Sous une couverture de feuilles – ( RC )

Au milieu d’une forêt, aux arbres centenaires,
je me serais arrêté dans une clairière.
De petits éclats mauves, clignotant de leurs pétales,
au pied du rocher, où je confierais au vent ma destinée.
Je serais le chercheur d’herbe, déplaçant les pierres
me guidant sur le fil invisible de la sueur des fleurs.
Le rocher enflammé doucement
avec le soleil couchant comme un dernier espoir
avant la couverture du soir.
Je me coucherais là, sous une couverture de feuilles
pendant que les plus sèches s’échappent,
avec le souffle le plus léger, qui les agite.
Je laisserais, posé à mes côtés,
le bouquet d’orchidées, immobile dans la nuit.
Car, à qui puis-je offrir des fleurs que je n’aurai pas cueillies ?
Celle à qui je pense est loin sur la route
quand moi, je m’éloigne de la vie.
—
( basé sur un écrit de Ph Jaccottet » A travers le verger « ,
et ce texte d’une auteure chinoise anonyme…( dont le texte suit )
Dans la forêt nouvelle a fleuri l’orchidée,
Qui, çà et là, s’emmêle à la vigne,
J’en ai cueilli les fleurs toute la matinée;
Le soir venu, je n’ai pas fini ma brassée.
À qui donc présenter les fleurs que j’ai cueillies?
Celui à qui je pense est au loin sur la route…
Les parfums délicats vite s’évanouiront;
Soudain, toutes les fleurs se trouveront fanées.
Quel espoir luit pour moi que je puisse évoquer?
Au vent qui vole, je confierai ma brassée.
Auteure chinoise anonyme, 200 ans av. J.-C. --
Bernat Manciet – sonnet IX (laurier du vent )

–
J’entre dans le laurier du vent
dans son frémissement de foret
dans la poix des guis picorés
et les bleus dorés d’un jeune juillet
en tous mes lieux tu répands ta querelle
partout l’oiseau devient feuille
et la rose ailes par son néant
liserée des rires de ta peau
mais parmi les ombres en foule
fourrés buissons et halliers
voici paraître comme une lueur de lune
et de lointain en lointain apaisé
le tourbillon se fait mutisme
ce silence qui t’est louange
Andreï Poliakov – Mésange

Paul KLEE – Landscape with yellow birds
Mésange parlait ainsi :
Les temps automnaux vont si bien à la pluie,
tels les poissons
à l’aide de leurs petites ailes
des formidables oiseaux monstrueux
y nagent en effet
et des poupées appartenant à deux jeunes filles,
deux filles
et deux poupées.
Il n’y a que la petite feuille,
La petite feuille, précieuse sur sa belle branche,
jaunit dans la fenêtre —
Petit Chinois du quotidien.
Et me voilà —
debout
sur la brindille,
cachant dans le feuillage
mon automnale
famille.
Débarquement chinois (9) Editions Novoje izdatelstvo Moscou 2010
Revue rumeurs Novembre 2018 traduction Katia Bouchoueva
Samira Negrouche – Illusion
Illusion
mon regard s’abandonne
sous l’eau cristalline
de l’oued en crue
flottaison
mes sens en arythmie
au corps qui se
promène
sur le cours incertain
M’en aller
comme feuille d’automne
et m’oublier au travers
des branches en furie
des eaux ravagées
de la soif inépuisable
des tuiles tombantes
de la maison dégarnie
m’en venir
au petit matin
effleurer ton rivage.
( extrait de L’heure injuste )
Jean-Pierre Schlunegger – Clairière des noces (extr)
photo Lydia Roberts
Je dis: lumière,
et je vois bouger de tremblantes verdures.
Je dis: lac,
et les vagues dansent à l’unisson.
Je dis: feuille,
et je sens tes lèvres sur ma bouche.
Je dis: flamme,
et tu viens, ardente comme un buisson.
Je dis: rose,
et je vois la nuit qui s’ouvre à l’aube.
