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La maison où le cœur chante – ( RC )


peinture Franklin Carmichael

La maison s’est blottie
au creux des collines
à côté de l’étang.


L’ombre est rare
sous le soleil de midi.
Un arbre penche
vers son ombre douce.


De ses branches
s’épanchent des gouttes de résine.


L’été étend sa main
parmi les champs.


Je reprendrai le chemin
qui s’écarte des grandes voies
et j’irai vers toi


retrouver la maison accueillante
où tu m’attends
depuis bien longtemps,


là, où toujours le cœur chante….


Gabriela Mistral – l’amour muet


trad Nicole Laurent-Catrice
( variante dans Biblioteca Premio Nobel, éd. Aruilar : Amor, Amor.)

montage RC

Si je te haïssais, je te jetterais ma haine dans des mots, ronde et sûre; mais je t’aime et mon amour ne se fie pas à ce parler des hommes, trop obscur.
Tu voudrais qu’il s’exprime en cri déchirant, mais il vient de si profond qu’il a, défaillant, répandu son flot brûlant bien avant la gorge, bien avant la poitrine.
Je suis comme un étang gorgé et tu me crois un jet d’eau inerte.
Tout cela à cause de mon silence tourmenté qui est plus atroce que d’entrer dans la mort !


Ainsi ne me touche pas. Je mentirais si je te disais que je te livre mon amour dans ces bras tendus, dans ma bouche, dans mon cou, et toi, croyant que tu l’as bu tout entier, tu t’abuserais comme un enfant aveugle.
Car mon amour n’est pas seulement cette gerbe rebelle et fatiguée de mon corps, qui tremble toute au frôlement du cilice et qui s’attarde dans son vol.
Il est ce qui est dans le baiser et ce n’est pas la lèvre; ce qui brise la voix, et ce n’est pas la poitrine; c’est un vent de Dieu qui passe en déchirant la branche de ma chair, immatériel!
.

El amor que calla


Une nouvelle Ophélie – ( RC )


image.png
photo  :Gregory Crewdson
Tout est en place,
rien ne bouge,
c’est le calme plat
après la tempête,
–   ainsi le dit-on,
et tout est paisible
dans le salon:
 
des vêtements suspendus
des objets divers sur la table basse,,
les livres  dans la bibliothèque,
et la pendule égrenant les minutes,
le papier peint dont on voit les motifs 
qui prolifèrent,  répétitifs,
où sont  accrochées des photos de famille.
 
Cet intérieur a cet aspect tranquille
que rien  ne va perturber
et pourtant dans ce décor, 
somme toute, banal,
 
les fauteuils  se font la malle;
où est passée la maîtresse de maison
qui abandonne ses chaussons
sur les marches de l’escalier ?
 
Des fenêtres , une lumière feutrée 
comme celle  d’une  chambre  mortuaire, 
basculeront les  étagères
quand  l’eau  sera montée.
Cette  scène, nous la verrions
comme si nous y étions  rentrés
juste après l’inondation.
 
Ou bien l’observant derrière
une paroi de verre,
comme celle où l’on contemple les poissons
– sans  submersion -.
 
C’est la journée ordinaire
de la maîtresse de maison
qui ne justifie ni mise en scène,
ni éclairage  au néon.
Une aventure  quotidienne
qui connait cependant
un certain flottement
dans l’occupation des lieux.
 
Le photographe se place au centre géographique
à hauteur  d’homme
évoquant l’atmosphère aquatique
d’un aquarium.
 
Ophélie n’est pas au milieu de l’étang
émergeant des lentilles d’eau,
mais bien chez  elle,
dans  son appartement,
regardant  fixement,
le plafond,    immobile…
curieux vaudeville
 
De la comédie,
      c’est cet après-midi
où tout semble  s’arrêter :
Le temps  est immobilisé
        et la vie humaine
     un élément de la scène
qui dérive en flottant
dans le  décor indifférent .

