Histoire de rangement – ( RC )
brookenshaden favorites : Homunculus Stock
Parfois, je ne sais plus vraiment où je suis rangé.
On me retrouve dans les endroits les plus divers
( dernièrement sur une étagère ),
…y pendait un tissu frangé .
Autrement, ce fut une fois avec les assiettes,
dans le buffet de la salle à manger :
mais ma vie devait être en danger,
car voisinaient les verres aux multiples facettes.
La bibliothèque m’accueille dans les rayonnages,
généralement c’est en été,
les portes restent fermées,
et j’ai mon lit de pages.
Mais mon corps est en plusieurs parties ,
car tout cela manque de place
( certainement pas assez d’espace
pour y installer un lit ).
Cette histoire de rangement
n’est pas le premier de mon souci ,
je me découpe, je me déplie
tout à fait naturellement .
Des fois il n’y a qu’un pied, qu’une main
qui s’égare par erreur.
Je n’ai pas essayé le congélateur :
ce n’est pas un endroit très sain
on y côtoie de la viande en sachets
des légumes et du pain durci :
je ne fréquente pas ces lieux ci ;
on dira que je ne suis pas prêt….
Il me faut un minimum d’air
pour que je subsiste quand même :
c’est ça le petit problème
de ma présence sur terre.
J’ai égaré mes poumons , mais je respire:
et même tiré en multiples exemplaires,
je sais qu’il ne faut pas trop s’en faire :
……. comme situation, il y a pire…
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RC – aout 2018
Es-tu cet être sans corps ? – ( RC )
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Es-tu cet être sans corps,
qui ne fait que penser,
et n’a comme décor,
que d’autres exemplaires alignés,
sur les étagères
du laboratoire ?
Ame passagère
que l’on peut voir
dénuée de crâne
( le corps devenu inutile )
un simple organe
reposant tranquille
au fond du bocal :
juste un cerveau ,
dont le mental
ne prend pas eau
> tout cela s’analyse
et se soupèse
et même l’hypophyse
se sent plus à l’aise
flottant dans un liquide
aimable et moelleux,
bien que translucide
(que peut-on espérer de mieux ? ).
Pas de corps vieillissant,
pas de rides,
pas de sang,
mais un autre fluide,
un existence certes monotone,
mais pour les bienfaits de la science,
et la satisfaction des neurones …
la nécessaire expérience
qui libère les pensées
– en se passant d’un corps oppressé –
De toutes façon tu peux communiquer
l’essentiel de tes émotions
et même pouvoir les expliquer ,
en maintes occasions :
va-t-on donc grâce à toi
pouvoir comprendre les détours d’âme,
et tous les émois
d’un psychodrame
tout cela transcrit sur un graphique,
par impulsions électriques ?
Le corps est-il encore nécessaire,
quand on peut en faire abstraction ?
s’il est libre comme l’air
( après son ablation )
on sait qu’il est encore capable
ce cerveau isolé,
– mais relié à des câbles –
d’avoir des pensées pouvant fleurir sans s’emmêler…
> Avec celui d’Einstein on compte bien
recueillir les confidences du physicien…
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RC – janv 2018
Bassam Hajjar – Ils recouvrent de blanc ton absence
Lorsque tu la quittes
ses murs se rapprochent
la maison qui, délaissée,
trouve son âme dans un coin
et devine, depuis un instant seulement,
la toile d’araignée qui pend
dans le familier
devenu vacant.
S’éloigne-t-elle maintenant ?
Ou bien la fais-tu basculer dans le vide
de tes yeux mouillés
dans tes mains
dans le grand air
des lieux éloignés
comme si la fenêtre derrière toi
regardait vers le dedans
et s’éloignait à son tour
tandis que t’absorbent la rue et le tournant
avec une boule dans la gorge
de la taille de l’océan.
Elle ne te voit plus maintenant
la maison qui se blottit dans les entrées désertes de son âme
comme si dans le silence de ceux qui restent, là-bas,
elle baissait la tête et prêtait l’oreille
à l’écho des pas d’hier
à l’écho du rire ou du chuchotement dans les salles de séjour
et les chambres
dans la cuisine
sur les étagères et la table
dans les coeurs étincelants des bouteilles d’eau et de cognac.
Comme si elle devinait
que la petite femme
habitait toujours son coeur
et marchait pieds nus pour ne pas troubler la quiétude
dans son esprit brisé,
comme un murmure
qui s’élèverait en elle, .
et de ses flancs
coulerait l’aigreur de l’attente.
Comme si, quand nous partons, c’était la maison qui nous
quittait,
les tableaux et les étagères descendent des murs
les récipients s’en vont
les meubles aussi
la couleur quitte la maison
tandis que les rideaux restent tirés sur son secret
ainsi que les amantes.
Comme elle est nomade, la lumière
et comme l’ombre est sédentaire
Et les maisons dans la mémoire sont des chambres obscures
des couloirs
la respiration tranquille des draps endormis
réfugiés dans la béatitude de leur bleu
seuls et lisses
seuls et creux comme les veuves
les veuves que sont les maisons
lorsque nous nous éloignons d’elles,
que nous faisons signe de loin
et qu’elles font signe de loin.
Puis la trame de l’horizon se relâche
et l’air se tend,
ni l’oeil ne voit
ni les fenêtres ne clignent
et entre eux la distance commence à se remplir, le temps
commence à creuser.
Ma fille distribue-t-elle en ce moment les rôles du soir ?
Discute-t-elle avec sa voisine la poupée ?
Fait-elle manger Snoopy avec sa petite cuiller ?
Trouble-t-elle l’esprit tranquille de la maison ?
Ou bien dort-elle ?
Et quand la mer passe dans sa nuit
elle se retourne, comme sur l’écume d’une vague,
et son visage s’éclaire, halo de sommeil.
La somnolence c’est aussi les maisons
leur apanage et leurs fantômes cachés
lorsque l’air, alourdi par la fumée et les lampes du soir,
endort la petite femme sur le canapé
tandis que se noie la table du bureau
dans le flot des néons
que bâillent les papiers et les livres
que s’arrête le poème.
Lorsque tu la quittes
ses murs s’écartent
La maison, vaste,
imite le désert des livres
le hurlement des loups au loin
tandis qu’un écho s’écoule de ses flancs.
Qui est l’absent ?
Les choses sont à leur place, sauf toi
les choses sans toi
te cherchent là où tu n’es pas.
Ils te voient là où tu n’es pas.
L’absent est avec eux
dans la photo, sur la chaise, derrière la table,
derrière la fenêtre,
ou bien tu avances, sous leurs yeux, dans la rue
les pieds exilés et le torse maigre.
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Anna Niarakis – Dans une chambre d’un autre continent ( Quantum )
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Tu es quelque part ,ailleurs.
Dans une chambre d’un autre continent.
Murs décorés avec des cadres trouvés dans des poubelles
Il y a quelque part mes lettres, cachées .
Pour moi, ici, quelque part .
Dans une autre chambre.
Ornée de photos de bébé.
Il y a quelque part cachées
tes lettres.
Nous ne pourrons jamais nous répondre, tu as dit.
Chacun portant sa propre solitude.
Nous ne nous écrirons plus
Les murs et les étagères ne pouvaient supporter,
d’autre décoration.
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