voir l'art autrement – en relation avec les textes

Articles tagués “flaques

Un long chemin depuis les Landes – ( RC )


Un long chemin serpente entre les arbres,
irrégulier, parsemé d’ornières et de flaques.
semé de pierres ,
comme le fit le Petit Poucet,
et depuis le temps,
couvertes de mousse.

Loin est le pays auquel j’appartiens;
il monte insensiblement
depuis les Landes :
je le sais en allant vers l’amont,
suivant ruisseaux et cascades,
sous l’arche du vent.

Je quitte les fougères
pour des herbes plus maigres,
des buissons de ronce,
des asphodèles,
et marche sous le regard immobile
des champignons.

C’est comme dans un livre de Pierre Bergounioux,
ajouter mon pas au précédent,
mettre peut-être mes traces
dans celles que je laissais ,
cheminant dans l’autre sens

  • un retour imprévu pour d’autres saisons _.

Des années se sont écoulées;
je tiens ma vie en équilibre
sur deux jambes
qui remontent le courant,
les pentes arides
les rochers éboulés.

Je ne devrais pas penser
au temps qui trépasse ,
aux murs lézardés de la maison rose,
trop longtemps abandonnée,
que j’irai retrouver,
après cette trop longue pause.

note: il est fait référence ici à deux ouvrages de Pierre Bergounioux;

 » Ce pas et le suivant« , et « la Maison Rose« 


Zone portuaire – ( RC )


photos & montages perso

montage et photos RC

C’est un jour où l’hiver fait relâche,
au bas de la ville
où dansent les grues
jouant de leurs muscles orange.
Nous avons longé la zone portuaire,
les façades abruptes des entrepôts,
où l’océan pousse et respire l’iode
au pied de la jetée.

Les camions en attente,
derrière les grillages hostiles,
les bâtiments blanchâtres
où s’entassent de vieux pneus,
les containers empilés
se refusant à l’esthétique,
ainsi les odeurs de goudron et d’huile
revêches , comme les réservoirs de carburant.

Pourtant la géométrie sans fioriture des hangars,
le tracé capricieux des tuyauteries
se soumet à une linéarité
que soulignent leurs ombres portées ,
ce jour où les objets dessinent dans leur volume
leur propre contradiction, qui se révèle
au cœur même des flaques,
le bitume et ses plaques soulevées.

Il faudra attendre que le soleil se couche,
que les reflets jouent sur les métaux :
tôles et citernes désaffectées
et qu’un ciel obscurci les combatte ,
pour que la scène se change
en un théâtre flambloyant ,
rempart illusoire contre l’océan
qui patiente derrière la jetée.

Il porte le tragique d’un bûcher
dans un alambic d’angoisse
la couleur s’y déchire ,
les géants s’affrontent :
bras des grues opposés aux cargos sombres :
blondeurs de crépuscule qui font étinceler
les objets communs, des rails de la voie ferrée ,
aux cuves les plus modestes.

Ce n’est qu’un dernier cri,
où se distillent les éclats de lumière,
traversant les vitres.
Ils ricochent sur les poteaux métalliques:
mise en scène tragique
où tout ce qui s’oppose devient silhouette
avant que le faisceau des phares
ne prennent le relai.

photo perso


Du blues, et une nuit toute blanche – ( RC )


 

 

 

192523-- blue light.jpg

Je traverse une nuit toute blanche
qui a l’allure d’un vieux blues
où dansent quelques idées
à côté des poubelles.

C’est-il de me réveiller sur le pavé,
en côtoyant des bouteilles vides
et les flaques où se reflètent
les néons des boîtes à strip-tease ?

Des mots me viennent
et apprivoisent des blessures anciennes
quand je me redresse d’un pas mal assuré
en faisant quelques mètres,      plutôt syncopés.

Ce sont des vieux rythmes
qui me bandent la tête,
alors que je m’efforce de traverser
cette nuit de blues,              toute blanche.

 

RC-  avr  2020


Philippe Delaveau – la pluie ( II )


Pflanze, Regen, Natur, Grün, Saison, Blatt, Frisch

 

Maintenant dans les flaques se dilue

le dur monde ancien comme aux poils des pinceaux

la peinture collée qui se détache sous l’essence.

Debout, enfin lavé de mes refus, je m’apprête à la tâche.

Debout sur la terre lavée, Seigneur, je veux chanter

Ta gloire dans la force du vent, composer

nos hymnes parmi les pluies et la mesure, maître enfin

de mon chant dans l’assemblée des arbres et des hommes,

la fraîcheur nouvelle et l’odeur neuve du jardin,

sous l’arc dans le ciel neuf comme un luth de couleurs.


