont chuté
comme Icare en son temps,
pour se dissoudre
comme un songe, au réveil,
dès qu’arrive le soleil…
Bruno Ruiz – pour la pensée qui cherche votre étoile

Je n’ai de grâce que pour la pensée qui cherche votre étoile
Et mon métier n’énonce que le rêve perdu de vos raisons
Qu’ils soient reconnus ceux qui se perdent en eux–mêmes
Qu’on les inonde de lumière à la ferveur de leur corps
Pour qu’ils chantent le temps d’une vie enfouie
Ce temps joignant le geste à la parole
Ils sont mes chers passants du silence restés dans le noir pour le partage des perles
Demain je serai avec vous sur l’horizon
J’aurai laissé le temps clair se poser sur l’absence du monde
Ce temps d’éternité dans l’esprit et son apparence
L’arbitre aura disparu et personne ne cherchera sa présence
Bassam Hajjar – Ils recouvrent de blanc ton absence
Lorsque tu la quittes
ses murs se rapprochent
la maison qui, délaissée,
trouve son âme dans un coin
et devine, depuis un instant seulement,
la toile d’araignée qui pend
dans le familier
devenu vacant.
S’éloigne-t-elle maintenant ?
Ou bien la fais-tu basculer dans le vide
de tes yeux mouillés
dans tes mains
dans le grand air
des lieux éloignés
comme si la fenêtre derrière toi
regardait vers le dedans
et s’éloignait à son tour
tandis que t’absorbent la rue et le tournant
avec une boule dans la gorge
de la taille de l’océan.
Elle ne te voit plus maintenant
la maison qui se blottit dans les entrées désertes de son âme
comme si dans le silence de ceux qui restent, là-bas,
elle baissait la tête et prêtait l’oreille
à l’écho des pas d’hier
à l’écho du rire ou du chuchotement dans les salles de séjour
et les chambres
dans la cuisine
sur les étagères et la table
dans les coeurs étincelants des bouteilles d’eau et de cognac.
Comme si elle devinait
que la petite femme
habitait toujours son coeur
et marchait pieds nus pour ne pas troubler la quiétude
dans son esprit brisé,
comme un murmure
qui s’élèverait en elle, .
et de ses flancs
coulerait l’aigreur de l’attente.
Comme si, quand nous partons, c’était la maison qui nous
quittait,
les tableaux et les étagères descendent des murs
les récipients s’en vont
les meubles aussi
la couleur quitte la maison
tandis que les rideaux restent tirés sur son secret
ainsi que les amantes.
Comme elle est nomade, la lumière
et comme l’ombre est sédentaire
Et les maisons dans la mémoire sont des chambres obscures
des couloirs
la respiration tranquille des draps endormis
réfugiés dans la béatitude de leur bleu
seuls et lisses
seuls et creux comme les veuves
les veuves que sont les maisons
lorsque nous nous éloignons d’elles,
que nous faisons signe de loin
et qu’elles font signe de loin.
Puis la trame de l’horizon se relâche
et l’air se tend,
ni l’oeil ne voit
ni les fenêtres ne clignent
et entre eux la distance commence à se remplir, le temps
commence à creuser.
Ma fille distribue-t-elle en ce moment les rôles du soir ?
Discute-t-elle avec sa voisine la poupée ?
Fait-elle manger Snoopy avec sa petite cuiller ?
Trouble-t-elle l’esprit tranquille de la maison ?
Ou bien dort-elle ?
Et quand la mer passe dans sa nuit
elle se retourne, comme sur l’écume d’une vague,
et son visage s’éclaire, halo de sommeil.
La somnolence c’est aussi les maisons
leur apanage et leurs fantômes cachés
lorsque l’air, alourdi par la fumée et les lampes du soir,
endort la petite femme sur le canapé
tandis que se noie la table du bureau
dans le flot des néons
que bâillent les papiers et les livres
que s’arrête le poème.
Lorsque tu la quittes
ses murs s’écartent
La maison, vaste,
imite le désert des livres
le hurlement des loups au loin
tandis qu’un écho s’écoule de ses flancs.
Qui est l’absent ?
Les choses sont à leur place, sauf toi
les choses sans toi
te cherchent là où tu n’es pas.
Ils te voient là où tu n’es pas.
L’absent est avec eux
dans la photo, sur la chaise, derrière la table,
derrière la fenêtre,
ou bien tu avances, sous leurs yeux, dans la rue
les pieds exilés et le torse maigre.
\
Un chemin tracé entre les étoiles – ( RC )
photo Ile Vaadhoo des Maldives: provenance
Il y a une musique,
dont je ne connais pas l’origine ,
elle me vient du vent, sans doute.
Elle m’entoure parfois de son écume,
comme si j’étais une île,
et qu’il suffise d’avoir les yeux ouverts ,
pour recevoir la brise
et comprendre la chanson .
Alors je suis poreux,
comme peut l’être une éponge,
mais elle boit les mots
qui me viennent à l’esprit.
Au loin des navires passent, indifférents ;
de toute façon
ils ne sauraient traduire
le poème qui s’écrit par ma main ,
ni le souffle qui gonfle les voiles :
Dans un autre sens ,
c’est peut-être trouver un chemin
tracé entre les étoiles .
–
RC – mai 2017
Je marche dans l’inconnu – ( RC )
peinture: Ellsworth Kelly
–
Là où le monde secret des inanimés perd de son mystère ,
en léchant ses plaies de lumière ,
on se tire difficilement du sommeil ,
dans le parcours des heures qu’interromp le réveil .
On a encore dans la tête , mille rêves .
