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Articles tagués “étoile

Michel Foissier – hombres dans l’ombre des révolutions


hombres dans l’ombre des révolutions
il construit une échelle de bois blanc
une volée de marches pour voler à nouveau
escalier qui porte à la porte des femmes
chambre où se découvre le pot aux roses de la mémoire
aveugle écossant des images de papier glacé
ses doigts révèlent des héroïsmes de soldats de plomb
il rêve de ce miroir obscur où se reflète une étoile
araignée d’argent dans la gourmandise de sa toile
chapeau de feutre visage de plomb
il est cousu dans un linceul de silence
et puis dans la douleur d’un petit lit de fer
chemise tachée de sang
avec lui nous tombons la face contre le mur
dans le pressentiment du petit jour


Xavier Bordes – Enluminure noire et or


Avec le soleil du soir      une étoile est tombée dans le vase en cristal      où s’ennuient      sur la table de la terrasse       des fleurs apportées le jour de Noël par des visiteurs amis

.

La table elle-même      est recouverte d’un plexiglas qui reflète       à la manière d’une flaque d’eau      le feston inversé des frondaisons       serties dans l’ambre doré du ciel       au ras des monts bleus

.

Des étages de longs cirrus clairsemés       s’étirent de l’est à l’ouest      minces et clairs      eux reçoivent encore       la rougeur du soleil disparu       Un alphabet noir de tourterelles      ou de corbeaux

.

s’envole vers le sud      vers la mer indigo      en emportant, me dis-je, les derniers espoirs de la journée      Il est à peine cinq heures      et déjà le crépuscule assombrit la chambre où je m’active

.

L’étoile s’est éteinte      dissoute dans l’eau du vase      C’est à peine si je devine mes mains      qui travaillent au noir      Peut-être la nuit qui se densifie dehors entrera-t-elle flairer mon encre

.

Reconnaîtra-t-elle      dans ce bâton chinois orné d’un dragon d’or      la matière qui      frottée au creux de la pierre reï avec quelques gouttes du ruisseau voisin      parfume d’ambre gris toute l’atmosphère de la pièce ?

.


Louis Guillaume – Causse noir


photo RC causse lozérien

J’erre dans un pays dont j’ai perdu la carte
Je ne sais plus l’endroit des puits.
Des ravins me font signe où la source est tarie
Où sont morts les feux, des bergers.

Quand je trouve un sentier mon pas soudain
trébuche
Et le roc sous moi s’amollit.
De nouveau c’est la plaine à l’horizon collée
L’étendue morne et sans mirages.
Pousserai-je le cri qui refera surgir
Des logis, des bois habités
Quelle statue de chair crevant le cœur des sables
Montrera du doigt l’oasis ?
Je m’égare en moi-même et le soir s’épaissit
L’ombre marche en silence et ne veut pas me dire
Où l’étoile est ensevelie.


José Pedroni – Vie


Viens avec moi, poète.
Quitte ta table avec sa rose triste.
La joie est à l’extérieur.
Mourant et renaissant
il arrive à cheval: il s’assied sur l’herbe.
Viens avec moi, oh, mon ami. La douleur est à l’extérieur.
Cela arrive et cela ne se produit pas seulement en pleurant.
Il apporte soixante-dix morts sur terre.
Viens avec moi. Dans le ciel ,
de gros oiseaux tournent en rond
pendant que les paysans sont venus sur leur ile d’herbe,
et ils parlent et chantent autour d’elle.
Viens avec moi. Dans la rue passe
un grand drapeau avec une étoile,
sur des fleurs que les femmes plantent.

Cela arrive et le ciel ne passe pas tout simplement.
Il apporte soixante-dix morts sur terre.

Viens avec moi, cet homme a des voix
que tu ne peux pas trouver;
que ton verset a une nouvelle femme ,
à qui le vent des branches souffle
dans ses cheveux et sa jupe.
Viens, ils ne te connaissent pas
Ta chanson est dehors.
Pour qui sera la fleur solitaire de ton verre;
pour qui, s’il est mort ?
Viens avec moi pour rencontrer l’homme
à la table de la terre; pour accompagner
l’homme dans sa rue de sang et de lys
Le chant est dans la voix de ceux qui chantent.
L’ange est dehors.

( tentative de reconstruction du texte par google trad ) à partir du texte original..

voir un certain nombre de ses poèmes dans la langue originale sur le site .

voir aussi dans le même registre…

Me voici seul (Alain Borne)

Me voici seul avec ma voix
j’entends le dernier pas qui balaye la route
et le silence tombe enfin comme l’ombre d’une feuille.

Me voici seul avec ma voix, un nouveau jeu commence
puisque le sang torride dont je m’étais vêtu
rejeté vers la mer écrase d’autres naufrages,
c’est de mon propre sang que je teindrai les murs
mon sang hanté de l’âme neuve des lecteurs du ciel.

