Derniers jours d’été sur la Rance – ( RC )

Tu as peint sur tes mots,
comme sur des roses blanches.
Certaines se fanent
et leur tête penche…
Sur les pentes des coteaux,
les pêchers chargés de fruits
portent leur fatigue
las, des derniers jours d’été.
Un nuage lourd d’humidité
a avalé les derniers rayons du soir
Les voiliers s’effacent.
On ne distingue plus les rives.
C’est bientôt la nuit,
les sons s’assoupissent ,
le fleuve ne sait plus
vers quel côté aller.
Il attend de la mer
la brise fraîche
et la marée
Le monde respire dans le silence .
Nous en emporterons un peu
en quittant le pays de Rance…
Colette Seghers – Ne me cherche jamais

Ne me cherche jamais
Tu me cherchais?
Ne me cherche jamais, je suis là,
embrassée du cœur aux chevilles
dans tes mains d’homme et ta mémoire.
Et nouée comme une pièce d’or
dans le trésor confidentiel de ta vie,
brigandée dans l’envers du temps…
Ne me cherche jamais,
je suis là,
la nuit peut bien sécher ses grands
trains d’herbes fauves et lancer
sur ses rails le convoi des saisons,
elle peut bien passer de l’une à l’autre
sur ses passerelles d’orages
ou le ventre sans ciel des froids,
elle peut bien apporter ce qu’elle voudra,
ce qu’elle pourra,
sa rançon de fatigue ou sa ruée de rêves,
je suis où tu voulais que j’aille.
Ne me cherche jamais,
Nous allons là où ceux qui s’aiment
vont ensemble, épaule contre épaule,
dans le vent des solstices…
La maison de l’ombre – ( RC )

J’ai touché l’ombre de mes doigts,
et elle n’a pas bougé.
La maison était dans une couronne de ronces,
ses fenêtres closes ne parlaient plus .
Ouvertes , elles n’auraient pu qu’être muettes
dans l’oubli des étés et des rires.
Qu’elle gémisse de fatigue dans ses fers
– de rouille – , écrasée par le poids du ciel,
qui n’est qu’indifférence…
J’ai touché du doigt
son triste corps de pierre.
Elle ne m’a pas répondu.
Si j’étais resté plus longtemps,
elle m’aurait mordu
me lançant ses ronces au visage .
RC – nov 2020
Gabriela Mistral – complainte
art: Isabelle Levenez
Tout a pris dans ma bouche
une saveur persistante de larmes;
le repas quotidien, le chant
et jusqu’à la prière.
Je n’ai pas d’autre métier
après celui-ci silencieux de t’aimer,
que cet office de larmes,
que tu m’ as laissé.
Mes yeux serrés
sur de brûlantes larmes!
bouche convulsive et tourmentée
où tout me devient prière !
J’ai une de ces hontes
de vivre de cette façon lâche!
Je ne vais pas à ta recherche
et je ne parviens pas non plus à t’oublier!
Un remords me saigne
de regarder un ciel
que ne voient pas tes yeux,
de toucher des roses
nourries de la chaux de tes os!
Chair de misère,
branche honteuse, morte de fatigue,
qui ne descend pas dormir à ton côté,
et qui se presse, tremblante,
conte le téton impur de la Vie!
Hugues Labrusse – L’indésirable
( – à Gaston Puel )
sculptures – Aulnay de Saintonge
Jour indivisé
Des pierres arrondissaient les angles.
Le soleil s’en allait.
Deux poutres reliées par une traverse.
Un chien hagard plonge dans les broussailles.
On n’arrache pas un sourire à l’écorce.
Lendemain
Dans la continuité de la masse, en guise de visage.
Le feu âpre transit le cône de marbre.
Tard, dans l’été, la figure roule dans ta paume.
Son oubli fut le dernier souvenir qu’elle te laissa.
Surlendemain
Notre sœur à tête d’animal, notre peur encore muette et ses fleurs de terre
ses onguents de serpents, la saveur de sa lumière et de sa fatigue.