Ils éclatent, comme une bulle crève ,
quand le jour s’élance
l’aube effaçant le silence
du coeur même de la nuit .
On doit reconquérir son esprit ,
ranger l’armoire à nuages ,
se préparer au voyage ,
- Aujourd’hui nous attend ;
il faut plonger dedans ,
endosser son costume ,
poser ses pieds sur le bitume .
Il n’est pas certain qu’il s’ajuste exactement :
ce matin , je ressens un flottement
entre hier et aujourd’hui :
> pas sûr que ma vie
me suive à la trace :
à mesure, elle s’efface
sans plus me correspondre :
les minutes et les secondes ,
les années anciennes
ne sont plus les miennes :
le temps est discontinu :
> je marche dans l’inconnu.
–
RC – juill 2017
Xavier Grall – Solo
photo perso . Le Méné-Bré 2011
Seigneur me voici c’est moi
Je viens de petite Bretagne
Mon havresac est lourd de rimes
De chagrins et de larmes
J’ai marché
Jusqu’à votre grand pays
Ce fut ma foi un long voyage
Trouvère
J’ai marché par les villes
Et les bourgades
François Villon
Dormait dans une auberge
A Montfaucon
Dans les Ardennes des corbeaux
Et des hêtres
Rimbaud interpellait les écluses
Les canaux et les fleuves
Verlaine pleurait comme une veuve
Dans un bistrot de Lorraine
Seigneur me voici c’est moi
De Bretagne suis
Ma maison est à Botzulan
Mes enfants mon épouse y résident
Mon chien mes deux cyprès
Y ont demeurance
M’accorderez-vous leur recouvrance ?
Seigneur mettez vos doigts
Dans mes poumons pourris
J’ai froid je suis exténué
O mon corps blanc tout ex-voté
J’ai marché
Les grands chemins chantaient dans les chapelles
Les saints dansaient dans les prairies
Parmi les chênes erraient les calvaires
O les pardons populaires
O ma patrie J’ai marché
J’ai marché sur des terres bleues
Et pèlerines
J’ai croisé les albatros
Et les grives
Mais je ne saurais dire
Jusques aux cieux
L’exaltation des oiseaux
Tant mes mots dérivent
Et tant je suis malheureux
Seigneur me voici c’est moi
Je viens à vous malade et nu
J’ai fermé tout livre
Et tout poème
Afin que ne surgisse
De mon esprit …./
( début du long poème « Solo »… ed Calligrammes )
Henry Miller – Vin
C’est un vin qui glisse comme du verre fondu,
et qui coule dans les veines comme un feu fluide, lourd et rouge,
dilatant le coeur et l’esprit. On se sent à la fois lourd et léger ;
leste comme l’antilope et pourtant incapable de bouger.
La langue rompt les amarres, le palais s’épaissit agréablement,
les mains décrivent des gestes larges et lâches, de ceux qu’on aimerait tirer
d’un crayon gras et tendre. On aimerait peindre tout à la sanguine ou au rouge pompéien,
avec de grandes éclaboussures de fusain et de noir de fumée.
Les objets s’élargissent et se brouillent, les couleurs sont plus vraies et plus vives,
comme pour le myope quand il ôte ses verres.
Mais par-dessus tout, c’est un vin qui réchauffe le cœur.
Henry MILLER « Le Colosse de Maroussi » (Ed. du Chêne, 1948)
Perfections et symétries – ( RC )
Tu mesures les formes parfaites,
où tous les côtés se répondent,
et obéissent aux mesures identiques .
Ainsi le constructeur tend vers l’utopie
de la vision où la mathématique
prend le dessus de la vie .
Les rosaces des cathédrales,
tournent en mouvements figés ,
aux soleils fractionnés,
Les mosaïques aux jeux complexes,
zelliges enchevêtrés
excluent l’humain dans le décoratif.
Des palais imposants,
forçant la symétrie,
se mirent à l’identique
avec le double inversé,
du bavardage pompeux
des images de l’eau .
Se multiplie la dictature
de la géométrie des formes
répondant à leur abstraction ,
comme des planètes qui seraient
cuirassées dans une sphère lisse
d’où rien ne dépasse.
… Des formes si lisses,
voulues à tout prix,
qu’elles génèrent l’ennui
excluant la fantaisie
le désordre
et le bruit.
Les formes parfaites
s’ignorent entre elles
définitives, excluant la vie
comme des pièces de musée,
pierres précieuses,
diamants de l’inutile
dont finalement
la froid dessin, clos sur lui-même
finit par encombrer .
Dans le passé, on ajoutait
à un visage de femme trop régulier
un grain de beauté, une mouche,
quelque chose pour lui apporter
une différence, un cachet
sa personnalisation, un « plus » de charme
une irrégularité, une surprise,
portant dans son accomplissement
la griffure du vivant
Elle se démarque du cercle fermé
de la beauté idéalisée par quelque chose
contredisant la perfection
Celle-ci demeure une vue de l’esprit,
bien trop lointaine
pour qu’on puisse s’en saisir.
–
RC – août 2016
Kenneth Patchen – Le village Tuda
peinture H Bosch – l’enfer ( détail )
–
On dit que
Jadis, avant la venue de l’homme,
Une colline prit feu et la déesse Anna
Mourut, en criant dans les flammes, le ventre
Brûlé comme une outre d’huile.
Le lendemain le monde se divisa en quatre :
Le lieu de l’eau,
Le lieu du ciel,
Le lieu de l’esprit,
Et le lieu de l’air.
On dit que la terre n’existait point,
Bien que beaucoup de gens ne connussent qu’elle.