Alain Borne, Contre-feu, Cahiers du Rhône, 1942


Marc Hatzfeld – n’oublie pas…


Si l’herbe casse sous le regard du vent
Et si le vent dérape sur le seuil de ce soir
Si le soir se dérobe et tâtonne
N’oublie pas de leur dire:
«Retournez aux pages blanches de vos cahiers perdus
Retournez au lit de feuilles sèches
Retrouvez le chemin d’une étoile.»
N’oublie pas de leur dire
De retrouver la bulle d’air égarée
Dans la bille de ver
re
Libellule à l’envers.
N’oublie pas.


Carl Norac – Polaroïds pour Mapplethorpe


photo R Mapplethorpe :Marianne Faithfull

C’était de la fleur de sang haut de gamme
Robert Mapplethorpe la regardait passer le pli
des veines son chapeau mangeant un de ses yeux
et le rendant ensuite comme un pois jailli hors de sa cosse
Les bras étendus
il peignait des mondes clos puis changeait de palier
Patti Smith était là habillée en ange noir
une étoile bleue sur un sac blanc
En Robert le beau venait par imprudence
comme pour elle seule déambulait Rimbaud
Les poètes de l’image ont toujours une paroi
qui chance mais dans laquelle est fiché un clou de travers
Pour Robert les gens figuraient des animaux
les foules des collages les inconnus des trous
la Vierge Marie repassait un drap trop plissé
ici et là des cravates pendaient à la place des hommes
Robert is Robert
susurrait une voix au Chelsea Hotel
Mapplethorpe cherchait le noir pur pour défoncer sa nuit.

extrait de  » une valse pour Billie »


Alain Leprest – J’ai peur


montage RC

J’ai peur des rues des quais du sang
Des croix de l’eau du feu des becs
D’un printemps fragile et cassant
Comme les pattes d’un insecte

J’ai peur de vous de moi j’ai peur
Des yeux terribles des enfants
Du ciel des fleurs du jour de l’heure
D’aimer de vieillir et du vent

J’ai peur de l’aile des oiseaux
Du noir des silences et des cris
J’ai peur des chiens j’ai peur des mots
Et de l’ongle qui les écrit

J’ai peur des notes qui se chantent
J’ai peur des sourires qui se pleurent
Du loup qui hurle dans mon ventre
Quand on parle de lui j’ai peur

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur

J’ai peur du coeur des pleurs de tout
La trouille des fois la pétoche
Des dents qui claquent et des genoux
Qui tremblent dans le fond des poches

J’ai peur de deux et deux font quatre
De n’importe quand n’importe où
De la maladie délicate
Qui plante ses crocs sur tes joues

J’ai peur du souvenir des voix
Tremblant dans les magnétophones
J’ai peur de l’ombre qui convoie
Des poignées de feu vers l’automne

J’ai peur des généraux du froid
Qui foudroient l’épi sur les champs
Et de l’orchestre du Norrois
Sur la barque des pauvre gens

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur

J’ai peur de tout seul et d’ensemble
Et de l’archet du violoncelle
J’ai peur de là-haut dans tes jambes
Et d’une étoile qui ruisselle

J’ai peur de l’âge qui dépèce
De la pointe de son canif
Le manteau bleu de la jeunesse
La chair et les baisers à vif

J’ai peur d’une pipe qui fume
J’ai peur de ta peur dans ma main
L’oiseau-lyre et le poisson-lune
Eclairent pierres du chemin

J’ai peur de l’acier qui hérisse
Le mur des lendemains qui chantent
Du ventre lisse où je me hisse
Et du drap glacé où je rentre

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur

J’ai peur de pousser la barrière
De la maison des églantines
Où le souvenir de ma mère
Berce sans cesse un berceau vide

J’ai peur du silence des feuilles
Qui prophétise le terreau
La nuit ouverte comme un oeil
Retourné au fond du cerveau

J’ai peur de l’odeur des marais
Palpitante dans l’ombre douce
J’ai peur de l’aube qui paraît
Et de mille autres qui la poussent

J’ai peur de tout ce que je serre
Inutilement dans mes bras
Face à l’horloge nécessaire
Du temps qui me les reprendra

J’ai peur, j’ai peur, j’ai peur
J’ai peur
J’ai peur


Bruno Ruiz – pour la pensée qui cherche votre étoile


montage perso

Je n’ai de grâce que pour la pensée qui cherche votre étoile
Et mon métier n’énonce que le rêve perdu de vos raisons
Qu’ils soient reconnus ceux qui se perdent en eux–mêmes
Qu’on les inonde de lumière à la ferveur de leur corps
Pour qu’ils chantent le temps d’une vie enfouie
Ce temps joignant le geste à la parole
Ils sont mes chers passants du silence restés dans le noir pour le partage des perles
Demain je serai avec vous sur l’horizon
J’aurai laissé le temps clair se poser sur l’absence du monde
Ce temps d’éternité dans l’esprit et son apparence
L’arbitre aura disparu et personne ne cherchera sa présence


Maria Gheorghe – dernier chant, dernier sourire


peinture : Ch Soutine

1

Le soleil ne brille pas pour les sourires,
ni l’herbe ne pousse pas pour la couper ras,
tel que toute chose, en combustion tenant sa lumière, n’est pas cendrée.

On approche trop de choses de notre âme;
lorsqu’on les perd, on les laisse briller dans les ténèbres du passé.

