Cesare Pavese – la terre et la mort

photo RC – causse de Sauveterre ( 48 )
Tu es comme une terre
que nul n’a jamais dite.
Tu n’attends rien
que la parole
qui jaillira des tréfonds
comme un fruit parmi les branches.
Un vent vient, te gagne.
Ces choses, mortes et desséchées,
t’encombrent et s’en vont dans le vent
Membres et paroles anciennes
Tu trembles dans l’été.
Sierra de Mudler – donner et recevoir
One day you’ll learn
how to give and receive love
like an open window
and it will feel like summer
every day.

Un jour tu apprendras
comment donner et recevoir l’amour
comme une fenêtre ouverte
cela sera la sensation de l’été
tous les jours.
Cacophonie – (Susanne Derève)

–
Cacophonie de chants d’oiseaux :
ce matin comme chaque matin ils occupent tout l’espace sonore
se répondant d’arbre en arbre , de gouttière en gouttière :
rougequeue, mésange, fauvette
et le vol affairé des hirondelles picorant miettes et rameaux
–
Le va et vient obstiné des fourmis sous la fenêtre que je déjoue
d’une brindille comme on dévie le cours d’un ruisseau
–
Vient l’heure où le lézard furtif , pointant son oeil inquiet
rejoint les pierres chaudes , se risque à laper d’une langue hâtive
une flaque déposée par la nuit.
–
Tandis que le concert des oiseaux s’apaise ,
c’est un long bourdonnement qui monte dans la chaleur :
le chant de basson des insectes saturant le silence.
–
Au sol l’ombre chemine . Heures indolentes ,
les jours ne passent pas ici , ils nous charrient
comme un long fleuve érodant monts et vallées,
à l’échelle d’un temps démesuré
qui polit doucement causses et dolines ,
croque le calcaire d’une dent gargantuesque
sous nos yeux de petits poucets .
–
Le platane dans la cour – ( RC )
_
Je me souviens de l’arbre
dans la cour de récréation ;
c’était un de ces platanes
dont on rognait les grosses branches.
Au roulement des nuages d’automne,
le platane abandonnait ses feuilles
avec des nuances , où il restait
du vert et du jaune , parmi la rouille .
A sa base, une rondelle de béton
comportait un multitude de stries en creux
où les enfants se groupaient
pour jouer aux billes
avec le but d’en faire le tour
le plus rapidement,
tout en évitant les creux.
Je me souviens y avoir joué aussi,
les doigts tachés d’encre violette.
C’était celle qu’on utilisait encore
dans ces récipients en porcelaine blanche
incrustés à droite dans le trou du bureau .
Je me souviens…
( comme dirait Pérec )
aussi , de l’odeur âcre des feuilles,
que l’agent d’entretien faisait brûler,
odeur qui marquait définitivement
la fin de l’été.
Ne compte pas ce qu’il reste d’étés (Susanne Derève)

Ne compte pas ce qu’il reste d’étés
N’en resterait qu’un seul, nous saurions l’épuiser
comme le condamné convoite l’aube recluse,
l’égaré la première étoile
N’en reste qu’une trace furtive au creux des blés
un pépiement d’oiseau
la lueur du couchant sur les pierres
un ricochet sur l’eau
et pour peu que le vent le ramène au rivage
le sillage blanc d’un bateau
regagnant lentement le port ,
blanc et sonore du vol agglutiné des mouettes
Le croirait-il, celui qui tient la barre,
qu’il croise pour la dernière fois le phare
et la bouée du dernier corps-mort
Il pense juste à demain
et demain est plein de l’ombre du vent
sur la mer
et de la fraicheur des risées
du parfum d’iode
et des soubresauts de la pêche
brillante en ses filets
Demain est dans ses rets ,
et dans nos mains peut-être le dernier été
Ce que n’ont pas vu les oiseaux …SD+RC

–
Entre tilleul et cerisier,
J’ouvre une parenthèse:
mains, peau, émois, éveil, ….
Quelques éclats de soleil
nous caressent à notre insu.
Ce que les oiseaux ont vu,
je ne le dirai pas…
Dirai-je ce qu’ils n’ont pas vu :
la valse tendre de nos doigts
dans l’ombre du feuillage,
les étoffes froissées,
dansant,
ton corps léger , flottant dans l’air,
sous la lumière complice,
baignant le couvert de petites parcelles d’or
que tu n’as pas saisies.
C’est qu’ils n’ont pas surpris
la douce chanson du désir…
L’été s’est installé
dans un soupir…
–
SD-RC août 2020
Sandra Lillo – du rêve de l’été
peinture: Julianne Felton
–
Les ombres boivent le soir
la lumière
Tu te demandes comment
t’échapper
les cercles s’agrandissent
la nuit monte aux chevilles
te réveiller oiseau peuplier
saule pleureur
mais pas du rêve de l’été
Quand résonne Septembre – (Susanne Derève)