Un fil tendu dans le silence – ( RC )


Environnement plat,  ( à peu près  ),…
…brume,
–       peupliers.
Le tout  défile.

S’il fallait prendre la photo,
D’abord descendre la glace,
L’air humide  tout à coup engouffré,
Et le flou de mouvement.

Une vallée          paresseuse,
Bien pâle en ce novembre,
Et juste        les ailes coassantes
des corbeaux.

La voiture progresse,
mange les kilomètres,
pour un paysage         semblable
ou presque .

Une musique pulse,
C’est une chanson
à la radio
qui rape

La caisse fonce,
Du son plein la tête
Sur le ruban de la route,
luisante.   Flaques.

A la façon d’un coin
Dans l’horizontale  :
– Traversière,
Phares devant

Yeux fixés,
Droit devant,
Etrangement  étrange
– Trait bruyant        ( un fil tendu

Dans le silence . )
La plaine tolère juste
De ses champs gorgés  d’eau
Son passage  éphémère

Se refermant sur elle-même,
Lentement,
Le bruit   s’efface          comme il est venu.
Les corbeaux reprennent leur vol.

RC – sept  2015


René Depestre – Minerai noir


3313123346_4280d73482 18 of 44_O.jpg

Quand la sueur de l’Indien se trouva brusquement tarie par le soleil
Quand la frénésie de l’or draina au marché la dernière goutte de sang indien
De sorte qu’il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d’or
On se tourna vers le fleuve musculaire de l’Afrique
Pour assurer la relève du désespoir
Alors commença la ruée vers l’inépuisable
Trésorerie de la chair noire
Alors commença la bousculade échevelée
Vers le rayonnant midi du corps noir
Et toute la terre retentit du vacarme des pioches
Dans l’épaisseur du minerai noir
Et tout juste si des chimistes ne pensèrent
Au moyen d’obtenir quelque alliage précieux
Avec le métal noir tout juste si des dames ne
Rêvèrent d’une batterie de cuisine
En nègre du Sénégal d’un service à thé
En massif négrillon des Antilles
Tout juste si quelque curé
Ne promit à sa paroisse
Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir
Ou encore si un brave Père Noël ne songea
Pour sa visite annuelle
À des petits soldats de plomb noir
Ou si quelque vaillant capitaine
Ne tailla son épée dans l’ébène minéral
Toute la terre retentit de la secousse des foreuses
Dans les entrailles de ma race
Dans le gisement musculaire de l’homme noir
Voilà de nombreux siècles que dure l’extraction
Des merveilles de cette race
Ô couches métalliques de mon peuple
Minerai inépuisable de rosée humaine
Combien de pirates ont exploré de leurs armes
Les profondeurs obscures de ta chair
Combien de flibustiers se sont frayé leur chemin
À travers la riche végétation des clartés de ton corps
Jonchant tes années de tiges mortes
Et de flaques de larmes
Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné
Comme une terre en labours
Peuple défriché pour l’enrichissement
Des grandes foires du monde
Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle
Nul n’osera plus couler des canons et des pièces d’or

Dans le noir métal de ta colère en crues.


Le terrain vague – ( RC )


 

Entre les façades tristes, et mutiques
des rangées d’immeubles,
gît une  zone indéfinie,
et personne ne revendique
les marges floues d’un territoire  ;

ce lieu de passage, où rien ne semble certain,
comme l’oeil étrange d’un étang,
habité d’une  vie secrète, à quelque  distance,
sous la vase.
Les formes, même  celles  des plus banales,
semblent  dériver à force d’abandon,
sans  se heurter  aux  certitudes du ciment
et du goudron.

Des  sentiers hésitants contournent des bosses,
évitent des flaques, où courent  des nuages  gris.
Je les empruntais comme des raccourcis,
ou bien avec les copains, les jours  de désœuvrement.

Des bois morts  sont des trophées anciens,
où s’accrochent d’anciens  pneus de cycles.
Des graminées amères se disputent des tas  de gravats .
Surgissent  parfois des pierres taillées,
des morceaux de murs bousculés,
où se lisent  encore  des slogans  rageurs,
et graffiti à moitié  effacés .

Ce espace  échappe  à la  géométrie,
se rebelle avec le présent, et régurgite  de son ventre ,
des objets, qui y étaient  enfouis,
lestés de batailles  secrètes .

