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Sabine Péglion – tu ne répares pas – 01


 

 

 

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Tu ne répares pas          à peine peux-tu             au fil des

mots     broder quelque étincelle        sur la trame des jours

Que saisir   de l’instant           pour abolir la blessure

de ses lèvres             Son sourire déchiré  si prés

de la rupture                    Tu ne répares pas

Ton regard cherche          au–delà        à transpercer le

mur       s’accrocher au sien            pour trouver   un chemin

Tisse       tisse        sans illusions         les mots sur la page

Parler       chanter          assembler        peu importe

Tu inscris        fil à fil              la douleur qui se brise

Sur la trame       tendue de couleurs       tu reprises

au mieux              Tu sais bien que rien

n’occultera la trace          L’aiguille  se faufile

insère un arc en ciel

Pour quelle alliance         En quelle espérance

Tu ne répares pas              Les mailles du filet

que peuvent–elles retenir             avec ce trou béant

Habiles les mains    circulent           tentent de resserrer

le maillage           Pour quelle      miraculeuse  pêche

Partir   alors            ne plus revenir             traverser

l’horizon           N’est-ce pas disparaître             Sous la

vague         la barque            s’enroule           le filet dérive

dans le bleu du sillage               Tu ne répares pas

Tu ne répares pas      le linge    lacéré

Éphémère végétation        Tu navigues      au-dessus

des cordes balancées      bien au-delà      des haies

Laisse       sans regrets      la violence du vent

à travers     les   déchirures        vibrer         s’engouffrer

disperser les nuages          Tu ne répares pas

Tout n’est que cicatrice         sur la peau de la

terre         Tu sais que pour      semer      il te faudra

trouver la faille obscure           déposer       les graines

recueillies en ces mots          avec tant de patience

Accepter    d’arracher        au passage      quelques ronces

Voir      enfin       s’épanouir      ces bouquets espérés

Avoines folles   de lumière    dentelées       accrochées   à la pierre

Se courbant       s’inclinant         se relevant         sans cesse

Multipliant           au vent        les rares étincelles

Tu ne répares pas        Tu façonnes        Tu transformes

Tu recueilles     Tige à tige       Fil à fil          Maille à maille

Ces mots éparpillés           Quelque ariette oubliée

Cavatine légère        accrochant         dans ses yeux

un sourire         un plaisir        le désir d’exister

 

***

 


Quelque chose d’indéfinissable – ( RC )


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                   Il y a quelque chose d’indéfinissable,

lorsque ta voix s’empare des mots
et les projette,             haut dans le ciel,
un ciel
qui ne semble être fait    que pour toi.

Et les voilà qui redescendent doucement,
      – ainsi ces graines de pissenlit, légères,
               celles en forme de parachute –
qui s’allient avec le vent    pour se poser
                        comme des fleurs de neige.

Lorsque se forgent des lignes,
      chaque flocon trouve sa place,
      rejoignant leurs semblables
portés par une onde calme
naissant en toi.

        Il y a quelque chose d’indéfinissable,
une évidence qui s’offre
comme les notes dessinent le chant
         ravissant l’oreille de celui,
               prêt à les entendre .

       C’est un cadeau que l’on reçoit,
évident comme l’accord
entre le silence et la musique,
         émanation discrète
         du corps et de l’âme .

         Le poème est une constellation,
et les mots,  des étoiles
qu’un fil invisible relie :
     toi seule en maîtrise ces atomes,
                qui restent insaisissables .

 


RC – mai 2019


Le miroir des pages – ( RC )


 

 

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Je me suis regardé, à travers l’écho
de lignes écrites,      et d’autres mots :
cela fait bien longtemps.
C’était comme remonter les heures,
et se voir autrement,
comme dans un miroir déformant,
mais qui garde les saveurs,
de la terre humide,         et des vents .

Quelques uns m’étaient sortis de l’esprit.
Quand je les ai relus,
J’en ai été ému,
En étant un peu surpris,
comme si j’avais ouvert
une boîte,       ensevelie sous la poussière,
où la mémoire patiente,
qu’il pleuve ou qu’il vente .

Mais cette mémoire m’a échappé,
elle rassemble des lignes,
pattes de mouches et signes,
restés couchés sur le papier.
Ce coffret ouvert,       par distraction,
offerte à mes regards indiscrets,
cachait donc des secrets.
Je les ai ouverts,    comme par effraction.

Les phrases se sont envolées ,
comme de la boîte de Pandore :
elles voulaient me dire quelque chose : je l’ignore,
mais sont restées sagement alignées.

Il est donc étrange , de parler à soi-même :
ainsi l’on se penche
avec des décennies de distance,
à relire des poèmes,
à retrouver des émois
des émotions et des pleurs,
et presque les odeurs
des sous-bois .

