on avait dit au revoir aux arbres à chaque feuille et de tomber avec elles nos mains s’enflammaient puis murmuraient des choses lentes apprises dans l’humus le manteau de leur torse était trop vaste pour contenir le souffle des oiseaux et tous ces souvenirs délestés de bruissements ces troncs buvaient nos bouches adoubement de sèves de part et d’autre d’un baiser de tanin on avait confié à leur chair le soin de graver l’étendue d’une vie et dans l’ombre inconnue des cimes nos dents entaillaient le fragile désir de croître.
Reconnaîtrais-tu ce jardin, maintenant abandonné, laissé à lui-même alors que débordent les branches du saule, que tu as connu jeune encore, devant la maison?
Les heures de l’hiver viendront tuer les fleurs, arracher les feuilles du chêne encore debout, mais tu reconnaîtras le jardin de mon poème, auquel subsistent quelques vers…
Les feuilles des sureaux, qui sur les canaux
sortent de leurs tièdes et rondes branches,
parmi les filets rouge sang, parmi les balcons
jaunâtres et orangés que forment les joncs
du Frioul, alignés en perspectives dépouillées
sur le fond des crêtes dépouillées
ou en douces courbes le long des joyeuses
pentes des berges... Les feuilles
des peupliers arachnéens, amassés
sans un frisson en foules silencieuses
au fond des champs déserts de luzerne;
les feuilles des humbles aulnes, le long des mottes
asséchées où le froment lève ses ardentes petites plantes
avec des tremblements déjà de bonheur;
les feuilles de la mâche qui couvre, tiède,
]a levée de terre sur les tapisseries d’or des vignobles.
_ Je me souviens de l’arbre dans la cour de récréation ; c’était un de ces platanes dont on rognait les grosses branches.
Au roulement des nuages d’automne, le platane abandonnait ses feuilles avec des nuances , où il restait du vert et du jaune , parmi la rouille .
A sa base, une rondelle de béton comportait un multitude de stries en creux où les enfants se groupaient pour jouer aux billes avec le but d’en faire le tour le plus rapidement, tout en évitant les creux.
Je me souviens y avoir joué aussi, les doigts tachés d’encre violette. C’était celle qu’on utilisait encore dans ces récipients en porcelaine blanche incrustés à droite dans le trou du bureau .
Je me souviens… ( comme dirait Pérec ) aussi , de l’odeur âcre des feuilles, que l’agent d’entretien faisait brûler, odeur qui marquait définitivement la fin de l’été.
Au jardin propice, j’ai attendu que le temps se dénoue. On s’habitue à être à genoux, que les feuilles jaunissent, qu’un ciel d’hiver pèse de son gris sur le mont Ventoux. mais toujours espère revoir le jardin fleuri. –
RC – avr 2020
Je reprends quelques paroles, d’une chanson engloutie par des années d’oubli, mais moi je me souviens du vent dans mes feuilles, car l’arbre que je suis a davantage de mémoire que celle des hommes:
celles arrachées par l’automne . même si elles sont ocrées, recroquevillées, desséchées puis tombées en poussière me rappellent les hiers.
Mais il n’y a pas de deuil puisque malgré l’hiver le gel sévère est encore teinté d’éphémère;
les feuilles, je les renouvelle, de manière providentielle car tu sais que mon bois toujours verdoie aux futurs printemps et reste vigilant pour ne pas laisser périr les souvenirs.
je suis pieds et poings liés à la chanson du pinceau, et j’en oublie les heures, jusqu’à ce que je plonge dans l’oubli des choses, ainsi mon ombre me devance sur la toile ébauchée.
Et chante aussi la rivière sous le pont de pierres…
J’ai confondu ce que j’ai peint avec une journée d’été.
Je dépose la lumière par petites touches , qui se rassemblent contre l’obscurité. Je marche dans une clairière que j’ai inventée , je m’y égare un peu . La futaie change soudain d’aspect sous l’éclairage électrique .