Ses mains ne remuaient pas encore.
Toujours plus tard
L’atrocité rêve à son écuelle en bois.
Du sommet de la montagne dévalent des étoiles épineuses.
Ton œil est de glace. Tu crains l’aiguille de métal qui te sert à coudre le ciel.
Laisse battre les volets.
Lucie Taïeb – Nous ne reviendrons plus ici
nous ne reviendrons plus ici nous n’avons plus les clefs c’est aussi bien ce lieu n’était plus adapté à la fatigue croissante. rien ne me manquera sinon ce que je voyais au matin depuis mon lit par la fenêtre mansardée un fragment d’arbre conifère. les lieux nous oublient et nous hantent sans nostalgie ils sont heureux et nous errons de halte en halte à demander « où sont nos morts » à des gens qui ne les ont jamais connus. Si je savais qui de mon cœur ou de ma tête me joue ce tour de garder souvenir de ce que mon regard ne pourra plus saisir d’un coup sec et sans remords, je l’arracherais comme un organe inutile, qui trouble vainement le repos de mon âme, et autres effets indésirables.
E.E.Cummings – Juste fatigué
Vous avez joué,
(Je pense)
Et brisé les jouets que vous préfériez,
Et vous êtes un peu fatigué maintenant;
Fatigué de choses qui se brisent,
et –
Juste fatigué
Comme moi.
François Corvol – Après l’errance
–
Parfois, fatigué de ces mondes intérieurs
Repu, ennuyé, blasé
J’ouvre lentement les yeux
Lentement afin de supporter
Le violent et serein éclat de notre soleil
Ainsi qu’un voyageur revenu du pôle après un long séjour
Retrouvant les plaines, les arbres
Tout ce qui est vert et tout ce qui se meut
Ressent l’immense vitalité
Se soulever en lui
Ainsi qu’un homme retrouvant son foyer
Après l’errance d’entre les nuits
De la même manière je recouvre le monde
Chaque jour
Chaque minute
Après les yeux fermés
Après l’avoir réinventé
Alejandra Pizarnik – Pleine de pénurie
Alessandra Frison – On ne peut savoir…
On ne peut savoir
si la course est donnée comme part
à partager
jusqu’au fond de l’enseigne
– là au fond à droite –
pour me laisser en oublier la voix
qui compense des wagons de figures
le défoulement d’une journée,
la chambre du monde à l’engorgement
de la gare Centrale
ici est l’embouchure du silence
et à la crue des heures fait suite
un exorde d’images
Milan
qui secoue la fatigue de rester
à regarder et éteindre l’ombre
pour chaque coup infligé
y vivre dedans
c’est le moindre mal.
**
Non si può sapere
se la corsa è data come parte
da spartire
fino al fondo dell’insegna
– là in fondo a destra –
per lasciarmi smemorare la voce
che compensa vagoni di facce,
lo sfogo di una giornata,
la camera del mondo all’ingorgo
della Stazione Centrale,
qui è la foce del silenzio
e segue alla piena delle ore
un esordio di immagine
Milano
che scuote la fatica dello stare
a guardare e spegnere l’ombra
per ogni colpo inferto
il viverci dentro
è il male minore.
