Mokhtar El Amraoui – Derrière le souffle
peinture David Maes
Chute de feuilles
Ivres de lune.
Aboyant tournoiement,
Comme la douleur
Sous le soc des heures !
La figue ensanglantée crie
Dans le miroir
La trajectoire des veines.
L’ombre se glisse,
Derrière le souffle.
L’oiseau n’a pas encore su se faire lumière.
Il se cache dans le mouchoir mort d’un passager !
©Mokhtar El Amraoui
Salah Garmadi – Conseils aux miens pour après ma mort
photographe non identifié
Si parmi vous un jour je mourais
mais mourrai-je jamais
ne récitez pas sur mon cadavre
des versets coraniques
mais laissez-les à ceux qui en font commerce
ne me promettez pas deux arpents de terre
ne consommez pas le troisième jour après ma mort le couscous traditionnel
ce fut là en effet mon plat préféré
ne saupoudrez pas ma tombe de graines de figue
pour que les picorent les petits oiseaux du ciel
les êtres humains en ont plus besoin
n’empêchez pas les chats d’uriner sur ma tombe
ils avaient coutume de pisser sur le pas de ma porte tous les jeudis
et jamais la terre n’en trembla
ne venez pas me visiter deux fois par an au cimetière
je n’ai absolument rien pour vous recevoir
ne jurez pas sur la paix de mon âme en disant la vérité
ni même en mentant
votre vérité et vos mensonges me sont chose égale
quant à la paix de mon âme ce n’est point votre affaire
ne prononcez pas le jour de mes obsèques la formule rituelle :
« il nous a devancés dans la mort mais un jour nous l’y rejoindrons »
ce genre de course n’est pas mon sport favori
si parmi vous un jour je mourais
mais mourrai-je jamais
placez-moi au plus haut point de votre terre
et enviez-moi pour ma sécurité
Pierre Louys – chanson de Bilitys – Selenis
CHANT PASTORAL
Il faut chanter un chant pastoral, invoquer
Pan, dieu du vent d’été. Je garde mon
troupeau et Sélenis le sien, a l’ombre ronde
d’un olivier qui tremble.
Sélenis est couchée sur le pré. Elle se
lève et court, ou cherche des cigales, ou
cueille des fleurs avec des herbes, ou lave
son visage dans l’eau fraiche du ruisseau.
Moi, j’arrache la laine au dos blond des
moutons pour en garnir ma quenouille, et je
file. Les heures sont lentes. Un aigle
passe dans le ciel.
L’ombre tourne: changeons de place la corbeille
de figues et la jarre de lait. Il faut chanter
un chant pastoral, invoquer Pan, dieu du vent d’été.