Elle n’a plus cet attrait magique des rideaux de feuilles .
Je continuerai demain marchant dans sentes et chemins :
il y a des couleurs qui s’attardent à la façon de feuilles d’automne Elles sont aussi sur mes mains tachées ; je vais aller me nettoyer puisqu’une journée à peindre vient de s’éteindre
sans bruit , remplacée progressivement par la nuit .
–
RC – juin 2019
Chute de feuilles Ivres de lune. Aboyant tournoiement, Comme la douleur Sous le soc des heures ! La figue ensanglantée crie Dans le miroir La trajectoire des veines. L’ombre se glisse, Derrière le souffle. L’oiseau n’a pas encore su se faire lumière. Il se cache dans le mouchoir mort d’un passager !
peinture Duncan Grant – Still life with omega paper flowers
Chacun portait sa croix, laissait sa croix, la table était couverte de fenêtres qui donnaient sur d’autres parties du monde – l’idée que se faisait du monde l’escargot n’était pas la même que celle d’une huître « autant de coquilles, autant de monde », pensait l’enfant. nous, les enfants de la guerre, quand nous écrivions un poème c’était avec le compas, nous enfoncions la pointe sèche dans la chair, et la mine douce, dont nous pouvions effacer le trait, faisait la carte du ciel où elle ne marquait que les étoiles nous, les enfants de la guerre, nous avons vécu en papillons pour échapper aux bombes le mieux était encore d’être papillon, et nous laissions notre écriture en grandes taches blanches sur les feuilles
notre écriture était de nature celle du poème qui est vague feuille fleur grenouille, notre écriture se déposait : écailles des ailes de papillon et pollen
quand nous écrivions le poème sur une feuille, ce que nous marquions c’étaient nos doigts, notre main, notre poing,
c’était ce point acéré, dur, aigu, percé qui marquait le centre du monde
nous, les enfants de la guerre, avons échangé l’homme et sa mort contre la vie des moules et des huîtres et nous sommes restés dans la mer
notre écriture, ce fut longtemps de la craie sur les doigts.
soleil et lune: tableau de fils Huitchol ( Mexique )
–
Pendant que tu dors, le jour s’ouvre comme un éventail, les légendes se concrétisent, le vent remue l’or des feuilles, déplie les fleurs sortant de leur sommeil.
Chacun s’affaire et traverse l’ordre du monde. L’herbe même, a troué l’asphalte; les abeilles se chargent de pollen, les voitures suivent une destination qui doit avoir son importance.
Mais tout cela ne compte guère : ni le parfum des lys et des roses : c’est bien peu de chose, puisque tu es absente derrière tes paupières :
tu suis , dans tes rêves les étendards d’argent : tu t’imagines en marbre rose dialoguant dans le silence avec la statue du commandeur .
Il a brisé son bouclier de bronze, et son ombre s’étend même sur celle des oiseaux . Elle a même effacé le temps . – Il semble immobile , à ta conscience .
Comme le sang , Il pourrait refluer , arrêter sa course , t’emporter vers des ailleurs – ce seraient des jours meilleurs – au-delà de la Grande Ourse…
Epouvante, qu’il pleuve ou qu’il vente, tu t’échappes des contes pour enfants, et ris de toutes tes dents: et si c’était une comptine, on verrait luire tes canines …
Et encore, l’épouvante , chante comme la cigale de La Fontaine, mais trouves avec peine l’hiver étant venu, ( air connu ), où se loger dans les arbres dévêtus que l’on sait trouver fort dépourvus.
Voila qu’elle a caché la lumière, et qu’elle effraie la bergère, avec des histoires de loup, ou à dormir debout : on peut presque palper la peur, distinguer au loin le château la Terreur.
Pendant que tes pas s’égarent tu erres dans les idées noires : Si les arbres ont perdu leurs feuilles, l’épouvante a répandu son deuil, et les racines d’une forêt ingrate, multiplient les croche-pattes .
La fontaine s’est refermée, oubliée dans les ronces et l’églantier : les fées sont capturées pieds et poings liées prisonnières au coeur de l’hiver.
