point final à la fête – ( RC )

Les brigands tentaient de renverser la table,
les couteaux plantés
dans le lit de justice,
après avoir brisé quelques vitrines.
La statue vacillant sur son piédestal,
mais à boire trop de bières,
leurs mains se sont figées
dans un festin de pierres,
juste au moment du dessert,
quand les heures s’émiettent ;
les couteaux s’émoussent aussi.
Sur la table, l’ombre du commandeur
se saisit d’une partie de la nuit,
en mettant un point final à la fête.
Nature morte au verre, à l’orange et aux citrons – ( RC )

Grande joie de lumière
dans la toile rectangulaire
dès qu’on ouvre la porte :
une nappe plissée,
quelques fruits disposés,
un verre , et la musique du silence
en couleurs complémentaires :
c’est ce qu’on pense
être une nature morte…
Trois citrons aux ombres vertes,
attendent sur une assiette.
Aucun des fruits ne bouge,
personne ne les dérange
dans leur écrin rouge
voisin du verre à pied
où transparaît la valse des bleus
dans leur savant camaïeu.
Juste une orange isolée
dans le coin droit,
dépourvue de pesanteur
attend qu’on la mange.
Avant qu’on l’attrape
elle répercute un peu de couleur
sur le verre vide
dont la matière limpide
se dresse sur la nappe.
Le côté gauche est plus incertain:
il est probable
qu’on devine un coin de table :
– on a négligé le reste du festin
pour concentrer notre attention
sur la composition -,
les courbes qui se répondent
et les formes rondes
de la nature morte aux citrons.
RC – Août 22
Quine Chevalier – Neige conçue 3
peinture: Andrew Wyeth
Neige conçue
impudique au matin
rouge le sang des chiens livrés
sans chaîne
ni raison
Quelle bête épuisée
a pris part au festin
Tu rinces tes rêves
de nuit
dans le vif
éclat mordant de l’âpre
rigueur de chair
mais la neige de toi
en toi
André Schmitz – De son bec d’acier
–
De son bec d’acier, l’éclair ouvre le fruit, fracture le noyau, y découvre un arbre,
parcourt un verger, en déchire les fruits.
Et le cycle accompli, l’oiseau-feu s’éteint.
Ses ailes de cendres redeviennent fable parmi les rousseurs d’un étrange festin.
André SCHMITZ
« Bételgeuse n° 21 » in « Le Bestiaire Fantastique » (Larousse)
Hareng ( RC )

peinture: James Ensor; deux squelettes se disputant un hareng
Rien ne prédestinait, je crois
A ce que ce poisson, quitte les fonds marins
Pour être présent, ( et sujet ) du festin
L’assiette posée sur la table en bois.
Je suis allé le chercher
En hésitant longtemps
— de la morue ou du hareng ?
Au supermarché …
En ce qui me concerne
Je l’ai choisi au hasard
Sans considérer son regard
– qui était plutôt terne
Il était disposé
Comme le veut l’usage
Dans un bel emballage
– article non pesé…

reprise en cravate des harengs de Van Gogh
Celui-ci était vert
Ca donnait une touche de couleur
A côté du beurre
Ca devait rappelait la mer
Un emballage de plastique
Avec un film dessus
Qui est bien conçu
En matières synthétiques
Je me suis dit qu’un vin
Blanc, comme boisson,
En pensant au poisson
Irait bien pour demain
Bien qu’au naturel , il préfère
– ce que je comprends
– Comme tous les harengs –
Son bain d’eau de mer…
Je l’ai mis à l’aise
Pour pas qu’il ne s’enrhume
Avec des légumes
Et de la mayonnaise
Comme les poissons essaiment
J’ai pensé à leur nombre,évoluant par bans
Au coeur de l’océan
Et je lui dédie ce poème….
J’évoque aussi Ensor
Qui, dans ses peintures
– ( » Ouh là !! que de culture !! » )
Pense avec bonheur, aux harengs saurs…
Mais avant, qu’il participe à la fête,
Il faut que je vois, s’il n’a pas trop de sel
Et aussi que j’enlève
Toutes ses arêtes…
–
RC- 18 novembre 2012
On n’invente plus la pluie (b) – ( RC )
On pourrait presque se saisir
Du ciel qui hésite
Entre l’azur et l’orange
Rayé des queues des comètes
Ou, plutôt des avions du partir
Qu’un ailleurs invite
Au repas des anges
Quelque part sur la planète…
S’il suffisait d’un coup d’aile
Pour partager leur festin,
Nectar et ambroisie…
Tout le monde laisserait derrière
La zone industrielle,
Vers d’autres matins
qu’un avenir moisi,
Sans faire de manières
RC – 20 aout 2012