Le sourire arrive beaucoup plus tard, quand la lumière se replie
sur une autre lumière.

2

On ne porte pas les clés des jours,
on les traverse seulement en inconnus, pour nous nous rappeler, tard,
de tout ce que se coagule en lumière.

On se rapproche le sourire des fleurs, dans la vie, comme dans la mort,
le chant des oiseaux, compagnon des passages des portes invisibles.

On dissipe tout, on n’a pas de clés même pour la nuit.

3

On est jeté dans le monde,
boules de terre enrobées de lumière.
On se lève, on se replie sur soi, sur les autres.

On tâtonne à la recherche des sens,
jusqu’à ce que l’on donne un nom.

L’extinction n’est qu’une mélodie finale, que le tout nous la chante en souriant.

4

En quittant ce monde,
pour nous, les choses n’ont plus de mesure.
On ne ramasse plus rien. À quoi nous servirait dans la lumière?

On laisse le soleil qu’il soit soleil, que l’herbe soit herbe,
Le sourire, dans les fleurs, le chant, nous accompagne.

On revient pour donner un nom à une autre étoile.

M Gheorghe est une poétesse roumaine, dont on peut lire d’autres textes sur ce site


Jacques Guigou – Augure du Grau


Paul SIGNAC (Paris 1863 - 1935) Vannes,...

 

dessin- aquarelle: Paul Signac

 

Parti
le port assombri
il frémit
le marcheur de la nuit
grâce à la persévérance des vagues
son pas s’efface
sur la page du rivage
passé la prise d’eau de Salins
il rallie
la course de l’étoile de l’Ourse
elle qui deviendra noire
mais qui pour l’instant
l’irradie »

Jacques Guigou    2012


Marcel Olscamp – Amants perdus


4936849634_abbcd74442 NYC - City Hall Park_ Various Artists_ Statuesque_L.jpgAmants perdus

Ils vont
marchant contre leur cœur
cherchant l’épaule
qui reprendra leur main

Ils veulent
serrer contre leur corps
la paume d’une étoile
le rouge de la nuit

Mais il faut
écraser nos regards
sous l’ongle de la lune
sous l’ombre de leur lit

 

 

Marcel Olscamp,   Les grands dimanches


Louis Aragon – Les roses de Noël


Chanac    résine de cimetiere    -12- .JPG

photo perso – Chanac

 

 

LES ROSES DE NOËL (extrait)

Quand nous étions le verre qu’on renverse
Dans l’averse un cerisier défleuri
Le pain rompu la terre sous la herse
Ou les noyés qui traversent Paris

Quand nous étions l’herbe ]aune qu’on foule
Le blé qu’on pille et le volet qui bat
Le chant tari le sanglot dans la foule
Quand nous étions le cheval qui tomba

Quand nous étions des étrangers en France
Des mendiants sur nos propres chemins
Quand nous tendions aux spectres d’espérance
La nudité honteuse de nos mains

Alors alors ceux-là qui se levèrent
Fût-ce un instant fût-ce aussitôt frappés
En plein hiver furent nos primevères
Et leur regard eut l’éclair d’une épée

Noël Noël ces aurores furtives
Vous ont rendu hommes de peu de foi
Le grand amour qui vaut qu’on meure et vive
À l’avenir qui rénove autrefois

Oserez-vous ce que leur Décembre ose
Mes beaux printemps d’au-delà du danger
Rappelez-vous ce lourd parfum des roses
Quand luit l’étoile au-dessus des bergers

Louis ARAGON          « La Diane française »(éd. Seghers)


Georges Bataille – Il n’est rien que je rêve


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peinture – Tom Wesselman:  » For Sedfre »

 

Douceur de l’eau
rage du vent

éclat de rire de l’étoile
matinée de beau soleil

il n’est rien que je ne rêve
il n’est rien que je ne crie

plus loin que les larmes la mort
plus haut que le fond du ciel

dans l’espace de tes seins


Wislawa Szymborska – Avec le vin


Kohn demeure un leader prééminent de Figuratif Impressionnisme qui cherche à saisir la complexité ainsi que la simplicité et la franchise de la forme humaine.:

peinture  André  Cohn

 

D’un regard il amplifia ma beauté

et je la pris pour mienne.

Heureuse j’avalais une étoile.

Je lui permis de m’inventer

à l’image du reflet

dans ses yeux . Je danse, danse

dans les secousses de mes subites ailes.

Table est table. Vin est vin

dans le verre, qui est verre

restant dressé sur la table,

Je suis illusoire,

incroyablement illusoire

imaginée jusqu’au sang.

Je lui parle de ce qu’il veut : de fourmis

mourant d’amour

sous la constellation de pissenlits.

Je jure qu’une rose blanche,

arrosée par le vin, chante.

Je ris, je penche la tête,

avec précaution, comme si je vérifiais

une invention. Je danse, danse

dans une peau étonnée, dans les bras qui me créent

Eve de la côte, Venus des écumes,

Minerve de la tête de Jupiter,

étaient plus réelles.

Quand il me regarde,

Je cherche mon reflet sur le mur.

Et je vois seulement

un clou, duquel on a enlevé son tableau.


