Norge – En forêt
La fille au garçon
Parlait de façon
Si douce.
On dirait sous bois
Un petit patois
De source.
La main jeune d’elle
En celle de lui
Gîtant
Si frêle en son nid,
C’est une hirondelle-
Enfant.
Le meilleur de Dieu,
Des temps et des lieux,
C’est eux.
Ineffable, étrange
Façon loin des cieux
D’être anges.
Ne bougez plus, même
Pour baiser leur front,
Comètes.
Ça vaut bien la peine
Que les choses rondes
S’arrêtent !
J’exagère ? Ô doux,
Ce lit de fougères,
C’est tout !
Cet heureux cénacle
Est le seul miracle
Au monde.
L’amie et l’amant,
Tout le firmament
Autour !
Grondez-le, tambours :
On ne vit que pour
L’amour !
Thomas Vinau – Quelque chose
Il y a quelque chose en lui
d’un enfant mort
qui se battrait
avec un vieux chat
Quelque chose de poussière et de cendre
de murmure et d’oubli.
il y a quelque chose en lui
qui chante
comme un Indien s’en va.
Quelque chose
de la bête qui fuit
de l’ironie d’un ciel
d’une petite brûlure
quelque chose
d’un méandre qui gonfle
d’un complot qui s’ourdit
D’une tempête perdue
dans les yeux d’une fille.
quelque chose de tendre
qui crie .
Richard Brautigan – 3 novembre
papier peint Rob Wynne
Me voilà assis dans un café
en train de boire un Coca.
Une mouche s’est endormie
sur la serviette en papier.
Il faut que je la réveille
pour essuyer mes lunettes.
Il y a une jolie fille
que j’ai envie de regarder.
.
Murièle Modely – ( En ) quête
![]() photo Mahafsoun ( deviantart )
Je suis petite fille Je tombe Je suis coupable d’enfance Je dégringole Car je cherche un passé,
– Un texte qui peut être retrouvé dans le site « écrits vains », parmi 8 autres de M Modely
– |
Alain Borne – Dors ma petite fille

photo Tina Modotti
Dors ma petite fille
tandis que des couteaux ensemencent d’argent
l’horizon qu’ils meurtrissent
c’est dans si longtemps qu’il faudra mourir
la vie descend vers la mer de son sable insensible
Dors contre mon cœur fleur de mon émoi.
Laisse-moi parler de ma vie
il est tard chez moi, ma petite aube
il faudrait une horloge folle pour sonner mes heures
un jaquemart d’enfer.
C’en est fini de la jeunesse où l’amour est sans réponse ces mains qui chassent tes
cheveux contre la douceur
du vent ces lèvres de chanson et ce cœur qui t’apaise sont ceux d’un homme de la honte
Laisse-moi parler de ce pays où l’on va vêtu de fourrures où règne un froid étrange et des
gestes légendaires
Tu le vois luire comme un nord de neige grise
C’est là-bas que j’ai vécu entre le meurtre et le remords
c’est là-bas que nous irons poussés par
Dieu et par le sang et je te recevrai
parmi les autres loups comme une louve
Dors dans le soleil et dans ta chair fragile
personne encore n’attelle le traîneau
le moujik s’enivre à l’auberge des âges
et les chevaux sont encore libres au-delà de la terre
Mais je sais que le
Vieux malgré sa longue ivresse construira la voiture de ses mains ironiques et qu’il fera
pleuvoir une pluie de lassos sur le rêve de ces montures
Je vois déjà son ombre immense, je la connais
il vient pour toi, il prend mesure
comme pour ton léger cercueil
et fait claquer son fouet dans l’air illusoire
où naîtra l’attelage
Ton innocence peut dormir sur la blessure de mon
cœur les lys poussent le long des mares et leur blancheur se
retrouve sur l’eau sale devenue miroir
Hélas j’écoute dans sa prison mûrir ton sang rien ne me retiendra de délivrer son cours
quand ta pudeur dépaysée des landes épellera les brûlures de la vie
Dors petite aube, dans le murmure de mon chagrin
la vie est douce, la mort est loin
et les chemins vont sous les fleurs vers un
Dieu qui sourit aux prières des vierges
L’huile de la vie ne descend pas encore consacrer ta chair d’un sacrement maudit et je
puis te ravir de légendes en poudre plus réelles pour toi que l’histoire de demain
–
Alain Borne
–