Sur cette colline d’étranges êtres s’embrassaient
leurs enfants haïssaient l’espèce sur terre.
Kenneth PATCHEN in « 35 jeunes poètes américains »
L’observateur du tournant – ( RC )

photo Annabelle Chabert
–
Il y a des lieux comme ça,
Qui nous sont familiers,
On les emprunte si souvent,
Qu’ils s’incrustent dans l’esprit :
Telle pente,
et la lumière qui la frôle,
Tel arbre, sentinelle,
s’étoffe de feuilles,
selon les saisons, – et le serpent grisé
de la route ici, dans cette épingle à cheveux,
- la première des trois avant d’arriver au plateau –
Où le virage prend les couleurs du destin,
Le passé, le futur…
C’est à droite ? : Il faudra descendre,
faire attention à ne pas freiner les jours d’hiver,
quand le verglas guette…
– Et puis se poster là,
selon les jours,
au même endroit.
Poser l’appareil sur son pied,
précisément à la même place,
marquée d’une croix rouge.
Enregistrer tout ce qui se passe,
Que cela soit au petit matin,
ou à l’heure verticale
quand le soleil ne fait presque pas d’ombre .
Attendre…
… attendre qu’il se passe quoi ?
Qu’une biche traverse la chaussée, juste dans le champ de l’appareil ?
Attendre que les motards se succèdent ( le week-end),
se penchent pour mieux aborder le virage,
et compenser la force centrifuge
> ( notions de physique me restant du lycée ).
Pouvoir comptabiliser le trafic :
combien de véhicules se sont succédé ce mardi,
combien montaient, et d’où venaient-ils ?
( leur immatriculation ), et s’il y avait des camions parmi eux.
Attendre que la pluie cesse,
attendre que les engins curent les fossés,
que les employés municipaux
consolident la murette ?
Qu’une pomme de pin se détache et roule sur la chaussée,
selon la pente …
—
Je ne sais pas si se poster là, équivaut à être un témoin,
si jamais il se passe quelque chose
à observer les passages, et les transformations, du temps…
Je ne sais pas….
Peut-être Van Gogh non plus ne savait pas pourquoi
le chemin se sépare en deux,
dans sa dernière peinture, devant son champ de blé.
> Il était là, et c’est tout.
–
RC – juin 2015
–
ceci est une réaction à l’article « photographique » de Jean-Marc Undriener http://www.fibrillations.net/GYAANDS-TOUYANANTS
Raymond Carver- Boire au volant
jeu simulateur de conduite
Nous sommes en août et je n’ ai pas
Lu un livre en six mois
sauf celui qui s’ appelle: la retraite de Moscou
par Caulaincourt
Néanmoins, je suis heureux
de monter avec mon frère en voiture
et de boire une pinte de Old Crow.
Nous n’avons plus de place pour l’esprit ,
nous sommes en train de conduire .
Si je fermais les yeux pendant une minute
Je serais perdu, encore
Je pourrais volontiers me coucher et dormir pour toujours
à côté de cette route
Mon frère me pousse du coude.
D’une minute à l’autre, quelque chose va arriver.
It's August and I have not Read a book in six months except something called The Retreat from Moscow by Caulaincourt Nevertheless, I am happy Riding in a car with my brother and drinking from a pint of Old Crow. We do not have any place in mind to go, we are just driving. If I closed my eyes for a minute I would be lost, yet I could gladly lie down and sleep forever beside this road My brother nudges me. Any minute now, something will happen.
Abritant des agents indésirables – ( RC )
–
Les doigts papillons,
multiplient les approches veloutées.
Je ne sais pas faire des histoires longues.
Peut-être, les insectes les grignotent ,
avant qu’elles ne puissent prendre de la consistance.
Ces petites bêtes restent bien petites … quelques larves, des moustiques, des petites mouches inoffensives, et des papillons bruns, de ceux qu’on trouve dans les céréales.
Elles ont juste comme tendance à se multiplier, de se répandre sur mes récits,
Dès que j’ai le dos tourné. Copulant dans les coins, elles parcourent joyeusement les phrases, et se nourrissent de ce qu’elles trouvent.
C’est une famille qui se porte bien, en apparence, et qui fait la fête souvent.
Je dois , en multipliant des mots, leur apporter autant de nourriture qu’elles le désirent .
Je les emporte sans doute en moi, quelque part,
à la manière des fleurs, trop aimables, qui s’ouvrent aux vents, pour que les insectes viennent y chercher le pollen.
En échange, ils déposent leurs œufs.
——– ( C’est une offrande intéressée…)
Ceux-ci restent à l’abri, au cœur même du fruit qui s’est conçu. Ils ont la nourriture assurée et le logement sur place .
L’idée même du récit s’effrite,
en quelques miettes, qu’il m’arrive de me remémorer,
le matin suivant. – presque des confettis, qu’il faudrait se résoudre à assembler par couleur, pour reconstituer l’étoffe originale, une trame tissée bien fragile, attirant tôt la petite faune .
Si, à la place de coucher les mots sur le papier, j’avais l’audace de les prononcer, une nuée de ces insectes viendrait avec,
ne tarderait pas à former un nuage, d’où même la lumière aurait du mal à s’immiscer.
Les paroles auraient un son mat, comme celui là, même des mots,
déchiquetées, et souvent incompréhensibles, à qui n’en saisit pas le fil, la logique interne ( si par hasard, il y en a une ).
——> Il vaudrait mieux que je garde tout ça pour moi
— car on a connu des cas,
où l’écriture, comme la parole, à petites doses, pouvaient s’avérer contagieuses, si une part de l’esprit rentre dans celui de l’autre, et dépose à son tour, quelques œufs, ou de simples bactéries.