Je dis: terre,
un sommeil aveugle, un chant profond.
Je dis: amour,
comme on dit tendre giroflée.
Je dis: femme,
et déjà c’est l’écho de ton nom.
Mai n’en prendra pas ombrage – ( RC )
photo Emilio Jimenez
En avril ,
ne te découvre pas d’un fil,
mais en mai offre toi au ciel,
à la caresse du soleil,
dorée comme le pain chaud,
étendue sur ta peau.
Très chère dame,
on voit bien l’ombre de la palme
qui se dessine
sur tes collines,
à la façon d’un coeur
posé tout en douceur
Une feuille dont les doigts
oscillent et s’emploient
à laisser leur trace claire
– un dessin sur la chair
du paysage .
Mai n’en prendra pas ombrage.
–
RC – mai 2017
Echapper à son auteur – ( RC )
–photo perso – Crazannes – 17
–
La vie m’écrit demain .
Je ne saurais pas dire si c’est d’encre violette
Ni qu’elle me choisit un destin
( je n’en fais qu’à ma tête ) ! –
Je suis né par accident
Parce qu’un jour mon auteur
Qui aimait cette couleur
Fut un peu imprudent
En voulant remplir les pages
Contre l’avis du vent
Le livre s’est fermé brusquement,
– Et plutôt qu’en être otage
J’ai fui sous le canapé
En emportant quelques lettres
Que je pourrais peut-être
Utiliser sans me faire attraper.
J’ai donc dû m’aplatir
Le nez dans la poussière,
Avec tous ces caractères .
Ils m’ont aidé à grandir,
A me rendre autonome
Ce fut une aventure
De se lancer dans l’écriture,
Nom d’un petit bonhomme !
Me glisser dans un feuille,
Une autre encore et ainsi de suite
Mon récit n’a pas de limite
Jetez-y un œil ! :
J’y inscris les rires
Je m’invente des personnages
Pars pour de lointains voyages
Parcours des souvenirs
Je rencontre Prévert…
– Ah, ce qu’on a ri,
Au rayon poésie
En vidant des vers… !!
( Il faut être un peu ivre
Pour qu’au moindre prétexte
On caresse un texte ,
Qu’on écrive un livre ).
Je n’ai aucun programme ….
» Est-ce grave, docteur ? «
D’avoir échappé à son créateur
Et des brumes de son âme ?
–
RC – sept 2016
Alain Borne – Me voici seul
Me voici seul avec ma voix
j’entends le dernier pas qui balaye la route
et le silence tombe enfin comme l’ombre d’une feuille.
Me voici seul avec ma voix, un nouveau jeu commence
puisque le sang torride dont je m’étais vêtu
rejeté vers la mer écrase d’autres naufrages,
c’est de mon propre sang que je teindrai les murs
mon sang hanté de l’âme neuve des lecteurs du ciel.
Alain Borne, Contre-feu
Alain Bosquet – L’arbre du voyageur
.
“J’étais assis dans mes ténèbres”,
dit Dieu, “lorsque j’ai vu surgir,
de son pas lent et décidé,
l’arbre du voyageur.
Sans réagir à mon salut,
il s’est planté devant mon seuil.
Je le contemple:
il est beau, il est noble
et se contente
d’agiter une feuille
en accueillant un oiseau bleu, un oiseau rouge.
L’arbre du voyageur,
je le soupçonne d’être un dieu plus efficace que moi.”
Caresse d’écriture, caresses dansées – (RC )
peinture perso: créée à partir de l’écoute de la musique d’Alexandre Scriabine: — suite n°4
—
Et de la grande feuille, si je la lis
Et si j’y participe, à cette folie
En lançant des traits d’encre noire
Sur l’espace libre – bienvenu- d’écritoire
C’est que j’aime aussi où nous entraînent
Des mots, le heurt et la mise en scène
Au jeu des miroirs inversés, aux reflets mobiles
Qui font de l’écriture la rencontre habile
D’avec celle et celui , qui va lire et rebondir
De sa tête et ses doigts, au mieux dire
A la fantaisie, aux profondeurs des pensées
Aux thèmes connus et caresses dansées…
—-
——–NB: caresse dansée est le titre
d’une pièce pour piano d’Alexandre Scriabine.