A propos, c’est comme la blessure,
qu’en son tronc,       l’arbre supporte.
Même si ce sont des amours mortes,
le dessin du cœur perdure,
et est toujours en devenir :
quoi de plus banal,
de retrouver les initiales
mais qui ne cessent de grandir.

Ces empreintes volontaires,
ce sont des essais
qui ne partent jamais,
et ne peuvent se taire.
Il y a quelque chose de moi
Je ne saurai dire exactement quoi,
malgré le temps qui passe,
qui revient à la surface.

C’est le miroir des pages
d’où l’on se regarde
si on s’y hasarde …
          on y voit son visage
Ou bien ce sont les écritures
qui nous guettent malgré l’oubli
Si on les relit,
         on reconnaît notre figure .

Pourtant je racontais des histoires,
peut-être par défi,
qui n’étaient nullement autobiographie :
alors il faut croire,
que, même caché        dans le noir,
au plus profond des secrets,
on dessine toujours son auto-portrait.
Cela remplace la mémoire qui s’égare.

L’espace s’est élargi
Je n’en connais plus bien        les limites,
Cette écriture manuscrite,
est sortie de sa léthargie :
Au fil je vais me suspendre
à l’intérieur de moi et dérouler
les années accumulées,
et ainsi apprendre

à lire d’une autre façon :
        Construire une stratégie
faire de l’archéologie
        Explorer la maison,
retrouver d’anciennes graines,
qui n’ont pas éclos
      Arroser l’arbrisseau ,
—- en faire tout un poème…

 
RC – juin 2016


Un fil tendu dans le silence – ( RC )


Environnement plat,  ( à peu près  ),…
…brume,
–       peupliers.
Le tout  défile.

S’il fallait prendre la photo,
D’abord descendre la glace,
L’air humide  tout à coup engouffré,
Et le flou de mouvement.

Une vallée          paresseuse,
Bien pâle en ce novembre,
Et juste        les ailes coassantes
des corbeaux.

La voiture progresse,
mange les kilomètres,
pour un paysage         semblable
ou presque .

Une musique pulse,
C’est une chanson
à la radio
qui rape

La caisse fonce,
Du son plein la tête
Sur le ruban de la route,
luisante.   Flaques.

A la façon d’un coin
Dans l’horizontale  :
– Traversière,
Phares devant

Yeux fixés,
Droit devant,
Etrangement  étrange
– Trait bruyant        ( un fil tendu

Dans le silence . )
La plaine tolère juste
De ses champs gorgés  d’eau
Son passage  éphémère

Se refermant sur elle-même,
Lentement,
Le bruit   s’efface          comme il est venu.
Les corbeaux reprennent leur vol.

RC – sept  2015


Roger Cibien – Où êtes-vous, bergers


 

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J’aimais, j’aimais beaucoup rencontrer sur ma route
Les vénérables pâtres, lents à se confier,
Parlant à petits mots, avec des gestes de sorciers,
Dans l’immense silence, ils me disaient… Ecoute !

Et alors subjugué, effrayé par mes doutes
J’écoutais, le vent, la terre, les sentiers
Parler, jaser, siffler.
Le grand monde alors m’épiait

Mais le pâtre était là, expliquant ma déroute.
Mais les bergers sont morts …
C’est un fil électrique
Qui garde le troupeau.

Finies les images d’Attique,
Rompu le trait d’union de Dieu et des Bergers.
Les secrets de la terre, les mystères du ciel
S’arrêtent à un fil invisible et cruel !

Où êtes-vous Pasteurs ? Où êtes-vous Bergers ?

 

Roger CIBIEN  (  extrait d’une  anthologie  de la poésie  lozérienne )


Ariane n’a pas laissé de fil ici ( RC )


fil d’Ariane  – voir l’article très instructif  sur le mythe  d’Ariane…    (mythe et symboles)

Je tire sur les fils, tendus qui traversent les esprits.

Je parcours ainsi la trame des jours,.

Ils s’approprient toutes créatures,

Et les conduisent, dirigés par ces fils,

A leur propre intérieur,

Qu’ils dévident lentement,

A chacun sa pelote.

Cet intérieur se tapisse, ainsi,

D’épaisseurs croisées, un cocon…

Mais ne préparant à aucune métamorphose.

Et si d’accident, la trame s’accroche

Au passage à celle d’un autre.

( C’est une rencontre, un mariage, une union)…

–            cela crée bien sûr des attaches.

Mais, contre les « toujours », les liens se distendent,

Et le tissu, va,s’effilochant ,

Pâlit à la longueur des années.

Pour se reconstruire, d’autres filaments viennent panser les plaies.

L’araignée répare sa toile déchirée.

Elle persiste à occuper les mêmes endroits.

Ceux que peuvent emprunter ses proies.

Peut-être y a-t-il aussi dans nos têtes,

Ce genre de coin, que l’on calfeutre,

Pour éviter les courants d’air,

Et amortir les chocs….