Spontanément elles s’activent… c’est souvent à ce moment, je présume,
que se crée un « terrain d’entente ».
– ( on dira que tout n’est donc pas à considérer de façon négative ) –
Si la science se penche dessus, il y aurait toutes les conditions réunies, pour que cela continue son chemin, d’une autre façon … ainsi la vie sur notre planète…
—
Une simple vue de l’esprit ?
Un esprit parasité par des agents indésirables ?
Ou qui contribuent à sa propagation…
–
RC – déc 2014
Un volcan au Havre – ( RC )
–
L’esplanade aurait pu continuer,
Indéfiniment.
Il suffisait d’aligner les plaques de béton.
Tant que l’espace le permet ,
Entre les barres d’immeubles ,
Sans accroc.
Propice aux courses folles,
Où viennent voleter
des sacs en plastique .
Il y a encore les traces de peinture renversée,
Puis les arcs sombres
laissés par les pneus des voitures.
C’est un espace sec, infertile,
De plaques préfabriquées,
Où la ville a chassé ses arbres.
On s’étonne de voir une frêle silhouette le traverser.
Incongrue.
Comme un scarabée sur une plaque de cuisson.
Et encore davantage
lorsque le gris uniforme,
Est stoppé net,
Par les pentes blanches, abruptes,
D’un Fuji-Yama,
Surgi, là où on l’attendait pas.
Une envolée de l’esprit,
Prenant ses racines au sein même du banal,
Décisive.
–
RC – dec 2014
Ces pierres soulevées d’un mouvement de plume – ( RC )

Collage: Max Ernst: Santa Conversazione, 1921
–
Tu prends dans tes mains les oiseaux,
Tu les mets dans ta tête,
Tu n’as pas besoin de maison,
Ni de t’enfermer à double tour,
L’été est chez toi,
Tu arraches des mots aux herbes.
Les pierres deviennent légères,
Celles que tu soulèves d’un mouvement de plume.
Par la fenêtre, des martinets voltigent.
Mais elle ne donne pas sur l’extérieur,
Et, dans l’esprit,
Tous les oiseaux du monde y volent
librement ,à toutes profondeurs°
° ( provenant de la citation de Nicolas de Staël: » La peinture est un mur, où tous les oiseaux du monde y volent librement à toutes profondeurs » ).
–
( en réponse à « août » de « Carnet d’au bord », de Sophie G Lucas )
–
Je ne sais plus parler le langage des songes – ( RC )
–
Je ne sais plus parler
Le langage des songes,
Et les partager avec toi,
C’est une vague,
Elle déferle, lointaine,
Et mélange ses images,
Vue aux lointains,
La vague des rêves,
Une parmi d’autres,
Se fond en léger frisottis,
A la surface des océans.
C’est vrai, il faudrait plonger,
Dans les profondeurs,
Pour suivre les courants,
Et les bancs des poissons.
Ces poissons de rêves,
Que tu chevauches peut-être,
Vers des horizons sous-marins :
Il ne serait pas question
D’en parler, ou seulement,
De façon muette,
Ce serait alors,
Sous les remous,
Sous les bateaux,
Notre façon de traverser,
Les étendues d’eau,
Les étendues de mots,
Et l’on décrirait sans le dire,
Toutes les couleurs,
Des coraux,
Qui peuplent notre esprit.
–
Un glissement des sens affecte le silence – ( RC )
–
S’il suffit d’être le sommeil où se réveille le jour.
Je peux attendre le retour, celui de la lumière
Dessillant les paupières, mais aussi, les yeux de l’esprit.
Je peux rester immobile.
Je me ferai statue, dans un jardin,
Couvert de mousse à longueur d’années.
Celui qui reste figé à attendre, que se transforment en fleurs,
Les réalités du matin naissant.
–
Mais il y a de beaux jardins et une belle terre ;
Je la prends dans mes mains
Et , jusqu’à présent disparu à moi-même,
Comme l’était la Belle-au-Bois ( elle attendait)…
J’ouvre les paupières, au début avec
Doute et circonspection.
–
Je tâte mes membres.
Tout est en place,
Le cœur est là, … il ne se pose pas de questions.
Le ciel se strie d’évènements recommencés.
Des mouvements minuscules, et d’autres, apparaissant comme des cataclysmes.
Un glissement des sens affecte le silence,
Je suis pris par un frémissement.
C’est un réveil.
–
La lumière est déjà haute dans le ciel.
Il ne me reste plus qu’à la dire.
La statue s’est mise en marche.
Elle ne s’arrêtera pas.
–
RC – janvier 2014
Katica Kulavkova – Le milan et l’ombre
Dans le ciel d’été le milan vole
sous la calligraphie illisible du zodiaque
en cercles d’abord vastes et heurtés
comme d’inavouables pensées
puis toujours plus serrés, obsessionnels
il s’attarde au dessus du fond natal
même si tout le reste continue à tourner
autour de son axe invisible.
L’ombre du milan tombe circulairement
sur la Terre d’où surgissent les eaux
comme des amours interdites
et l’homme se soumet à la soif
quand bien même il n’ose l’avouer.
L’ombre-écho résonne en rêve
mil-an, mille ans de mémoire…
Songe au moment où elle t’avait ébloui.
lorsqu’elle avait rebondi inaudiblement contre le ciel
fidèle au milan et à l’incommensurable
et tu l’éprouvais comme venant de partout
sans la trouver nulle part.
Rappelle-toi cet instant non terrestre.
