Claude Roy – le rhinocéros

Le rhinocéros est morne et il louche vers sa corne.
Que veut le rhinocéros ?
Il veut une boule en os.
Ce n’est pas qu’il soit coquet : c’est pour jouer au bilboquet.
Car l’ennui le rend féroce, le pauvre rhinocéros.
Erri de Luca – la brebis brune
photo denvedarvro ( écomusée du musée de Rennes )
La brebis brune
Est la première agressée par l’éclair et le loup,
le tour de mauvaise chance qui gâte la couleur uniforme
du blanc troupeau.
Le jour la chasse, la nuit l’accueille
dans le noir térébenthine qui dissout couleurs et contours
et fait qu’elle ressemble aux autres.
La nuit est plus juste que le jour.
Face au danger le cri le plus limpide est le sien,
sur la glace de l’aube c’est elle qui marque la trace.
Où passent les confins, elle seule longe la haie de mures
Qui fait frontière à la vie frénétique, féroce, qui ne donne répit.
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La pecora bruna
È la prima aggredita dal lampo e dal lupo,
lo scherzo di mala fortuna che guasta il colore uniforme
del bianco di gregge.
Il giorno la scaccia, la notte l’accoglie
nel buio d’acqua ragia che scioglie colore e contorno
e fa che assomigli alle altre.
La notte è più giusta del giorno.
In faccia al pericolo il grido più limpido è il suo,
sul ghiaccio dell’ alba la traccia è battuta da lei.
Dove corre il confine, lei sola rasenta la siepe di more,
e chi si è smarrito si tiene al di qua della pecora bruna,
che fa da frontiera alla vita veloce, feroce, che tregua non dà.
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traduction par Antonio Silvestrone : voir son site
Extérieur vertical (RC)
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En chaleur d’été, le vent soulevant les bâches
des marchands de la plage,
… – claquements sporadiques,
Petits tourbillons de sable
Son cri est celui de l’enfant résonnant
depuis l’autre monde
et ses lèvres sont froides
portant l’alliance. du manque
Le manque est d’une étreinte étouffante, et elle ,
une magicienne d’un autre temps.
Quand tout est vivant alentours,
Mais toujours seule, les bras vides dans le désordre.
Les racines – transparence de la folie –
se sont ancrées dans un corps
qui n’est plus sien…
Les nuits féroces, ne sont pas siennes,
Mais un trésor d’ombres, d’un vertige
Que ne retient aucun filet
Illuminées d’un soleil sans écho
Noir de bras sans appuis, d’un monde,
où ce que disent ses lèvres, ne se retient pas.
Dans la couleur d’un extérieur vertical
RC 8 mai 2012, et janvier 2013
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que je complète avec un poème de Jacques Reda, qui va « dans le même sens »
L’HABITANTE ET LE LIEU
L’âme semble un couloir où des pas hésitants résonnent,
Mais personne jamais ne vient. Dehors, l’ombre qui tremble
Dans les encoignures de porte et sous les escaliers,
C’est l’âme encore, quand la nuit fige le long des murs
Les flots d’eau pâle et froide où l’on est heureux de descendre.
Et qui donc parlait de salut ou de perte pour l’âme,
Alors qu’elle est blottie en son frisson et cependant
Toujours plus dénudée au vent qui souffle en ce couloir ?
Qu’elle se cache ou rôde, écoute : elle s’égare, étant
L’habitante et le lieu d’une solitude sans nom.
Jacques Réda, Amen, Gallimard, 1968
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