Jean- Claude Pirotte – vesper –

la douceur c’est le passage des péniches dans le soir puis les berges de la nuit et les vallées du sommeil on voit s’allumer l’enseigne du Café de la Marine les bateliers se saluent d’Anseremme à Rotterdam ils ont transporté le sel le ciment le manganèse ils boivent des bières noires le genièvre de Hasselt et sur le marbre des tables ils frappent leurs paumes larges et parlent toutes les langues dont les fleuves sont l’écho
Ardennes
Le promenoir magique et autres poèmes
Ed La table ronde
Amina Saïd – deux parenthèses ne font pas un cercle

Deux parenthèses ne font pas un cercle
et n’ont rien de définitif
puisqu’elles s’ouvrent et se ferment
comme une porte à laquelle frapper
ou encore les paupières et la bouche
d’un homme ou d’une femme qui parle elles sont simplement les cils de nos yeux
quand ils regardent le monde ou deux ailes
pour s’envoler au-delà de la page
de même les aiguilles des horloges
ne sont pas des flèches
et ne savent pas rejoindre la cible
ni ne sont le bec d’un oiseau
mais elles consentent à la séparation
du temps et du fleuve
car le temps tout entier présent
en chaque instant ne se laisse pas
enfermer dans une boite
il coule comme la lumière ou le sang
sur les feux de la terre
Amina Saïd – chronique des matins hantés (ed du petit véhicule)
on peut avoir plus d’informations sur cette auteure en allant sur « mots à la ligne », d’où est extrait ce texte
Georges Drano – prairie

La prairie se reconnait
dans ce qui est plus loin
dans l’insignifiance
où le corps de l’eau remue
et se défait.
Le fossé est une arrière-pensée
pas même un paysage.
Dans ses fenêtres, des fleuves entiers,
des ravins
des couleurs
et lui-même, un lieu tourné
par la terre.
Le musée dans la piscine – ( RC )

C’est un endroit curieux
( généralement le cas des musées
que l’on fréquente encore habillé )
où l’on voit des demi-dieux
interrompant leur mouvement ,
bien conscients du danger,
avant d’aller plonger
avec leur accoutrement
dans la piscine
évoquant de très loin
la mer qui se souvient
des marées ( et ici, piétine ).
C’est une eau stagnante
où personne ne se risque
car la vie se confisque
dans une mort lente .
Quelques émanations perfides
auxquelles on ne s’attendait guère
ont changé ces héros en pierre,
( à tout jamais rigides
semblerait-il, pour l’éternité ):
on ne s’attend pas à les voir courir
ou les voir s’enfuir ,
condamnés à l’immobilité .
Peut-être est-ce préférable
à un autre destin tragique:
ces personnages de l’antique
retournant en sable
ou bien des anges
à qui on aurait coupé les ailes,
transformés en statues de sel…
le Moïse de Michel-Ange
souffrant d’insomnies
soumis à rude épreuve
retrouvé au fond d’un fleuve
ou au large d’Alexandrie…
Alors, mieux vaut patienter
( contre mauvaise fortune, bon coeur )
sous l’oeil des connaisseurs
fréquentant le musée…
L’éternité est pour eux,
rien ne presse :
ils attendront que le charme disparaisse:
il faut voir le côté avantageux,
d’être quand même à l’abri,
rassemblés ici
dans cet endroit incongru
plutôt que d’errer dans les rues .
Je ne vois qu’une solution :
c’est ce que je pense et estime –
Pour que ces statues s’animent,
proposons l’absolution,
et que des génies
changent l’eau en vin
( ou plutôt en eau de vie…)
il faut aider son prochain,
faire que le sang
de nouveau circule,
que les dieux fassent des bulles,
ils nous en seront reconnaissants –
Vicente Gerbasi – Espace secret