Une de mes peintures de cette suite – qui en comporte 6,
a fait l’objet d’une pochette de CD de la part de la pianiste Virginie Dejos, interprète de A Scriabine ( étude, préludes, et sonate n°9) et M Ravel (Gaspard de la nuit) – voir son site et écouter des extraits du disque
Projections – ( RC )

dessin: Carl Mehrbach / drawing_No1-1977.jpg
On peut toujours faire appel aux interprètes,
Pour savourer la couleur des mots,
Rendre la douceur des peaux,
Et dire la pesanteur des jours,
En plaçant une feuille de papier,
Entre ce qu’on perçoit du monde,
Et son espace , rouillé des couleurs
Qui se mélangent hors de notre atteinte.
Mais se traduisent néanmoins,
Par ce que j’y projette …
Une empreinte dont l’obscurité,
Accompagne notre marche.
Des pas lourds, et ,à tout âge
On peut me suivre à la trace,
Les pistes s’emmêlent, se contredisent…
Je me perds souvent dans la forêt des songes.
C’est sans doute justement,
Parce qu’il y a cette feuille,
Sur laquelle la joie cotôie la tristesse,
Et les écritures s’y recouvrent.
–
RC- Janvier 2014
Pascal Pratz – Feuille d’été
par la fenêtre
à cause d’un vent mauvais
ennemi de l’écrit
un vent taquin
adepte de Kipling
venu le cueillir sur le coin de ma table
il virevolte et tombe
avec la grâce d’une feuille d’automne
ce n’est pas l’automne
jamais ne le reverrai
déjà parti plus loin
que le bout de la rue
dessus j’avais inscrit
pattes de mouches
toutes les idées d’une semaine entière
des débuts de poèmes
des idées de romans
des premières phrases
important, les premières phrases
n’ai plus qu’à m’y remettre
fouiller ma cavité
tout retrouver
tout reconstituer
tout réinventer
tout recommencer
le vent fripon
m’a tout déshabillé
Marie Noël – Chant de feuille morte

Gastropacha – insecte http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/50/Gastropachquercifolia insecte lépidoptère, imitant une feuille morte
–
CHANT DE FEUILLE MORTE.
Si j’eus un charme, il m’est ôté.
Une autre fut belle à côté,
Fut reine… et moi si pauvre ! si
Mais qui de la feuille a souci ?…
Hors l’aimer, je ne valais rien.
Il m’a quittée, il a fait bien :
On punit les pauvres ainsi.
Mais qui de la feuille a souci ?…
Pour quoi – si dur ! – ah ! pour quoi tant
L’aimé-je, comme si le temps
N’avait changé, n’avait noirci ?
Mais qui de la feuille a souci ?…
J’ai beau très tard errer, très loin,
Je ne sais pas l’aimer moins
D’un coeur brisé, d’un coeur transi.
Mais qui de la feuille a souci ?…
Dis-moi, le vent, dis-moi, la mer,
Dis-moi, la grand neige d’hiver,
La Mort est-elle par ici ?…
Mais qui de la feuille a souci ?…
–
MARIE NOEL. « chants d’arrière-saison »
–
Philippe Delaveau – feuille rouge restée

photographe non identifié
Les oreilles du lièvre aussi sont fragiles
que dire du rouge-gorge qui s’est aventuré dans la pièce où j’écris
viens lui dis-je d’une voix adoucie en le prenant
entre mes mains qui tremblent de ce qu’il tremble
que je te rende l’absolu de ton ciel où tes semblables règnent
parce que vous êtes purs comme la neige et les prophètes
Et cette feuille qui a navigué si longtemps
en demeurant toujours à la magistrature de sa branche
d’où elle assiste au lent procès du jour
sèche noyée de pluie parcheminée comme une main
L’hiver ne l’a pas rendue à la terre
elle est rouge du feu qu’elle ignore
plissée d’une lointaine rêverie
la branche autour est nue comme la vérité
quelle est la vérité ? quelle est son heure ?