Cette dame blanche – ( RC )


photo :  Elisabeth Kalinovski

 

 

C’est cette dame blanche,

qui ne se montre qu’en robe de soir,

au milieu des étoiles.

 

Certains disent que c’est comme une bulle,

échappée de l’étang ,

que les arbres n’ont pas pu retenir,

ni les oiseaux

 

et qui n’en finit pas de grossir,

légère et qui s’envole

toute ronde,

 

pour faire le tour du monde,

emportant son secret

dans sa face cachée .

 

Elle se méfie des hommes,

et de leur indiscrétion :

ils ont débarqué un jour sans prévenir,

ayant décidé de venir

à bord d’un vaisseau métallique,

dans une étendue désertique.

 

( un endroit impersonnel :

Y avait même pas un hôtel) !

Mais la dame étant fière :

 

elle n’a donné aux hommes que de la poussière,

car malgré sa bienveillance,

elle garde ses distances .

– L’espace est immense,

et tout le temps elle danse :

et tourne sans bruit :

Elle se fait belle chaque nuit

pour se faire caresser par le soleil :

Sa lumière l’émerveille .

 

Depuis la nuit des temps,

elle rêve d’en faire son amant .

( Aujourd’hui la lune est rousse

 

regarde comme sa peau est douce ! )

Elle n’a rien d’un épouvantail,

à cause de sa petite taille :

 

mais elle grossit de jour en jour :

et compte bien jouer un bon tour

à la terre

 

qui la maintient prisonnière :

elle se réveillera en sursaut,

sans ses ruisseaux,

 

et la mangera petit à petit

avec grand appétit :

La terre sera son satellite

 

elle la prendra sous son orbite

elle deviendra planète à son tour

ne serait-ce que par amour

et concurrencer Vénus .

 

Elle a bien d’autres astuces,

car notre dame blanche

voudrait bien prendre sa revanche :

 

( avoir à ses pieds le système solaire ! )

  • ça, ce serait le monde à l’envers !

RC- nov 2016


Le terrain vague – ( RC )


 

Entre les façades tristes, et mutiques
des rangées d’immeubles,
gît une  zone indéfinie,
et personne ne revendique
les marges floues d’un territoire  ;

ce lieu de passage, où rien ne semble certain,
comme l’oeil étrange d’un étang,
habité d’une  vie secrète, à quelque  distance,
sous la vase.
Les formes, même  celles  des plus banales,
semblent  dériver à force d’abandon,
sans  se heurter  aux  certitudes du ciment
et du goudron.

Des  sentiers hésitants contournent des bosses,
évitent des flaques, où courent  des nuages  gris.
Je les empruntais comme des raccourcis,
ou bien avec les copains, les jours  de désœuvrement.

Des bois morts  sont des trophées anciens,
où s’accrochent d’anciens  pneus de cycles.
Des graminées amères se disputent des tas  de gravats .
Surgissent  parfois des pierres taillées,
des morceaux de murs bousculés,
où se lisent  encore  des slogans  rageurs,
et graffiti à moitié  effacés .

Ce espace  échappe  à la  géométrie,
se rebelle avec le présent, et régurgite  de son ventre ,
des objets, qui y étaient  enfouis,
lestés de batailles  secrètes .

Des objets métalliques dont on ne saurait plus expliquer  l’usage,
des tesselles  de mosaïque  aux couleurs vives,
et même  je me souviens, du crâne d’une  vache,  
aux  cornes envahies  de mousse .

Ces voyages  imprécis, aux  abords  de la ville,
tenaient  d’un purgatoire .
D’une  rumeur  entre deux rives :
elle  confessait la parole d’un passé, pas encore  normalisé .

Les parcours  capricieux, avaient  quelque  chose à voir ,
sans doute,   avec l’adolescence.
 
Comme elle, quelques  années suffiraient à en interdire l’accès,
à le cerner  de murs, avant de le transformer,
en parking  de supermarché.