Les arbres morts à l’horizon du soir
dessinent la frontière du feu.
Il y a des distances mortelles dans les lignes de la main,
dans les veines du cœur.
Voici un fleuve obscur qui reflète les orangers,
les passagers du temps comme en un carnaval,
les serpentins qui se consument dans l’ombre,
les lierres clairs au fond
où s’illuminent les masques
et s’abolissent les visages.
L’éclair glace l’enceinte des coqs.
Je vois les espaces, rouges, bleus, lilas,
où les profils se pétrifient.
Leon Felipe – Je ne suis pas venu chanter
Gravure MC Escher ( partielle): goutte de rosée
Je ne suis pas venu chanter, vous pouvez remporter votre guitare.
Je ne suis pas non plus venu et je ne suis pas ici pour remplir mon dossier pour qu’on me canonise quand je mourrai.
Je suis venu regarder mon visage dans les larmes qui marchent vers la mer,
Le long du fleuve,
et le nuage…
et dans les larmes qui se cachent
dans le puits,
dans la nuit
et dans le sang…
Je suis venu regarder mon visage dans toutes les larmes du monde,
et puis aussi pour mettre une goutte de mercure, de pleurs, ne serait-ce qu’une goutte de mes pleurs
dans la grande lune que fait ce miroir sans limites où ceux qui viennent me regardent et se reconnaissent.
Je suis venu écouter encore une fois cette vieille sentence dans les ténèbres :
Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front
et la lumière à la douleur de tes yeux.
Tes yeux sont les sources des pleurs et de la lumière.
Alain Paire – images d’un fleuve
Lignes rompues par rien que poussière,
captives sans rêve, les voix.
Pareilles à des corps de mendiants
(la nuit, on les voit sur les quais,
ils cherchent le sommeil).
Derrière les vitres jaunies de l’atelier
le peintre reste silencieux.
Courbées leurs silhouettes de voyageurs
font le geste de boire.
(Les dieux gardent muettes leurs images,
des écritures se défont
dans les prières de l’aube.)
Tandis que l’homme redescendait au plus près de la rive,
la cendre grise s’allégeait.
Fraîcheur d’un reflet sur l’eau,
sur son chemin les frondaisons bougeaient doucement ,
tout semblait pouvoir être absous.
Fadwa Souleimane – la rive du fleuve
grenouille qui mange une libellule
la rive du fleuve
cigogne qui mange la grenouille
qui a mangé une libellule
dans l’eau du fleuve
poisson qui mange un poisson
la rive du fleuve
homme qui pêche le poisson
qui a mangé un poisson
la rive du fleuve
l’homme mange le poisson
qui a mangé un poisson
et en donne à ses petits
près du fleuve
les petits enterrent leur père
qui a pêché le poisson
qui a mangé un poisson
mort étranglé par une arrête
dans la tombe près du fleuve
les vers mangent le corps de l’homme
qui a mangé le poisson
sur la terre près du fleuve
les oiseaux mangent les vers
qui ont mangé le corps de l’homme
et se mettent à chanter
la rive du fleuve
un homme chasse les oiseaux
qui ont mangé les vers
et se met à contempler
la beauté de la rive du fleuve
rive qui reste silencieuse
Paris, 12 septembre 2012.
François Montmaneix -Visage de l’eau (extraits)

František Kupka, L’Eau (La baigneuse)
Tes mains ont la douceur de l’eau
passe-les lentement sur mes yeux
ce sera un silence clair
où choisir parmi les pensées
celles qui rentrent de la mer
en lâchant au-dessus du monde
un envol d’oiseaux blancs
que nul ne peut toucher
s’il n’a les gestes d’un enfant
* * *
L’eau a pour nom un village en hiver
arraché au vent de la nuit
mais si tu veux vivre encore
viens respirer le bois qui brûle
il pleure et rit un peu
je l’ai vêtu de fumée de sapin
et du miracle d’un vin de paille
pour que la dernière porte
nous paraisse légère
* * *
Il y a ce brouillard
premier-né de l’automne
il y a les plus fines
colonnes du silence
dans le soir gonflé d’arbres
il y a tout au fond du verger
cette absence d’enfants
et sur le fleuve
qui m’a donné ton visage
un temple est là
dont nul ne connaît l’entrée
* * *
Je parcours je bois la lumière
qui te vêt d’un habit de sel
dont l’amertume est douce sur tes lèvres
et j’écoute à travers l’arbre
un passage d’oiseaux
comme il en vient aux villes de la mer
lorsqu’un enfant montre le ciel
après avoir écrit le nom aimé
sur un trottoir de craie
Visage de l’eau Ed. Pierre Belfond
Robert Ganzo – Orénoque (extraits)