Si l’infidélité devait commencer
le mirage égoïste
la scission de l’âme d’avec la forme
si la mémoire libérait son tourbillon démoniaque
tel un fantôme se logerait en toi
l’oiseau qui s’assoupit sur la croix de l’infini
loin du fond auquel nous rive la vanité
comme à la vie.
Tu quêtes éternellement sur terre
ce qui se passe au ciel.
La forme disparue, l’homme perdu
survole ton esprit
tu tournes ravie et inconsolable
et ton ombre se dessine si près
que la distance te manque
pour t’approcher de toi-même
et replier tes ailes !
–
à voir sur le site « recours au poème »...
–
Henri Bauchau – la règle
La règle
Avec mes pierres carrées
Je t’enfermerai dans une œuvre
Car tu es coureur de chagrins
Et la règle est d’apprendre à rire
Homme
Avant de mourir.
–
In La main et l’esprit – Autour de la vision poétique
d’Henry Bauchau et d’Almert Palma, Éd.D’Art
–
Robert Marteau – La Sagrada Familia

photo Céline & Jeremy, de leur blog Paris-Bali: intérieur de la Sagrada Familia – Barcelone — A GAudi
C’est défaite d’abîme, étrange astrologie!
Les vagues prennent corps,coiffent, chaussent l’azur
Du feu le plus léger. Tout s’élève en un mur
Organique de plis, d’entrailles; vers la vie
Tout monte; d’elle tout s’éloigne; la mesure,
Que brise le ressac, que la flamme dévie
En solaire oriflamme, à la pointe surgit
Du métal affiné par la foudre, très pur,
Très saint,unique cri que la pierre répète;
(Sanctus! ) seul cygne ou prend sa forme la trompette,
Dans ce réseau de nerfs clamant son agonie,
Proclamant son triomphe;et sa note s’appuie
Sur la nervure et l’os, le moignon que l’esprit
Reconnaît pour sa voix, son trèfle en broderie
–
ROBERT MARTEAU : extrait de « terres et Teintures »
–
poème bantou – feu – ( trad Leopold Sédar Senghor )

peinture perso: maternelle age 5 ans ( j’ai probablement été fortement aidé… toujours est-il que j’ai toujours cette peinture, d’un format 50×65 cm)
–
Feu
« Feu que les hommes regardent dans la nuit, dans la nuit profonde,
Feu qui brûles et ne chauffes pas, qui brilles et ne brûles pas.
Feu qui voles sans corps, sans coeur, qui ne connais case ni foyer,
Feu transparent des palmes, un homme sans peur t’invoque.
Feu des sorciers, ton père est où ? Ta mère est où ? Qui t’a nourri ?
Tu es ton père, tu es ta mère, tu passes et ne laisses traces.
Le bois sec ne t’engendre, tu n’as pas les cendres pour filles, tu meurs et ne meurs pas.
L’ âme errante se transforme en toi, et nul ne le sait.
Feu des sorciers, Esprit des eaux inférieures, Esprit des airs supérieurs,
Fulgore qui brilles, luciole qui illumines le marais,
Oiseau sans ailes, matière sans corps,
Esprit de la Force du Feu,
Ecoute ma voix : un homme sans peur t’invoque »
–
Poème Bantou
(traduit par Léopold Sedar Senghor)
–
Loyan – Sous l’arcane
( un extrait du blog à textes de Loyan)
Sous l’arcane
Sous l’arcane des arbres, le blanc risque d’être confondu avec un fantôme et traversé de flèches s’il ne chante pour manifester sa présence. Il lui faudra dormir sur des claies de bois à dix mètres du sol, manger les vers annelés de blanc, écouter les récits d’enfants piqués à mort par des serpents cachés de feuilles, confectionner une nasse à poissons avec des tiges, sculpter un arc et ses flèches destinées à tous les gibiers (grenouilles, oiseaux, cochons sauvages, agresseurs), cuire la farine de sagou après avoir pilonné le tronc de l’arbre pendant des heures, tester la guimbarde, affronter le réseau de la forêt, en apprendre les premiers marqueurs pour survivre.
« Où est la grandeur ? », demandait la voix intérieure avant de s’enfoncer une semaine dans la perte des repères. J’ai vu une réponse dans les yeux, les sourires et la pudeur des gestes, d’inconnu à inconnu, de quelqu’un à quelqu’un plus que de personne à personne. Ils se sont observés, identifiés, reconnus, estimés. Ils se sont fait égaux de son et de main. Puis chacun retourna à sa forêt, pleurant la parenthèse qui les fit chasseurs d’ombres et d’esprits, pendant que l’arbre fendu donnait goutte à goutte.
Laurent Campagnolle,
–
Sylvia Plath – lettre d’amour (1960)
–
Lettre d’amour (1960)
Pas facile de formuler le changement que tu as fait en moi.
Si je suis en vie maintenant, j’étais alors morte,
Bien que, comme une pierre, indifférente totalement,
je restais là immobile suivant mon habitude.
Tu ne m’as pas seulement bougée d’un pouce, non –
Ni même laissé ajuster mon petit Œil nu
A nouveau vers le ciel, sans espoir, bien sûr,
De pouvoir saisir le bleu, ou les étoiles.
Ce n’était pas ça. Je dormais, disons : un serpent
Masqué parmi les roches noires comme une roche noire
dans le hiatus blanc de l’hiver –
Comme mes voisines, ne prenant aucun plaisir
A ce million de joues parfaitement polies
Qui se posaient à tout moment afin de faire fondre
Ma joue de basalte. Et elles devenaient larmes,
Anges pleurant sur des natures monotones,
Mais je n’étais pas convaincue. Ces larmes gelaient.