RC  – janv  2015


Quine Chevalier – ensorcelées sous le soleil – II


relief: disque  solaire aztèque ( Teotihuacan)

relief:        disque solaire aztèque ( Teotihuacan) – Mexique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chimères dans la bouche
inscrites au livre noir

faux dragon quand le feu
n’est plus qu’une bougie.

Les visages anciens chuchotent
autour des flammes
ont perdu leur pouvoir
et maléfices vains.

L’enfant revient
ailé d’un autre feu
des rubis sur la lèvre
qu’attisent les étoiles

il jongle sur l’étang
dans les arbres si purs

se pare d’écorces
de plumage
et le vent dans tout ça

qui l’attire et l’enchante.

–  II  –


A la surface, où le silence se fracasse – ( RC )


 

photo perso: étangs de la petite Camargue. Saint Louis,  Alsace

photo perso:           étangs de la petite Camargue.             Saint Louis, Alsace

 

Le soleil rebondit,

Quelque part,

Après les brumes,

Et s’infiltre avec peine,

Au milieu des branches,

Encore vides.

Les feuilles naissantes,

Attendront encore,

L’explosion de l’ivresse

 

L’eau a son reflet ,   mat,

Mordue    par la glace,

Tu peux te risquer, à sa surface ,

Où le silence se fracasse,

En ombres effilées,

Extraites des pliures du matin,

Quand l’heure  stagne,

Sur les tiges frêles,     prisonnières de l’étang.

 

Le verre  cathédrale,

A déjà son réseau de fêlures,

Lézardes en ricochets

Certaines sont  dûes,

Aux cailloux qu’on y a jetés,

Et qui sont restés            posés,

Comme un défi aux fonds soyeux,

Où tout s’enfonce dans une vie secrète.

 

Tu serais comme une pierre,

Figé de froid,

Même  sous ton lourd manteau,

Et seul le regard mobile,

Se verrait chercher           sous l’épaisseur,

A peine translucide,

Sans vraiment le vouloir,

Des mouvements furtifs,     mêlés de reflets.

 

Le nappage répandu    en couches ,

Au long des nuits,    allongées de gel  ,

A jeté son pont

Au-dessus  de l’eau.

>                   Elle  est la vie,

Des carpes sombres la parcourent,

En arabesques capricieuses,

Ignorant le monde clos, du dessus.

 

 

RC – avril 2014

 


Quine Chevalier – neige conçue 2


 

 

 

 

Neige conçue
de toute part
près du buisson
ardent que trouble
l’appel du merle

L’homme s’en revient
piétiner la neige
briser branches lourdes

Il hèle l’enfant qui patine
légère glace de l’effroi
au bord de l’étang
bâtir un regard
clair au-dessus

 

 


Paul Vincensini – D’herbe noire


photo: Lucien Clergue                Camargue secrète

D’herbe noire

J’avais cueilli des fleurs pour traverser la mer
Mais j’ai dormi près de l’étang
Au milieu des chevaux
Et l’amour emprisonne mon bouquet d’herbe noire
Je suis maintenant étendu sur le sable
Je ne pars plus
Je suis un petit aveugle
Et j’ai tout un coucher de soleil sur les jambes.


Colette Fournier – Au matin


photo Andreas Feininnger

photo Andreas Feininnger

Longtemps, mon cœur a battu au flanc du jour.

L’aube était pure, si pure,

Un lever de mystères blancs,

Une pluie d’instants menus dessinés au fusain noir,

La rue et son appel rauque et volage,

La prairie songeuse au soleil,

Et immobile sous un ciel d’extase,

L’eau dormante d’un étang blond.

Longtemps, je suis restée suspendue aux matins,

Aux histoires de fées et de lutins,

Osant à peine, à peine, poser mes pas pointus,

Sur l’herbe mouillée de peur de l’abimer un peu,

Craignant de réveiller juste par mon souffle,

Les esprits endormis de la forêt,

Et les fleurs assoupies dans leurs corolles soumises,

Et que le vent, doucement, plie.