Jean-Claude Touzei – Dérive


Bullock35.jpg

photo Wynn Bullock

 

Et ma barque gémit
Sous les vents sous les cordes
Ma barque se déchire
Aux alizés du monde
Atteindrons-nous jamais la rive

Ma barque a des yeux bleus
Pour éclairer la nuit
Et ma barque chavire
Là-bas cette lumière
Atteindrons-nous jamais la rive

Et ma barque dérive
Vers les radios pirates
Ma barque tourbillonne
Dans les contre-courants
Atteindrons-nous jamais la rive

Ma barque se retourne
Loin de l’île l’étoile
Et ma barque bascule
Je vais mourir en mer
Atteindrons-nous jamais la rive

Et ma barque repart
Là-bas cette lumière
Ma barque comme un cœur
À l’infini des vagues
Atteindrons-nous jamais la rive

Jean-Claude Touzeil
(extrait de Un chèque en blanc,              éditions Clarisse)

 


Din Mehmeti -L’heure de résistance


 

(texte  tiré de l’anthologie « Kosovo dans la nuit  » ed de l’Aube 1999)

 

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photo Ibazela  voir site

Au détour des escarpements,
face à elle, surgissent des glaciers.

Rien n’arrête son mouvement

D’abord, elle rencontre le feu,
et en dernier lieu la mort…

Ses aiguilles allument d’un feu ardent
les vertus de l’amour.
Tout lui cède
quand elle cavalcade
vers le cœur de la terre.

Elle néglige les grâces, les dépouilles mortelles
rien ne l’arrête.
Elle éclaire la rue
comme l’étoile du matin,
et nul ne la maîtrisera.

 

Din Mehmeti né en 1932 près de Gjakova. Il est avant tout poète – une dizaine de recueils – mais a publié des nouvelles et aussi des pièces de théâtre.


On ne peut se saisir de l’horizon ( RC )


Djuno Tomsni - jus de citron.jpg

 

Bien sûr, on ne peut se saisir  de l ‘horizon,
Et si quelqu’un le peut,
ce n’est pas notre affaire.
Plutôt que  convoquer Dieu,
Ce sont des mille feux de l’astre,ses rayons,
prodiguant leur lumière,

Ils se posent, si légers,
Que , même l’atmosphère les tolère
Et s’en émeut,
Jusqu’à les prolonger,
Comme  en une  serre
Et en devient bleue.

La planète poursuit sa route,
Se montre  sous ses meilleurs  atours :
Les îles et les continents,
Une terrestre  croûte,
Parsemée, tout autour
De mers  et d’ océans….

Il est vrai que la distance
enjolive les choses,
et que , sur place, demeurent,
beaucoup de différences…
Il y a des vallées  moroses,
où des lacs se meurent.

Des forêts  profondes,
perdues dans l’humidité
Des déserts de pierres
A l’autre bout du monde,
Dont l’aridité
Ignore  le moelleux de la terre.

Eparpillés à la surface,
Les pays ne reçoivent pas le soleil
De la même façon,
Si les nuages  s’amassent,
Dans leur zone de ciel,
Et leur procurent frissons.

C’est une  sorte  d’injustice,
diraient  les grincheux
mais il s’en faut faire  raison,
( Tout n’étant pas lisse,
On peut émigrer  sous  d’autres  cieux,
Pour autre  acclimatation….)

Pour ceux  que  ça  agace,
Si le chaud  s’éternise,
Et toujours, choque
On peut retrouver la glace,
Ou patiner sur la banquise,
Là où vivent les phoques.

Le soleil n’en a cure
Il distribue beaucoup,
Même par dessus les nuages
A travers  l’azur,
( et même par-dessous),
il y a de l’éclairage .

Et en cas de pluie,
Ça va pas changer la face du monde…
Ni la chute brutale de cet orage,
On n’va pas s’enfoncer d’un coup dans la nuit,
Vu qu’avec la surface ronde,
On garde  toujours un peu d’courage..

Il suffit que la planète,
Se tourne du bon côté,
Et présente son côté face,
Pour un demi-jour de fête,
C’est quand même  générosité,
Avant qu’on ne passe

Au lendemain.
Une nouvelle  révolution,
Qui encore  s’invite,
Suivant le destin,
Du jour,           l’éclosion,
En suivant son orbite .

Excusez  du peu
De ce que capte la terre.
Le reste s’évanouit dans l’espace.
Notre étoile  fait ce qu’elle peut,
De son explosion nucléaire,
Jamais elle ne se lasse.

Supposons, qu’un jour tenu en laisse,
Se perturbent les réactions
Le procédé  s’inverse,
Et voilà le retour d’une  couche épaisse,
Que l’on appelle  glaciation
Les rayons  rétrécissent  et se dispersent

Comme  l’ont vécu les dinosaures,
Trop habitués à se dorer la pilule,
A piller  et à tuer .
Ce changement leur  a causé du tort,
Car privés de canicule,
Ils n’ont pu s’habituer…

Nous  voilà dans l’utopique,
Mais si cette  période
pas si lointaine,
oubliait le réchauffement climatique,
Il faudrait, à cette  nouvelle mode,
Se couvrir d’habits de laine.