Des objets métalliques dont on ne saurait plus expliquer  l’usage,
des tesselles  de mosaïque  aux couleurs vives,
et même  je me souviens, du crâne d’une  vache,  
aux  cornes envahies  de mousse .

Ces voyages  imprécis, aux  abords  de la ville,
tenaient  d’un purgatoire .
D’une  rumeur  entre deux rives :
elle  confessait la parole d’un passé, pas encore  normalisé .

Les parcours  capricieux, avaient  quelque  chose à voir ,
sans doute,   avec l’adolescence.
 
Comme elle, quelques  années suffiraient à en interdire l’accès,
à le cerner  de murs, avant de le transformer,
en parking  de supermarché.

RC  – janv  2015


La lumière a ton regard ( RC )


-

– photo auteur non identifié –            » Paradise »             expo Carroussel du Louvre  2009

À quoi ressembleront tes yeux ,

S’ils reflètent les flaques du ciel,

A travers vents et colère,

Traversant l’amer… ?

Se précipite la déchirure du ciel,

Le roulis des nuées grises,

Le plomb du poids des vagues,

S’écrasant sur la coque.

Sillage de solitude,

Je suis l’oiseau des îles,

Aux ailes immobiles,

Parcours, inattendu,

Sérénité repoussant l’orage,

Dépliant ses pages,

Hors du chaos du monde,

Guidant le voilier à bon port.

Si la mer, s’ouvre soudain,

Comme dans la légende,

Et laisse ses murs de verre,

Comme en suspension,

Et si tes yeux ainsi,

Retrouvent leur lumière,

Alors, je pourrai peut-être

Croiser à nouveau ton regard.

RC – 17 septembre 2013


Sirène du comptoir ( RC )


peinture  Ed Manet:  détail  du  Bar des Folies- Bergère

peinture Ed Manet: détail du Bar des Folies- Bergère

Elle, sirène  du comptoir
Essuie les verres
Et frotte ses mains  sur son tablier.

Elle, sirène,     n’a pas un regard
Sur le soleil au dehors,
Il rebondit sur les flaques

Lui, repose sa bière et se lève,    lourd
Glisse une pièce dans le juke-box
Un temps        –   et l’appareil s’anime.

Le bar se remplit de la voix
D’un Fats Domino, qui parle de fruits noirs…
Lui, revenu à sa table,     l’oeil ailleurs…

Associe fraises  et néons jaunes
Entraînés par le slow, avec une  sirène brune,
Elle  sirène,  a laissé sa queue au vestiaire

Et maudit ses pieds lourds
Surveillant l’heure  , reflétée à l’envers
Dans la glace  du fond   ( celle aux  néons jaunes)

Les fraises  se sont envolées, — et la chanson éteinte…

 

RC    -26 mars 2013


Figures rougies du musée de cire ( RC )


Kate & William au musée Mme Tussaud de New York

Kate & William  au musée Mme  Tussaud, transformé  par mes soins...

Kate & William au musée Mme Tussaud,                                transformé par mes soins…

Les figures  rougies
Du musée de cire
En habits  d’époque
Transpirent de drame

Comme des bougies
Portées de souvenirs
Et de soliloques
Ramollies aux flammes

Les regards humides
Des célébrités
Aux sourires figés
En bal costumé

N’échangent que du vide
Pour l’éternité,
— Présence obligée,
….  salons enfumés.

Ministres et présidents,
Gouvernants du monde
Côtoient tous, en vrac,
Stars et gens  d’église…

Ramollissent lentement
Aussi bien ils fondent,
Se retrouvent en flaques
Sur la moquette  grise.

RC  –  27  décembre  2012


Marée noire ( RC )


photo l’Express –         agence REUTERS /     Mike Hutchings

 

 

 

Un reflet            sur les flaques visqueuses

C’est le clin d’oeil d’une lumière qui s’élance

D’une lune voilée, qui va, vient et danse

Au milieu de nuées     et fibres laiteuses

 

La mer est lourde      d’un ressac hagard

Elle porte              un couvercle si lourd

Qui confisque son souffle,    son amour

——–Et ne nous rend pas notre regard.

 

C’est d’un calme,           une menace immobile

Les oiseaux                    englués de désespoir

Ils ne verront plus l’air,           en marée noire

Ce qu’on dirait                   – une mer d’huile –

 

La mer, l’amère ne se jette plus sur les rochers

Elle n’a plus d’écume,              que le goudron

Au rendez-vous du sable,     plus de poumons

Silences de vie ôtée,     kilomètres de déchets

 

 

RC  –  27 septembre  2012