*
*
François Corvol – Nuit du Château
que je rentrais d’une dure journée de travail
cerné par la fatigue
je posais mon nom
au pied des marches de ma demeure
surpris d’abord de se trouver là
détaché de sa rotonde
libéré de son intrinsèque cellule
surpris et tétanisé par la liberté
comme un rapace nocturne
par la lumière effarante d’une lampe-torche
il restait là hébété
quelques secondes
puis je le vis grimper
à la manière d’un lézard
prendre le mur
ce raccourci pour la faune légère
il cherchait le trou dans lequel s’engouffrer
la cavité qui le rendrait invisible
je le vis longer la ligne du plafond
arrivé au coin
une sensation d’impasse sembla
le prendre à la gorge
l’angoisse soudaine
du mur sans cavités
de la limite et de la fin
il s’agita dès lors
et traçait des cercles
comme le font tous les êtres
qui cherchent et fuient quelque chose
sans plus vraiment savoir quoi
désespéré de le voir ainsi j’ouvris la fenêtre
et m’en éloigna
pour qu’il passe sans me voir
comme aimanté par l’air de la nuit
par la possibilité de prolonger sa vie un peu plus loin
il s’en alla
il s’en alla et je refermai la fenêtre alors
derrière lui
puis je montais les marches
ôta ce qu’il me restait
de vêtements et de bruits
je me couchais
seul enfin
cherchant le sommeil
les yeux à-demi ouverts
dirigés vers quelques aspérités du plafond
j’y aperçus une araignée
elle tissait sa toile à mon zénith
je souris
et m’endormis
Lutte contre le chaos ( RC )
–
Par le plus grand des hasards, tu es là,
A lire cet aujourd’hui,
Et si ta vision illumine l’instant,
Cet instant fragile,
De deux étincelles,
Ayant pu n’être ( naître ) ailleurs…
Deux espèces d’espaces
Ils se croisent,
Avant que l’ombre,
Ne boive la mienne,
Ou rejoigne les millénaires d’ombres,
Des couches de fatigue,
L’enchevêtrement, en tout sens, des pensées,
En épaisses strates,
L’humus
Peut-être , dont s’extirpe la plante,
Si les conditions le permettent,
Et que se multiplient branches et feuilles,
Comme les phrases portent leurs mots,
Buvant à leur tour la lumière,
Si la création lutte contre le chaos.
–
– RC – 9 août 2013
–
Guy Goffette – Un peu d’or dans la boue
Un peu d’or dans la boue
I
Je me disais aussi : vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l’amour, et de l’usure – ce que nous faisons
du matin à la nuit : fendre la mer,
fendre le ciel, la terre, tout à tour oiseau,
poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l’air,
l’eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, marchant vers, récoltant
quoi ? le ver dans la pomme, le vent dans les blés
puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n’est jamais pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,
qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose.
II
Le temps qu’on se lève vraiment, qu’on se dise
oui de la pointe des pieds jusqu’au sommet
du crâne, oui à ce jour neuf jeté
dans la corbeille du temps, il pleut.
Ô l’exacte photographie de l’âme, ces deux mots
qui nous rentrent les yeux comme les ongles
dans la chair : il pleut. Le sang de l’herbe
est vert insupportablement et c’est en nous
qu’il pleut, en nous qu’une digue rompue
voit s’effondrer peu à peu, derrière la vitre
et parmi les voilures, avec des pans de vieux
regrets, d’attentes fatiguées,
les raisons de partir et d’habiller le froid.
III
Encore, si le feu marchait mal, si la lampe
filait un miel amer, pourrais-tu dire : j’ai froid,
et voler le coeur du noyer chauve, celui
du cheval de labour qui n’a plus où aller
et qui va d’un bord à l’autre de la pluie
comme toi dans la maison, ouvrant un livre,
des portes, les repoussant : terre brûlée, ville
ouverte où la faim s’étale et crie
comme ces grappes de fruits rouges sur la table,
vie étrange, inaccessible, présent
à celui qui ne sait plus désormais
que piétiner dans le même sillon
la noire et lourde argile des fatigues.
–
Guy Goffette
poème cueilli dans « La vie promise » précédée d' »Eloge pour une cusine
de province »
éditions poésie/gallimard
–
André Laude – si j’écris
si j’écris c’est pour que ma voix vous parvienne
voix de chaux et sang voix d’ailes et de fureurs
goutte de soleil ou d’ombre dans laquelle palpitent nos sentiments
si j’écris c’est pour que ma voix vous arrache
au grabat des solitaires, aux cauchemars des murs
aux durs travaux des mains nageant dans la lumière jaune du désespoir
si j’écris c’est pour que ma voix où roulent souvent des torrents de blessures
s’enracine dans vos paumes vivantes, couvre les poitrines d’une fraîcheur de jardin
balaie dans les villes les fantômes sans progéniture
si j’écris c’est pour que ma voix d’un bond d’amour
atteigne les visages détruits par la longue peine le sel de la fatigue
c’est pour mieux frapper l’ennemi qui a plusieurs noms.