De peaux de bêtes,
De la plus grande élégance,
de bonnets de fourrure :
– Les voyages  en jets,
On s’en balance,
Car les temps  sont durs…

Et puis  ce serait partout pareil,
Une planète blanche  et morne
Qui sommeille et patiente….
Rien de nouveau sous le soleil,
Dit-on— le sol uniforme
Décomptant des années  lentes….

Ah ça —        c’est  l’égalité…
Plus de « quand-même », et se « si ».
pour tout le monde un bol d’air pur
( et de la même  qualité) :
Ça c’est la démocratie…
Plus de privilégiés sur la côte d’Azur

Si ça peut  vous  rassurer,
On a l’temps de voir venir,
Nous n’en sommes pas encore là…
Vous avez encore quelques étés,
Et un peu d’avenir,
Pour repenser à tout ça…

RC –  oct 2015


Philippe Delaveau – Jardin du Luxembourg ( 1 )


peinture  – François Gall                    –   landeaux  au jardin du Luxembourg

 

 

Ongles blessés de mes mains vous le savez

j’ai déchiffré les cicatrices de la ville

oreilles la voix du vent vous l’avez pressentie

aux cheveux sur nous en bataille

écorce de marronnier aussi sèche que lèvres

écorce muette et nos bouches muettes

quand il fait nuit la moindre étoile émeut

ou seulement le mot étoile à sa propre fenêtre

nuit contre jour – lune pâle soleil

où nous habitons croît l’obscurité

je me promène dans les rues de Paris

mes mains scrutent le secret des pierres

je me promène dans les rues de ma tête

les yeux clos pour atteindre au secret de vie

joue contre l’arbre et yeux debout

nous affrontons notre navigation

sable en vie roule sous le bruit des pieds

l’ombre à nos pas cèle un secret

et la nuit sur la ville doucement refermée

la ville obstinément et violemment fermée

Paris erre Paris gémit dans la mémoire

avec la voix des morts et la voix des vivants

qui plus a disparu – qui plus est vivant ?

qui de vous disparaît qui infléchit le temps ?

je me perds dans les rues de Paris

mes yeux sont las mes paroles se perdent


Le temple qui fut – ( RC )


peinture Yan Wang–  

Ruin of England

 

 

Du temple  qui fut

Il y a l’ombre des colonnes

( ce qu’il en reste )

qui s’étend  sur le sol

et se déplace petit à petit

avec la trajectoire  du soleil;

 

Un astre qui revient avec obstination

caresser chaque jour la planète.

 

Bien entendu, il y a

tout ce qui se dresse:

des montagnes  sévères

au plus petit  végétal

qui profite  de la chaleur

et se révèle à sa lumière.

 

Les grands immeubles  des villes

en semblent saturés,

au point  qu’ils renvoient,

étincelants de leurs glaces

les rayons,     et l’image  déformée

de ce qui les entoure.

 

Leur  présence hautaine se rapproche

pourtant du temple  qui fut.

 

Avec de futures civilisations,

on peut imaginer ce qu’il en restera .

 

Les ombres sur le sol à leur  tour

s’étendront sous l’orbite

de l’étoile la plus proche;

Le futur gardant,

en une  sorte de persistance  rétinienne,

Le support des ruines  des jours , qui ont  précédé.

 

RC –  fev  2015


Constantin Jelenski – Élegie pour N.N.


peinture Cuno Amiet - la colline jaune  1903

peinture Cuno Amiet – la colline jaune 1903

ÉLEGIE POUR N.N.

Si c’est trop loin pour toi, dis-le.
Tu aurais pu courir au-dessus d’une vague de la Baltique,
Traverser le champ du Danemark, la futaie de hêtres,
Tourner vers l’océan et c’est déjà, proche,
Le Labrador, blanc en cette saison de l’année.

Toi, qui rêvais d’une île solitaire.
Si tu as peur des villes, du clignotement des feux sur les routes,
Tu pouvais prendre le chemin des forêts sourdes,
Au-dessus des eaux blêmes, où passe l’élan et le caribou,
Jusqu’aux Sierras, mines d’or abandonnées.

La rivière Sacramento t’aurait alors conduite
Vers des collines recouvertes de chênes épineux.
Encore un bois d’eucalyptus et tu serais chez moi.
C’est vrai, quand la manzanita fleurit
Et la baie est bleue le matin au printemps
Je pense à contrecoeur à la maison parmi les lacs

Et aux filets tirés sous le ciel lituanien
La cabane où tu enlevais ta robe avant le bain
Est changée pour toujours en un cristal abstrait.
Il contient le sombre miel du soir sur la véranda
Et les petites chouettes drôles et l’odeur des harnais.
Comment pouvait-on vivre alors, je ne sais pas.

Les coutumes, les costumes vibrent, imprécis,
Inconsistants, tendus vers le final.
Nous avons beau rêver aux choses telles qu’en elles-mêmes.
Le savoir du temps passé a roussi les chevaux devant la forge
Et les petites colonnes sur le marché du bourg
Et l’escalier et la perruque de maman Fliegeltaub.