photo Tina Modotti
–
Marie- Simone Séri

peinture: Marie Guillermine Benoist
Madame, écoutez-moi. Vous êtes peut-être une mère, vous aussi, et vous pouvez comprendre. Ecoutez-moi. Je parle, je bouge, je travaille et il advient que l’on m’entende rire. Pourtant, je ne suis qu’un long cri silencieux. Je hurle en silence et l’on ne m’entend pas. En moi coule, ininterrompu, le flot destructeur de mes larmes cachées.
Pour survivre malgré la peine, pour continuer à paraître vivre, pour les miens et aussi pour moi, il me faut ici crier ma douleur. J’essaierai de le faire simplement, avec mes mots à moi, qui tenteront d’exprimer, si peu, si mal, mais avec une sincérité totale, comme si j’étais devant un juge, la souffrance causée par le drame qui m’a broyée.
Parce que vivre, c’est partager afin de ne jamais, un seul jour, oublier ceux que nous avons aimés. Je ne désire pas écrire un livre semblable à ceux que nous lisons pour nous distraire, pour nous instruire, mais seulement le récit de mes angoisses, de mes difficultés de femme, de mère. Je désire évoquer le jour terrible avec naturel, discrétion, pudeur. Evoquer la mémoire de ma fille avec l’immense amour qu’avant même sa naissance je lui avais porté.
Je désire dans ce roman transcrire mon Vécu en ses joies, en ses peines, peut-être en ses mystères…
Je désire m’exprimer. Evoquer mes joies. Evoquer mes jours. Evoquer mes nuits. Evoquer ma vie.
–
extrait de » Mon enfant mon cri ma vie. » Vincennes: Editions Menaibuc, 1997.
–
Auteur du Burkina Faso, voir le site de littérature africaine aflit
Henri Michaux – La jeune fille de Budapest
–
La jeune fille de Budapest
Dans la brume tiède d’une haleine de jeune fille, j’ai pris place
Je me suis retiré, je n’ai pas quitté ma place.
Ses bras ne pèsent rien. On les rencontre comme l’eau.
Ce qui est fané disparaît devant elle. Il ne reste que ses yeux.
Longues belles herbes, longues belles fleurs croissaient dans notre champ.
Obstacle si léger sur ma poitrine, comme tu t’appuies maintenant.
Tu t’appuies tellement, maintenant que tu n’es plus.
–
The girl from Budapest
In the mist of a warm breath of a young girl, I sat
I retreated, I have not left my place.
Her arms weigh nothing. One meets them as water.
What is faded disappears before her . There only her eyes remains .
Beautiful long grass, long beautiful flowers were growing in our field.
On my chest , so light tread obstacle , as you lean now.
You lean so , now , that you are no longer.
HM
Yvon Le Men – haut placé
« Son fils habite rue Paul Eluard/ quelqu’un de haut placé/ comme elle dit.
Plus haut que le maire ?/ Oui/ beaucoup plus.
il n’est pas d’ici
D’ici/ où les noms de rue/ résonnent encore des cris des résistants
D’ici/ d’où chaque jour elle cherche/ quelqu’un de pas trop haut placé/ pour chaque jour
Partager sa journée/ en deux/ et une partie cartes/ à quatre.
Elle vit/ avec elle/ depuis si longtemps
Elle vécut avec son amour/ il y a si longtemps/ du temps du passé/ simple.
Elle se souvient d’elle/ petite fille/ ne se souvient pas/ du nom des joueurs de carte/ d’avant-hier.
Elle ne connaît pas Paul Eluard/ ne sait pas qu’il a écrit une phrase/ qu’elle connaît
La mort est rentrée en moi comme dans un moulin
Et qu’on appelle un vers. »
Jean-Claude Pirotte – la fille, le bossu
Extrait du « Promenoir magique »
à la fille qui lui dit viens
l’homme promet sa chemise
les néons luisent dans le noir
et le filet d’eau du trottoir,
le bossu qui passe en boitant
ne peut jamais se retourner
à cause de sa bosse
et puis aussi du fardeau des années
mais les bossus deviennent rares
les tout derniers sont clandestins
comme dans la chanson
si tu vois un bossu
pense à ton destin
Robert Piccamiglio – Midlands – 01
J’apprécie beaucoup les textes de Robert Piccamiglio; Poète, il est aussi l’auteur de romans et pièces de théâtre…
Son grand récit « Midlands », fait écho – hommage, à son père, mineur…
en voici un court extrait… ( j’ai fait attention à respecter les retours de ligne).
———
Le matin quand je suis parti
Peggy dormait encore.
Ou faisait-elle seulement semblant ?
Mais quelle importance !
elle avait su se montrer si aimante
malgré la tristesse de ses yeux.
Avant de quitter la chambre une main sur la poignée’ de la porte j’ai fait un signe amical aux poissons multicolores enfermés dans l’aquarium.
Toujours en mouvement. Nageant silencieusement. Sans but.
Mais pourquoi dans le fond faudrait-il toujours chercher un but?
De Denvers nous avions filé dès le lendemain vers le Texas. Houston.. La ville près du désert.
De la fenêtre de l’hôtel je l’apercevais au loin. Charnel. Immobile. Mystérieux.
Avec ces dunes déployées
comme des ailes battant d’une mesure millénaire les promesses de l’horizon.
J’ai fermé les yeux
et j’ai pensé à des épaules dénudées
de femmes.
Ces femmes que nous avons cru aimer.
Ou était-ce nous-mêmes que nous cherchions
à aimer un peu plus à travers elles ?
Le matin la fille est sortie la première de la chambre. Je devais dormir. Ou je faisais seulement semblant
Eugène Durif – L’étreinte, le temps 05
L’avant-printemps nous a saisis en élégies craintives.
Petites filles se tenant par la main,
au poignet, le bracelet rosé d’une montre en toc.
Le soir, voitures abandonnées sur les berges, la lente montée des eaux.
Jean-Claude Pirotte – le temps c’est une perte de temps
le temps c’est une perte de temps et la vie c’est pareil
.je n’y suis pour personne à commencer par moi-même
tant pis si la pluie chante
doucement dans la rue dans novembre
et l’aube qui ne voit rien de rien,
la pluie elle peut chanter je sais
qu’elle n’est pas une jeune fille
ni la veuve d’un dieu ni l’âme
d’une dernière nuit d’amour
——-
texte extrait du « pavé » de JCl Pirotte ( plus de mille pages »)… « le promenoir magique »…- – voir l’article de Poezibao à ce sujet…
——-
–