André Laude, Comme une blessure rapprochée du soleil, La pensée sauvage, 1979
–
Paul Eluard – Tu es venue
–
TU ES VENUE
Tu es venue le feu s’est alors ranimé
L’ombre a cédé le froid d’en bas s’est étoile
Et la terre s’est recouverte
De ta chair claire et je me suis senti léger
Tu es venue la solitude était vaincue
J’avais un guide sur la terre je savais
Me diriger je me savais démesuré
J’avançais je gagnais de l’espace et du temps
J’allais vers toi j’allais sans fin vers la lumière
Là vie avait un corps l’espoir tendait sa voile
Le sommeil ruisselait de rêves et la nuit
Promettait à l’aurore des regards confiants
Les rayons de tes bras entrouvraient le brouillard
Ta bouche était mouillée des premières rosées
Le repos ébloui remplaçait la fatigue
Et j’adorais l’amour comme à mes premiers jours.
Paul Eluard
La mort, l’amour, la vie
(1951)
–
Raphaële George – Infirmité de l’homme
–
Raphaële George (Ghislaine Amon), née à Paris en 1951, décédée en 1985 des suites d’un cancer, devient, en quelque sorte, une éveillée « retrouvant toute sa quiétude originelle, / cette sorte de silence et qui pourtant n’est pas l’inerte mais l’Accompli. » .
Infirmité de l’homme
qui ne connaît de sa mort
que la crainte de ne pas s’éveiller
Existe-t-il cet autre
qui ne nous reproche jamais d’être ?
Est-il l’épure de soi-même
au point de croire que jamais
nous ne saurions le perdre ?
En perdant l’amour de mon amour
je ne suis plus qu’une enveloppe vide
que plus rien ne traverse.
Or je vieillis
et plus je le sais
mieux nous nous séparons
Pourtant, qui ne connaît pas
cette beauté triste, très tôt ?
Cet appel du désir,
instant de grâce
où l’on se croit puissant
assez pour éviter la peur ?
Ce moment où je n’ai pas encore
posé le pied par terre.
Cette nuit que le jour garde en nous comme une peine
qu’on aurait tant voulu éviter
parce qu’à l’heure du coucher rien n’est pardonné
souvenirs de nos actes honteux
de quelque amour anémié…
Alors, imaginons le Paradis
Nous voyons un homme, une femme
seuls l’un en face de l’autre
sans fatigue jamais,
sans désir non plus.
S’ils n’avaient pas rompu cette harmonie de l’inconscience
jamais nous n’aurions connu la fatigue.
Dans cet état fusionnel où l’esprit flotte
– L’esprit va hors de nous pour nous voir dans nos limites-
Nous mettons à bas la peur
et tout redevient juste.
–
Extraits de : Eloge de la fatigue,
–
Ivan Blatny – Quatrième
Nouvelle parution en hommage à cet auteur tchèque, dont l’ambiance est celle de la fin de 2è guerre mondiale…
Quatrième
à Frantiek Halas
Un abandon sans borne, épaisse poussière,
Reposait sur les poutres et sur les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Un abandon sans borne, épaisse poussière,
Reposait sur les poutres et sur les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
De rares flocons d’une neige maussade
Cinglaient les visages serrés dans les tramways,
En ville à nouveau grondait la canonnade.
Un abandon sans borne, poussière, friable,
Reposait sur les livres et sur la table,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Un abandon sans borne, poussière, friable,
Reposait sur les livres et sur la table,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
La porte d’un immeuble, comme si souvent,
Livrait passage à un promeneur nocturne, lent,
– Et la neige lui cinglait le dos, en capilotade.