–
Paul Vincensini – le rêve

photo- Benoît Pype: provenance
Le Rêve
Au bout du chemin
Une feuille verte
Rêvait à un lapin
Les rêves ça nourrit parfois
Mais pas toujours ceux qui rêvent.
« Archives du vent », 1980
——
U sonniu
In fini à u chjassu
Una cascia verda
Sunniaia à un cunnigliu
I sonnianurriscini di i volti
Ma micca sempri quiddi chi sunnieghjani
–
Au sukjet de Benôit Pype, Frédérique de Gravelaine, nous précise, dans son article, que ses « Géographies transitoires » découpent des plans de ville dans des feuilles de plantes. Poétique transcription de territoires imaginaires, éphémères et bousculés par le temps, qui y fabrique des reliefs inattendus.
–
Claude Esteban – Mémoire
Non, la mémoire ne se résume nullement à la somme des choses mortes entassées
dans la tête. Elle est tapie au creux d’une odeur, d’une feuille froissée par la pluie, d’un
murmure. Et que l’on fasse taire en soi le bruissement de la pensée; qu’on s’arrache à
ce théâtre de mauvais rêves, le paysage se recompose, les formes s’animent, les
couleurs recommencent à vibrer. Rien ne bouge pour celui qui se détourne, tout
s’éveille au-devant de celui qui reste à l’écoute et il ne craint plus. On cherche à
l’endroit d’une ancienne blessure, et c’est à peine si la peau tressaille. Et c’est à
présent l’immobile qui devient une fiction, et cette lassitude d’avoir tant vécu
comme une invitation à poursuivre encore.
Claude Esteban
in » La mort à distance «
Le geste avait pris sa main ( RC )

dessin calligraphique à partir d’une sculpture de Matisse, exposition Matisse et Rodin, musée Rodin, décembre 2009
–
Ce qu’il se passe sur sa page,
je ne peux l’expliquer …
il y a de l’oubli nécessaire, et un temps céleste,
qui brouillaient sa présence et dirigeaient ses pas.
Des pas d’encre quand je débarquais demi- inconscient,
franchissant des seuils sans s’arrêter,
usant de l’entaille comme des signes, portés par une mémoire.
Elle était là, à ma place, basculant au bord du monde,
et se frayait un chemin parmi la surface,
toute à elle sans un parcours de sève ,
unie au tracé rapide sur la feuille qui tremble.
J’avais vécu le temps d’un baiser anonyme,
qui ne laisse de son passage, que la trace du dessin,
C’était un grand geste précis qui allait se lancer
dans une arabesque, et le mouvement seul,
avait pris sa main.
Il se demanda encore s’il y était pour quelque chose,
confondant le destin et le dessin.
Une seule lettre en sépare le sens….
On lui dit que oui .
–
RC – 10 avril 2013
–
Comme j’aurais aimé l’écrire -( Par l’entremise de V Hugo ) – ( RC )
–
texte proposé – à partir de quelqu’un qui a dit – à propos des vers de Hugo ci après
» comme j’aurais aimé l’écrire »:
Ecoute l’arbre et la feuille
La nature est une voix
Qui parle à qui se recueille
Et qui chante dans les bois
Victor Hugo
———————-
( Comme j’aurais aimé l’écrire…
Et faire aussi beau
Qu’un texte de Hugo…. )
—
Si tel est ton désir,
pour faire un recueil,
prélève donc une feuille
Tresse une couronne
des ors de l’automne,
Chante d’une voix pure,
et conduis l’écriture…
– Elle viendra à toi
suggérant à travers bois
le récit qui allume
le parcours des plumes
au travers des roseaux
Et le chant des oiseaux
grandira, se fera lecture
à travers ta nature…
RC – 15 janvier 2013
–
Marc Bonnefoy – Poèmes à travers l’infini.