Chaque tête morte avait une visière de glace.
Et je continuais de dormir, comme un doigt tordu
La première chose que j’ai vue n’était que de l’air pur
Et ces gouttes enfermées qui montaient en rosée,
Limpides comme des esprits. Tout alentour
Beaucoup de pierres compactes et inexpressives
Je ne savais pas quoi faire de cela.
Je brillais, écaillée de mica,
et déroulée pour me déverser tel un fluide
Parmi les pattes d’oiseaux et les tiges des plantes.
Je ne m’étais pas laissé berner. Je t’ai reconnu aussitôt.
L’arbre et la pierre scintillaient, sans ombres.
La longueur de mes doigts a grandi, lucide comme du verre.
J’ai commencé à bourgeonner comme rameau de mars :
Un bras et une jambe, un bras, une jambe.
De pierre au nuage, ainsi je me suis élevée.
Maintenant je ressemble à une sorte de dieu
Je flotte à travers l’air, âme tournoyante,
Aussi pure qu’un pain de glace. C’est un don.
–
Sylvia Plath
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La colline aux cigales – Petite audace dans le débris du jour.
LA belle écriture de « la colline aux cigales », dans la véhémence de la parole.. et pour une fois, je re-publie un de ses textes récents
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Petite audace dans le débris du jour.
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Je n’attends plus dieu dans la fissure. Sucre fœtal alangui, le trac suprême fait office. Qu’est-ce qui doute ?
Le camouflé du réel rangé dans un placard sordide. Des balais et des serpillières. Des copeaux d’air brûlé reposent dans une bouteille d’alcool. Eau de vie sans vergogne, un enfant meurt toutes les trois secondes. Le miel de la mer bafouille quelques vagues insonores. La récolte des courbes se fait dans les arbres. Dans mon cœur, j’ai la vision du lait que l’on refuse aux chatons. Liqueur d’oliviers répandue dans les champs archaïques, hublot refermé sur la plénitude des couteaux. La lumière s’est rétractée au fin fond de l’intime ombilic. Jets de pétoncles, huîtres écaillées, et encore des couteaux plongés dans le sable. Reptile ordinaire en vrilles jaillissantes, la terre mordue et le venin artisan du soufflet des forges. Où se trouve le sursaut ? J’irai lire le petit jour qui se déhanche dans le corps du matin neuf. Les bras cassés de la plume, j’irai écrire les notes muettes de l’abîme sous tes paupières de cristal.
Tout est redevenu comme avant. Sauf qu’avant les orties brûlantes ne poussaient pas sur ton visage. Sauf qu’avant la lumière refusait de couler dans l’ombre, derrière la vitre. Goutte d’air rebrisée sans fin, ouverte aux mots levés dans le cœur, je marcherai sur cette route qui ne conduit à aucune maison, sur cette corde où nos pieds se dessinent. Nos lèvres sont tremblantes et la terre collée dessus nous embrasse. La mémoire pèse le silence des foudres que l’amour ignore. Puisque de toute façon ta mémoire survie dans l’intervalle où se déroule la vague tendre qui tapisse l’horizon. Rien ne m’encourage davantage à déplacer le temps de sa course effrénée. Au loin, tout existe très fort dans les signes jaillissant par le ricochet des flammes réanimées. Ce matin, alors que le jour balbutiait à peine quelques pépites de lumière, j’ai pris le réveil sur la table de nuit et j’ai ouvert son boîtier. J’ai posé mes doigts sur la mécanique éventrée et j’ai senti le tic tac modifié de la cadence de mon pouls. Il n’y a pas de zones neutres dans l’escarcelle des émotions qui nous animent. Ma charrette est remplie de terre et de cendre mélangées.
Toutes les balises encore vivantes crépitent et se tonifient dans cet amas nostalgique. Ma peau touche à l’engrais des impulsions instinctives.
Je suis déjà lié aux soupirs du ciel. J’entends remuer derrière les nuages. Quelque chose s’agite. Peut-être les épousailles des étoiles et des terreaux fertiles ? Chaque journée grimpe au mât des contraintes, et l’enfer du monde se noie dans son dégoût. Je n’irai plus à toi comme un déversoir d’orages émaciés, toutes les braises de la terre s’étalent au couteau.
Tu ne viendras plus à moi comme un désert assoiffé d’eau claire. Immergés sous nos cathédrales en talus de fumée, nous marcherons dans la blancheur, à l’intérieur même de la blancheur. Nous sommes concassés de prières arrogantes. Nous sommes des poussières abruptes. Un pas de trop, et ce serait la chute. Nous flirtons dans le bout de monde, non loin des tumultes du silence profond, et nous grappillons notre part d’amour retaillée dans la pierre noire. Le jour est la géode osseuse de la nuit. Nous devenons des blancheurs alignées sur le vertige des silences. Assis sur le rebord de l’éternité, nous contemplons l’audace des heures qui meurent et qui renaissent. L’affrontement entre la nuit et le jour semble être une usure sans salive. Nous sommes toujours vaincus par la couleur des mille feuilles et nos âmes coulent profondément dans les saisons vierges où les fleurs se métamorphosent. Quoi d’autre que des fruits bien mûrs pour répandre des parfums enivrants ?
Tu as pénétré ma solitude comme une farine se dilue à l’eau. Une course liquide est debout, à nouveau. Une droite horizontale soutient la parole au-dessus des étoiles. Un trait rouge s’est enfoncé dans la marge, à la périphérie des jours dénivelés.