Je ne veux pas, donnant à mon cœur du repos,

Oublier l’odeur des départs,

La nuit couchée en coin comme un chat dispos,

Je ne veux pas refuser tes larmes,

Quand tu te penches sur la vie et que tu l’aimes encore,

Je ne veux rien effacer dans tes yeux, pas même ta mémoire,

Juste goûter encore la ferveur des matins, encore, demain….

( visible dans le blog de phedrienne : http://colettefournier.com/2013/02/21/au-matin/)


La porte du sommeil ( RC )


photo : opéra de Wagner:            l’anneau des Nibellungen


La porte du sommeil


Lorsque la lourde porte s’entrouvre
Et que se glissent les rêves
Les brumes des légendes,
Les nymphes flottantes,
Aux bruits                      de la forêt,
Laissée,            nocturne à la mousse
Et aux sommeils sauvages,
Juste effrités,               par les images
Furtives des biches, venues s’abreuver
Aux sources de la nuit.

Il y a dans nos mémoires,
Toutes les histoires,
De chevaliers errants,
Les étangs fumants,
Les poussières fuyant en rayons de soleil,
Lorsque, justement, on sombre dans le sommeil.
Les fées sont d’exquises danseuses  *
Les plantes, aux tentacules vénéneuses,
Se liguent ,               hantant, en errance,
Nos souvenirs d’enfance.

Dans nos rêves, se glisse la tempête,
Si on soulève la tête,
C’est tout un monde fantastique,
Qui bascule toute logique
Le désert des tartares
Les griffes du cauchemar,
Les épées qui tranchent
Les arbres qui se penchent
La brume filtrant des puits
Les nains qui s’enfuient…

Un cercle de feu ,              où s’inscrit
—             La chevauchée des Walkyries,
L’écho renvoit,             et répète
Les sonneries des trompettes…
—  Dans la tête aussi , les peintures d’Odilon Redon
Et s’envolent aussi                    le char d’Apollon,
Et d’autres                              animaux sauvages,
Quittant la terre pour un voyage,
Tutoyant l’irréel
Dès que leur poussent des ailes.

RC  –  4 décembre 2012

illustration: l’or du Rhin

* «  les fées sont d’exquises danseuses » est le nom d’une pièce pour piano de Claude Debussy,   ( préludes)             voir lien DailyMotion


Le sommeil des nénufars ( RC )


peinture:             P Mondrian.      Night landscape  1907-08

Sous les branches tombées à notre insu, un parterre
d’ocre,  si bien aussi  qu’à plat sur la surface gelée  de l’étang
on pourrait marcher

Contourner les nénufars, surpris  dans leur  sommeil,
comme au bord  d’un temps,
Qu’ils avaient oublié
Fragiles coques, lestées de mémoire
Qui les retiennent par le fond
Tandis  que, en ombres
Les carpes évoluent silencieusement,
dessous,  ignorant les nuages,
Et la neige,
Qui coiffe les sommets  des collines.

Il n’y a pas trop de nuits, pour attendre
Que revienne la tiédeur,
Et les sauts des grenouilles….

RC  – 29 novembre 2012

inspiré par François Cheng  ‘ »Fumées »


Wyslava Szymborska – coup de foudre


peinture;               G Braque:                  paysage à la Ciotat            1907

 

 

 

 

 

Je n’en  veux pas au  printemps

d’être  venu  à  nouveau.

Je ne lui  tiens pas  rigueur

de  remplir comme  chaque  année

ses obligations.

 

Je comprends  que  mon  chagrin

n’arrêtera  pas la   verdure.

Et le brin  d’herbe  s’il  hésite un  instant,

c’est  sur le  souffle du  vent.

 

Je ne souffre pas  trop  de  voir

que les  aulnes  au bord  de  l’eau

ont  de  quoi  bruire  à  nouveau.

 

Je prends bonne   note  du  fait

que- comme  si  tu   étais  toujours  là –

le bord  d’un certain  étang

est  resté aussi  beau  que  naguère.