Jean Fautrier – Paysage
Orénoque, fleuve qui roule
parfums et clameurs, à travers
des paradis et des enfers,
avec ton nom de femme soûle
et tes couleurs de mascarade,
mais pur encore, et loin de vous,
Indes, théâtre pour les fous,
Europe triste, Orient fade !
Déversoir scintillant des Andes
pour le chaotique troupeau
des monts qui, blessés sous leur peau,
saignent en toi comme des viandes.
Mais quand la nuit souffle tes bords,
un éventail glisse, s’allume,
soudain se ferme et c’est alors
la mort sous des baisers de plume.
***
Je ne sais pas jusqu’où je plonge
et ne sais plus où tu finis
lorsque le chaud sommeil allonge
nos corps étroitement unis.
Tu t’éloignes vers quelle rive,
oiseau que je retiens encor,
et qu’un envol étrange rive
à moi, vivant et déjà mort ?
La nuit organise ton rêve,
où de grands arbres tout vidés
dressent leur tronc, sans chair ni sève,
comme des squelettes fardés.
Dans l’ombre, autour de nous, sans doute,
flotte le vampire géant,
tandis que sur ta peau j’écoute
ton cœur me sauver du néant.

Jean Fautrier – Planche pour Orénoque
Salah Al Hamdani – Lanceur de cailloux
À force d’espérer te revoir je vais reconquérir ton aube
Je vais ramasser les dattes gorgées de balles
et la main pleine
ne sacrifier à ta lumière
Aux nuits de l’exil
je vais jeter un pont de regrets sur le fleuve
et ensemencer les clos .
Gabriela Mistral – L’attente inutile
sculpture en bronze représentant une fille tenant un cadran solaire, au jardin botanique de Brooklyn
—
J’avais oublié qu’était devenu
rendre ton pied léger,
et comme aux jours heureux
Je suis sortie à ta rencontre sur le sentier.
J’ai passé vallée, plaine, fleuve,
et mon chant se fit triste.
Le soir renversa son vase
de lumière, et tu n’es pas venu !
Le soleil s’effilocha,
coquelicot mort consumé;
des franges de brume tremblèrent
sur la campagne. J’étais seule!
Au vent automnal craqua
d’un arbre le bras blanchi.
J’eus peur et je t’appelai ;
Bien aimé, presse le pas!”
J’ai peur et j’ai amour,
presse le pas, bien-aimé!
Mais la nuit s’épaississait
et croissait ma folie.
La espéra inûtil.
—
J’avais oublié qu’on t’avait
rendu sourd à mes cris;
j’avais oublié ton silence,
ta blancheur violacée;
ta main inerte, malhabile
désormais pour chercher ma main,
tes yeux dilatés
sur la question suprême!
La nuit agrandit sa flaque
de bitume; augure maléfique,
le hibou, de l’horrible soie de son aile,
griffa le sentier.
Je ne t’appellerai plus
car tu ne parcours plus ton étape;
mon pied nu poursuit sa route,
le tien est au repos.
C’est en vain que j ’accours au rendez-vous
par les chemins déserts.
Ton fantôme ne prendra plus corps
entre mes bras ouverts!
Justo Jorge Padrôn – une pluie aux syllabes bleues
la pluie tombe en syllabes bleues.
