Photo de « vue de l’esprit » – ( RC )
Imagine encore
un esprit sans corps,
c’est davantage qu’un fantasme,
pour entr’aperçevoir un ectoplasme…,
> tout ce qu’on invente :
les tables tournantes ,
et la convocation des esprits,
( s’ils en ont envie ),
Ils pourraient te parler
– ou garder leur bouche scellée – :
tout cela dépend
de quelques ingrédients,
( et juste ce qu’il faut de mystère
avec une cloche en verre ) :
les êtres trépassent,
mais le courant passe …
La photo a surpris
cet évènement fortuit :
c’est un instant unique ,
parcouru d’ondes magnétiques,
leur parcours aléatoire ,
avant qu’on puisse apercevoir
son image : ( attention
à la fragilité de la transmission ! ) :
C’est le visage d’un enfant,
apparu accidentellement :
rien ne le rattache au sol,
comme flottant sur le formol
retenu par des tubes blancs :
des vaisseaux vidés de leur sang,
d’où ce visage indéfini :
c’est ce qu’on appelle fort justement » une vue de l’esprit « .
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RC – dec 2017
Lucie Taïeb – Où est-il ?
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ce soir, dans la maison d’avant, demander à S., qui prépare le repas : « et où est-il ? il ne dîne pas avec nous ? »le lui demander comme un enfant qui n’aurait pas voulu comprendre que son père ne reviendra pas.
Le lui demander comme l’adulte, saine d’esprit, que je suis, ne peut pas le faire, et il le faudrait pourtant, pouvoir se faire expliquer et redire qu’il ne reviendra pas, pouvoir pleurer encore cette absence, refuser de la comprendre, refuser d’écouter les explications, de chagrin hurler, se cogner la tête contre le mur de la cuisine, jusqu’à ce qu’elle saigne et tache le mur blanc, jusqu’à ce qu’elle s’ouvre comme une noix de coco et que le chagrin se déverse, répandant autour de la coquille brisée son odeur de délice rance.
le temps nous déplace, nous éloigne de chaque instant de notre vie et ramène pourtant, par l’entremise de la date, chaque jour qui nous marque, chaque année.
je pense à toi, en cet instant précis, tandis que S. déverse les coquillettes dans l’eau bouillante, je pense à toi, à plusieurs milliers de kilomètres d’ici, l’instant se ralentit, devient plus dense, presque douloureux par trop de lumière, je pense à toi, j’ai la certitude d’une union dans cette distance, je fantasme tes pensées aussi intensément tendues vers moi, j’imagine qu’en cet instant précis, tu es aussi proche de moi, en pensée, que je le suis de toi.
au même moment
je pense à toi, en cet instant précis, comme S. déverse les pâtes dans l’eau bouillante, je pense à toi, plusieurs milliers d’années auparavant, tu aurais été là, tu devrais être là, je fantasme encore si proche, ta présence, et je ne comprends pas que, malgré l’intensité de ma pensée, tu ne sois pas là, proche de moi, comme tu devrais l’être. je demande alors « où est-il ? », j’ai 20 ans, j’en ai 40, j’en ai 56 et c’est mon dernier âge, nous mourons jeunes dans la famille, je demande encore où il est, et plus personne
pour me répondre
qu’il ne reviendra pas.
Les mailles écorchées de la réalité – ( RC )
image: « Six personnages en quête d’auteur », mis en scène par Emmanuel Demarcy. » – provenance lepoint.fr
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J’ai du mal à ordonner les choses,
ordonner dans le sens « ordre donné »,
plutôt que dans celui de ordre-désordre… :
J’ai dû prendre la formule à l’envers.
Je navigue sans doute à contre-sens,
et justement les choses sont comme
on n’a pas l’habitude de, ( l’inversion du mode d’emploi)
et du mélange du tout …
( Qui de l’ordre du fantasme,
des mailles écorchées de la réalité,
des formules à l’alchimie incertaine,
où le fil qui les tient ensemble se dissout… )
J’énonce des choses, où,
comme les légumes, se juxtaposent, ceux qui
crus , crissent sont la dent,
ceux qui , trop cuits , dont la matière s’échappe .
Et avec le tout, une architecture fantasque.
On se demande comment ça tient debout,
quelle est la part du rêve,
et où se glissent les carillons des fêtes,
La sonate des pages qui s’envolent,
le pavillon de l’impatience,
l’essence volatile des sentiments,
et l’encre qui se dépose,
- où je vais puiser…
encore sous le coup du choc d’un regard,
des noces de plume,
et de l’obscur affrontement des mots.
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RC- dec 2015
mince ( RC )
Oui, on en veut à mon aspect
Peu de ventre, peu de fesses
C’est que je ne suis pas bien épais
Même que je manquerais de graisse
Ce serait peut-être plus confortable
Mais, même pour un homme
Aux coussinets adorables
Je me vois mal être un bibendum
C’est peut-être un fantasme
Ce qu’on voudrait que je sois
Je ne déchaîne pas les sarcasmes
N’ayant toujours pas pris de poids…
Ma maîtresse qui est maligne
M’interroge, et me tance
Et voudrait que ma fine ligne
Provoque la balance
Que je sois plus costaud
Et donc aussi plus large
Du ventre et des abdos
Mais y a encore d’la marge
C’est sûr qu’à la pesée
De la balance, l’aiguille
Je ne vais pas l’exploser
Quand je me déshabille
– Tu verras à quarante ans !
( c’était une prévision)
– A cet âge, grossissent les gens !
Disait mon père ( prédiction)…
Or, en lecture d’avenir
Je peux le contester
Pas de soupirs, mais sourires
Car mince, je suis resté.
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RC 17 avril 2012
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