Nous avons beaucoup appris, tu le sais.
Comment nous est ôté, un par un,
Ce qui ne pouvait l’être, les gens, la contrée.
On aurait pourtant cru que le coeur en mourrait,
Mais nous sourions, le thé et le pain sur la table.

Seul le remords de n’avoir pas aimé comme il se doit
Cette pauvre cendre à Sachsenhausen
D’un amour absolu qui n’est pas à la mesure de l’homme.
Tu t’es habituée à des nouveaux hivers, humides,
A la maison où le sang du propriétaire allemand
Fut gratté des murs, lui n’y retournera plus.

Moi aussi je n’ai emporté que ce qu’on peut, villes et pays.
On ne peut entrer deux fois dans le même lac
En marchant sur un fond tapissé de feuilles de bouleau
En brisant une étroite strie de soleil
Tes fautes et les miennes? Des petites fautes.
Tes secrets et les miens? Des menus secrets.

Quand on noue la mâchoire avec un linge, quand on place
une croix dans les doigts
Et au loin un chien aboie, brille une étoile.
Non, ce n’est pas parce que c’est loin
Que tu n’es pas venue l’autre jour ou l’autre nuit.
D’année en année mûrit en nous, elle nous envahira
Comme toi, je l’ai comprise : l’indifférence.

Il est venu à vous et dit
vous n’êtes responsables
ni du monde ni de la fin du monde
ôté de vos épaules est le fardeau
vous êtes comme les enfants et les oiseaux
jouez !        et ils jouent ils oublient
que la poésie aujourd’hui est lutte pour respirer

Constantin Jelenski
(1974).


Serge Pey – C’était une fois, c’était toujours.


peinture: peinture en trompe-l'oeil sur une porte... Oeuvre visible au château de Chatsworth,  Angleterre

——————————————                                               peinture en trompe-l’oeil sur une porte…                                              Oeuvre visible au château de Chatsworth, Angleterre

 

 

 

 

 

C’était une fois, c’était toujours.

 

La poésie n’est pas
une solution

Aucune solution
n’est une poésie

Une pierre n’est pas
un phénomène optique

Aucun phénomène optique
n’est une pierre

Une chaise n’est pas
un homme assis

Aucun homme assis
n’est une chaise

Ce cerisier n’est pas
un arbre

Aucun arbre
n’est un cerisier

La neige n’est pas
une lumière

Aucune lumière
n’est une neige

La poésie n’est pas
une solution

Aucune solution
n’est une poésie

En chantant
on découpe sans bouger
les lèvres de ce qui nous embrasse
car nous avons faim
d’avoir faim
et nous vengeons notre bouche
d’avoir été mangée

A force de regarder le ciel
nous faisons boiter
l’infini
qui ne s’arrête pas de marcher
comme un mendiant aveugle
La nuit lui donne parfois
sans nous
la monnaie d’une étoile

La beauté qui se perd
nous aime toujours
de nous
avoir perdu

Serge Pey

 


Paul Celan – Enclos du temps


photographe  non identifié

photographe non identifié

 

Mon

âme inclinée vers toi

t’entend

orager,

 

dans le creux de ton cou mon étoile

apprend comme on sombre

et devient vraie,

 

des doigts, je la tire au dehors —

viens, entends-toi avec elle,

encore aujourd’hui.

 

 

Meine

dir zugewinkelte Seele

hört dich

gewittern,

 

in deiner Halsgrube lernt

mein Stern, wie man wegsackt

und wahr wird,

 

ich fingre ihn wieder heraus —

komm, besprich dich mit ihm,

noch heute.

 

Paul Celan –      Enclos du temps, traduit par Martine Broda, Clivages, 1985


Bassam Hajjar – Si seulement ta main – 01


peinture : extrait d'une oeuvre  de Van Eyck

peinture :            extrait d’une oeuvre de         Van Eyck

Je sais que je me suis mis à sourire chaque fois que je rencontre le monstre qui dévorait le jardin dans mon unique rêve.

A présent j’ai commencé à voir que des orbites célestes se croisent sur les lignes qui se rencontrent dans ta paume blanche.

Comme si le ciel était dessiné par deux lignes  dans ta paume, peu de ciel, mais suffisamment pour que le inonde ne meure pas de solitude, pour que le serpent ne le morde pas.

Si seulement tes mains étaient là-bas.

A présent je sais pourquoi je pleurais et pourquoi l’abîme
où je sombrais ressemblait à une page blanche avec deux
lignes en bas, et une étoile à l’encre de Chine, qui brillait toutefois.
Et son éclat me tourmentait.

Il a suffi que tu soulèves,
d’une caresse, le marbre du lourd sommeil.

Et que tes mains m’emportent, pas tant que cela, juste à la mesure à laquelle je vis.

Il a suffi que tu essuies mes lèvres du bout de ton index
pour que parler cesse de me faire souffrir.