Poèmes à travers l’infini.
…Mort et désert, à quoi pourrait servir un monde?
Dans l’espace il n’est point de planète inféconde :
Qu’un astre soit brillant, éteint ou rallumé,
Le germe de la Vie est en lui renfermé.
Le rapide soleil, l’étoile la plus lente,
Tout ce qui trace au ciel sa course étincelante.
Eternellement vit, meurt, revit tour à tour,
Et, s’il n’est pas peuplé, le sera quelque jour.
oui, la Vie est partout : c’est une loi suprême
Regarde : trouve un coin de la Terre elle même
Où ne pullulent pas des flots d’êtres vivants !
Tout n’est-il pas fécond, les bois, les mers, les vents !
Sous l’herbe et dans le sol, sur l’arbre et sous la feuille,
Dans la fleur qui s’entouvre ou le fruit que l’on cueille,
Grouille la vie, au fond des eaux, en haut des airs..
Et maintenant veux-tu que des astres déserts,
Lorsque de se peupler tous les cieux sont avides,
Roulent dans l’Infini comme des berceaux vides !
–
Marc Bonnefoy. recueil » Poèmes à travers l’infini » 1895
–
Monique Lévesque – été ( haïku )
–
Monique Lévesque (Baie-Comeau, Québec)
photo Clitie Garretson
–
Été :
midi sur les arbres
une estampe de feuille
au sol
extrait de la revue du haïku, n°29
–
Patrick Laupin – sans oracle
–
Sans oracle
C’était quand même un peu disparaître
derrière quelque chose
derrière le mur physique des paroles
non pas une disparition — une déperdition
mot à mot lettre à lettre et tout le langage
dispersé dans ma tête
où je voulais j’espérais que la compréhension
naisse identique à l’amour
Fête de mai ni feuille ni théâtre
l’ombre noyée de mon angoisse
et la très haute lumière des chambres
froissée dans ce point de rêve endolori
d’où je m’éveillais enfant dans la coupure terrible
et noire d’un point diurne forcené d’irréalité
Que n’ai-je à espérer jour après jour
que la lente amère balancelle d’un présage
Ô signe physique d’un langage
des rythmes sacrilèges
une vitalité presque malade
Des portes un soir ou un matin
quand toute la douleur fêlée
des signes de dissociation
vanne un cri d’appel au creux du monde
du proche et du lointain qui souffrent encore
Ma terre de vision mes rêves de douleur
jamais nous ne sommes semblables
Déjà la masse noire confuse des corps auprès du lac
et l’ironie tragique des arbres sous la pluie
J’ai souffert te servir
j’ai ouvert des portes sans te trouver
je chérissais un principe d’espérance
je me suis retrouvé comme j’étais
triste, imbécile, marchant les deux pieds devant
ne voyant même pas l’âme d’un Dieu frôler mes yeux
Avril ne m’a compté que la cruelle étude apatride
et je n’ai pas vu le vent simple derrière l’ordre
ébloui du monde — Sans oracle
Je me suis mal protégé de ces roses mystérieuses
et fatidiques de l’aurore
qui élèvent en moi leur sentence
comme des temples ou des strophes puériles de la mort..
Patrick Laupin, extrait de La rumeur libre (Corps et âmes), Paroles d’Aube, 1993
–
Feuille, vent, chat ( RC ) – haïku
–
feuille jaune a tournoyé
Sous la main du vent, déposée
La tête du petit chat, coiffée
–
RC
octobre 2011
–
Marina Poydenot – Le rêve dans le dormeur
provenant de ses vers « libres »… voila un aspect des créations de Marina Poydenot
Le rêve dans le dormeur
Parcourant des milliers de comètes,
pieds nus,
le rêve
se change en ascenseur,
quelqu’un te prend la main,
tu retrouves l’odeur de chlore
qu’il ne fallait pas respirer,
le timbre grave qui te faisait peur
et t’enfantait.Tu t’éveilles plein de voix
dans le silence de la nuit,
à te demander
qui rêve dans le dormeur,
qui parle
à qui,
ensemble séparés
par une mince feuille de temps.