Herbe et feuillages se réveillent,
splendeur qui demeure dressée,
vivante dans la fleur, l’arbre, les parfums silencieux
qui glissent dans les lits du soir comme des fleuves.
la pluie polit de son bleu les pierres noirâtres
et les écale avec douceur depuis leurs centres durs.
Elle palpe leur chair captive, la délivre, la dénude
en corolles à la pulpe rouge.
Sève que le soleil invoque, soleil qui moissonne la pluie.
Feu cruel asséchant le vert en sa sveltesse,
prairie qui s’asphyxie en sillons désertiques,
pétale rouge qui s’achève en roche,
roche qui se replie, qui s’emprisonne
et se tait, sourde et noire, jusqu’au jour du miracle :
où toute audace, arrive le printemps
qui nous apporte une pluie de syllabes bleues.
Philippe Delaveau – alouette
L’alouette au sommet de sa tour flambe seule, veillant l’air bleu, dictant
au ciel son allégresse. Et par ses yeux le poème connaît
le verbe, illuminé de verreries, puis le beau rythme
dont les arches assoient le pont sur le fleuve silence.
Et l’habitante au fond de moi, la secrète intangible admire
les mots soudain en ordre sans comprendre. Je ne suis rien
que l’instrument que l’on accorde à la lumière.
( Calendrier de la poésie francophone 2011)
Marc Exavier – L’espoir est un soleil impair
Lithographie: Georges Braque: soleil et lune II ( 1959)
( extrait des « chansons pour amadouer la mort)
L’espoir est un soleil impair
Un frisson volé aux miroirs
L’espoir est une ruche folle
Une ruée de clignements
Une rumeur aux gras de sel
Une marée mure de sang
L’espoir est un chemin aveugle
Un désespoir qui se recharge
Un écho qui choisit les mensonges
Un gisement de ciels
L’espoir est un fleuve qui rêve
Dans le soir fumant de la soif
L’espoir est une légende confuse
Où l’amertume fermente et soigne
Son goût de cendre et de tumeur
J’habite mes ossements
Cœur à chaos nageur soluble
Une erreur qui crée ses calculs
La vie est un soleil aveugle.
–
On peut lire d’autres extraits ici…
la soif du Niger – ( RC )
photo Françoise Hughier
–
Aucune poussière suivant la marche de l’animal.
Un long fleuve prolonge ses rives,
Paresse dans la plaine écrasée de soleil;
Une pirogue en silence se dirige vers l’aval.
L’eau n’a pas de rides, lourde,
semblant coller aux mouvements
lents de la pagaie.
Un homme à la peau très sombre est à bord,
Contraste marqué au gris figeant le ciel,
celui, légèrement différent des sables et de l’eau,
répercutent ces teintes monotones.
Le temps est stoppé, écrasé par la chaleur,
au bord du fleuve Niger.
Le chameau n’a pas progressé.
Sa tête est baissée.
Le reflet immobile boit son image.
Soif impossible à désaltérer:
Qui s’attendrait à voir en cet endroit,
Une statue de bronze ?
–
RC – juin 2015
Eric Vuillard – Qu’est-ce que c’est, un fleuve ?