(Paris, septembre 1986)


Est-ce que le nom suffit à ton existence ? – ( RC )


gravure:         Zoran Music:         paysage de Dalmatie            Tate Gallery

 

Si à chaque chose on peut donner un nom,
Dessiner un destin,
La distinguer des autres,
Lui prêter une couleur,

Pour les hommes,
Il y a toujours ceux qui renient
Les autres,
Pour leur présence même,

Il ne suffit pas d’une carte d’identité,
Pour les faire exister,
Au-delà d’un morceau de papier,
Ou d’un tiroir à fichiers,

Classés non seulement par ordre alphabétique,
Mais aussi selon leur origine,
Quel que soit le désert,
Ou la ville,       dont tu viens.

Quand, encore , on ne juge pas utile,
De dresser une barrière de béton,
Autour              de ta non-existence,
Ou de te coudre   une étoile jaune .

RC – février 2014

NB la gravure  qui accompagne  ce texte n’est pas  directement  évocatrice, comme  certaines  de ses oeuvres, relatant la déportation et la Shoah, lui-même  ayant été interné  au camp de Dachau


Pablo Neruda – la lettre en chemin


 

 

peinture   Bela Kadar

                             peinture Bela Kadar

 

Au revoir, mais tu seras

présente, en moi, à l’intérieur

d’une goutte de sang circulant dans mes veines

ou au-dehors, baiser de feu sur mon visage

ou ceinturon brûlant à ma taille sanglé.

 

Accueille, ô douce,

le grand amour qui surgit de ma vie

et qui ne trouvait pas en toi de territoire

comme un découvreur égaré

aux îles du pain et du miel.

 

Je t’ai rencontré une fois

terminée la tempête,

La pluie avait lavé l’air

et dans l’eau

tes doux pieds brillaient comme des poissons.

Adorée, me voici retournant à mes luttes.

 

Je grifferai la terre afin de t’y construire

une grotte où ton  Capitaine

t’attendra sur un lit de fleurs.

Oublie, ma douce, cette souffrance

qui tel un éclair de phosphore

passa entre nous deux

en nous laissant peut-être sa brûlure.

 

La paix revint aussi,

elle fait que je rentre

combattre sur mon sol

et puisque tu as ajouté

à tout jamais

à mon cœur la dose de sang qui le remplit

et puisque j’ai

à pleines mains ta nudité,

regarde-moi,

regarde-moi,

regarde-moi sur cette mer où radieux

je m’avance,

regarde-moi en cette nuit où je navigue,

et où cette nuit sont tes yeux.

Je ne suis pas sorti de toi quand je m’éloigne.

 

Maintenant je vais te le dire :ma terre sera tienne, je pars la conquérir,

non pour toi seule

mais pour tous,

pour tout mon peuple.

Un jour le voleur quittera sa tour.

On chassera l’envahisseur.

 

Tous les fruits de la vie

pousseront dans mes mains

qui ne connaissaient avant que la poudre.

Et je saurai caresser chaque fleur nouvelle

grâce à tes leçons de tendresse.

 

Douce, mon adorée,

tu viendras avec moi lutter au corps à corps :

tes baisers vivent dans mon cœur

comme des drapeaux rouges

et si je tombe, il y aura

pour me couvrir la terre

mais aussi ce grand amour que tu m’apportas

et qui aura vécu dans mon sang.

Tu viendras avec moi, je t’attends à cette heure,à cette heure,

à toute heure, je t’attends à toutes les heures.

 

Et quand tu entendras la tristesse abhorrée

cogner à ton volet,

dis-lui que je t’attends,

et quand la solitude voudra que tu changes

la bague où mon nom est écrit,

dis-lui de venir me parler,

que j’ai dû m’en aller

car je suis un soldat

et que là où je suis,

sous la pluie ou le feu,

mon amour, je t’attends.

 

Je t’attends dans le plus pénible des déserts,

je t’attends près du citronnier avec ses fleurs,

partout où la vie se tiendra

et où naît le printemps,

mon amour, je t’attends.

Et quand on te dira « cet homme

ne t’aime pas « , oh ! souviens-toi

que mes pieds sont seuls dans la nuit, à la recherche

des doux petits pieds que j’adore.

 

Mon amour, quand on te dira

que je t’ai oublié, et même

si je suis celui qui le dit,

même quand je te le dirai

ne me crois pas,

qui pourrait, comment pourrait-on

te détacher de ma poitrine,

qui recevrait

alors le sang

de mes veines saignant vers toi ?

 

Je ne peux pourtant oublier

mon peuple.

Je vais lutter dans chaque rue

et à l’abri de chaque pierre.

Ton amour aussi me soutient :

il est une fleur en bouton

qui me remplit de son parfum

et qui, telle une immense étoile,

brusquement s’épanouit en moi.

Mon amour, il fait nuit.

 

L’eau noire m’environne

et le monde endormi.

L’aurore ensuite va venir,

entre-temps je t’écris

pour te dire :  » je t’aime.  »

Pour te dire « je t’aime « , soigne,

nettoie, lève,

protège

notre amour, mon cœur.

 

Je te le confie comme on laisse

une poignée de terre avec ses graines.

De notre amour des vies naîtront.

De notre amour on boira l’eau.

Un jour peut-être

un homme

et une femme

A notre image

palperont cet amour, qui aura lui, gardé la force

de brûler les mains qui le touchent.