Photo RC – Blés des Causses
Quand résonne Septembre
me revient
la chanson de la pluie sur les verrières
son bruit de verre pilé
celui du verre qu’on rassemble
enclos sous le voile léger
comme un rire étouffé éparpillant les cendres
de l’été
Verre brisé
Parfois les feuilles sèches des saules
avaient ce tintement cristallin en Juillet
et le vide du ciel l’étincelant reflet
Dans la pénombre à traquer la moindre trace
de fraîcheur chaque geste pesait
C’était un temps d’une infinie langueur
où l’on se contentait d’être dans la dérive lente
des heures sans que décline la fournaise
Même la nuit brûlait d’une insolente ardeur
Verre brisé le murmure des blés
dans l’ombre portée du vent
comme un frisson un long haussement d’épaule
un éclair de chaleur le plein chant de l’orage
croisant à l’horizon un crépitement bref
à peine une averse une sueur d’été
On attendait Septembre
la douce chanson de la pluie sur les verrières
son bruit de verre pilé
celui du verre qu’on rassemble
enclos sous le voile léger
un sanglot étouffé qui dispersait les cendres
de l’été
C’est le vent d’été … – ( RC )
peinture : Alexander Brook
C’est le vent d’été
qui a couché les blés ,
un silence s’est fait parmi les bruits :
c’est bientôt la pluie
qui va nourrir la terre,
celle qui désaltère,
et que l’on attend
depuis si longtemps :
Pendant que le ciel oscille :
l’orage plante ses faucilles
concentre ses flèches
rebondit sur la terre sèche.
Il éparpille les jours torrides,
remplit les poitrines vides,
gonfle les ruisseaux,
cherche dans les rocs des échos,
qu’il trouve jusque dans ta voix :
cette soif insatiable que rien ne combat :
la vie est revenue d’une longue absence
Elle remercie la providence,
envisage un nouvel avenir :
je vois tes seins s’épanouir,
l’herbe reverdir,
et le désert refleurir…
J’ai beaucoup appris de tes paysages,
de l’attente et des passages,
des courbes de tendresse
où le temps paresse
de tes frissons secrets
et des lits défaits
où se courbe la rivière,
où se love la lumière :
Après l’orage et le calme revenu,
au silence dévêtu,
la chair embrasée,
enfin apaisée…
–
RC – avr 2019
Enfance – (Susanne Derève)