–
Antonio Colinas – Automne dense
–
Automne dense.
Le soir tamise son or entre les branches.
Un nouvel hiver ne tardera pas à venir.
Les feuilles humides du parc brûlent
et au couchant le ciel se disloque
en grappes de nuages pourpres.
Frémissement de lumière sous les auvents.
Les pigeons fécondent la silhouette
obscurcie de chaque promenade.
Les mamelles de l’automne sont pleines.
Des séraphins de lumière meurent
au-dessus de nos têtes étonnées
afin que tisse, une fois encore, le rêve,
la douce mélodie d’une nouvelle nuit,
la nuit hallucinée des légendes.
–
Antonio Colinas
(né en 1946 à La Bañeza, León, Espagne), Automne dense in » Preludios a una noche total, » – Préludes à une nuit totale.
Albert Roig – Mer adolescente

Peinture: Richard Diebenkorn - ( de la série "Ocean Park" ) voir article http://taylorannephotography.blogspot.com/2011/10/richard-diebenkorn-ocean-park.html
Mer adolescente
I Comme tout resplendit avec toi près de moi endormie, verts nets, de verre, la fleur plus nette encore, obscure adolescente de sel. II Et à présent Comme la roche sur laquelle repose ton sommeil. Au doux brisant. Et lentement tu en dévides l’écheveau, main. Et tu le tisses, souffle. Non, ne te réveille pas encore. III Et si tu étais, gardée entre les feuilles des cieux du présent, la fleur rigide. ----
Mar adolescent
I Com resplendeix tot amb tu a la vora adormida, nets verds, de vidre, la flor més neta, fosca adolescent de sal. II I ara. Com la sorra on recolzes el son. Al fluix rompent. I en desfàs lentament el cabdell, mà. I el teixeixes, alè. No, no et despertis encara. III I als cels d’ara si hi fossis contra els seus fulls desada, l’erta flor.
Jean-Jacques Dorio – Ceci cela…EN SOMME
CECI CELA…EN SOMME
il se pourrait que je dorme en écrivant ceci
la fenêtre ouverte sur quelque voyage secret
sans tête ni queue
il se pourrait que je rêve en écrivant cela
remontant la pendule le poids de l’heure qui tourne
à l’envers d’un poème appris par cœur
les yeux fermés avec ce compagnon sans visage
et sans mots pour le dire
juste un souffle et une pensée mêlés à cette feuille
qui ne connaît pas le sommeil…
même en rêve
Pas de poème aujourd’hui (RC)
Pas de poème aujourd’hui
Rien à distribuer
Que le son du vent
Qui se fera parole
A qui veut bien l’entendre
Et ces paroles feront lien
Et elles teindront lieu
A celui qui marche
Dans ma neige et ma rocaille
Dans mon sable qui deshère.
Pas d’héritier à dresser des stèles
Pas d’écrits sur lesquels s’appuyer
Ni théories intellectuelles
Pas de poème… qu’on se le dise
Ni de discours – ni de bêtises
Pas de cœur gravés dans les arbres
Pas d’autres interprétations
Que le son du vent
Qui se fera parole
Dans les branches et les feuilles
Chinois, Argentin, et Malgache
Tendant un peu l’oreille
Chacun sur son île ou continent
Dans une progression lente
Iront de concert, sans interprète
Le bâton à la main
Traduire, à travers les chemins
Buissons et bosquets
Les dits des quatre saisons
Au son de sa chanson.
Pas de poème aujourd’hui
Pas même pour la lavandière
Qui ne saurait que faire
De rimes, en pas balancé, et
D’un trésor inutile.
RC 28-01-2012
———–
Inspiré par « pour l’amour des petites lingères » de JJD