Qui aurons-nous été ? quelle importance ?

 

Ils palperont ce feu.

Et le feu, ma douce, dira ton simple nom

et le mien, le nom que toi seule

auras su parce que toi seule

sur cette terre sais

qui je suis, et nul ne m’aura connu comme toi,

comme une seule de tes mains,

que nul non plus

n’aura su ni comment ni quand

mon cœur flamba :uniquement

tes grands yeux bruns,

ta large bouche,

ta peau, tes seins,

ton ventre, tes entrailles

et ce cœur que j’ai réveillé

afin qu’il chante jusqu’au dernier jour de ta vie.

 

Mon amour, je t’attends.

Au revoir, amour, je t’attends.

Amour, amour, je t’attends.

J’achève maintenant ma lettre

sans tristesse aucune : mes pieds

sont là, bien fermes sur la terre,

et ma main t’écrit en chemin :

au milieu de la vie, toujours je me tiendrai

au côté de l’ami, affrontant l’ennemi,

avec à la bouche ton nom,

avec un baiser qui jamais

ne s’est écarté de la tienne.

 

 

 


Giacomo Leopardi – Le songe


art: F Rops

–         art: Félicien  Rops

 

* LE SONGE – *

C’était le matin, et à travers les volets fermés, par le balcon, le soleil glissait sa première blancheur dans ma chambre sombre, quand, au moment où le sommeil plus léger et plus doux voile les paupières, se dressa à mon côté et me regarda en face le fantôme de celle qui, la première, m’enseigna l’amour, et puis me laissa dans les larmes.

Elle ne me paraissait pas morte, mais triste, et telle que se montrent à nous les malheureux.

Elle approcha sa main de mon front et me dit avec un soupir :
Vis-tu, et gardes-tu quelque souvenir de moi?
— D’où viens-tu et comment es-tu venue, ô chère beauté? répondis-je.
Combien, ah ! combien je t’ai pleurée et te pleure encore ! Je ne croyais pas que tu dusses jamais le savoir, et cela rendait ma douleur plus inconsolable.

Mais vas-tu me quitter une seconde fois?
J’en ai grand’peur.

Maintenant, dis-moi, qu’advint-il ?

Es-tu bien celle d’autrefois?
Et qu’est-ce qui te consume intérieurement? •

— L’oubli embarrasse tes pensées et le sommeil les rend confuses, dit-elle.

Je suis morte, et il y a plusieurs lunes que tu m’as vue pour la dernière fois. »

— A, ces mots, une douleur immense m’oppressa jusqu’au fond de la poitrine.
Elle poursuivit : « Je me suis éteinte dans la fleur des années, alors que la vie est la plus douce, et avant l’âge où le cœur s’assure de la vanité de toute espérance humaine.
Le mortel qui souffre ne doit vivre que peu de temps pour en arriver à désirer celle qui le délivre de tout chagrin ;

mais l’approche de la mort est affreuse pour ceux qui sont jeunes, et c’est une cruelle destinée que celle de l’espérance qui va s’éteindre sous terre.

Il est inutile de savoir ce que la nature cache aux inexpérimentés de la vie,
Qui sait?

Ne voyons-nous pas souvent, en été, tomber les étoiles?

Il y a tant d’étoiles que c’est une petite perte si l’une ou l’autre vient à tomber, alors qu’il en reste des milliers.

Mais il n’y a que cette lune, au firmament, et personne ne l’a jamais vue tomber, si ce n’est en rêve.
(1819)


Espaces brisés de la salle aux miroirs – ( RC )


 

pris au piège

 

 

Une salle aux miroirs se penche sur moi,
Des rayons de lumière y rebondissent,
Et sont autant de flèches,
Au trou noir de mon souffle,
Perçant la nuit, sans pourtant atteindre,
Au coeur de ta beauté.

Elle concentre l’azur,
Même quand ta voix s’éteint,
Une part d’infini, dans ta main,
Dans ton visage aussi,
Que je ne peux atteindre,
Condamner à errer, après t’avoir trop cherchée.

Je me noie dans un temps,
Et l’idée que j’en ai,
Même parmi les espaces brisés,
Des miroirs enchevêtrés,
Ne me conduisent pas, jusqu’à ta voix,
Aux silences enroués, ni à ton image…

Elle m’est renvoyée , brisée,
Et ne se superpose pas,
A celle du souvenir,
Noyé aussi dans la noirceur,
D’une distance, s’effondrant sur elle-même,
Comme celle d’une étoile déchue.

RC

———– ( c’est  une variation sur le texte  d’un auteur canadien..  que voici)

Il y a dans mes souliers
Des rues inondées
Où je me noie dans ta main
Il y a dans mes yeux
Ta voix qui s’éteint
Cette noirceur dans l’azur
Il n’y a rien d’autre au-delà de toi
Il y a dans la nuit
Des silences enroués
Pour t’avoir trop cherchée

Le temps s’échappe de moi
Déraciné de l’avenir
Pur au coeur de ta beauté
Que je donne à ma peine

Il y a dans mon coeur
Une plaie dans l’air
Un trou noir dans mon souffle
Où tout s’effondre sur moi