Henry Potthast – A Summer’s Night
A caresser des yeux la grâce
et l’innocence le temps passait
comme glisse l’été
une note sur la portée
en gymnopédie du silence
qu’y avait-il à raconter
on vivait le temps de l’enfance
Eugenio de Andrade – traverser l’été pour te voir
photo Frank Vic
J’avais traversé l’été pour te voir
dormir, et rapportais d’autres contrées
un soleil de blé dans la pupille ;
quelquefois la lumière s’attarde
sur des mains fatiguées ; je ne sais en lequel
de nous explosa une soudaine
jeunesse – explosa, ou chantait :
l’air était plus frais.
Qui chante en plein été espère voir la mer.
Petites pièces (Susanne Derève)
Berthe MORISOT Jardin de roses (1885)
Pigeons
roucoulements du matin
tendresse
et le sommeil qui fuit
paresse
je reste au lit
*
Soleil
c’était hier sous l’érable
chaleur ombre
Mêlées
sommeil d’après-midi
bonheur d’été
*
Roses blanches, roses rouges
auxquelles la chaleur sied
les hortensias bleus ont fané
L’orage gronde et rien ne bouge
*
Mais ce matin
fraicheur et pluie
le bleu a disparu de la palette
tout est gris
C’est au loin que l’orage a fui
*
Changement de décor
dans mon tout petit monde
que Lodge me pardonne
mes emprunts
Ce n’est pas la brume
qui monte
ce sont les vapeurs de la terre
et ses parfums
*
Un espace un silence
demeurer ainsi
dans l’instant
vide de sens
Espérer que l’éclat du soleil
ne le dérobe pas
ni le pas qui s’approche
ni la porte qui s’ouvre et grince
sur ses gonds
sursaut
Chercher le silence profond
même la nuit est un fardeau
*
Louisa Siefert – il est des pistes
peinture Emil Nolde :mer avec ciel rouge
–
Au clair soleil de la jeunesse,
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru.
– Est-il sûr qu’un jour tout renaisse,
Après que tout a disparu ?
Pauvre enfant d’été, moi, j’ai cru !
Et tout manque où ma main s’appuie.
– Après que tout a disparu
Je regarde tomber la pluie.
Et tout manque où ma main s’appuie
Hélas! les beaux jours ne sont plus.
– Je regarde tomber la pluie…
Vraiment, j’ai vingt ans révolus.
Louisa SIEFERT « Les rayons perdus »
(Albin Michel)
Parfois les choses durent – ( RC )
Parfois les choses durent
autant qu’elles le peuvent :
– C’est comme la preuve
de ce qu’elles endurent .
Il y avait quelques traits,
ceux de ton écriture,
posés dans le carnet,
avec désinvolture :
Comme ils m’étaient dédiés
ils sont restés,
au coeur même du papier :
on les dirait incrustés
unissant les paroles d’hier,
comme celles du temps qui passe
et se dépose sur la matière
avec une légère trace .
- C’était un échantillon
de la brillance de l’été :
– Souviens-toi du papillon
qui s’était frotté
sur la page :
avant qu’il ne s’en aille
pour un autre voyage :
– Il a laissé quelques écailles
qui brillent encore :
des pensées oubliées
– Comme un trésor
au fond de l’être aimé .
–
RC – avr 2017
( à partir des « cahiers du déluge » « constat #17 ) de Marlen Sauvage
Sierra de Mulder – Amour chaque jour,comme une fenêtre ouverte
One day
you will learn
how to give and receive love
like an open window
and it will feel like summer
every day.
Un jour
tu apprendras
comment donner et recevoir de l’amour
comme une fenêtre ouverte
et cela sera une sensation comme l’été
à chaque jour.
Mary Jo Hoose – Oh enterrez-moi !
–
–
Oh enterrez-moi en haut d’ une montagne de la région
Au flux des eaux cristallines s’écoulant comme une fontaine éternelle.
Avec sa colline de verte émeraude , piquetée de belles fleurs sauvages.
Et de grands pins parfumant l’air sous la chaude douche de l’été.
Trouvez un vieux chêne avec des branches pleines d’ombre.
Les petits oiseaux chantant pour moi depuis leurs nids .
Oh enterrez-moi auprès du lumineux et chaud soleil ,
Lorsque la pleine lune brille , sur une nuit étoilée.
Reliée à la cabane de mon pays bien-aimé ,
Regardée et protégée par mon chien fidèle .
Oh enterrez-moi auprès des dieux de la grande cathédrale bleue .
Où le vrai sommeil éternel est paisible .
–
Mary Jo Hoose
( tentative de traduction RC )
–
L’église d’ Auvers – (RC )

L’église d’Auvers -Vincent Van Gogh
–
L’église d’Auvers, ondule,
Sous l’épaisseur d’un ciel,
Dont j’ai sondé la couleur.
L’outre-mer est aussi profond,
Que celui du dernier champ de blé,
Sous le coup de fouet de l’été.
Le peintre anticipe un futur
Aux chemins divergents,
Et la mer est debout, avec sa masse pesante.
Il n’y manque que les corbeaux,
Coassant sur la plaine…
Alors que chantent encore l’orangé des pentes,
Vers une danse de l’ombre,
Où s’éloigne une femme,
Bientôt disparue, de la peinture.
RC- Août 2014
–
en rapport, ce texte de Laurent Quintreau
Temps chaud et sec
Je fixe un arbre sans ciller
Des personnes passent comme en surimpression
Une jeune femme, une autre, un vieil homme et un enfant, deux autres femmes
Toujours l’arbre
Des voitures passent, fixer l’arbre
D’autres passants
Passe un bus
Yeux qui pleurent, tenir bon
Toujours l’arbre, bruits de klaxon
L’arbre
Arrêter, mal aux yeux
Maintenant l’église
Je fixe l’église sans ciller
Les voitures continuent de passer
Devant l’église, quelques clochards, ils se chamaillent
Je fixe l’église, mes yeux pleurent, je tiens bon comme j’ai tenu bon ces deux derniers jours pour le jeûne, je ne bats pas des paupières, toujours l’église
Ciel magnifique, lumière orangée
Des passants se découpent dans cette lumière sidérale
Toujours l’église, elle vibre au milieu de l’air
Elle se gondole comme sous l’effet d’un psychotrope puissant, et pourtant je n’ai rien pris, je n’ai même pas bu une goutte d’alcool
Où va la beauté du monde ?
Douleur, pleurs, je suis obligé de fermer les yeux
Les passants, je me décide à les fixer
Un, deux, trois, quatre, ils passent dans mon champ de vision et disparaissent
Vertige et tristesse du monde
Je fixe une grande blonde, quelle partie au juste ? Elle est déjà partie
Je fixe un couple de quinquagénaires, ils mangent une glace, déjà disparus
Je fixe un photographe qui s’est arrêté pour prendre un cliché de l’église
Je fixe son visage de dolichocéphale rasé
Je fixe
Tout à coup, son visage explose, comme s’il se confondait avec le monde extérieur
Phénomène visuel plus curieux encore, les personnes qui passent m’apparaissent comme des taches remuantes à la façon d’amibes qui se mélangent les unes aux autres
des larmes
trop de larmes
m’obligent à arrêter
…
(p. 308-310)
Laurent Quintreau, Mandalas (Denoël, 2009)
Aveuglé par les étés – ( RC )