Les eaux obscures m’ont bu tu n’en as rien su : je me suis noyé dans l’eau glacée : mes yeux te regardent et ma peau est blafarde:
elle a pris les couleurs de la cendre dans le long bain de décembre : il m’a été ôté la joie : nous n’irons plus au bois : j’ai pris pour compagne l’épouvante , dans la forêt – – désormais je la hante.
Mais les années s’étant écoulées, et tu m’as désormais oublié: tu as délaissé tes terreurs d’enfance : la vie a pris une autre consistance, elle t’emmène vers d’autres horizons, ( c’est maintenant une autre chanson ) .
Tu as remisé toutes ces fadaises, et t’en vas cueillir des fraises : Cigale, cigale, il te faut rechanter : les lauriers des bois ont bien repoussé ! la fontaine est garnie de fleurs d’églantiers, … tu en accroches une sur ton chemisier…
Attention quand même aux épines : elles sont restées assassines ! , voila qu’une fleur de sang grandit sur ta poitrine , alors… te revient en tête la comptine : l’épouvante et la peur de mourir… ( je me rappelle à ton bon souvenir… )
Quand nous nous séparions, les feuilles étaient vertes, Maintenant tu reviens dans les neiges d’hiver. Je songe malgré moi que la vieillesse approche Et que dans tes cheveux paraissent des fils blancs.
Chanson populaire chinoise in « Mesures » n° 1 15 janvier 1936
ORIGINE DE L’ÉTONNEMENT
Je la désirais belle comme une hache.
Aussi ferme que le silex
pour être orgueil et force que rien n‘ébranle, l’imaginais toujours apparaissant
quand je la pressentais dans la sérénité,
Combien d’années me fallut-il pour m’exercer
à l’habitude étrange d’une étrange attente?
Elle était là soudain étendue dans les feuilles.
Vivante, Inhabitée,
seule comme à l’origine des temps.
J’ai entendu son cœur qui blessait l’air
et tintait dans mes veines au point ou presque de faire éclater
la peau entière de mes rêves.
Et j’ai glissé mes lèvres sur son corps devenu lèvres,
Sans réussir pourtant à la réveiller,
J’ai supplié devant la nuit,
Seul le délire du silence grandissait.
Je suis tombé auprès d’elle, épuisé, vaincu,
dans une somnolence d’ombres j’entendais
un fracas de sabots croiser la plaine froide.
Du coeur des nuages, de la rose des vents,
des mers limpides et corallines,
du fond des bois d’étoiles parfumés,
de l’obscurité indomptée,
resplendissants, libres, splendides,
galopaient vers moi les chevaux,
J’ai, pour les apaiser, éteint leurs crins,
J’ai noué leurs longues queues à ce corps endormi
et dans son sexe d’ombre allumé un brasier,
Le feu de l’inquiétude à nouveau a brûlé,
le désir de vertige des chevaux,
Et chacun, invoquant ses origines,
a pris le chemin de son destin d’eaux,
leur fougue était si grande qu’ils ont,
lentement, en déployant leurs queues,
réveillé ce corps svelte.
Et tel un arbre de lumière,
telle une fontaine en sa nudité
ou comme une femme unique dressée face au soleil
pour la première fois s’est mise debout
ma parole.
Debout dans le vent Tronc contre tronc, Deux arbres — Marient leurs branches, Echangent sans doute, Un dialogue que l’on n’entend pas, Ecorce lisse, Contre peau rugueuse Deux espèces, deux langages cohabitent, Par leur sève Racines imbriquées, Les unes dans les autres.
Ou bien s’agit-il D’une lutte silencieuse, A longueur de siècle, Un seul sortira vainqueur, Se nourrissant de sa mémoire, Laissant ce qu’il en demeure, Aux insectes, Découpe d’une silhouette Libre de ses feuilles, Sculpture éphémère, Dans un ciel, Ou l’orage succède à l’azur, Le jour, à la nuit ( comme il se doit ).