 

Je ne garde  nulle  rancune

a la vue, pour la vue  de la baie

par le  soleil  éblouie.

 

Je parviens  même  à  imaginer

Les deux, mais pas nous du tout,

assis en  ce  moment  même

sur le  tronc  du  bouleau  abattu.

 

Je respecte leur  droit  absolu

au  chuchotement et  au  rire

et  au silence  du  bonheur.

 

J’irais même  jusqu’à  penser

que  c’est l’amour  qui  les  lie,

et qu’il  la  serre contre  lui

de son  bras  tout  à  fait vivant.

 

Quelque  chose  de nouveau, très oiseau,

bourdonne  dans les roseaux.

De tout mon coeur je souhaite

Qu’iils  puissent  tous  deux l’entendre.

 

Je n’exige  aucun  amendement

des  vagues  qui  s’abattent sur  la  rive,

ni aux vives,  ni aux  lascives

et qui  n’obéissent pas à  ma  loi.

 

Je  ne  demande  rien  de  rien

à l’étang  près de la  forêt,

qu’il  soit  émeraude

qu’il soit  saphyr,

qu’il  soit même  charbon.

 

Une seule  chose   je  refuse.

Revenir  à  tous  ces  endroits.

A ce privilège  de  présence-

Je renonce  par  la présente .

 

Je t’ai  tellement  vécu,

et  peut être juste  ce  qu’il faut,

pour  pouvoir  y  penser  de  loin.

 
Recueil  « Je ne  sais  quelles  gens »  traduit  du  polonais  par  Piotr Kaminski.


François Corvol – mythologies 03


photo: Edw Steichen

Un jour tu refermeras l’ombrelle et tout ceci
coulera dans l’eau comme les ancres
tout ceci qui nous ensorcela
disparaîtra dans l’étang dans le fort, pris au piège
du temps de la vie de tout ce qui se dérobe à ton piano
dix doigts pour commencer le château
la cueillette des cerises le repas des oiseaux, nous avons
beau voyager retenir l’eau toujours je vois
la nuit les arbres les manteaux
un jour tu refermeras l’ombrelle et tout ceci
coulera dans l’eau comme les pierres
tout ceci qui nous ensorcela

d’autres textes  de François  Corvol, sont  disponibles  sur « décadence.net »

Image, montage  perso 2000,      à partir  de reproductions d’oeuvres  de Max Ernst


Si l’envers était endroit ( RC )


aquatic world ou Russell Blackwood

Si l’envers était endroit

Et le sommeil liquide, le reflet du monde, et celui des plus proches, les sombres forêts moussues, en sentinelles.

Et les algues, au milieu de la matière glauque d’un en-dessus de ciel…
La mémoire porterait le souvenir d’un monde terrestre,
Quelque part, comme en réminiscences.

Plus de pesanteur terrestre pour ta chevelure, que seuls les courants mouleraient de leurs doigts.
Plus de pesanteur pour ta robe,  en cloche  comme une méduse habitée de toi.

Plus de distance de paroles, même la bouche ouverte, où viendrait parfois s’interposer, l’ombre d’une carpe.
L’ange de l’étang ne montrera pas ses larmes, puisque mêlées aux ondulations des tiges têtues des nénufars.aux parapluies étalés au regard d’un autre monde, collé à la lumière.

Seules les grenouilles  en traduiraient l’existence, et , dans leur prophétie, nous diraient les  sources, et les orages.
Silence cependant des eaux  étales, juste piquetées, en surface, de temps en temps  par des points de pluie, ces seules notes de musique d’un piano mouvant, accompagné  d’éclairs furtifs…

Et nous serions  dressés, à l’horizontale, ou tête bêche,
-peu importe – , à la pliure du monde,  la vie  traversière….

RC  –  23 juin 2012


Françoise Ascal – 1


ZhouChen, fleur de pêcher XVIè siècle

 

 

1

Au loin la rivière roule d’obscures promesses.

