L’indépendance des choses – ( RC )
Comme en strates . c’est de la matière qui se dépose…
On pense généralement à de la poussière,
ou bien les flocons de fausse neige
qui retombent lentement , une fois qu’on a posé la boule
après l’avoir secouée.
On ne pense pas que les choses ont cette indépendance,
comme il est fastidieux de toujours grouper par famille,
par genre, – à la façon des entomologistes,
qui détectent , parmi les insectes,
leurs caractéristiques communes, et les classent par genre .
Il en est ainsi des papiers.
Tous les papiers administratifs qui s’accumulent,
les factures et les publicités qui s’entasseraient
dans le plus grand désordre,
si on ne venait pas relever la boîte aux lettres .
Il faut classer par formulaire, par couleurs, par années…
mais il y en a toujours qui s’échappent,
du fait de l’inattention ,
et se retrouvent dans d’autres classeurs,
ou dans un livre fermé par inadvertance.
Aller à la ramasse, ce serait aussi comme
trier les champignons,
les comestibles, et ceux qui ne le sont pas
ceux qui se dissimulent,
et font semblant d’être bons….
J’imagine plutôt
…. quelque chose d’insaisissable :
Les vrais objets auraient pris la file de l’air,
aspirés par on ne sait quel phénomène,
il se serait créé un vide sidéral.
Il ne resterait que leurs images ,
et celles-ci clignoteraient encore quelques jours,
à la façon d’hologrammes,
avant de se fondre dans l’obscurité.
Un néant ?
Non, pas tout à fait,
mais > un monde derrière, qui existe,
ayant bu les objets
et gommé leur surabondance.
rendant l’air à nouveau respirable .
–
RC – oct 2017.
Premier homme sur la terre – ( RC )
Si j’étais le premier homme
à marcher sur la terre,
– venant d’une autre planète – ,
je marcherais avec prudence,
sur les berges sablonneuses,
laissant des traces en creux.
Je m’enfoncerai dans les forêts tropicales,
où le soleil n’y pénètre
que par effraction,
j’apprivoiserai les animaux,
qui m’accueilleront sans méfiance,
comme si j’étais des leurs :
un peu étrange, sur ses deux pattes,
le cœur presque à nu,
et ma mémoire cousue de fil blanc,
essayant de se faire comprendre
par des mimiques
trahissant mes pensées.
Je n’aurais pas la pupille dilatée
du fauve de service,
je viendrai sans arme:
( personne ne les aurait inventées) ,
et avec les meilleures intentions .
Je me guide aux phrases de la lune :
elle, au moins, me comprend .
Je lui parlerai le soir,
lorsque le soleil s’éteindra .
Il reparaîtra le lendemain,
d’un autre côté .
Il étire les ombres ou les rétrécit,
comme avec des élastiques.
Cela semble être un jeu
dont jamais il ne se lasse
montant et descendant
tel un yoyo, au-dessus de l’horizon.
Il y a un seul astre ici.
Il règne, sans partage
et semble très écouté .
Sa caresse varie, de tiédeur
en brûlure , rythmée par le jour
qui se déplie .
C’est sa façon d’être :
çà remplace le langage,
et les plantes le comprennent:
elles se sont multipliées
au point de couvrir
la plupart des endroits.
C’est une planète verte
avec de grands lacs,
que l’on nommera océans:
la vie a l’air moins rude
qu’ailleurs en galaxie.
J’indiquerai ça,
dans mon compte-rendu ,
devant rendre mon rapport sous quinzaine.
Je parie que bientôt
une équipe d’explorateurs
prendra ma relève.
Il ne serait pas impossible
qu’ils s’établissent ici,
avec leur petite famille, en villégiature .
S’ils construisent un village
il y aura peut-être même
une place à mon nom .
–
RC – sept 2017
L’abandon des cuirasses – ( RC )
Des décombres et poutres fumantes,
les restes des samouraïs
que l’on voit après la bataille
et, contre toute attente
perdus au milieu de champs magnétiques .
Le masque de quelqu’un a occupé la place,
et se cache derrière leur face
– un sourire énigmatique – .
De quelle espèce, de quelle famille … ?
une trace que l’existence imprime,
le regard indécis de l’anonyme,
comme dans la roche, un fossile .
Ainsi, des tenues de protection
les mineurs au corps absent …
Il en reste l’habit pesant,
devenu, au musée, pièce à conviction .
L’activité est suspendue ,
faute de rentabilité ;
les mines ont périclité,
des fantômes d’ouvriers, semblables à des pendus .
Des êtres vidés de leur substance
ont abandonné leurs cuirasses :
le passé est voué à la casse ,
à mesure que l’on avance….
–
RC – juin 2017
- cet écrit a rapport à un précédent » musée de la mine »… qui évoque celui de St Etienne.
Semis de pierres à Carnac – ( RC )
A Carnac, on a planté des petites pierres,
pour retenir les rayons de lune.
– C’était au début, quand elle a commencé
sa course autour de la terre. –
Maintenant les pierres ont bien grandi,
ce sont des témoins,
Ils se sont redressés, au fil du temps,
Communiquent avec le soleil et le vent :
Ils racontent, muets, en grandes files, alignés,
beaucoup de choses, sur ce qu’on ne connaît pas.
Pour notre portée d’hommes modernes,
C’est comme un langage des signes, venu de l’en-deçà…
La nuit venue, elles se déplacent dans leur ombre,
Et grandissent encore un petit peu, imperceptiblement,
Le dialogue se perpétue avec le sol,
Et le rayonnement des astres .
Avec leur station debout, on peut leur attribuer
un caractère, comme si une présence humaine était enfermée dedans.
Il se pourrait qu’elles se soient rassemblées d’elles-même,
en vue d’une cérémonie à venir.