Lier les mots qui se fabriquent dans la forge de notre
tête.
En faire vivre certains
commettre le meurtre d’autres.
Chauffer, taper, tordre au rouge le fer.
Chuchoter enfin ce qui nous habite
pour l’ultime tentative de la parole.
Des paroles données.
Silencieusement pointe la respiration.
Pulsation qui donne la vie.
Le soufflet active le feu
le mot juste jaillit
transforme nos corps et nos âmes
comme le travail acharné du forgeron
sur l’enclume transforme le métal.
Allongé sur le sol
sous le ciel bleu azur
beauté de l’oiseau dans les airs,
herbes folles dans le vent,
souveraineté des arbres.
Danse de l’univers présent
dans les vibrations lentes du jour qui passe.
Vols d’insectes éphémères,
parfums de fleurs,
odeurs d’humus,
chants de grillons,
craquements d’écorces.
Des forces de l’intérieur s’énervent.
Chasser les ombres du visage
pour s’enluminer-
Nouvelle peau.
La vague passe, se calme, s’anéantit.
Temps suspendu,
le corps flotte.
Soleil rouge,
sensation d’inachèvement
et caresse des ombres :
sa majesté la nuit approche.
Cortège d’étoiles,
respiration douce,
j’affronte l’inconnu,
clignements de cils,
goutte d’éther.
La figue éclate a force de mûrissement au soleil de l’été.
La terre grasse s »enfonce
sous les pas .l’automne est là, avec son humeur faite de rosée
de rafales de vent, de pluie froide.
Des hommes harassés, avinés, burinés, dépités, rendus sont là au coin de la rue,
attendent, rejetés du monde, comme de vieilles eaux usées auxquelles on aurait retiré toutes forces.
Dans ma tête un grand silence.
Tombés par terre, abandonnés,
résignés, abattus, esclaves.
Quels bourreaux? Comment faire?
L’alcool comme seul compagnon.
Idées vagues, brouillées,
délire, obsession, mensonges,
mal de tête,
perte de mémoire.
Oublier son histoire,
nier sa vie,
sacrifier son être.
Que faire avant l’hiver,
avant que le froid ne vous emporte?
Compagnon misère.
Le ciel est clair aujourd’hui, un vent frais se lève et fait
Frissonner les feuilles dans les arbres.
Quelques pensées me tapent le front, et s’évanouissent aussitôt.
Pour laisser le vide.
Le trou noir.
Ce noir si plein que l’on n’attend jamais.
Et pourtant, c’est le rien que l’on redoutait tant.
Il est là, accompagné de son malaise.
On ferme les yeux pour regarder à l’intérieur.
Dans un ultime effort encore.
Le noir toujours.
ça se dissipe.
Le rouge apparaît,
puis le jaune lumière
des éclats de blanc dans le rouge,
du bleu chartreuse,
du vert émeraude. qui coule de mes yeux ?
Serait-ce de la peinture
Les feuilles se remettent à tinter dans le vent et cette
musique douce emporte mes pensées.