Le sapin tutélaire veille,
ancêtre tenace gardant sous son aile les âmes innombrables des lapins d’autrefois, bouquet d’âmes innocentes ayant connu l’effroi sous la lame agile en ce lieu précis, misérables créatures liées aux misérables paysans, les unes et les autres aujourd’hui confondues dans l’absence, dans la radiation de tout ce ce qui fut, une fois, une unique fois présence, atomes de chair pareillement broyés sous la meule qui jamais ne crisse, jamais ne grince, terreau de misère faisant croître le sapin haut et ferme, à l’ombre duquel j’écris ce jour, traversée d’une calme joie — légère puisque sans fondement, sans raisons, sans réponses. Sans consolation.

Là -haut, le vent souffle.
Là-haut, un busard trace de grands cercles dans le bleu du ciel avant de rejoindre son poste de guet , au sommet d’un frêne.
Sous la terre et le grès rose, sous les étangs , les bouleaux, les bruyères, les anciens n’en finissent pas de se décomposer.

Le vent tourmente la peau des vivants,
attise les signes.

Au vif de l’été la plante du pied s’impatiente.

 

 

 


Claudio Pozzani – Cherche en toi la voix que tu n’entends pas


photo : Man Ray

Cherche en toi la voix que tu n’entends pas

(invocation pour voix, cage thoracique et solitude)

Cherche en toi la voix que tu n’entends pas
mange l’univers si tu ne la comprends pas

Maisons basses au toit en pente
pleurant la pluie venant des sous-toits désormais pourris
Parfum de terre, de feuilles, d’étangs
et paysages sinistres de marbre candide

Cherche en toi la voix que tu n’entends pas
mange l’univers si tu ne la comprends pas

Vers qui gisent sous le fond boueux
rats qui nagent dans des ruisseaux d’acier
Embruns de brouillard, voitures véloces
qui broutent de rapides tagliatelle d’asphalte

Cherche en toi la voix que tu n’entends pas
mange l’univers si tu ne la comprends pas

Des ombres de glaise se trainent les pieds
en secouant leur tête conique basse
D’obliques fantômes imprimés sur le mur
rappellent fuites et chevaux de frise

La noirceur commence à refléter ton esprit
tandis que tout devient effervescent et vert…

Claudio Pozzani

Cerca in te la voce che non senti

(invocazione per voce, cassa toracica e solitudine)

Cerca in te la voce che non senti
mangia l'universo se non la comprendi

Basse case dai tetti spioventi
lacrimanti pioggia da gronde ormai marce
Profumo di terra, di foglie, di stagni
e sinistri paesaggi di candido marmo

Cerca in te la voce che non senti
mangia l'universo se non la comprendi

Vermi che giacciono sotto il fondo fangoso
topi che nuotano in ruscelli d'acciaio
Fumo di nebbia, auto veloci
che brucano leste tagliatelle d'asfalto

Cerca in te la voce che non senti
mangia l'universo se non la comprendi

Ombra di creta camminano stanche
scuotendo bassa la conica testa
Obliqui fantasmi stampati sul muro
ricordano fughe e cavalli di frisia

Il buio comincia a specchiarti la mente
mentre tutto diventa effervescente e verde...

Top

© Claudio Pozzani

Extrait de: Saudade e Spleen

Alchimies Poétiques, Éditions Lanore, Paris 2001

 

 

 

 



Pierre Etienne – signes sur l’eau


 

eau mouvante – Venise

 

 

Si du bout de mes doigts
je trace des signes sur l’eau
les mots traversent l’étang
reliant l’une à l’autre rive

Là-bas nul récipiendaire
ne recevra le message
les carpes m’ont assuré
du silence des secrets

Les arbres captent des reflets
telle l’image mal réglée
d’un téléviseur folâtre

Avant de connaître l’étang
j’ignorais que tant d’avions
détruisent le calme du ciel

Pierre Etienne /   extrait  de  « Quarante quatre sonnets approximatifs »