D’autres le font de manière étrangement proche, dans des pays différents,
Où déjà la distance fait qu’on se demande comment elles font.
Peut-être que la roche en marche aurait les instincts d’une commune famille…
c’est difficile à dire, et personne n’a vécu des millénaires pour affirmer le contraire.
Vu leur silence apparent, juste couronné de vent,
il faut laisser parler les légendes ; c’est un peu leur chanson.
–
RC – juillet 2015
Marie-Hélène Montpetit – Le matin en retour
–
Le matin crie Heïdi dans le chalet du lit
Mon corps est un sofa
dont les coussins bayent aux corneilles
Dans la corbeille du sommeil
j’ai lavé cette nuit du linge sale de famille
Le matin en retour de labour
s’étire
à travers les sillons de ma carte du ciel
–
de (40 singes-rubis, )
Le défilé des images ( RC )
–
En suivant les traces du temps
Comme des empreintes laissées dans la boue,
Il y a, sur ce fil,
Le défilé des images
De celles qui marquent un instant
Et finissent par pâlir,
Cartes postales oubliées au fond des tiroirs,
Restes d’affiches de campagnes électorales,
Catalogues fournis pour produits d’antan,
Et aussi les albums épais,
Des photos de famille.
Je parcours le tout,
Où se transforme,
En épisodes chronologiques,
L’univers, même réduit au dehors,
Bordé de maisons proches,
Qui s’enhardissent de grues,
Et deviennent immeubles.
La famille rassemblée,
Au pied de l’escalier,
S’est agrandie d’un nourrisson,
Maintenant debout sous un chapeau de paille,
Puis, regardant sur la droite,
Le chat gris faisant sa toilette,
Que l’on retrouve seul, enroulé sur lui-même.
Ensuite, c’est une tante de passage,
Dans ses bras, une petite soeur arrivée…
> Tout le monde est gauche,
Dans ses habits du dimanche,
Après le repas,
Peut-être suivant le baptême;
…. Il fait très beau dehors.
Ce sont donc des photos du jardin,
Les enfants jouent au ballon,
. Le tilleul a étiré son ombre,
Au-delà de la grille voisine.
Plus tard, toujours sur l’escalier,
Les habits suivent une autre mode,
….Dix ans se sont écoulés.
Le grand-père n’est plus,
Les allées sont cimentées,
La perspective est close,
D’un nouveau garage,
Occupé d’une voiture,
Brillant de ses chromes,
Elle apparaît sombre,
Peut-être verte…
Un autre album,
Tourne la page d’une génération,
Le format des images a changé,
Issues d’un nouvel appareil.
C’est maintenant la couleur,
Témoignant des années soixante.
L’extravagance des coiffures,
Et des motifs géométriques,
S’étalant sur les murs,
Le règne du plastique,
Et du formica, qui jalonne encore,
Les meubles rustiques en bois.
Quelques pages plus loin,
Les teintes sucrées,
De photos polaroïd,
Donnent dans la fantaisie,
Des portraits déformés,
Pris de trop près,
Et surtout le voyage à Venise.
Gondoles et palais,
Trattorias et reflets…
Les lieux soigneusement mentionnés,
Au stylo à bille ….
> Le beau temps tourne à l’orage,
—– On suppose une dispute,
Car l’album s’arrête là,
En mille-neuf-cent-quatre-vingt,
Sur la photo de l’amie,
Partie sous d’autres horizons,
Rageusement déchirée,
Puis, maladroitement recollée,
Les souvenirs ne sont plus de mise,
Et restent clos dans le tiroir.
Le défilé des images, lui, s ‘immobilise.
–
RC – 10 et 11 août 2013
–
Le lac et le blé (RC)
J’ai entendu récemment cette belle légende, à la radio, que j’essaie de transcrire aujourd’hui….
Il existe un pays où certaines personnes ne s’aventurent pas, car ces endroits un peu particuliers, peuplés de cailloux sont des lieux où son soupçonne qu’ils abritent des djinns, des petits génies malicieux, qui peuvent provoquer des surprises, le bonheur ou le malheur des hommes…
Un jour Ahmed, vit un endroit au détour d’un chemin, plat, mais encombré de pierres, qui lui semblait propice à la plantation d’un champ de blé… il commença à déplacer quelques unes, lorsqu’il entendit une voix sortir de derrière les roches..
– Que fais tu donc là, dans notre territoire?
– Je déplace des pierres, pour espérer faire de cet endroit merveilleusement placé, un champ de blé, et ainsi aider ma famille à sortir de la famine..
– C’est un beau projet, dit le djinn, qui apparut de derrière les pierres, nous allons t’aider…
Apparurent alors deux, trois dix, cent, mille djinns qui aidèrent Ahmed à déplacer toutes les pierres du champ, pour faire apparaître une belle surface cultivable, cernée de hauts murets…
Viens donc avec ta famille semer, et nous demanderons au ciel de t’envoyer l’eau nécessaire à une abondante récolte…
Ainsi fut ,fait, et au bout de quelques mois , une prairie verdoyante comportant de nombreux épis tendres était apparue au détour du chemin…
Mais les djinns goûtant les épis, les trouvèrent si bons et à leur gout , que des dizaines, des milliers de djinns vinrent chacun manger les beaux épis…
La famille venant pour la moisson, constatant le désastre, ne put retenir des flots de larmes devant ce spectacle, et c’est ainsi qu’aujourd’hui, dans l’espace qui avait été jadis porteur d’espoir, il y a à sa place un grand lac issu de toutes leurs larmes .
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Sur le net je n’ai pas trouvé trace du récit que j’ai retranscrit, par contre des contes berbères qui semblent, dans l’esprit, s’en approcher;..