Si rien comme autrefois ne doit plus être
si les mêmes nuages ne doivent plus revenir
si l’on se leurre en conservant un souvenir
si avec l’être humain doit vieillir le désir
tout oubli est utile et l’automne
sera un autre et long moment
couvert de jaunes et de brumes
Peut-être si chaque vert est recréé
si les rayons suggèrent des lumières nouvelles
et il m’en souvient sans peine
car c’était beau
de contempler les dessins que firent dans l’espace
toutes ces feuilles en tombant
peut-être alors sera-ce plus beau encore
qu’il y ait demain un soleil
et que je puisse le palper
Tu voles de branche en branche, Dans ton mouvement, secouant la rosée, Accrochée sur les feuilles. Je veux te rejoindre. Tu n’es pas si loin . Je fais quelques pas dans le jardin . Je suis sous l’arbre où tu t’es assise. Celui-ci est couvert de mousse. Je m’appuie dessus, et ma main s’enfonce, Elle disparaît. Le tronc m’appelle ainsi. Mon bras suit la main. Plus loin. Comme si une porte s’ouvrait. Jusqu’alors dérobée au regard humain. J’y entre tout entier. La porte se referme, Je n’y vois plus rien. Juste quelques rais de lumière Passant dans les fentes du bois. Il se passe quelques heures, Il y fait humide et chaud. J’y suis bien. Je n’entends plus ta voix. J’ai dû tomber dans un profond sommeil. Je me réveille. Je veux bouger. Ce n’est pas la peine … Toute une série de fibres m’enserre, Me relie à l’intérieur. De mon corps des excroissances Venues des épaules, de mes doigts, Font corps avec le creux que j’habite. Mes cheveux se sont fondus Dans une écorce intérieure moelleuse. Je ne cherche pas à me débattre, A retourner d’où je viens. D’abord je ne le pourrais pas. Je m’habitue à d’autres sens, D’autres sensations, Et celle toute particulière, Du sang, remplacé peu à peu Par la sève, qui me traverse. Elle monte en moi, Par les racines, Que j’arrive à situer… Mieux… à sentir Une sève légèrement amère et sucrée, Fluide, très fluide… D’instinct je sais la distribuer, Identifier les branches, Le poids du feuillage, Et d’où vient le vent. Tu es assise assez loin du sol. Tu as ta place favorite. De temps en temps tu t’envoles, Mais reviens me rendre visite. Tu sais que mes mains sont larges, Et que je t’attends.
Il y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l’eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d’orgue dans les sentiers
Le navire du coeur qui tangue
Tous les désastres du métier
Quand les feux du désert s’éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme des
brins d’herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles
Le matin à peine levé
Il y a quelqu’un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
A travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées
Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte
règle le mouvement et pousse l’horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent
Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons
Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
Tout ce qui s’est passé au monde
Et cette fête
Où j’ai perdu mon temps
Le plus beau jardin cache un mensonge.
Qu’est-ce donc mon dieu ces peupliers vagues,
des morts peut-être ?
Ils déchirent leurs feuilles et les collent sur la rivière.
(Jean-Pierre Duprey)
–
The most beautiful garden conceals a lie.
What are they, , my god, these vague poplars
Maybe some deads ?
They tear their leaves, and sticks them upon the river.
Rien
que je ne puisse trouver là-dessous.
Des voix dans les arbres.
Les pages manquantes de la mer.
Tout
sauf le sommeil.
Et la nuit est une rivière
reliant les rivages du dire
à ceux de l’écoute.
Une forteresse
inviolée,
indéfendue.
Rien
qui ne puisse y être contenu :
fontaines obstruées
de boue et de feuilles,
habitacles de l’enfance.
Et la nuit commence
avec les doigts de ma mère
délaissant les fils noués
et dénoués
pour effleurer les motifs de notre histoire
à vif.
La nuit est l’ombre allongée
des mains de mon père
réglant l’horloge
pour la ressusciter.
Ou alors celle
de la pendule disloquée,
et des chiffres qui s’envolent.
Rien qui n’y ait trouvé sa place :
plumes élimées,
chaussures orphelines,
un alphabet en miettes.
Tout
sauf le sommeil.
Et la nuit commence
avec la première décapitation
du jasmin.
Son parfum captif débarrassé enfin
de la parure du deuil.
–
Pillow
There’s nothing I can’t find under there.
Voices in the trees.
The missing pages of the sea.
Everything but sleep.
And night is a river
bridging the speaking
and the listening banks.
A fortress,
undefended and
inviolate.
There’s nothing that
won’t fit under it :
fountains clogged with
mud and leaves.
The houses of my chilhood.
And night begins when
my mother’s fingers
let go of the thread
they have been tying and
untying
to touch toward our
fraying story’s hem.
Night is the shadow of
my father’s hands
setting the clock for
resurrection.
Or is it the clock
unraveled, the numbers
flown ?