Page ouverte où écrivaient la fatigue, la peur et la
guerre,
Se tapissant dans les poutres et dans les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Page ouverte où écrivaient la fatigue, la peur et la
guerre,
Se tapissant dans les poutres et dans les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Et les visages serrés vie contre vie
N’y faisaient plus qu’un, point infime,
Tandis qu’en ville grondait la canonnade.
11 mars 1945
(traduction Erika Abrams, Éditions Orphée La Différence)
—
voir mon article sur « les lieux »,
Cesare Pavese – travailller fatigue
Travailler fatigue
Traverser une rue pour s’enfuir de chez soi
seul un enfant le fait, mais cet homme qui erre,
tout le jour, par les rues, ce n’est plus un enfant
et il ne s’enfuit pas de chez lui.
En été, il y a certains après-midi
où les places elles-mêmes sont vides, offertes
au soleil qui est près du déclin, et cet homme qui vient
le long d’une avenue aux arbres inutiles, s’arrête.
Est-ce la peine d’être seul pour être toujours plus seul ?
On a beau y errer, les places et les rues
sont désertes. Il faudrait arrêter une femme,
lui parler, la convaincre de vivre tous les deux.
Autrement, on se parle tout seul. C’est pour ça que parfois
Il y a des ivrognes nocturnes qui viennent vous aborder
et vous racontent les projets de toute une existence.
Ce n’est sans doute pas en attendant sur la place déserte
qu’on rencontre quelqu’un, mais si on erre dans les rues,
on s’arrête parfois. S’ils étaient deux,
et même pour marcher dans les rues, le foyer serait là
où serait cette femme et ça vaudrait la peine.
La place dans la nuit redevient déserte
et cet homme qui passe ne voit pas les maisons
entre les lumières inutiles, il ne lève pas les yeux :
il sent seulement le pavé qu’ont posé d’autres hommes
aux mains dures et calleuses comme les siennes.
Ce n’est pas juste de rester sur la place déserte.
Il y a certainement dans la rue une femme
Qui, si on l’en priait, donnerait volontiers un foyer.
Lavorare stanca
Traversare una strada per scappare di casa
Io fa solo un ragazzo, ma quest’uomo che gira
tutto il giorno le strade, non è piú ragazzo
e non scappa di casa.
Ci sono d’estate
pomeriggi che fino le piazze son vuote, distese
sotto il sole che sta per calare, e quest’uomo, che giunge
per un viale d’inutili piante, si ferma.
Val la pena esser solo, per essere sempre piú solo ?
Solamente girarle, le piazze e le strade
sono vuote. Bisogna fermare une donna
e parlarle e deciderla a vivere insieme.
Altrimenti, uno parla da solo. È per questo che a volte
c’è lo sbronzo notturno che attacca discorsi
e racconta i progetti di tutta la vita.
Non è certo attendendo nella piazza deserta
che s’incontra qualcuno, ma chi gira le strade
si sofferma ogni tanto. Se fossero in due,
anche andando per strada, la casa sarebbe
dove c’è quella donna e varrebbe la pena.
Nella notte la piazza ritorna deserta
e quest’uomo, che passa, non vede le case
tra le inutili luci, non leva piú gli occhi :
sente solo il selciato, che han fatto altri uomini
dalle mani indurite, come sono le sue.
Non è giusto restare sulla piazza deserta,
Ci sarà certamente quella donna per strada
che, pregata, vorrebbe dar mano alla casa.
Paul Eluard — Oeil de sourd
ŒIL DE SOURD
Faites mon portrait.
Il se modifiera pour remplir tous les vides.
Faites mon portrait sans bruit, seul le silence
A moins que — s’il — sauf — excepté —
Je ne vous entends pas.
Il s’agit, il ne s’agit plus.
Je voudrais ressembler —
Fâcheuse coïncidence, entre autres grandes affaires.
Sans fatigue, têtes nouées
Aux mains de mon activité.
extrait de « capitale de la douleur »