photo: Jan-Joseph Stok
–
Qu’est-ce que c’est, un fleuve ? Un peu de boue et beaucoup d’eau.
De l’eau.
Cette chose qui coule.
Il y a, dans un fleuve, une multitude de vies et de morts, de chemins, une multitude de galets, de sable, de rochers, et tout ça se soutenant seul et formant une grande cicatrice où l’eau coule.
Et puis il y a les rives. Au-dessus de ce que nous sommes en secret, il y a les rives, où le fleuve quelquefois déborde, emportant tout ce qu’il peut, mais qui sont d’habitude libres, dans la lumière.
extrait de « Congo » voir les » notes de lecture »
Jean-Baptiste Tati-Loutard – Quelques lampées d’eau ne peuvent éteindre le feu du cœur
Nous avons enfoui l’éclat de noces
En ce bord du haut fleuve,
Et la terre tourne au seul vertige
De notre amour.
Les crues vont sonner l’alerte contre l’arbre
Où l’oiseau des sables sous la feuillée
N’est plus que son propre cri.
Quelques lampées d’eau ne peuvent éteindre
Le feu du cœur.
Tu es le seul pâturage qui me reste,
Étends ton corps comme l’herbe des champs,
Que j’y conduise le troupeau de mes désirs.
Fleurs d’air et d’eau. Brisures passagères ( RC )
Et la masse lentement glisse, Retenue par la terre, Canalisée par le creux des roches, La coulée tranquille du fleuve, Reflétant les moustiques, Coléoptères haineux, Hélicoptères, brisant le ciel De leurs pales, momentanément, La fleur de l'air se referme immédiatement, Dès qu'ils s'éloignent, Comme l'eau du fleuve, justement, Le lancer d'une pierre , Après le choc, l'avalant Inexorablement, Brisure momentanée d'une quiétude - Qui prend tout son temps. > De son éternité liquide, et renouvelée. - RC -2 octobre 2013
–
* l’expression « fleur de l’air » est de René Char ( de la « parole en archipel » ):
–
Pierre Torreilles – Où je suis
Où je suis
——–
Ordre
de ce qu’ont tu
le grand désordre évanescent,
l’oubli déchiqueté d’une mémoire souveraine,
je suis le Décillant.
Chaque épave
, gravide,
laisse à mes doigts l’écho.
…je sculpte le silence
,parole improvisée,
la montagne sonore.
L ‘oiseau est ma ponctuation.
Voici
le grand ressac,
l’ absence écrite,
sur l’ épaule du jour
la terre,
en suspens, ô bannissement ressassé !
la volonté féconde et la ténèbre qui l’accueille
le feu
de quelque encerclement.
Sans ombre le déclin
à la merci de la rupture,
le corps
bleu
maintenant qui me voit.
S ‘entre-dévorent , .
éblouissant,
la lumière et la nuit dans la parole qui sommeille.
Viennent bientôt m’habiller l’aube,
ruse,
de ses mots éloignés le silence,
le corps de l’air.
De nulle écoute l’horizon
quand accoste ma résonance.
*
Le mot,
déjà reçu,
dans mes pas
, oublié,
oblique lame sinueuse
l’éclat…
de quel sentier,
livide cicatrice?
Vacille
le miroir le fleuve où s’est réfugiée la mer.
Soudain tari
le puits,
intime appui du jour
abrupte éclosion de ma bouche sonore.
Quel fil descend
depuis l’ éther jusqu’en la terre,
s’étend au plus profond où séjourne l’éveil?
Du plus obscur survient l’imprononcé,
détrempé de lumière.
—
extrait de « Où se dressait le cyprès blanc » Gallimard 1992
–
Porfirio Mamani-Macedo – eaux promises VI
Dis-moi si quelque chose te rappelle hier. Un fleuve ? Une montagne derrière une ombre ? Peut-être quelqu’un que tu as aimé en silence ? Qui ? Peut-être un inconnu qui s’est égaré en pleurant au coin d’une rue bleue ? Dis-moi si mes paroles d’hier te rappellent quelque chose, aujourd’hui étant déjà du temps passé ! La parole naissante est sans importance quand tu passeras. Elle continue de chercher dans l’herbe l’arbre promis ! Les nuits succéderont aux jours, comme à tes pas en succéderont à d’autres, encore inconnus. Maintenant je ne suis personne dans le bruit immense de ton regard distrait, mais je vis dans chaque instant qui passe.
Traduit de l’espagnol (Pérou) par Max Alhau
– See more at: http://www.recoursaupoeme.fr/porfirio-mamani-macedo/eaux-promises-vi#sthash.W0wzJmGZ.dpuf
–
Anonyme ( RC )
peinture: oeuvre de Peter Philipps 1963
–
Anonyme –
L’anonyme se confond avec les murs
Une brume flottante envahit la scène
Tout est opaque, les sons de portent pas
A plus de cinq mètres, et les tentatives
de distinguer , du brouillard, au-delà du rideau
Se heurtent à un voile dense et ouaté
C’est l’instant où la lumière est bue
Où, même la cloche de Big-Ben est « tue »
Où se tourne le film de toutes les terreurs
Et qui peut surgir alors ? C’est Jack the Ripper…
Je suis un anonyme, que rien ne distingue
Dans la foule, je suis gris,
et porte peut-être , un parapluie
Je suis en kaki, au milieu de la soldatesque
Matricule numéroté, élément casqué
Se fondant dans la masse, je suis l’automate
Sans sentiments, lisse et hors de l’ âge
Pas besoin de tenue de camouflage
Sans aucun avis, et rien ne dépasse
Je suis mon destin, celui de ma race
Ne maîtrisant rien, – et l’avenir m’embrasse
Flottant dans un fleuve, des petits points, des faces
Ne choisissant pas , la courbe , les trajectoires
Au p’tit bonheur la chance, et gardez bon espoir
De revoir un jour, un peu de lumière
Devenir quelqu’un , sortir de l’hier
–
RC – 24-mai -2012
–
T.S. Eliot- Arriver là d’où nous sommes partis