Nos jardins en escaliers gravissent le passage bariolé des mots dans l’opaque centrifugeuse des rêves. Dans l’ébriété des cendres entassées, une griffe insolente vient titiller la mansuétude avec la précision d’un horloger.
Nous avons avalé puis ingurgité la réparation de nos fibres. La première clarté de ta beauté ne luira que dans la nuit la plus extrême. Parce que le noir possède des vertus insoupçonnées, le rêve aime y piocher les pigments aigus qui troublent la réalité. Sous le brouet de fumigène, ma langue s’alanguie dans l’épaisseur des verves muettes. Je suis un soldat d’utopie en faction. Immobile comme les galons d’un général, je veille sur la bataille des fantômes qui peuplent mes souvenirs. L’illusion a la lourde tache d’inventer le réel. Le silence parle la langue ancienne et méconnue des pâturages préhistoriques.
Des cerceaux d’air s’échappent des cavernes. Je me découvre fourmillant d’étincelles au milieu de l’immensité implacable. La joie ne se cultive pas, elle surgit à l’improviste comme une lumière béate. J’aime te savoir dépossédée comme je le suis. Nos ruines jointées, les mots peuvent mieux graviter sur la corde de fumée transparente où la mort a eu lieu. Nos chagrins sont désavoués par l’amour replié dans nos chairs. Nos vies s’entravent de l’urgence que le passé remonte de ses caves insalubres.
Nos lacunes répondent par défaut à l’insistance de l’émotion imprimée à l’esprit. Le manque se traduit dans le dédoublement de la parole précipitée. J’aime le bruit du torrent que tu fais jaillir dans mon sang. Je dois admettre que l’amour n’est pas qu’une liturgie fantastique. Il est également la passerelle qui nous permet de traverser les ravins. Il colmate les brèches de l’absence et le vide n’est plus aussi effrayant. La joie vient combler le manque. Elle mastique les fentes de nos jardins ébréchés. Une douce chaleur se relève dans l’obscurité. Nous sommes assis au-dessus de l’ombre. L’amour se coupe comme du papier. Nos encres piochent sous nos peaux le souffle qui emporte. Nous sommes éblouis. La nuit agrandit la lumière. Nos poussières se forgent lentement dans la paume pliée de nos mains, et nos cœurs s’accoudent doucement sur l’éternité. La brume est passée au tamis, l’eau est bue par le rayon du soleil, tout est rendu au centuple à la pierre qui saigne. Tu es ma déesse Fortune. Celle qui incarne le hasard subjectif et l’échec de la pensée. Le bonheur bizarrement s’est immiscé à l’enjeu que m’impose l’épanouissement. Je reconnais humblement postuler à sa providence chaque fois que ma vie inquiète te souhaite comme un aveu nécessaire.
Les baisers qui sortent de la vase n’ont pas encore eu le temps de fleurir. Pourtant, les tiges fièrement élancées se dirigent vers le cayeu des lèvres où tout est inhabitable. Le mot plus que toute autre chose. Dépossédés, nous sommes le rayonnement de toutes les opportunités. A présent, il nous suffit d’enfourcher l’aube comme une monture ailée. L’amour est redevenu lui-même : aveugle et fou. Il domine la vallée verte comme les cheveux d’un arbre décoiffé. Mon cœur est cintré de bouffées rouges et mes frissons décapitent les silhouettes qui ne te ressemblent pas. Nous tirerons à la courte paille celui de nous deux qui devra embrasser l’autre le premier. Mon cœur est sur la route, tes mains aux carrefours. Je m’enflamme comme une nova sacrifie sa pudeur aux scintillements célestes. Plus loin que l’emportement, le temps caché derrière le soleil tire sa manche d’où tombe la blancheur comme une farine broyée par la meule de la lumière. Tout se retire d’un ressac. Même l’ombre qui nous suivait se dérobe sous les pas musclés du vertige.
La marche est poudreuse. Elle nous conduit l’un à l’autre, clairsemés. Trop d’espace me déconcentre. Détestable saveur du monde, ma main vieillit dans cet amour basculé. A l’aube, elle n’écrit plus que des choses usées. La vie maintient le ciel hors de portée. Nos cœurs amenuisent les distances en resserrant la lumière. Une montagne devient papier. Des rires circulent sur une trottinette. La mer se déchaîne dans le fond d’un verre. D’un regard je remplis l’entonnoir par lequel tu t’es dissipée. Je réalise ce que la providence articule en moi pour y faire naître ce que je suis. Elle gouverne l’immense part qui échappe à la raison. L’amour pulvérise la blancheur où s’effacent les griefs que le temps amoncelle. Il gicle comme une source traverse le feu qui se hâte dans la nuit déchirée. La mort est l’intermédiaire où la matière se défait, elle exclue tout avenir et pose le présent dans le sac noir de l’éternité. Il nous reste à gorger les ombres du fluide intarissable de l’innocence qui danse dans toute chose. Rien n’est écrit sur l’évidence de la nécessité.
Rien n’est écrit comme une finalité.
L’amour dans son hasard de merveilles subjugue et met en lumière l’immensité des espaces ignorés. Et aujourd’hui, j’assume pleinement cet indéfini créateur.
C’est à lui que je dois mon étonnement profond. L’événement insensé c’est ce que l’on est. L’amour que l’on a en soi nous suit toujours, partout, où que l’on soit. Toi, et seulement toi ! Je sais maintenant la tache que tu avais au fond de l’œil. Toute l’existence repose sur la rencontre. Elle ne peut tolérer la défection d’un lien intime et amoureux. Toute perte est une chute.