éruption solaire – photo Nasa
–
Le soleil est si grand,
Qu’il tendra ses bras,
Et si à midi je meurs,
Ce sera bien au chaud,
Je lui rendrai ma vie,
J’oublierai la misère,
Ses jardins desséchés,
Et les côtés sombres,
Qui tentent d’échapper,
A la coulée de lumière,
Mais le soleil est si grand,
Que , de la terre rebelle,
Il ne fera s’il le veut,
– Qu’une bouchée, mais
Je ne serai plus là,
Pour le voir,
> Aveuglé par les étés.
–
RC
—
(texte inspiré par un poème de Béa Tristan « le soleil » )
–
Tomas Tranströmer – De la montagne

peinture: André Derain-
la Côte d’Azur près d’Agay (1905, huile sur toile , 54,6 x 65 cm) : pour voir l’oeuvre dans son intégralité, cliquer sur l’image
–
DE LA MONTAGNE
Je suis sur la montagne et contemple la baie.
Les bateaux reposent à la surface de l’été.
« Nous sommes des somnambules. Des lunes à la dérive. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
« Nous errons dans une maison assoupie.
Nous poussons doucement les portes.
Nous nous appuyons à la liberté. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
J’ai vu un jour les volontés du monde s’en aller.
Elles suivaient le même cours ― une seule flotte.
« Nous sommes dispersées maintenant. Compagnes de personne. »
Voilà ce que les voiles blanches me disent.
(1) Traduit du suédois par Jacques OUTIN
L’été est trop grand pour moi- ( RC )
–
Une étendue jaune, se cuit dans la langueur de l’été,
Le temps s’étire aux journées allongées,
De l’aube au couchant
L’esprit flottant, entre soleil et son reflet
L’été est trop grand pour moi,
Et mes habits flottent tout autour,
Il n’y a de printemps que toi, mais
La solitude se glisse, entre la peau et la chaleur.
Et même les humeurs étoilées de la nuit.
–
RC 14 mars 2013
–
–
Laurent Campagnolle ( Loyan ) – C’est l’heure