Mais si on gagne en confort,

A tout occulter,

C’est aussi mieux s’isoler, du reste du monde .

On n’y voit plus assez,

Pour se diriger,

Et aller de l’avant

On ne sent plus les vents,

Et le passage du temps…

D’ailleurs qu’importe,

S’il avale la pelote…

Ariane n’a pas laissé de fil ici,

Pour retrouver la sortie….

RC-  17 octobre 2013


Christophe Bourdin – le fil – extr 01


photo:       And Gursky

 

 

Car tu aurais aimé que chaque journée qui s’ajoutait aux précédentes fût inscrite dans le mouvement uniforme d’une continuité, qu’aucun accident ne vînt briser la ligne droite de ton histoire,

le cours de ton destin ; tu aurais voulu que chacune des décisions que tu prenais fût issue logiquement de décisions passées, que les heures qui s’enchaînaient fussent jointes, comme liées par un pacte, et non plus simplement contiguës, juxtaposées les unes aux autres ; et pourquoi pas, que le futur rappelât le présent toujours.
(Tu avais aimé, enfant, tout ce qui paraissait ramener au connu, ce qui reproduisait l’ancien, ce qui se ressemblait, les fréquences, les reprises, les événements qui répétaient la vie, les cycles, le retour des saisons, ce confort des recommencements, les rangées parallèles des marchandises dans les magasins, la séquence des conserves, les superpositions jumelles et les similitudes,

les collections aussi, qui propageaient, qui démultipliaient les choses, et les nomenclatures, les recensements, les sommes, les totalisations, ce qui voulait épuiser la réalité, ce qui semblait pouvoir renfermer le monde, les encyclopédies qui détenaient l’univers, les dictionnaires qui rassemblaient les mots d’une langue, les répertoires alphabétiques qui recueillaient le téléphone et l’ adresse des amis,

tous les fichiers, les énumérations, la liste des élèves qui résumait une classe dans une école, les annuaires qui regroupaient le nom des abonnes d une ville, d un département, d’une région, les almanachs, les calendriers, les agendas et les éphémérides, offerts le jour de l’an, qui possédaient l’année entière, et puis, surtout, les catalogues, où, page après page,

on dénombrait tous les vêtements, de la chemise à la chaussure, tous les objets, les outils, ustensiles en tous genres, appareils ménagers, le mobilier, les jouets, les gadgets, répertoriés, classés par thème, indexés à la fin ; tu prenais dans tes mains le livre lourd, tu te calais dans un fauteuil, tu tournais les feuillets un à un, tu suivais les images qu on y avait incluses, des chiffres, des numéros se succédaient, tu détaillais ce qui constituait pour toi un ensemble invariable. Une totalité. )

——–

 » le fil », est un livre  édité  aux éditions la parenthèse


Suspendu à ton regard ( RC )


photo:   Lewis Wickes Hine (1931)

 

Suspendu dans le vide,

Quelque part sur les hauteurs,

J’entends crier la voix du vent,

Sous le regard étonné des nuages

— Ne reconnaissent pas mes mots

Au delà des précipices…

 

Ravins obscurs d’où monte une brume

Qui déjà m’enveloppe .

 

Ce n’est pas une corde

Qui serait le fil  me reliant à la vie

Entre deux rochers

Mais juste ton cou que j’entoure,

Suspendu à ton regard,

Au-delà du vertige.

 

RC – 18 avril 2013

photo           Lewis Wickes Hine        – Icare


Un pied devant l’autre ( RC )


photo – auteur inconnu – carte postale

J’ai oublié les charlatans,
les acharnés, les magiciens, mécaniciens et les fortiches
Remisé les clefs.
Peut-être perdues,         qui sait ?

Et fait qui , d’un grand  voyage, sur un fil suspendu
Et sans assurance
En laissant sur place,  les vieux objets  et bateaux  rouillés
Autres  que ma confiance,
Si tout se déglingue  et moisit,
Je mets un pied  devant l’autre
Et c’est le vide dessous  qui me sourit,
Je n’ai plus soif

L »amour rajeunit,
Tout va venir,
Et l’aube encore,
Et demain,
Sera dans mes bras.

RC – 18 juillet 2012


Emmanuel Malherbet – Reste-t-il un peu du nord ?


 

 

 

photo Don Freeman - escaliers bleus

 

 

 

Reste-t-il un peu du nord ?

 

Où te tiens-tu

toi

sur le fil tendu

de l’été ?

des jours et des jours

et le ciel n’arrange que du bleu

et cogne

et tape en blanc sur les façades blanches

 

et toi

dans quel repli de fraîcheur

et d’ombre claire ?

 

dis

comment traverses-tu les nuits

si les nuits

aussi se figent et luisent ?

 

reste–t-il un peu du nord

où se cacher

 

 

Emmanuel MALHERBET  est publié aux éditions Wigwam