C’est une avalanche de tristesse qui déboule de la montagne où le loup s’est caché. Plus aucun bruit de branches, la nuit disparaît sous les couvertures du rêve insolent où remuent des images défectueuses. Le cauchemar ne connaît pas de distinction entre le jour et la nuit. Lumière aigre de la première lampe au fond du couloir, mes mains cherchent la rampe. Tu restes éveillée de ta seule présence dans mon esprit. Nos collines brûlent sans bruit. Tous ces mots enchevêtrés à nos cils.
Il faut sortir de nos paupières closes, aller dehors. Le thym traverse notre jardin au pas de course. Le parfum n’arrive pas à se poser, l’air non plus. C’est un chassé-croisé entre nos cœurs percés d’aiguilles. On ne parle pas davantage que la source. Le feu est un bouquet du premier jour.
Un sentier de mouchoirs borde le Mistral qui nous pousse dans le dos. Salves d’air en remous, tourbillons remontant nos narines. Il fallait creuser dans l’ombre longeant le mur. Alors, j’ai ramassé des pierres et des glycines. Un peu de lierre dans la buée des choses sans nom.
L’endroit où je touche à ma parole, le lieu d’unisson est pure partie de l’abîme. Dans l’extrémité où planent des moineaux, des platanes s’envolent laissant place au canal criblé de nuages blancs.
Nos voix sont fermées à clef, de l’intérieur, et les mots d’amour incendiés se retrouvent dans le désastre des gestes incompréhensibles. A toi qui n’es pas là, je peux le dire, si la mémoire flambe aujourd’hui comme un feu de forêt, c’est que mon cœur s’acharne à brûler l’aube qui t’a suivie. Caravane d’émotions transbahutée dans le jour replié sous la terre. Tes yeux au-dessus de tout soupçon, à la lisère des souffles.
Crémaillère accrochée au silence, je bute encore sur le linge où tu te caches. Il appartient aux étoiles de travailler à la construction de l’infini. Nous parlerons à la terre, aux herbes et aux fruits. Un mot suffira à dilater nos clapotis d’enfant. Nous ressusciterons comme les vieux troncs d’oliviers fendus par le froid sibérien.
De jeunes pousses sont déjà incrustées à la paume de nos mains. Dorénavant pour saisir les heures enfuies, nous tremblerons comme l’air détonne avec le tonnerre. Rien n’a plus d’audace que le jour pour terrasser toute une nuit.
23-03-12
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Mouvements d’un cil – Moins le hasard et toutes ces choses là
Moins le hasard et toutes ces choses là
La force dans le sel du vent et le mur blanc comme un boulevard qui soulevait une échelle. L’ombre de mon esprit venait chaque matin se déposer sous le pin et le vase recueillir le secret du soleil. La mer gisait en dépouille au fond de la cour, je pouvais entendre le murmure de l’écume en fermant les yeux, pourtant si près du désordre des graviers sous mes pieds nus. J’ai persévéré de tout mon visage pour ne pas oublier cet instant, ses heures inutiles pleines de louanges. Même dans le sommeil. Maintenant. Tous ces élans si vastes pour se contenir et mes mains sur les genoux, immobiles. Toutes ces effusions face aux frissons imperceptibles des feuillages. Beauté que l’on aperçoit dans le creux d’un vase et le ciel si serré du bleu immense. Le ciel pouvait agitait ses ailes nuageuses, je ne percevais qu’une apesanteur et le besoin soudain, le besoin d’exister. Seulement. Pour rien.
₣.w
(sam. 28.05.11)
And the white wall as a boulevard that raised. a ladder
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Ames au poids – (RC)
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papyrus egyptien.. pesée des âmes
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Des aventures en mythologies, beaucoup les partagent
Ce sont des dits, des légendes ( et des commérages)
Qui se colportent, en générations, dans les mémoires
Et donnent en naissance, de belles histoires
La pesée des âmes ( d’un poids négligeable)
Devait être comme l’or ( assez rentable)
Bataille des chiffres et ——-marchandages
Et j’organise un p’tit voyage !!
Par convois entiers, ou bien fusées
Les âmes sont partantes pour aller au musée…
Mais y en a qui trichent, comme le Dr Faust
Préférant livraison lente plutot que « chrono-post »
Ayant vendu, comme on le sait, son âme au diable
Et afficher en retour, un sourire aimable,
Qui pourrait convenir à Marguerite – (elle lui fait la bise) …!
Et aux échanges, y a aussi le marchand de Venise
Qu’à sa p’tite affaire, et n’connaît pas la crise !
C’est encore elle ( la crise), qui étonne et défrise..
J’ai donc reçu, y a pas si longtemps , une proposition
D’acheter l’esprit, l’âme et le talent – autorisation –
Pour une vie meilleure, un autre horizon
Ce qui, pour cette âme, était la meilleure solution…
M’étant jamais v’nu à l’idée de posséder deux âmes
Surtout quand l’autre est celle d’une femme…
———- mais tout compte fait, j’vais réfléchir…
Pas sûr qu’ça soit une bonne affaire – pour investir
Cela risque fort de perdre de la valeur
s’il me vient avec, douleurs et malheurs…!
A jouer malin, et passer par-dessus les lois
Même encore légères, les âmes seraient un poids…
Je dirai plus tard, les suites de l »aventure
Et leurs conséquences sur mon futur
Si je rends visite à la voyante, Mme Soleil
Qui a de petits seins, mais gros orteils …!
Elle connaît les comment et les pourquoi …
On verra donc, quel sera mon choix…
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photo: Sculptures du tympan de Conques ( Aveyron) J Mossot