A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence – ( RC )

photo perso – Singapour nocturne
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie un murmure
qui s’élève au-dessus des buildings.
Dans les replis de la ville, on ne compte plus les étages,
et ceux qui montent vers les sommets
se désaltèrent d’illusions.
Ils pensent ainsi dominer une partie de la planète,
jouissent d’un capharnaüm de luxe, ponctué de dentelles de néons,
du trafic des automobiles sur les bretelles d’autoroute,
de leur grondement continu ,
qui passerait pour la pulsation du monde.
Sans doute aimeront ils voir s’allumer une à une, les lumières des façades,
plain-chant d’un anonymat qui se voudrait feu d’artifice.
Mais c’est parce que la nuit favorise les contrastes,
le jour enlève les fards, révèle la laideur du béton,
les puits d’ombre entre les bâtiments où végètent d’insalubres masures.
Dans les grandes métropoles, on perd toute mesure :
l’empilement vertical s’étire avec prétention ;
vertige de puissance des multinationales jusqu’à l’outrance
des écrans géants et lettres lumineuses .
( on nous ferait croire qu’on se nourrit de parfums et de billets de banque ).
La voiture y est maître, rutilants cafards errant dans les avenues.
Le piéton paraît incongru dans un monde qui n’est pensé que pour elle,
à moins de sortir du centre, et de retrouver peut-être
une vie à dimension plus humaine,
moins saturée d’imagerie consumériste tapageuse…
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie ce murmure…
Grand tri d’un au-delà ( RC )
Art: manuscrits de l’Apocalypse ( Saint Sever ) XIIè s
–
Si du livre la page
les aventures dessinées
en bandes de destinées
– sur plusieurs étages
Les saints auréolés
D’enluminures, s’empilent
Les cavaliers de l’an mil
Ne vont dégringoler
Que si, des ciels, l’éclipse
Ou les hiérarchies , reculent
Et qu’ainsi, le monde bascule
> Dans l’Apocalypse
Il y a l’ange aux ailes de feu
Qui surveille la scène
Les hommes à la peine
– enfin, les gens de peu –
Que l’on ne voit pas,
Si la bataille s’engage
Alors que le Malin enrage
Promis au trépas.
Car l’on sait la terre
Eloignée des cieux
Le domaine de Dieu
Mais proche de l’enfer.
> Il faut donc choisir
– ce n’est pas banal –
Entre le bien et le mal
Pour bientôt mourir.
Les ailes déployées
Vers un plus bel azur
Du destin futur,
—> Pour l’éternité
Ou bien embrasser Satan
C’est alors rôtir
D’un autre avenir
Et c’est pour longtemps !
Si c’est notre lot,
Si c’est pour demain
A passer l’examen
Tirer l’mauvais numéro
Ou c’est blanc , ou c’est noir
Peu d’élus, beaucoup d’appelés
Ca va être la mêlée
Pour le purgatoire
C’est là, le lieu du tri
Avec ces salades
… Tu es dans la panade
Au milieu des cris
– Origines ethniques ?
– Vous avez une pension ?
– Quelles sont vos opinions ?
– Passé politique ?
Tu viens de quelle région ?
Que font tes parents ?
Et quel est ton rang, ?
Et ta religion ?
………..Il faut être conforme
A l’examen du passé
> Quand on est trépassé
Et surtout dans les normes.
Si t’as une bible
Des cheveux blonds
Et puis quelques ronds
C’est d’ja plus crédible
Carte d’identité ?
Sécurité sociale ?
Et ben t’as la totale
» On va t’inviter ! « .
Mais si t’en n’ as pas
– Ni carte de crédit
Pour le paradis
On étudiera ton cas
Les places sont limitées
Et puis faut pas rêver,
Elles sont réservées
En enfer, va donc t’agiter !
–
RC – 16 septembre 2012
–
Permis de démolir ( RC )
Permis de démolir
En tranches d’intérieurs
L’intimité s’offre au dehors
Au soleil, à la pluie, comme décor
C’étaient des logements, des demeures
Des chambres à coucher offertes
Superposées d’étages,
Aux souvenirs de sommeil, et d’images
De la façade ouverte
Pendent des papiers peints
Que la lumière, va, déteints
Et s’en détachent bientôt, des lambeaux
Aux murs encore accrochés, les lavabos
Et au dessus l’inévitable miroir –tablette
Fantômes de vie, toilettes
S’incruste en zigzag, le fossile de l’escalier
La rampe encore fixée, entre chaque palier
Et puis au sol, parmi les gravats
Les plafonds défoncés, les poutres affaissées
S’affichent les traces d’une vie délaissée
Un chien trottine, au milieu des papiers gras
Des ballons, et jouets d’enfants abandonnés
Et de vieux objets rouillés
Offerts au vent , et à l’herbe mouillée
… En attendant, le nouveau parking goudronné !
RC 15 avril 2012