photo pascal5600 ( de fotocommunity)
c’est l’heure
C’est l’heure du soleil indien. Quand presque tout et tous ont repris la marche mécanique d’un certain monde, l’heure où Diego s’abstrait dans la lumière des lieux retirés. Hier il était de plage, pris entre la bande de sable et le miroir de ce restaurant vitré qui crée une factice péninsule, plus quelques baigneurs face au léger vent marin, cet après-midi il est de hamac, surplombé d’un corridor aérien peu fréquenté, aux abords de Paris, dans une villa close d’arbres et de tourterelles. Il parcourt une revue d’art et de littérature achetée plus tôt vers l’école nationale des beaux-arts, de laquelle, à force de typographies aux fins empâtements et de grands fonds blancs, nait naturellement une sensation de distinction. Voilà le dessein réel de toute vie rêvée. La grâce de ce qui, juste, est, en son lieu et temps. Rien ne vient rider la profondeur de l’instant de bascule de l’été vers l’automne. Et l’aspect aérien du moment tient en partie à la gravité du parcours qui l’a précédé. Il faut avoir connu le poids de la terre pour goûter l’heure sans poids – ce citron confit. Ce grand petit monde a une espérance de vie de quelques minutes, sa netteté jaune déjà décroît, mais en mémoire, la soustraction aux contingences et le détourage flou du balcon, de l’encadrement, ont pris leur place, stable, profonde. La pensée que depuis quelques jours presque tous et tout s’agitent existe, à la façon d’un rêve oublié au réveil ou d’un pic-vert invu cognant un arbre mort en lisière de forêt. Lui s’est fondu, a gagné le noyau dans l’amande du temps. Oui, bien assez tôt, il faudra retourner à la compagnie générale des signaux, aux mètres étalons, poids et mesures, mouvements atomiques du temps universel énoncé par la voix enregistrée – au quatrième top il sera exactement dix-neuf heures, vingt et une minutes, trente-huit secondes, cinq millisecondes. Le mouvement perpétuel à quantième n’a jamais cessé, simplement, par la force du retrait sans heurt, dans un coffret hermétique de gaze et d’ouate il a été placé, empêchant l’émission du tic-tac du temps mécanique, soustrayant Diego à son écho. Et cette libération silencieuse, sans témoin, se vit de cercle en cercle, reliant les échappés d’une rive à l’autre, d’une langue à l’autre, d’un âge à l’autre. L’ombre portée s’intensifie sur le mur. Le contour des arceaux de métal et du chambranle de bois s’étirent, sous l’effet de la vibration. La beauté qui en sort a trait aux expériences de laboratoire, quand les graphes portent encore une part irrésolue. Si proche des centres de pouvoir et si distinct d’eux. Diego les imagine quand la réciproque paraît impossible. Quel centre a connaissance de ses marges ? Quel rôle joue chacun ? Les places ne sont pas attribuées ad vitam aeternam. Du tic-tac au trictrac se glisse le r du rêve, de la rage, de la reconnaissance, du redressement, du rayon (vert), de la ruse, de la rapine, du retour, du restitué, du resitué. Diego a dîné à dix-sept heures d’une ciabatta aux olives, d’un verre de Saint-Estèphe et de tranches d’un fromage de brebis pâteux. Descend l’heure de la nuit, sans à coup. Approche le temps des gelées et des nuits sans bourdonnement d’insectes. Les cercles sont en place. Cercle a tracé la figure du labyrinthe. Edwarda la pave de seins et de cuisses – l’érotisme n’aurait d’image qu’au féminin ? La suspension tient encore, un peu, d’un fil. Rien n’a été travaillé aujourd’hui par lui dans l’ordre économique des choses. Mais de commerces, sa journée atteste, celui de la chère, des pensées, des chairs, des mots, des croquis. Diego a plusieurs visages au corps. Il est à votre image, vous libellules qui de rives en rives, sans bruit mais en grâce, portez le sens de l’air : libre.
–
le site de L Campagnolle peut être visité ici…
–
Enrico Testa – des temps concordants
dans des temps concordants, l’été,
bien qu’en des lieux différents
du même Apennin,
nous avons essayé, enfants,
de remonter les torrents
pour en trouver la source.
Il y avait une obscurité de sous-bois,
des fougères, un vert à peine plus intense,
un peu de mousse
et des pierres ruisselantes
et rien d’autre :
la déception de l’origine
elle suit un mouvement fluide et vertical
cette montée de la colline
tournant après tournant
vers le soir.
Même les assassins disent
que le vent de septembre est doux :
il nous pousse
parmi les oliviers et les cyprès
et il nous défend
jusqu’à l’anse neutre du balcon
qui sous le ciel gris clair
s’ouvre face à la mer.
Mais à présent, dans le noir,
nous sommes encore en quête
de ton aide :