peinture: Jerome Bosch – extrait du » jardin des délices »
–
« Nous ne cesserons d’explorer
Et le terme de toute notre exploration
Sera d’arriver là d’où nous sommes partis
Et de connaître cet endroit pour la première fois.
Franchir la porte inconnue et reconnue
Quand le dernier coin de terre à découvrir
Sera le commencement même ;
À la source du plus long des fleuves
La voix de la cascade cachée
Et les enfants dans le pommier
Non connus car non recherchés
Mais entendus, à demi entendus, dans le calme
Entre deux vagues marines. »
de « « Little Gidding », Quatre Quatuors »
–
–
Il est des paroles précieuses ( RC )

installation: Michael Heizer
–
Il est des paroles précieuses,
De celles qui dessinent un contour inoubliable
A travers l’air, à travers l’espace d’une page.
Il est des voix, qui traversent les époques,
Marquent la peau des mots
De la couleur des choses précieuses,
Et qu’il serait inutile de taire, d’enfermer dans une boîte,
Et de soustraire au monde,
Comme celui qui enfouit son or, sous la terre.
Celle-ci a beau garder ses secrets,
Sous l’épaisseur nourricière, parcourue de racines,
On y trouve quelquefois des bijoux, et quelques pièces,
Mais surtout des cadavres, qu’il est plus décent
De cacher aux yeux des vivants,
Et de cacher aussi les crimes, des mêmes vivants,
En attendant l’oubli, – à défaut de pardon
Et le retour à la terre…
Sous elle, – beaucoup de silence,
De la glaise collante et des pierres lourdes,,
Mais , des pensées et des voix, point ;
– Elles ont besoin des vivants
Pour continuer leur course,
De bouche en oreilles, d’écriture en lecture,
– De pensées en pensées, comme ricochant
Sans s’arrêter sur un fleuve devenu très large,
Que chacun alimente, à sa façon.
Il est des paroles précieuses,
Marquées de la peau des mots,
Qui coulent de source
Et leur couleur importe aussi , peu,
Sans jamais les enfouir
Dans son corps
Ou au creux de la terre.
— > Il suffit de les écouter.
–
RC – 22 avril 2013
–
écrit en relation avec un texte précédent:
–
Cristina Campo – été indien
–
Octobre, fleur de mon péril
printemps chaviré dans les fleuves
Parfois la mort même m’est indifférente
– l’ érable a interrompu son vol, les feux s’obscurcissent –
parfois m’assaille la terreur d’exister,
rayonnante, comme l’aster rouge.
Tout est déjà connu, la marée prévue,
pourtant tout s’enténèbre et s’éclaire
d’un frais désespoir, d’une merveilleuse fermeté…
La lumière entre deux pluies, sur la pointe
du fleuve qui me transperce entre corps
et âme, est une lumière de nuit
– la nuit que je ne verrai pas –
claire dans les forêts.
Cristina Campo
» Le tigre abscence « ed Arfuyen
—
Robert Piccamiglio – Midlands – 06 – Plus tard ( 02 )
–
L’argile du cœur broyé par l’indifférence. La peur. La haine.
Aux pieds des frénésies du pouvoir toujours en marche.
Ce pouvoir je l’ai senti
sur les scènes du monde entier.
Je n’étais alors ni le troupeau
ni l’infime sillon. ni le berger anonyme.
J’étais comme cette terre riche de feu. Fusion éternelle. Longue course vers l’infini.
J’étais le ciel heurtant les saisons. L’amant.
La maîtresse habillée de gestes vifs. Insoumise.
J’étais ce fils
que je n’ai pas connu.
Ce Cavalier maintenant égaré.
J’étais cette tille que je n’ai pas eu. Cette Reine oubliée. Cette Fée d’éternité.
Le pouvoir je l’ai senti comme la rivière charriant le sang.
Puis le fleuve emportant les cadavres d’où venait le sang.
Je restais immobile.
Triomphant.
A l’image de ces volatiles
qui Jamais ne se posent.
Qu’importe la saison. .
L’odeur de l’herbe ou de la pluie.
Jamais ils ne suspendent leur vol.
Même les blés accueillant. Ou l’arbre tendant ses bras aux douceurs zénithales ne leur font refermer leurs ailes.
–
Midlands est publié aux éditions Jacques Bremond, qui utilisent très souvent du papier recyclé « artisanal »….
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