nous t’appelons du jardin
cachés, par jeu, derrière le mur
sur le terre-plein de la voie ferrée
longeant le bois
les troncs des acacias
sont noirs après la pluie
comme des traits d’encre qui s’écartent.
Pâques est désormais le papier d’argent,
poussiéreux et pâli,
des oeufs, suspendu
aux branches des cerisiers.
Rubans qui miroitent dans le vent
et devraient tenir à distance
le peuple envahissant des merles
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . .(Pasqua di neve, Einaudi, 2008)
-Enrico Testa, comme un certain nombre de poètes italiens intéressants – et méconnus – peut être retrouvé sur le blog d’une « autre »poésie Italienne…
–
Cristina Campo – été indien
–
Octobre, fleur de mon péril
printemps chaviré dans les fleuves
Parfois la mort même m’est indifférente
– l’ érable a interrompu son vol, les feux s’obscurcissent –
parfois m’assaille la terreur d’exister,
rayonnante, comme l’aster rouge.
Tout est déjà connu, la marée prévue,
pourtant tout s’enténèbre et s’éclaire
d’un frais désespoir, d’une merveilleuse fermeté…
La lumière entre deux pluies, sur la pointe
du fleuve qui me transperce entre corps
et âme, est une lumière de nuit
– la nuit que je ne verrai pas –
claire dans les forêts.
Cristina Campo
» Le tigre abscence « ed Arfuyen
—
Monique Lévesque – été ( haïku )
–
Monique Lévesque (Baie-Comeau, Québec)
photo Clitie Garretson
–
Été :
midi sur les arbres
une estampe de feuille
au sol
extrait de la revue du haïku, n°29
–
Thomas Moore – La dernière rose de l’été
« lieux communs » chez canalblog, nous présente une série de poèmes selon les genres, pays etc…
voici l’un d’entre eux d’un auteur irlandais peu connu par chez nous…
La dernière rose de l’été (traduction de Karl Petit)
C’est la dernière rose de l’été
Abandonnée en fleur ;
Toutes ces belles compagnes,
Sans retour sont fanées ;
Plus de fleur de sa parenté
Plus de boutons de rose à l’article de la mort
Pour réfléchir ses rougeurs,
Et rendre soupir pour soupir.
Je te laisserai point chère solitaire,
Languir sur ta tige ;
Puisque sommeillent tes sœurs
Va donc les rejoindre.
Et par sympathie, je répandrai
Tes feuilles sur le sol
Où tes compagnes de jardin
Gisent mortes et sans parfum.
Puissé-je te suivre bientôt
Lorsque l’amitié s’émoussera
Et que du cercle magique de l’amour
Les gemmes se détacheront ;
Quand les cœurs fidèles ne palpiteront plus
Et que les êtres aimés auront disparu,
Oh ! qui donc voudrait habiter seul
En ce monde désert !
Thomas Moore (« Mélodies irlandaises », 1807-1834)
The last rose of summer
Tis the last rose of summer
Left blooming alone;
All her lovely companions
Are faded and gone;
No flower of her kindred,
No rosebud is nigh,
To reflect back her blushes,
To give sigh for sigh.
I’ll not leave thee, thou lone one !
To pine on the stem;
Since the lovely are sleeping,
Go, sleep thou with them.
Thus kindly I scatter
Thy leaves o`er the bed,
Where thy mates of the garden
Lie scentless and dead.
So soon may I follow,
When friendships decay,
And from Love`s shining circle
The gems drop away.
When true hearts lie withered
And fond ones are flown,
Oh! who would inhabit
This bleak world alone ?
Pétales d’hiver ailleurs – ( RC )
(En utilisant les « brèves de Nath et Monik « , voilà un petit écho…)
« j’ai tout qui fleurit au bout des doigts
au bout des gestes esquissés »
et en rapport avec l’article d’Arthémisia « la fleur d’hiver »
Sortie main après main
Une fleur de métal
Emerge en pétales
Sous le lendemain
Ses pétales d’hiver ailleurs
Une fleur en coeur
L ‘ami transparent
Des gestes de l’amant
Etre et avoir été
Oiseau exotique
Ce chant prolifique
C’est déjà l’été.
RC 01-2012
Flottements – (ombrecontrevents)
Adeline, dans son blog , nous fait partager ses publications et écrits, que je découvre de façon très récente, et qui m’autorise à republier qq uns de ses posts, en voila un..
Flottements
Tu t’insistes
Décalques pour rester ne pas t’oublier
tu aimes tes assuétudes tes désuétudes tes solitudes
papillonnes à travers des paysages toujours les mêmes
tu as si peur de t’égarer
Tes berceaux flottent en souvenirs d’inconsistance
je crois que tu aimais ces barreaux bleus en rais de ciel
Tu t’envolais
cachais sous ton oreiller des fleurs de rêve
pour assurance
Tu t’éveillais
te grisais de la lumière en traits rayés
qui dansait à travers le vert des volets
Parfois encore tu te berces de droite à gauche
te perds un peu
Tu t’es rapprochée des soleils des vents d’été
tu le sais enfin ce pays où tu es bien
Il s’est fixé sous tes paupières
Alors pourquoi flotter encore…
Sans doute parce que tu as lu la dernière page
Depuis si longtemps
Tu sais…